Les nouveaux locaux du Département de la musique de la Bibliothèque nationale

Le Département de la musique de la Bibliothèque nationale est constitué depuis I942 de trois sections : Bibliothèque de l'Opéra, bibliothèque du Conservatoire et fonds musical de la Bibliothèque nationale. Par suite d'une révision de l'économie des fonds musicaux, le fonds ancien du Conservatoire est regroupé auprès des collections de la Bibliothèque nationale. Cet accroissement des collections et des lecteurs ainsi que le développement des tâches du Département de la musique nécessitent l'extension des locaux qui lui sont réservés. Description de la nouvelle annexe de la Bibliothèque nationale construite rue Louvois et étude détaillée des installations aménagées pour ce Département en fonction de sa mission (réserve, salle de travail, salle des catalogues, salle de conférence, magasins)

L'installation du Département de la musique de la Bibliothèque nationale dans un nouveau bâtiment rue Louvois est l'aboutissement des efforts poursuivis par Mr Julien Cain depuis plus de trente ans en faveur des bibliothèques musicales parisiennes, qui lui doivent aujourd'hui leur harmonisation.

En effet, si les spécialistes connaissaient bien l'existence, sinon toute la richesse, des trois fonds musicaux de la Bibliothèque nationale, du Conservatoire et de l'Opéra, ils déploraient depuis longtemps leur manque de liaison, leur accès parfois difficile, la pauvreté de certains inventaires. Ces légitimes critiques appelaient une série de mesures dont la première devait être, dans l'esprit de Mr Cain, le rattachement administratif de ces trois fonds spécialisés à la Bibliothèque nationale, ce qui fut réalisé par décret du 30 octobre 1935.

Ainsi théoriquement groupées, les trois collections devaient tout naturellement former, à l'intérieur de la Bibliothèque nationale, une section à part qui, en 1942, est devenue le Département de la musique, dont la mission est d'assurer, avec un personnel interchangeable, la gestion scientifique et technique des trois fonds distincts. Les années passant, une connaissance plus approfondie des collections, comme des usagers, permit de prendre une vue plus juste des besoins, d'envisager les solutions les plus favorables à l'avenir commun de ces trois sections.

La Bibliothèque de l'Opéra, gardienne des matériels du répertoire de notre première scène lyrique, est avant tout une bibliothèque de théâtre : son fonds musical, sauf quelques exceptions qui pourront donner lieu à des remembrements ultérieurs, est donc surtout lyrique, et doit le rester : aucune opération de regroupement concernant ce fonds à l'intérieur du Département de la musique ne paraît donc actuellement souhaitable, toutes les liaisons nécessaires étant assurées.

Par contre, les collections de la Bibliothèque nationale et du Conservatoire, constituées surtout l'une et l'autre par des fonds anciens de musique imprimée ou manuscrite, instrumentale ou vocale, religieuse ou profane, française ou étrangère, sont absolument comparables et se complètent même parfois d'une façon étonnante.

Du point de vue historique, si ce n'est qu'en 1719 que, [dans le cadre des grandes réformes apportées à l'ensemble de la Bibliothèque par l'abbé Bignon, le fonds musical de la Bibliothèque nationale a fait l'objet d'un classement propre 1, il remonte cependant aux origines même de l'institution. Quant à la Bibliothèque du Conservatoire, elle a été créée en même temps que le Conservatoire lui-même, d'abord appelé Institut national de musique, en 1795. A partir de cette date vivent donc parallèlement à Paris deux bibliothèques musicales qui, l'une comme l'autre, puisent dans les dépôts des confiscations révolutionnaires, l'une pour s'enrichir, l'autre pour constituer ses premiers fonds. La collection de la rue de Richelieu est qualifiée de « Bibliothèque musicale nationale 2 » dans le même temps où un rapport déposé à la Convention (10 thermidor an III - 28 juil. 1795) signé M.-J. Chénier, stipule que « ... une bibliothèque nationale de musique est formée dans l'Institut... » Et à la cérémonie de la pose de la première pierre du bâtiment qui, dans l'enceinte du Conservatoire, doit abriter la bibliothèque (Ier thermidor an IX - 3 août 180I) le Ministre de l'Intérieur, J.-A. Chaptal, souligne en ces termes, dans son discours, l'opportunité de la construction. « ...Pendant que l'homme de lettres et le savant plaçaient leurs ouvrages dans ces sanctuaires respectés par le temps (les bibliothèques)... la gloire du musicien ne s'étayait que sur le faible appui d'une tradition passagère... Il était réservé à la France d'élever un monument durable à la gloire de la musique et nécessaire à ses progrès... »

Ce malentendu, cette équivoque purent se prolonger pendant plus d'un siècle, aussi longtemps, en fait, que les historiens de la musique, tard venus à la science historique, n'eurent pas pris conscience de l'anomalie, de l'obstacle à leurs recherches que présentait la dispersion de ces fonds anciens, sans profit du reste pour les élèves du Conservatoire.

