La nouvelle Bibliothèque universitaire de Dijon
Sur un vaste campus très proche de Dijon et où sont transférés progressivement tous les établissements de l'Université, vient d'être achevée une nouvelle Bibliothèque universitaire, de type classique (bloc-magasin en forme de tour et, sur deux niveaux, les salles publiques et les services intérieurs). Elle occupe dans cet ensemble un emplacement central et offre de larges possibilités d'extension en surface. Description détaillée des nouveaux locaux
L'immeuble qui a été inauguré le 6 octobre 1962 sur la colline de Montmuzard constitue la troisième demeure de la Bibliothèque universitaire de Dijon.
Pendant tout le XIXe siècle la Bibliothèque fut divisée en deux sections : la section droit logée, comme la Faculté, dans une aile de l'ancien Collège des Jésuites; les sections sciences et lettres installées - avec les deux Facultés et le Rectorat - dans un hôtel acquis avant la Révolution par l'Académie des sciences, arts et belles-lettres, et attribué à l'Université en vertu du décret du II décembre 1808. Les biens de l'ancienne Société, et en particulier ses collections, devinrent également propriété de l'Université. Après force réclamations de l'Académie reconstituée et un procès qui dura jusqu'en 1846, l'Université conserva la bibliothèque - premier noyau du fonds actuel - à l'exclusion des manuscrits et des livres acquis après 1798.
Si, grâce au décret impérial, la Bibliothèque eut la bonne fortune de posséder des livres anciens, elle connut, en revanche, une situation précaire dans des locaux étriqués et très incommodes. Situation dont on trouve le compte rendu, d'année en année, dans les rapports du Conseil des facultés.
Le Doyen de la Faculté des sciences déclarait en 1880 : « Dans l'œuvre de rénovation des facultés, il est admis que nous devons à nos étudiants une salle de lecture où se rencontrent avec les ressources de la bibliothèque, des conditions de bien-être et de silence que ne sauraient leur offrir leurs modestes logements... » Mais, en 1883, le Recteur déplore que « les bibliothèques ne soient pas installées... Nous n'avons qu'une salle de lecture provisoire où l'on fait des examens et des conférences ». Et en 1884, le Doyen de la Faculté des lettres constate : « L'important service de la Bibliothèque universitaire n'est pas encore assuré et nous continuons, professeurs et étudiants, à courir après nos livres, quand nous trouvons une salle pour les lire. »
Cette situation devait se prolonger pendant vingt ans encore, s'aggravant à mesure que s'enrichissaient les collections. Au Conseil de l'Université il est fait mention de « l'état de vétusté des bâtiments, qui empêche d'ajouter aucune surcharge au poids déjà trop lourd, sous lequel fléchissent les poutres et se lézardent les murs ». Et dans une lettre de décembre 1900, le Recteur priait le bibliothécaire de décharger le plus possible le magasin de la section des sciences et des lettres, situé au-dessus de l'appartement du Recteur, « le poids des livres menaçant d'enfoncer les plafonds ». Ils furent transportés d'urgence au rez-de-chaussée de l'hôtel où s'entassaient déjà les collections d'histoire naturelle de la Faculté des sciences.
La réunion des deux sections dans un immeuble approprié était une solution envisagée depuis longtemps : beaucoup de projets furent élaborés mais abandonnés les uns après les autres. Enfin, en 1902, des négociations engagées avec la municipalité aboutirent à un accord attribuant à l'Université un terrain situé au centre de la ville pour construire sa bibliothèque. L'édifice - encore en service actuellement, rue Chabot-Charny - fut terminé pour la rentrée universitaire de 1907; la Bibliothèque prit alors le caractère, qui reste le sien aujourd'hui, de bibliothèque encyclopédique commune aux trois facultés.
L'emplacement choisi avait l'avantage de rapprocher la Bibliothèque et la Faculté des lettres (construite, ultérieurement, dans un immeuble contigu) de la Faculté de droit et de la Bibliothèque municipale. Mais il présentait le grave inconvénient de n'offrir aucune possibilité d'extension, étant compris entre trois rues et une cour d'école.
