La nouvelle bibliothèque scientifique universitaire de Nice

Alban Daumas-Flocia

Sur les pentes de la colline de Cimiez s'élèvent les différents bâtiments de la Faculté des sciences de Nice dont la bibliothèque ouverte en avril I964. Située en bordure d'une olivaie à sauvegarder, elle dessine un arc de cercle. Ses surfaces se répartissent sur trois niveaux principaux dont un à demi enterré du fait de la dénivellation du terrain. Elle est du type nouveau dit à sections ou à secteurs spécialisés. Description des locaux.

Au nord-est de Nice, sur les pentes de la colline de Cimiez, s'étend un parc de onze hectares. De riches propriétaires y firent construire un château de style « gothique écossais », un théâtre avec toutes ses dépendances, une « isba », des ruines gréco-romaines! Ce parc planté d'une très grande variété d'espèces d'arbres, de buissons et de fleurs, offre à la fois bosquets, jardin à la française, statues de pierre, de marbre ou de fonte, bassins et jets d'eau. Des sentiers et des chemins s'entrelacent parmi les lauriers-roses, les eucalyptus et les pins. Ensemble baroque, extravagant où se déroulaient autrefois des fêtes somptueuses. C'est là qu'ont été construits les différents bâtiments de la Faculté des sciences de Nice, dont l'ordonnance, tout en respectant au maximum le site, offre une série de pavillons de hauteurs variées, groupés par discipline.

1. Le Parti architectural.

La Bibliothèque universitaire se trouve derrière le château (qui abrite l'administration et les disciplines mathématiques). Son tracé est sans nul doute unique en France car, pour des nécessités diverses : adaptation au terrain vallonné et préservation d'une olivaie, la forme adoptée est courbe; elle dessine donc un arc de cercle et se présente sur trois niveaux. Cependant, le schéma-type proposé par la Direction des bibliothèques a été respecté; c'est celui d'une bibliothèque à sections spécialisées où les étudiants et les professeurs ont à leur disposition, classés systématiquement, les volumes et les périodiques dont ils peuvent avoir besoin. Sans que cela ait toujours été facile, les dispositions, surfaces et aménagements demandés par le programme initial ont été respectés pour l'essentiel.

L'avant-projet fut établi par MM. R. Seassal et R. Egger, architectes en chef des Bâtiments civils et Palais nationaux, assistés de Mr Pierre Baptiste, architecte d'opération, et mis au point grâce aux conseils et remarques de Mr l'Inspecteur général Lelièvre et avec l'attention et le concours constant de Mr Bleton, conservateur au Service technique de la Direction des bibliothèques et de la lecture publique. Enfin, sa réalisation a été supervisée par Mr l'Ingénieur régional Seassau, attaché au Rectorat d'Aix.

Les travaux, confiés à des entreprises régionales, ont été assez rapidement menés à bien et, à la fin du mois d'octobre 1963, avait lieu la réception provisoire du bâtiment. Malheureusement le reste de la Faculté était encore en plein chantier, l'accès restait difficile, pour ne pas dire impossible, le chauffage était inexistant, l'installation électrique précaire. Dans ces conditions, les professeurs et étudiants, dont bon nombre travaillaient encore à plusieurs kilomètres de là, avaient beaucoup de difficultés à venir régulièrement à la bibliothèque; pourtant les premiers livres utilisés l'ont été en novembre 1963; le premier prêt inter-bibliothèques date de décembre de la même année. L'ouverture définitive et la fréquentation réelle ont commencé en avril 1964.

Notons brièvement les principales caractéristiques de ce bâtiment : construction générale en béton, revêtement en pierre pelliculaire de toutes les façades, toits en terrasses. Toutes les salles du public sont éclairées à la fois par des tubes fluorescents et des spots incandescents. Le chauffage est soit à air chaud pulsé (salles de travail), soit à radiateurs d'eau chaude (couloirs, circulation, bureaux). Les sols sont partout revêtus de caoutchouc sauf dans la salle de manutention où l'on a placé un linoléum et dans les couloirs de service où l'on trouve des dalles de pierre.

Les lecteurs qui pénètrent dans le bâtiment par six larges portes en glace se trouvent dans un hall de belles proportions et qu'on a voulu d'aspect engageant : harmonie des couleurs vives et contrastées des murs, boiseries en acajou, sol en gerflex gris jaspé égayé d'un motif géométrique rouge, noir et bleu. Au fond, l'escalier d'accès au premier étage; à gauche, des vestiaires et des installations sanitaires; à droite une vitrine d'exposition et la porte d'accès aux salles du public.