Cette équivoque, cette anomalie, Mr Cain devait les dissiper en décidant, après tous les échanges de vues indispensables, de réviser entièrement l'économie des fonds musicaux, tout en respectant leur individualité : d'une part en regroupant auprès des collections de la Bibliothèque nationale le fonds ancien du Conservatoire et tout ce qui, rue de Madrid, n'est pas utile à la Bibliothèque d'élèves et même en alourdit la gestion, d'autre part en créant et entretenant au Conservatoire une bibliothèque d'étude, amplement et exclusivement pourvue d'ouvrages de référence relatifs à la musique, d'éditions de textes musicaux retenus pour leur valeur scientifique, d'œuvres musicales significatives des diverses écoles contemporaines, françaises et étrangères, de périodiques peu nombreux mais choisis.

Ainsi devaient se trouver juxtaposés pour être communiqués dans la même salle de travail ces deux fonds vénérables gardant chacun son classement propre, l'efficacité de l'ensemble en étant singulièrement accrue. Par exemple plusieurs collections imprimées de musique polyphonique des XVIe et XVIIe siècles, lacunaires dans les deux bibliothèques, se complèteraient en bien des cas. Des spécimens rares de typographie musicale seraient réunis et l'histoire de l'édition musicale, dont l'étude est encore à faire, s'en trouverait facilitée d'autant. Quant aux grands trésors spectaculaires, tels le manuscrit autographe du Don Juan de Mozart, pour n'en pas citer d'autres, s'il était urgent que la Bibliothèque nationale assurât d'abord leur sécurité, il n'était pas indifférent que ce fût, aussi, dans un cadre noble.

Par l'ampleur et la variété de ses tâches, le Département de la musique méritait d'être doté d'une installation digne de sa mission, que l'exiguïté et le sous-équipement des locaux dont elle disposait rue de Richelieu ne lui permettaient plus de bien remplir, et dans lesquels n'auraient pu trouver place les collections regroupées, étant donné en outre l'accroissement du nombre de lecteurs que cela supposait sans parler des autres incidences de cette organisation nouvelle.

Les tâches du Département de la musique sont nombreuses et variées : on doit d'une part y assurer, comme dans toutes les bibliothèques, l'accroissement des collections, leur conservation, leur diffusion, la préparation des expositions, d'autre part maintenir et développer les relations extérieures qui sont le propre des bibliothèques spécialisées.

En ce qui concerne les enrichissements, le Département de la musique a la charge de la réception et de l'enregistrement du dépôt légal de musique distinct de celui des livres et soumis du reste à des modalités un peu différentes. On n'insistera pas ici sur le mécanisme des acquisitions et des échanges : le Département de la musique dispose d'un budget d'achat particulier pour lequel le Conservateur en chef est secondé par Mr B. Bardet. Quant à la collecte des dons, l'efficacité des expositions en la matière n'étant plus à démontrer, on se réjouit tout particulièrement de disposer désormais à cette fin d'une petite salle bien équipée et de vitrines dans la salle de travail.

La conservation de la musique ne pose pas de problèmes particuliers, mais, autant il était devenu difficile d'y faire face dans les anciens locaux, autant au square Louvois les conditions sont excellentes à cet égard : climatisation des magasins, ampleur de la salle de lecture, donc : facilité de surveillance, commodité de préparation des trains de reliure, pour lesquels le Département de la musique dispose également d'un crédit propre.