Moins de quarante ans après la construction de l'immeuble, le problème devait déjà se poser. Au lendemain de la guerre de 1939-45, pendant laquelle une partie des locaux avait été affectée à d'autres usages, des travaux de première urgence s'étaient imposés. Puis il fallut s'attaquer au problème de la place : les collections de périodiques n'avaient plus aucune marge d'accroissement, pas plus que les nouvelles acquisitions et la salle de lecture, conçue pour 70 lecteurs seulement, était encombrée par des fichiers et des porte-manteaux.
Grâce aux crédits accordés par la Direction des bibliothèques, des travaux furent entrepris en 1949. Il s'agissait de couper en deux - dans le sens de la hauteur - l'étage supérieur, d'aménager les combles et d'équiper de rayonnages métalliques ces nouveaux magasins.
Par la suite, la création d'une salle de catalogues, avec bureau de renseignements et bureau de bibliothécaire contigus, et l'aménagement du couloir d'accès en vestiaire devaient permettre d'augmenter quelque peu la capacité de la salle de lecture.
Ces mesures ne constituaient cependant que des palliatifs à l'irrémédiable insuffisance des locaux dévolus aux services public et intérieur. Quant aux magasins, une fois remplis les rayonnages existants, aucune possibilité nouvelle d'accroissement ne pouvait être trouvée.
La situation étant identique pour les facultés comme pour la cité universitaire, c'est une solution d'ensemble qui devait être recherchée par la réalisation progressive d'un vaste « campus », situé hors de la ville, et regroupant l'ensemble de l'Université. Ce projet hardi, conçu et poursuivi par Mr le Recteur Bouchard avec une inlassable ténacité, prit corps dès 1955 quand le plan de masse du campus fut dressé par Mr Roger Barade, architecte de l'Université.
Un emplacement central fut réservé, dans cet ensemble, à la Bibliothèque : elle devait constituer un bâtiment distinct des facultés, de manière à pouvoir, éventuellement, s'étendre en surface.
Dès 1956, le programme était établi et recueillait l'approbation du Recteur; en 1958, c'est l'avant-projet qui fut mis au point grâce aux conseils de Mr l'Inspecteur général Masson et avec le concours constant de Mr Bleton, conservateur au Service technique de la Direction des bibliothèques.
L'approbation ministérielle obtenue, l'arrêté fixant le montant de l'engagement de dépense fut pris en décembre 1958 et la première pierre posée le 4 avril 1959 par Mr Cain, directeur général des bibliothèques, qui n'avait cessé de favoriser et d'encourager cette réalisation. En juillet de cette même année furent lancés les appels d'offres et les travaux commencèrent au début de 1960 pour s'achever en octobre 1962.
Le nouvel édifice est une bibliothèque de type classique, comprenant un bloc de magasins en forme de tour et, de part et d'autre, répartis sur deux niveaux, les salles publiques et les locaux des services intérieurs.
D'allure très moderne avec ses façades sud et ouest en murs-rideaux (cadres métalliques et vitrage), elle s'apparente néanmoins aux autres constructions du campus par les revêtements en plaques de pierre de Bourgogne qui « habillent » les façades est et nord ainsi que la tour. Pour tous ces bâtiments, l'emploi généralisé de la pierre, la continuité des jardins les reliant les uns aux autres donnent à l'ensemble unité et harmonie.
Distribution des locaux.
La déclivité nord-sud du terrain permettait d'aménager un rez-de-chaussée bas, avec des salles de lecture sur la façade méridionale et des locaux annexes (salles de manipulations, de reliure, de ronéotypie, de photographie) sur la façade ouest. Très légèrement en contre-bas, ils sont cependant suffisamment clairs. Une entrée de service permet d'accéder, de plain-pied, à ces locaux. A l'angle sud-est se trouve le logement du concierge, tandis que la partie nord, obscure à ce niveau, est occupée par la sous-station de la chaufferie et autres dépendances; enfin, par un magasin à livres constituant le premier niveau de la tour.
