Les équipements socio-culturels

La vie de loisir chez les jeunes

Jacqueline Chassé

Le Centre de recherches économiques et sociales a consacré le n° 4-5 (janvier-février 1963, série XI) de sa revue Études et documents à un sujet qui est particulièrement d'actualité : les équipements socio-culturels. A une époque où surgissent comme par miracle de grands ensembles sur le territoire français, et notamment dans la région parisienne, on s'inquiète un peu partout de la manière dont pourra s'organiser la vie sociale dans ces cités qui paraissent parfois si peu humaines.

Mais, tout d'abord, qu'entend-on par équipements socio-culturels ? L'introduction intitulée « Un ensemble qui cherche ses limites et son unité » montre à quel point il est difficile de définir et surtout de délimiter ces équipements qui ont souvent une activité bi-valente, à la fois sociale et culturelle : maisons de jeunes et foyers culturels abritant des services d'éducation et d'action sanitaires, centre social s'ouvrant de plus en plus aux activités de loisirs et de culture destinées à des jeunes. En fait « nous sommes en présence d'une construction empirique, dont le contenu est variable, dont les limites sont toujours mouvantes, et où il est difficile de saisir les tenants et les aboutissants. »

Le Centre de recherches économiques et sociales s'est donc proposé de définir les aspirations des jeunes en matière de loisir, d'étudier les projets, les programmes et les réalisations en cours dans ce domaine de l'équipement socio-culturel et de voir en quoi ces projets ou ces réalisations sont conformes ou contraires aux aspirations précédemment définies.

Il n'est peut-être pas inutile de rappeler à ce propos l'enquête menée en 1961 par l'Institut français d'opinion publique dont les résultats furent publiés par les Éditions du Centurion. On y trouvait notamment un intéressant chapitre consacré aux loisirs préférés des 16-24 ans 1 et qui apporte un utile complément au chapitre consacré ici à « La vie de loisir chez les jeunes. »

Dans le cas présent, il s'agissait de dégager les tendances qui se manifestaient à travers les opinions exprimées. Il est évident que l'âge, le milieu social, le lieu de l'habitat modifient sensiblement l'aspect du problème. Mais il n'en subsiste pas moins chez la plupart des jeunes le besoin de compenser par le loisir les frustrations dues à l'activité professionnelle, le besoin de se retrouver entre jeunes, le désir de pouvoir s'exprimer et s'affirmer, d'échapper à l'autorité des adultes.

Devant la poussée démographique, les pouvoirs publics ont été amenés à étudier des formules susceptibles de répondre à ces aspirations. On trouvera dans la revue du Centre de recherches économiques et sociales une mise au point très précise des réalisations et des projets en cours de divers ministères et services ministériels : Haut Commissariat à la jeunesse et aux sports avec ses centres sportifs, stades, piscines, maisons de jeunes, centres aérés, etc...; Ministère de l'éducation nationale où l'accent est mis sur l'effort accompli par la Direction des bibliothèques pour la diffusion de la lecture; Ministère de la santé publique et de la population dont les principales réalisations sont les foyers de jeunes travailleurs et les centres sociaux; Ministère des affaires culturelles et ses Maisons de la culture; Ministère de l'agriculture qui, depuis 1945, patronne les Foyers ruraux et envisage la création d'universités populaires rurales inspirées parcelles existant déjà au Danemark, en Suède, aux Pays-Bas et en Allemagne; Ministère de la construction qui, sans avoir pour objet de créer des équipements culturels, se préoccupe d'établir des normes suivant les groupes d'habitations envisagés. C'est au total une somme de 500 millions de francs qui sera consacrée au cours du IVe Plan à ces nouvelles institutions et pour chacun des services publics intéressés, des éléments chiffrés très précis donnent un état des crédits actuellement investis et des prévisions.

Après avoir étudié le contenu des principaux types d'équipement socio-culturels proposés par ces services, on en vient à la critique des programmes élaborés qui ne semblent répondre qu'à une étude quantitative des besoins sans aucun souci du milieu géographique, des rythmes de vie ni même des désirs des individus ou des groupements déjà constitués. D'autre part, fournir des locaux et un équipement appropriés est bien. Encore faut-il trouver des personnes susceptibles d'en assurer la gestion et de remplir les fonctions d'animateurs. Sinon, le risque est grand de revenir à la formule des salles des fêtes bonnes à tout et à rien.

En annexe, sont donnés quelques exemples de réalisations intéressantes de France (Centres sociaux des grands ensembles construits par la Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts), d'Allemagne (foyers de jeunes travailleurs, maisons pour étudiants, auberges de la jeunesse, maisons de Communauté créées par le Land de Hesse), d'Italie enfin (Centre communautaire de Palazzo, Centres de culture populaire de l'Union nationale pour la lutte contre l'analphabétisme).

Est-il besoin de souligner l'intérêt, pour des éducateurs, de l'étude faite par le Centre de recherches économiques et sociales ? Les importantes mutations qui se produisent précisément dans la vie sociale appellent la création de formules nouvelles qui doivent faire de la « civilisation du loisir » une réalité riche de contenu. Mais il est indispensable que les objectifs à atteindre soient clairement perçus et que les plans échafaudés un peu partout ne se développent pas d'une manière anarchique, aboutissant à un morcellement des efforts dont nous sommes coutumiers 2.

  1. (retour)↑  Duquesne (Jacques). - Les 16-24 ans. Ce qu'ils sont, ce qu'ils pensent. D'après une enquête de l'Institut français d'opinion publique. - [Paris,] Ed. du Centurion, s.d. - 18,5 cm, 248 p. tabl., graphiques. (Coll. « Le poids du jour ».)
  2. (retour)↑  Un prochain cahier des Études et documents doit précisément étudier quelle orientation pourrait être donnée à une politique d'équipement socio-culturel.