Une des originalités du département réside dans la diversité de ses catalogues : fichier auteurs et fichier anonymes, communs l'un et l'autre à la musique et aux livres et articles sur la musique, fichier matières en deux séries distinctes (l'une pour les compositions musicales, l'autre pour les travaux musicologiques), fichier par titres et incipit littéraires; fichiers de paroliers, d'illustrateurs, iconographique... tous d'un accès maintenant facile dans la longue galerie contigüe à la salle de lecture. Tout ce réseau de catalogues est placé sous l'autorité de Mme Y. Fédoroff 3, qui a en outre la responsabilité du supplément C (œuvres musicales) de la Bibliographie de la France, paraissant à la cadence de 3 à 5 numéros par an, pour 8 à 900 notices, soit le tiers, à peu près du Dépôt légal, le reste étant constitué par la musique légère, traitée beaucoup plus sommairement.

Mlle Wallon est plus particulièrement chargée - sans parler de la documentation relative au folklore musical - des fiches analytiques, sa spécialité 4 et Mme Bridgman, des fiches d'incipit musicaux, rédigées selon la formule qu'elle a personnellement mise au point et qui est particulièrement satisfaisante pour les œuvres des xve et XVIe siècles 5.

L'autre mission non moins importante du département concerne les relations extérieures : il s'agit en effet non seulement de la liaison avec les correspondants privés mais surtout avec les bibliothèques et les organismes spécialisés de France, plus encore de l'étranger. Or cette liaison ne peut devenir scientifiquement efficace que par l'intermédiaire de groupements internationaux : c'est ce qu'a bien compris Mr V. Fédoroff lorsqu'en 1950 il a mis sur pied l'Association internationale des bibliothèques musicales, qui, dès 195I, tenait à Paris son premier congrès, suivi depuis de plusieurs autres dans différentes villes de l'ancien et du nouveau monde, et dont le sigle AIBM désigne pour les initiés, un organisme bien vivant publiant la revue Fontes artis musicae 6, tribune accueillante où sont publiées les informations relatives à la profession, les bibliographies, voire les trouvailles : or précisément les trouvailles, en musicologie comme en histoire littéraire, ne se font, ne se vérifient qu'à partir des fonds de bibliothèques : une des tâches de l'AIBM devait donc être de contribuer à l'accélération du catalogage des fonds musicaux du monde entier, en commençant par ceux de la France, qui n'étaient du reste pas parmi les plus mal connus. Un inventaire des sources musicales avait bien été publié en Allemagne au début de ce siècle 7, signalant les ouvrages conservés dans les diverses bibliothèques du monde occidental qui avaient pu être atteintes, et dont les responsables avaient répondu à l'enquête. On devine combien cet inventaire était incomplet : le refaire selon la même formule, mais en étendant sans défaillances les prospections dans toutes les directions désirables, telle est la tâche qui apparut urgente aux membres de l'AIBM : dès 1953, ils constituèrent pour la publication d'un Répertoire international des sources musicales un comité qui mit en place des équipes de catalogage dans plusieurs pays, le secrétariat général étant confié à la France en la personne de Mr Lesure, et, grâce à la bienveillance de Mr Cain, domicilié au Département de la musique de la Bibliothèque nationale, dont se trouve ainsi affirmé le caractère de centre de documentation musicplogique. Le Répertoire 8 - le RISM - en est à son troisième volume, c'est dire le sérieux de cette entreprise internationale et l'efficacité de l'association qui l'a mis en chantier.

C'est pour le meilleur accomplissement de toutes ces fonctions qu'a été étudiée l'installation du Département de la musique dans un nouveau bâtiment dont la construction est due à Mr André Chatelin, premier grand prix de Rome, architecte en chef des Bâtiments civils. Il n'est pas indifférent de souligner qu'il s'agit du premier bâtiment construit spécialement pour la Bibliothèque nationale à Paris en dehors du quadrilatère limité par les rues Colbert, Vivienne, des Petits-Champs et Richelieu qu'elle a progressivement occupé au cours des XVIIIe et XIXe siècles.

Sis à l'angle nord-est des rues Louvois et Richelieu, le terrain disponible avait la forme d'un rectangle de 16, 87 m sur ses côtés nord et sud et de 33,62 m sur les côtés est et ouest (567 m2). Un pan coupé, ou un retrait de chaque façade, devait en outre être ménagé à l'angle des deux rues. La Bibliothèque nationale possède déjà le terrain qui le prolonge à l'ouest et est encore occupé par un immeuble de rapport, le 4 de la rue Louvois, dont la destinée est d'être un jour reconstruit sur un plan prolongeant celui du bâtiment qui s'achève. Malgré ces possibilités d'avenir, l'ensemble n'est pas considérable et certains des partis adoptés ont été commandés par le souci d'économiser au maximum la place disponible.