2. Salle de lecture du premier niveau.

La salle de travail du premier niveau (propédeutique, licences) est très largement éclairée. En effet, la façade Nord, Nord-Ouest, de conception originale et inattendue, se présente en dents de scie. Cette disposition serait utile, pensait-on, pour dessiner des cloisons pare-soleil et gagner de la place que l'on pourrait consacrer au rangement des livres en libre accès. Ici, les tables, disposées en éventail, sont soit à une, soit à quatre places. Pour réduire les allées et venues, les fichiers des différents catalogues sont placés au centre. (A noter que le catalogue « auteurs et anonymes » comprend tous les livres de la bibliothèque, quel qu'en soit le niveau.) Au même emplacement, derrière une longue banque légèrement surélevée, sur des rayonnages en bois sont rangés les ouvrages dits « en accès semi-libre », choisis surtout à cause de leur format (Collections Que sais-je?, Armand Colin, Monographies Dunod, etc...). Quant au bibliothécaire chargé des relations avec le public, il a un bureau de l'autre côté des fichiers près des rayonnages réservés aux grands ouvrages de référence : encyclopédies, dictionnaires. De cette place on peut voir l'ensemble de la salle, mais d'ici seulement. En effet, la forme en arc de cercle, si agréable pour l'aspect général extérieur du bâtiment, gêne considérablement la surveillance des allées et venues des usagers de la bibliothèque.

Les lecteurs, dès l'entrée, accomplissent les formalités rendues nécessaires par la disposition des livres et périodiques en libre accès. Ils déposent obligatoirement serviettes, porte-documents ou sacs dans les casiers d'un meuble prévu à cet effet et reçoivent fiches et notices. Sur un très grand panneau sont données des explications sur la C.D.U. avec les tables principales et un index alphabétique abrégé. Dans cette salle, la plus grande partie des ouvrages est placée dans des rayonnages hauts qui masquent sur toute sa longueur l'épi central des réserves. Tous les livres sont indexés selon la C.D.U. et rangés suivant leur cote décimale. Cependant, sont répertoriés à part : les dictionnaires, encyclopédies, ouvrages généraux et certains traités importants. Il existe aussi des meubles spéciauxpour les très grands formats et pour les cartes géographiques et géologiques. Celles-ci ne sont pas à la libre disposition du public, elles ne peuvent être consultées qu'avec l'accord du bibliothécaire de la salle.

3. Salle des périodiques et des bibliographies.

La partie sud de ce même rez-de-chaussée est prévue provisoirement comme salle des périodiques et des bibliographies pour les lecteurs des deux niveaux. Ici on trouve en alternance des tables à quatre places et des meubles « présentoirs » pour les différentes revues. En allège, sous les fenêtres, sont également placés des rayonnages et meubles spéciaux. Tous les périodiques sont en libre accès mais seul le dernier fascicule est exposé; les numéros antérieurs étant rangés derrière les abattants. Une petite banque surélevée permet de surveiller cette salle que l'on peut voir également par la paroi largement vitrée du bureau des renseignements et des inscriptions. Dans le coin Sud-Est qui est le moins éclairé et quelque peu isolé, sont placés les lecteurs de microfilms. Comme du côté Nord, l'épi central est garni de rayonnages hauts qui le cachent. Un emplacement y est prévu pour les ouvrages de culture générale classés à part. Des portes coulissantes donnent accès aux petits escaliers qui mènent à l'étage supérieur de la réserve. Là sont disposées quelques tables pour les professeurs et chercheurs ayant à travailler sur place et notamment sur les collections anciennes des périodiques. Il est à remarquer que sitôt que l'effectif des étudiants le rendra nécessaire, l'implantation actuelle sera modifiée et que l'ensemble des salles de travail du rez-de-chaussée sera alors consacré exclusivement aux lecteurs du premier niveau.

4. Services intérieurs.

Toujours au même plan, à l'extrémité Est du bâtiment, ont été prévues les pièces et salles destinées au service intérieur. En premier lieu, en venant des salles du public, on trouve du côté Sud un grand bureau largement vitré où est installé le standard téléphonique. Ici sont logés également le service des inscriptions et renseignements et le service des périodiques avec son fichier spécial pour le bulletinage. Un appareil de photocopie est aussi installé dans cette pièce. Viennent ensuite trois petits bureaux pour les différents services (entrées, suites, collections, congrès, thèses, prêt inter-bibliothèques, etc...). Du côté Nord enfin des toilettes avec douche et une très grande salle de manutention où l'on trouve différents appareils : machine à multigraphier, massicot, etc...