Au rez-de-chaussée haut se situent le second niveau de la tour-magasin, la grande salle de lecture et deux salles spécialisées, enfin les bureaux du personnel. Sur la façade nord, se trouve l'entrée principale en bordure d'une esplanade qui conduit à la cité universitaire.
Salle des catalogues.
La porte franchie, le visiteur pénètre dans un hall spacieux qui constitue, au centre même de la Bibliothèque, la salle des catalogues. Les parois intérieures, en grande partie vitrées, donnent au lecteur une vue d'ensemble des services publics et facilitent la surveillance.
La partie centrale formant axe de circulation, les rangées de fichiers sont groupées d'un même côté, prolongées par quelques rayonnages en épis. Là, seront rassemblés les catalogues imprimés des grandes bibliothèques et les bibliographies nationales, de manière à offrir au lecteur, dès l'entrée, les instruments de références d'ordre général.
Faisant face aux fichiers, le long du mur mitoyen du magasin, une banque de distribution sert à la communication des livres, au prêt et au service de renseignements. Les guichets de deux monte-livres ouvrent, à la fois, du côté de la banque et du côté des magasins, assurant des liaisons verticales rapides et une bonne circulation des livres. Une porte battante, située elle aussi derrière la banque, introduit directement dans le magasin à livres, à proximité du groupe d'ascenseurs; à proximité, également, des services intérieurs que l'on atteint rapidement en traversant le magasin.
Si nous revenons dans le hall par le couloir qui longe, à l'est et au sud, la tour-magasin et dessert les bureaux, nous nous trouvons face aux portes d'entrée de la grande salle de lecture où nous pénétrons maintenant.
Salle de lecture.
C'est une salle rectangulaire de 570 m2 (38 m sur 15) dont les trois façades sud, ouest et nord sont constituées par des vitrages. C'est dire que la lumière est dispensée à flot et que toutes les places, même éloignées des fenêtres, sont parfaitement éclairées. Des stores à lamelles orientables permettent de tamiser le soleil ou la lumière trop vive. L'éclairage artificiel, à incandescence, est donné par des appareils encastrés dans les plafonds. Il est très satisfaisant et ne nécessite pas d'éclairage supplémentaire sur tables.
L'isolation phonique des plafonds, le revêtement de caoutchouc posé sur le sol atténuent les bruits et contribuent à créer de bonnes conditions de travail.
Dans cette salle destinée aux étudiants, le problème majeur consistait à trouver, en dépit des parois vitrées, le métrage linéaire indispensable pour les usuels. Deux rayonnages muraux, de part et d'autre des portes, ne pouvant suffire, c'est sur le pourtour qu'il fallait chercher le complément nécessaire. En faisant alterner des fenêtres hautes (à 1,30 m du sol) et des panneaux entièrement vitrés, on eut la possibilité, d'une part, d'aménager des rayonnages en allèges où se répartissent aisément les collections, d'autre part, de conserver des vues sur les jardins qui offrent aux lecteurs détente et agrément.
A l'opposé de la façade ouest, une grande paroi de 26 m de long, en saillie au-dessus de la salle, appelait une décoration : elle a fait l'objet d'une recherche particulière. La solution très heureuse suggérée par Mr Masson, réalisée avec beaucoup de goût par l'architecte, consistait à aménager, comme dans les bibliothèques anciennes, une galerie légère, avec rayonnage mural. Là ont trouvé place les livres du fonds de l'Académie dont les reliures XVIIIe siècle constituent le décor le plus approprié et le plus agréable pour une bibliothèque. Des vitrines verticales coupent le rayonnage de distance en distance, permettant d'exposer des reliures armoriées ou les planches de quelques ouvrages illustrés, présentés ouverts.
Le mobilier a été choisi en fonction du cadre et avec le souci de procurer le plus de confort possible aux lecteurs. Des tables de quatre places ont été réalisées en sapelli et sipo, de couleur acajou, comme l'ensemble des menuiseries intérieures : rayonnages, panneaux d'habillage, fichiers, banque de prêt, et même plafond à caissons de la salle des catalogues. Des chaises confortables, au piètement métallique couleur bronze, recouvertes de tissu plastique noir, complètent le mobilier.