Le bâtiment 9 devait nécessairement avoir deux faces aveugles, celles du nord et de l'ouest, que bordent les immeubles voisins de la rue Richelieu et de la rue Louvois. Un magasin de dix niveaux (dont deux en sous-sol) occupe cet angle obscur. Mesurant 20,30 m du nord au sud et 10,23 m de l'est à l'ouest, il a une surface utile de 207 m2 par niveau. Son ossature métallique, indépendante de celle des locaux sur rue, est constituée par trois rangées de six poteaux répartis dans les murs est et ouest et sur le grand axe du magasin. A l'exception du premier niveau (deuxième sous-sol) qui a 3,60 m de haut et n'est pas entièrement consacré à la conservation, les niveaux ont 2,20 m de hauteur utile et sont répartis trois par trois entre quatre dalles de béton armé (pouvant recevoir une surcharge de 800 kg au m2) supportées par les poteaux. Les planchers intercalaires, en dalle de pierre, reposent sur un réseau métallique solidaire des trois niveaux de rayonnages autoporteurs préfabriqués. La profondeur des rayonnages est uniformément de 70 cm (épis double de 33 cm de profondeur de tablette), celle des circulations entre épis de 0,75 m soit un entr'axe de I,45 m. Les allées de service sont étroites (0,46 à l'est et 0,77 à l'ouest) ce qui a entraîné l'adoption de chariots de 0,65 sur 0,44 seulement (poignée de 0,07 et bourrelets compris). Des perforations ont été prévues dans les tablettes de façon à pouvoir ajouter, tous les 10 cm, les intercalaires verticaux mobiles nécessaires à la conservation des disques. Obligatoirement, ce magasin n'a qu'une aération artificielle. Il est desservi directement par un ascenseur de 600 kg et deux autres de 300 kg (0,70 m/s).

Le premier niveau des magasins sera occupé par la clichothèque et la filmothéque du Service photographique de la Bibliothèque nationale, les quatre suivants pourront accueillir la Phonothèque nationale. Le Département de la musique dispose des cinq niveaux supérieurs, soit 5 km de tablettes; ces magasins n'ont nécessité aucun équipement particulier, la musique se présentant de la même façon que les livres imprimés.

Les façades éclairées, celle de l'est sur la rue Richelieu, celle du sud sur le square Louvois, devaient naturellement être réservées aux locaux de séjour : bureaux, salles de réunion, de catalogues ou d'exposition, qui se répartissent, au-dessus de deux sous-sols, en un rez-de-chaussée et six étages (le sixième en retrait) de 3,20 m sous plafonds (deux étages correspondant à trois niveaux de magasins); ils sont éclairés par des baies de 1 m de large et I,90 m de haut (pour le rez-de-chaussée et les trois premiers étages) se succédant selon le même entr'axe de I,45 m que les rayonnages des magasins : grâce à ce module de I,45 m toutes les combinaisons ont été possibles et toutes les modifications doivent l'être, depuis le petit bureau de deux modules, où deux personnes disposent chacune d'une fenêtre, jusqu'à la salle de plus de dix modules. Les vitres basculantes peuvent se retourner à 180° pour le nettoyage. Des volets roulants, projectables à l'italienne, doivent assurer la protection contre le soleil. Les façades sont revêtues d'un appareillage de pierres de 0,03 : pierre d'Hauteville pour le soubassement et pierre de Fontenille en élévation.

Les escaliers se trouvent aux deux extrémités de ces locaux de séjour et peuvent également desservir les magasins par un jeu de paliers intermédiaires : au nord, sur la rue Richelieu, est un petit escalier de service, par où l'on pourra habituellement pénétrer dans les magasins (pour cette raison, la porte de la rue Richelieu ne sera qu'une porte de secours, commandée seulement par une clef sous verre dormant); à l'ouest le grand escalier du public dessert le hall d'entrée de la rue Louvois où s'ouvrent également les deux ascenseurs accessibles au public : une benne rapide (600 kg, I,50 m/s), qui lui est normalement ouverte, et un second ascenseur de 600 kg (indiqué plus haut), qui servira au public en cas de panne du premier ascenseur (et dont les portes sur le magasin peuvent alors fermer à clef). Les dimensions de ces deux grands ascenseurs (I,98 m et 1,80 m sur 1,14 m et 1,70 m) ont été fixées de façon que la plupart des vitrines d'expositions puissent y entrer. Les deux petits ascenseurs (0,70 sur 1,30 et 0,90 m2 environ) desservant les magasins - celui de l'est ouvrant également sur le couloir des bureaux - complètent cette colonne centrale de liaison que jouxtent au sud le bloc des sanitaires et à l'est les locaux occupés par des organes de conditionnement.