5. Salle de lecture à secteurs spécialisés du deuxième niveau.

La salle du premier étage, de moindres dimensions, est réservée aux étudiants du 3e cycle, professeurs et chercheurs. Encore plus qu'au rez-de-chaussée, la lumière du jour est ici éclatante car il n'y a pas d'épi central, mais une pièce unique. Les secteurs spécialisés sont délimités par des rayonnages soit de I,90 m soit de I,10 m mais qui tous peuvent être transportés, changés de disposition et de sens; toutefois, certains emplacements ont une destination nettement définie. C'est ainsi qu'à l'entrée est installé un meuble à casiers pour déposer les serviettes, cartables et porte-documents. D'autre part, le secteur « généralités » sera toujours au centre de la salle où se trouvent également les fichiers. Ici encore, le catalogue alphabétique « auteurs et anonymes » comprend tous les livres de la Bibliothèque, aussi bien du deuxième que du premier niveau. Le catalogue alphabétique « matières » et le catalogue « C.D.U. » sont naturellement plus poussés et développés qu'au rez-de-chaussée. Les meubles à périodiques de chaque « secteur » sont disposés du côté Sud de la salle. Bien entendu, des tables ont été réservées dans des coins aménagés tout spécialement pour les appareils de lecture de microfilms. De plus, les angles que l'architecture en dents de scie a offerts sont utilisés comme « carrels » avec des tables à une place et des lampes individuelles. Enfin, aux deux extrémités de la salle, des petites pièces insonorisées sont prévues pour les lecteurs désireux d'utiliser des machines à écrire. En principe, du personnel scientifique ou technique de la bibliothèque se tiendra en permanence à la disposition des usagers du niveau supérieur. Deux emplacements sont prévus, comportant deux bureaux dans le même ton de bois que les rayonnages de toute la salle. Une salle des commissions est aménagée à cet étage dont l'extrémité Est est occupée par les bureaux du bibliothécaire en chef et son secrétariat.

D'autre part, une utilisation rationnelle de l'espace vertical que nécessitaient les deux hauteurs normalisées (2,20 m) de rayonnages de l'épi central du rez-de-chaussée a permis d'avoir à l'entresol des pièces de réserve et d'archives et de prévoir un emplacement pour un laboratoire photographique et un atelier de reliure. Bien entendu, le téléphone relie l'un à l'autre les salles, bureaux, entrées et tous les points importants du bâtiment. De plus, les règles de sécurité ont été strictement respectées (portes s'ouvrant toutes en poussant de l'intérieur, postes d'eau et extincteurs nombreux, etc...).

Voici moins d'un an que la bibliothèque fonctionne et cependant on peut noter déjà l'accueil favorable des étudiants et du personnel enseignant de la Faculté. Certes le classement selon la cote C.D.U. n'était pas connu, mais il est très vite compris et les lecteurs se groupent spontanément, sans que cela ait été envisagé, près des disciplines qui les intéressent. Ainsi on trouve les mathématiciens plutôt au Nord-Est, les naturalistes et géologues au Sud-Ouest... L'expérience de quelques mois a montré qu'il faut prévoir beaucoup de place sur les tablettes pour les livres à venir et qu'une cote trop simplifiée amène des voisinages parfois peu satisfaisants. Au fur et à mesure de petits problèmes se sont posés : différenciation des exemplaires d'un même titre, classement de certaines collections ou suites, rangements et refoulements incessants, étiquetage valable simple et tenace, possibilités de prêts à domicile, utilisation des périodiques. Cette dernière question a été résolue par l'organisation d'un service de photocopie qui fonctionne déjà d'une manière intensive et à un prix très modique.

Notons enfin que les « lecteurs autorisés » sont relativement nombreux (preuve, s'il en était besoin, de la nécessité d'une bibliothèque scientifique à Nice) et que les relations avec les industries locales ayant des centres de documentation sont excellentes. Au total, cette bibliothèque offre à ses usagers, du moins nous l'espérons, un cadre particulièrement agréable, moderne et adapté au travail universitaire.

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1er niveau

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2e niveau

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Coupe