Réunion des bibliothécaires de la région du Sud-Est
Des journées organisées à Valence les 15 et 16 juin 1963, sous la présidence de Mlle Beau, directrice de la Bibliothèque municipale, ont groupé vingt-trois bibliothécaires d'Aix-en-Provence, Carpentras, Grenoble, Lyon, Marseille, Valence, Vienne et Villeurbanne et ont été honorées par la présence de Mr l'Inspecteur général Brun.
Après une visite de la Ville, des bibliothèques et du Musée sous la direction de Mlle Beau, et après des rafraîchissements servis dans le jardin du Musée en présence de membres de la Municipalité, une première séance de travail a eu lieu le samedi 15 de 18 h 30 à 20 h.
Elle a commencé par un exposé de Mr Vaillant sur les bibliothèques municipales des villes universitaires où il souligne combien certaines municipalités des villes universitaires consentent difficilement actuellement, étant donné le développement des universités et de leurs bibliothèques, à consacrer des crédits importants à des bibliothèques municipales d'étude fréquentées essentiellement par des étudiants. Pour remédier à cet état de choses et attirer un public plus étendu que celui des étudiants, il estime qu'il faudrait avant tout une plus grande participation de l'État à la construction de nouvelles bibliothèques municipales. Seules, souligne-t-il, de nouvelles bibliothèques plus modernes avec accès aux rayons et prêt plus étendu peuvent attirer l'attention du public et des municipalités et les entraîner à faire de plus grands sacrifices en livres et en personnel. Suivent des débats. Mr l'Inspecteur général Brun souligne lui aussi la nécessité d'augmenter les subventions de l'État pour la construction de nouvelles bibliothèques. Mr Rocher exprime l'avis que dans quelques années les plus grands moyens donnés aux bibliothèques universitaires permettront d'absorber une partie des étudiants qui fréquentent actuellement les bibliothèques municipales. Mr Martin pense qu'il n'est pas souhaitable d'envisager à l'avenir la fréquentation des bibliothèques municipales d'étude par le public des annexes de prêt. Il préférerait faire de ces bibliothèques d'étude des centres pour chercheurs avec une section de livres techniques. Mlle Beau pense au contraire qu'une civilisation des loisirs apportera à la bibliothèque municipale d'études un nouveau public, dont celui des maisons de jeunes et des maisons de la culture, plus averti et plus cultivé que les générations actuelles. Mr Lecutiez confirme l'opinion de Mlle Beau en affirmant que dès maintenant il existe à Vienne un public nombreux qui, après chaque séance de télévision, demande des renseignements que le bibliothécaire isolé est hors d'état de lui fournir. Il en est de même pour les étudiants qui, au début de leurs études supérieures, aiment encore se sentir guidés et conseillés comme ils l'étaient à la Bibliothèque municipale au cours de leurs études secondaires et comme ils ne le sont plus à la Bibliothèque universitaire. De là l'intérêt pour les petites bibliothèques municipales d'une bibliothèque nationale centrale de prêt.
Mlle Beau fait ensuite une communication pour souligner le faible niveau des candidats stagiaires au C. A. F. B.; elle préconise pour y remédier un examen de culture générale préalable au stage, des interrogations de culture générale lors de l'oral du C. A. F. B., de reculer l'âge des candidats jusqu'à vingt et un ans au moins, d'exiger des candidats la propédeutique, et un ou deux certificats de licence, le niveau du baccalauréat étant actuellement beaucoup trop faible. Elle demande des garanties analogues pour les candidats sous-bibliothécaires, où malheureusement aucune formation préalable n'est prévue. Mr l'Inspecteur général Brun conseille fortement de porter à la connaissance de Mlle Salvan, conservateur en chef chargé de la formation professionnelle, les réflexions ci-dessus énumérées.
Le lendemain dimanche 16 juin commence par une séance de travail de 10 à 12 h. Mr Rocher fait une communication sur l'organisation du travail dans les bibliothèques. Il se propose de déterminer, comme on le fait pour le travail industriel, les fonctions d'une bibliothèque afin de déterminer les capacités exigées pour tel ou tel poste. Il distingue ainsi les fonctions scientifique, technique, publique, administrative et de développement. Si l'on envisage l'ordre de priorité que ces fonctions devraient avoir pour chaque catégorie de personnel, on aurait pour les bibliothécaires d'une bibliothèque d'étude les fonctions : I° scientifique; 2° de développement; 3° technique; 4° publique (diffusion de l'information); 5° administrative'; et pour les sous-bibliothécaires les fonctions; I° technique; 2° publique; 3° administrative; 4° scientifique (cas d'espèce); 5° de développement.
La fonction scientifique n'est prévue pour les sous-bibliothécaires qu'en entrevoyant l'éventualité de l'accès aux rayons pour les bibliothèques universitaires, d'où alors la nécessité de relever le niveau des sous-bibliothécaires appelés également à renseigner le public. Mr Rocher envisage d'autre part favorablement pour ces mêmes bibliothèques universitaires la spécialisation du personnel scientifique par section avec plus de responsabilités confiées à chacun et un enseignement pour initier les étudiants à l'usage de la bibliothèque.
Mr Monteil signale dans ce sens qu'il existe pour les étudiants de la faculté de médecine de Grenoble un film pour les initier à l'usage de leur bibliothèque. Mr Dubled fait valoir qu'à Strasbourg le système allemand de spécialisation par section maintenu jusqu'en 1918 a ensuite été plus ou moins abandonné. Mr Vaillant fait remarquer que le système de spécialisation par section adopté dans les grandes bibliothèques américaines entraîne parfois un excès de spécialisation du personnel de ces établissements. Mr Lecutiez estime que le système de spécialisation par section ne peut être appliqué qu'aux grandes bibliothèques.
Après Mr Rocher, Mlle Beau fait une communication sur les comités consultatifs des bibliothèques municipales récemment créés par le décret n° 6I-1003 du I-9-196I. D'après elle, ces comités permettent sans doute au bibliothécaire de recueillir l'avis de certains spécialistes. Ils présentent cependant de nombreux inconvénients, celui entre autres, de réunir des non usagers de la Bibliothèque, inutiles ou prétentieux, qui en ignorent les ressources et les besoins, de perdre leur temps en palabres qui paralysent les achats rapides, en particulier ceux d'occasion si utiles pour enrichir les fonds régionaux et spéciaux des bibliothèques municipales.
A cet exposé, Mr Lecutiez répond être d'un avis contraire. Il pense que le comité peut être un utile paravant en cas de désaccord du bibliothécaire avec sa municipalité et peut lui permettre de faire admettre à celle-ci des décisions qu'il lui serait difficile autrement de faire accepter. Mlle Barrion fait remarquer qu'il peut y avoir des difficultés non seulement entre le bibliothécaire et sa municipalité, mais aussi entre lui et son comité, d'où une situation extrêmement désagréable. Mr Vaillant pense que la situation varie essentiellement suivant les villes et que dans ces conditions, il pourrait y avoir une distinction entre la loi et son application qui pourrait être du ressort de l'Inspecteur général, au courant des difficultés du bibliothécaire.
Après la séance de travail de la matinée, a lieu une excursion dans le Vercors, avec visite de l'abbaye de Léoncel et déjeuner amical au restaurant du Col de la Machine.