Sur la rue Richelieu, le premier sous-sol, aménagé en dépôt de stocks, et le rez-de-chaussée sont réservés à la vente des catalogues et publications de la Bibliothèque nationale et du Comité des travaux historiques et scientifiques; le premier étage est disponible pour la Phonothèque nationale, le second provisoirement occupé (avec deux bureaux au sixième) par l'École nationale supérieure de bibliothécaires.

Le Département de la musique occupe entièrement les quatrième et cinquième étages, partiellement le troisième et le sixième.

Ses bureaux règnent sur tout le quatrième étage et sur une partie du sixième.

La réserve (fig. 3 et 6) a étéinstallée au troisième étage, sur la rue Richelieu, ce qui lui garantit, en cas de défaillance prolongée du conditionnement d'air, une possibilité d'aération naturelle. Selon le vœu qu'avait exprimé Mr Louis-Marie Michon, qui présida, comme conservateur en chef du département, aux premières études, elle est entièrement meublée en pourtour et en épis d'armoires de chêne clair inspirées de celles de la Réserve de la Bibliothèque Sainte-Geneviève. Leur ventilation naturelle est assurée en parties basses et hautes par des perforations protégées de la poussière par une toile métallique inoxydable.

La salle de travail proprement dite (fig. 5), dont la hauteur est celle de deux étages, surmonte le magasin et ne pouvait avoir qu'un éclairage zénithal. On s'est efforcé d'atténuer l'échauffement à craindre de l'insolation sans trop restreindre l'éclairement en remplaçant les verrières par soixante lanterneaux pyramidaux. Construits sur le module de I,45 m, ils ont une ouverture de 1,20 m à la base et de 1 m au sommet, une hauteur de 1,30 m et sont couverts d'une coupole monolithe en résine transparente. L'éclairage naturel est relayé par des lampes placées dans les troncs de pyramides.

La salle de travail est entièrement revêtue de boiserie d'acajou d'un ton doré : alternance de grands panneaux en partie haute, rayonnages d'usuels à portée de main sur les faces aveugles du nord et de l'ouest. Elle s'ouvre au sud, sur le hall de l'escalier et des ascenseurs, par une porte en glace prise entre un petit vestiaire proche des ascenseurs et la banque de contrôle : là siègent le magasinier surveillant les entrées et le bibliothécaire présidant la séance, les magasiniers chargés des déplacements y reviendront entre leur tournée.

La salle contient cinquante places. Les tables, pour deux lecteurs, d'une hauteur de 74 cm, ont un plateau de 210 X 70 cm à dessus en toile plastifiée noire dans un encadrement de bois; les piètements métalliques sont peints en noir, la traverse repose-pied est garnie de laiton.

Du côté de l'est, le volume de la salle communique largement avec le cinquième étage qui, le long de la rue Richelieu, forme la salle des catalogues meublée de blocs de fichiers pour fiches de format international 7,5 X 12,5 cm.

Sur les piliers entre ces deux salles ont été ménagées des vitrines où peuvent être présentées soit les nouvelles acquisitions soit quelques documents en rapport avec l'actualité ou la commémoration du jour.

Au-dessus de cette salle des catalogues règne, au sixième étage, une galerie donnant sur la salle de travail, où le public accèdera directement par l'escalier Richelieu et où se poursuivent les rayonnages d'usuels : elle dessert deux studios pour la lecture au piano et quatre cabines d'écoute, tous insonorisés, dont la surveillance est assurée par une série d'oculi vitrés à partir de la pièce d'angle Richelieu-Louvois où se tiendra du personnel (fig. 4 et 7).

Cet ensemble est complété par une petite salle d'exposition temporaire située au cinquième étage sur la rue Louvois, avec accès direct sur le palier.

Une salle de conférence, de projection et de concert, située au troisième étage, est actuellement commune au Département de la musique et à l'École nationale supérieure de bibliothécaires. Lambrissée d'acajou, équipée d'un tableau et d'un écran escamotables et d'une grande vitrine, elle contient quatre-vingt-dix places.

