Contribution à l'histoire des sociétés des amis de bibliothèques
Note sur la Société des bibliophiles de Bourgogne
Si la Société des amis de la Bibliothèque nationale et des grandes bibliothèques, créée à Paris en 1913, est vraisemblablement une des plus anciennes organisations à porter le nom de « Société des amis 1 », dès 1907 le conservateur de la Bibliothèque d'Amiens, Mr M. Michel, faisait part à l'Association des bibliothécaires français de l'initiative prise par lui de créer une « Société des amis de la Bibliothèque d'Amiens » 2, cependant que d'autres associations, sous des noms différents, étaient appelées à des dates plus anciennes à jouer un rôle semblable ; parmi elles, la Société des bibliophiles de Bourgogne, dont Mr Gras, conservateur de la Bibliothèque municipale de Dijon, retrace brièvement l'historique 3.
Cette Société a été fondée sur l'initiative de Mr Oursel, conservateur de la Bibliothèque municipale de Dijon, pour aider celle-ci à acheter des œuvres rares et précieuses relatives à la Bourgogne (manuscrits, imprimés, estampes, plans et cartes).
La réunion constitutive eut lieu le 23 mars 1905; le Conseil municipal de Dijon donna son approbation le 3 mai; la déclaration à la Préfecture fut faite le 25 mai et parut au J. O. du Ier juin 1905.
Plusieurs collections dijonnaises avaient été dispersées aux enchères les années précédentes. Le Conservateur avait essayé de profiter de ces ventes mais il avait été contraint à chaque fois de demander à la Ville des crédits supplémentaires qui ne lui avaient été accordés que de façon insuffisante, après de longues discussions ; il avait essayé de lancer une souscription lors de l'une de ces ventes, mais il n'avait pas eu assez de temps pour réussir.
Le crédit d'achat de la bibliothèque était trop faible pour que le Conservateur puisse réserver une forte somme pour des occasions exceptionnelles et, si cette somme n'avait pas été complètement utilisée en fin d'exercice, il aurait fallu des formalités pour la reporter sur l'exercice suivant.
La création de la société permettait de constituer cette réserve. Les statuts prévoyaient qu'en principe les dépenses annuelles devaient être couvertes par les cotisations et les revenus du capital social. Ce capital social ne devait être utilisé qu'en cas d'extrême urgence. La stabilité monétaire d'alors rendait ce système possible et l'on s'efforça d'augmenter ce capital au détriment des ressources en sollicitant les rachats à 200 F (catégorie des membres à vie) et les souscriptions à 500 F (membres perpétuels); la cotisation était de 10 F. La Ville de Dijon versa ainsi, une fois pour toutes, 500 F, ce qui était une somme relativement importante, le crédit d'achat abonnements et reliure étant en 1905 de 4 500 F.
Les trois sociétés savantes locales : Académie des sciences, arts et belles-lettres, Commission départementale des antiquités, Société bourguignonne de géographie et d'histoire donnèrent chacune 100 F. Le Conseil général donna aussi 100 F, puis accorda une subvention annuelle du même montant à partir de 1909.
Le nombre des membres de la Société fut de 45 à l'origine; il atteignit 70 en 1914. De 1905 à 1914, elle acheta un manuscrit, 5 livres du XVIe siècle, et des estampes, dessins et gravures, le tout d'un très grand intérêt pour la somme de 5 337, 30 F, y compris les frais de reliure et d'encadrement.
En même temps, elle publiait un Compte rendu annuel donnant la liste des membres, le rapport financier, un rapport moral décrivant les acquisitions de façon très détaillée, enfin les photographies de ces acquisitions ou des vues de la Bibliothèque, ou même d'ouvrages qui n'avaient pu être acquis lors des ventes aux enchères.
Huit fascicules parurent de 1906 à 1913; la Bibliothèque nationale les possède car elle a accusé réception des années 1906 à 19II le 12 juillet 19II. La publication coûta 1 272,50 F (412 F d'impression et 860,50 F de photographies).
Le capital social ne cessa de s'accroître jusqu'en 1914 date à laquelle eut lieu l'acquisition d'un lot important de vues concernant Dijon au XVIIIe siècle; il coûta 3 525,50 F, plus 268 F d'encadrement, ce qui réduisit l'avoir à 1 705 F.
A cette date, le revenu annuel était d'un peu plus de 900 F (700 F de cotisations, 100 F du Conseil général, le reste en intérêts des rentes à 3 %).
La guerre arrêta l'activité de la société. Les cotisations 1914 ne furent pas mises en recouvrement, ni celles des années suivantes. En 1920, des tentatives eurent lieu pour faire revivre la société. Mais bien des membres étaient décédés ou partis, la situation économique ne permettait pas d'augmenter les cotisations proportionnellement au coût de la vie, le nombre des riches amateurs avait diminué, le Conseil général avait suspendu toute subvention aux sociétés savantes. Trois assemblées générales furent tenues en 1920. Sans doute pour insister sur le caractère utile de la société, il fut décidé qu'elle s'appellerait Société des amis de la Bibliothèque, mais elle ne put être remise en activité sans qu'il y ait eu, semble-t-il, de dissolution formelle.
Conformément aux statuts, l'encaisse devait être remise au Conservateur; il l'utilisa entièrement en 1925 et 1927 par l'achat de gravures et dessins et de trois œuvres de Rameau.
Les archives de la Société, intéressantes surtout par les démarches en vue de la constitution, et les comptes rendus (non imprimés) des dernières années ont été versés aux Archives municipales de Dijon, dans la sous-série consacrée à la bibliothèque.