Le nouvel immeuble est relié à la Bibliothèque nationale par un passage souterrain de 1,80 m de largeur utile au niveau du deuxième sous-sol; du côté de celle-ci un escalier - malheureusement helicoïdal - et un monte-charge aboutissent a un couloir de ceinture du premier sous-sol des bâtiments anciens. Par là passent toutes les liaisons électro-mécaniques : câbles électriques et téléphoniques, fluides chauffant et glacé, ce dernier produit dans les tours de réfrigération installées dans les combles du corps de bâtiment de la Bibliothèque nationale sis entre la cour d'honneur et la rue Richelieu.

Le deuxième sous-sol du 2 rue Louvois, a dû cependant faire place à une cabine électrique haute et basse tension complétant celle de la Bibliothèque nationale et à des locaux de conditionnement particulièrement développés en raison de l'absence d'aération naturelle des magasins et des locaux insonorisés, ainsi que de la diversité d'exposition des deux façades. Compte tenu des expériences faites depuis 1934 dans les locaux de la Bibliothèque nationale des circuits distincts desservent respectivement les magasins, la réserve de la musique, les salles de cours et de travaux pratiques, la salle de conférence, la salle de travail, la salle d'exposition, les studios et cabines d'écoute. Les autres locaux sont seulement chauffés par des convecteurs placés dans l'allège des fenêtres et munis de commandes individuelles par bureau. Dans les locaux de conservation la température doit être maintenue entre 15° et 20°, l'humidité relative entre 45 et 60 % (avec une moyenne habituelle de 55 %).

La protection contre l'incendie est assurée par :
I° le « flocage » de la charpente métallique;
2° l'isolation des liaisons verticales par des murs et portes coupe-feu;
3° le cloisonnement horizontal des magasins;
4° un réseau de détection aéro-thermique avec sonnerie d'alarme au poste de garde de la Bibliothèque nationale;
5° des extincteurs mobiles à anhydride carbonique (dans les magasins) et à eau pulvérisée (sur les paliers);
6° un réseau fixe d'extinction par C02 dont les bouteilles de gaz comprimé sont placées au second sous-sol;
7° des colonnes sèches (dans l'escalier de service) munies de tuyaux de caoutchouc et de jets pulvérisants.

Pour la protection contre le vol on a prévu (outre la présence d'un concierge au rez-de-chaussée et le passage des rondes du service de sécurité de la Bibliothèque nationale) une détection nocturne par contact électrique sur les portes et cloisons des locaux de conservation. Les portes extérieures et les fenêtres du rez-de-chaussée sont munies de grilles articulées ou de barreaux fixes et de détecteurs.

Chaque département ou services affectataires de locaux dans le nouvel immeuble disposera de clefs distinctes, n'ouvrant que les pièces qui lui sont réservées. Les portes du magasin donnant sur l'escalier public sont considérées comme des accès pour le service de sécurité en cas de sinistre et ne doivent jamais être ouvertes en service normal : la détection y sera maintenue dans la journée.

Tel se présente, dans ses grandes lignes, le nouveau bâtiment du 2 rue Louvois, où la future École nationale supérieure de bibliothécaire s'est provisoirement installée près d'une année avant l'achèvement complet de l'ensemble et où le Département de la musique a transféré ses collections du 2 février au 24 mars 1964. La salle de travail a ouvert le lundi 22 avril.

Les vitrines, pour la première fois, furent garnies d'un choix de documents rappelant le passé du lieu : quelques estampes venues de l'Opéra ou du Cabinet des estampes figuraient les maisons qui occupèrent l'angle des rues Louvois et Richelieu, rappelant qu'à cet emplacement demeura de 1903 à 1925 un curieux et sympathique éditeur de musique, M. Demets, qui a peu produit mais à qui l'on doit les Jeux d'eau, la Pavane, les Miroirs de Ravel, qui en outre publiait un excellent Courrier musical, patronnait une société de concerts de musique ancienne, et avait su rendre sa maison accueillante aux musiciens qui aimaient à s'y retrouver.

Des reliures de partitions, les unes de maroquin armorié, les autres de papier décoré et doré, des exemples de typographie musicale ne faisaient qu'évoquer la richesse des fonds, de même que, sur les tables de la réserve, les autographes disposés sous transparents par Mr Desbrosses, chef de l'atelier de restauration, et ses collaborateurs.

Le 29 avril, le nouveau bâtiment était présenté aux conservateurs en chef et conservateurs de la Bibliothèque nationale et des principales bibliothèques parisiennes. Le lendemain, 30 avril, Mr Christian Fouchet, ministre de l'Éducation nationale, inaugurait ces nouvelles installations du Département de la musique de la Bibliothèque nationale en honorant de sa présence la réception offerte aux musiciens, aux musicologues et à la presse musicale.

Le Ministre se plut à évoquer la croissance passée et l'extension future des bâtiments de la Bibliothèque nationale, soulignant la portée de l'étape présente et comment elle s'accomplit parallèlement aux développements que se donnent d'autres grandes bibliothèques nationales, le « British Museum » et la « Library of Congress ». Il félicita l'architecte en chef de sa réussite et les entreprises qui y collaborèrent. Il tint à remercier plus particulièrement le Directeur du Conservatoire national de musique, Mr Gallois-Monbrun, dont la générosité et la largeur de vue facilitèrent le regroupement matériel des collections naguère séparées. Rappelant la visite récente du Général de Gaulle à la Bibliothèque nationale, il exprima la satisfaction que lui-même éprouvait à revenir dans cet établissement pour inaugurer en sa qualité de grand'maître de l'Université les nouvelles installations du Département de la musique qu'il devait ensuite examiner jusque dans leurs détails.

  1. (retour)↑  Les éditions musicales classées dans la série V en ont été extraites et affectées de nouvelles cotes au radical Vm et dans le même fonds ont été intégrées les partitions entrées en vertu des privilèges et conservées, semble-t-il, sans « état civil » dans des conditions difficiles à déterminer.
  2. (retour)↑  Boisgelou (Paul-Louis Roualle de). - Table biographique des auteurs et compositeurs de musique dont les ouvrages sont à la Bibliothèque nationale. - In-fol, manuscrit autographe ca. 1800-1805. Rés Vm 8 22. Article : Brossard (S. de).
  3. (retour)↑  Code international de catalogage de la musique, vol. II. Code restreint - Limited Code - Kurzgefasste Anleitung, rédigé par... Yvette Fédoroff. Übersetzung von Simone Wallon. Translation by Virginia Cunningham. - Frankfurt, London, NewYork, C. F. Peters, 196I. - 22,5 cm, 54 p.
  4. (retour)↑  Mlle Wallon prépare actuellement l'édition du fichier de travail du folkloriste Patrice Coirault, décédé en janvier 1959, dont le Département de la musique a acquis la bibliothèque de folklore musical en 1959. (Voir : B. Bibl. France, 5e année, n° 5, mai 1960, p. 142.)
  5. (retour)↑  Bridgman (Nanie). - Le Classement par incipit musicaux, histoire d'un catalogue (In : B. Bibl. France, 4e année, n° 6, juin 1959, pp. 303-308.)
  6. (retour)↑  Fontes artis musicae. Organe de l'Association internationale des Bibliothèques musicales. Rédacteur : V. Fédoroff. 1954 (I), n° I. - (Kassel). In-8°.
  7. (retour)↑  Biographisch-bibliographisches Quellen-Lexikon der Musiker und Musikgelehrten der Christlichen Zeitrechnung bis zur Mitte des neunzehnten Jahrhunderts, von Robert Eitner. 1 [10 Bander]. - Leipzig, 1900-1904.
  8. (retour)↑  Dans la collection : Répertoire international des sources musicales. München, Duisburg, G. Henle, ont déjà vu le jour : - Recueils imprimés, XVIe-XVIIe siècles. Ouvrage publié sous la direction de François Lesure. I. Liste chronologique. (Préface de Friedrich Blume). - 1960. - 24 cm, 639 p.
    - The Theory of music from the Carolingian era up to 1400, volume I, edited by Joseph Smitz Van Waesberghe with the collaboration of Peter Fischer and Christian Maas. Descriptive Catalogue of manuscripts. - 196I, 155 p.
    Sous presse : Recueils imprimés du XVIIIe siècle... sous la direction de François Lesure...
  9. (retour)↑  Chatelin (André ) et Large (Pierre). Le Département de la musique à la Bibliothèque nationale. (In : La Construction moderne, 76e année, n° 3, 1960, p. 58-62, 8 plans.)
    - Chatelin (André) et Large (Pierre). Annexe de la Bibliothèque nationale à Paris, Département de la musique. (In : L'Architecture française, n° 25I-252, juillet-août 1963, p. 61, 3 plans, 2 phot.).