La capacité de cette salle de lecture, actuellement de 200 places, peut facilement être portée à 260 places en ajoutant une rangée de tables. Enfin, s'il en était besoin, la construction d'une ou plusieurs salles pourrait être envisagée grâce aux larges espaces ménagés à l'ouest et au sud du bâtiment actuel.
Salles à secteurs spécialisés.
Dans le programme primitif l'extension future avait été prévue au rez-de-chaussée bas. Mais la nécessité de tenir compte des besoins actuels et de créer des salles à secteurs spécialisés imposait l'utilisation immédiate de la totalité des locaux.
C'est ainsi qu'une salle de 136 m2, réservée aux disciplines scientifiques, a déjà été constituée au rez-de-chaussée haut, à côté de la salle de lecture. Des présentoirs à périodiques sur deux parois, des rayonnages bas en forme d'épis dans une moitié de la salle, quelques grandes tables devant les baies vitrées, constituent l'équipement de cette section. Au même niveau, la salle voisine est réservée pour le droit, tandis que les salles, plus vastes, du rez-de-chaussée bas, seront attribuées aux lettres, aux sciences humaines et aux sciences économiques. Ces deux salles, totalisant 375 m2, sont particulièrement agréables grâce aux vitrages descendant au ras des pelouses.
Ce programme ne sera pas réalisé avant deux ans : il faut, en effet, attendre l'achèvement de la Faculté des lettres en cours de construction, pour que le transfert total des collections soit réalisable et que la Bibliothèque retrouve son unité.
Services intérieurs et magasins.
Les salles annexes du rez-de-chaussée bas, indispensables pour les manutentions et les travaux nécessitant de la place, ont déjà été mentionnées.
Les bureaux des bibliothécaires et les locaux du service de catalogage sont groupés, en majorité, au rez-de-chaussée haut. Situés à l'est et au sud de la tour-magasin ils sont à proximité, à la fois des dépôts de livres et de la salle des catalogues et bibliographies; ils se trouvent, également, à peu de distance des services publics.
Ces avantages et l'agrément de l'exposition font regretter d'autant plus la sonorité de ces locaux et celle des dégagements. Fort heureusement, comme nous l'avons dit, les salles publiques sont insonorisées.
Le chauffage et la ventilation des salles de lecture sont assurés par air pulsé; un chauffage d'appoint est donné, en outre, par radiateurs bas sous les fenêtres. Partout ailleurs (y compris les magasins) c'est un chauffage par circulation d'eau chaude. Dans les bureaux, les radiateurs sont remplacés par un chauffage par plafond.
La tour-magasin a été construite suivant le procédé des poteaux-porteurs servant d'ossature aux rayonnages métalliques. Elle comprend, outre les deux rez-de-chaussée, 12 étages, soit 14 niveaux d'une surface de 254 m2 chacun, pouvant recevoir plus de 600 000 livres sur 18,5 km environ de tablettes. L'extension offerte permet de doubler - et presque de tripler - les collections actuelles. La faible surface des magasins desservis par de bonnes liaisons verticales (deux ascenseurs, deux monte-livres, un escalier) favorise la rapidité des recherches et la distribution des livres.
Au 13e étage, une galerie supérieure vitrée offrant une vue d'ensemble sur tout le campus et un très vaste panorama sera mise à la disposition des professeurs comme salle de détente et servira, occasionnellement, de salle des commissions.
Si l'on évoque, en parcourant les salles spacieuses et confortables de la nouvelle bibliothèque, les conditions de travail offertes, au XIXe siècle, dans le vénérable hôtel de l'Académie, ou, actuellement, dans les locaux exigus et bruyants de la rue Chabot-Charny, on mesure tout le prix de la réalisation de Montmuzard.
Ce « silence » et ce « bien-être » souhaités en 1880 par l'un des doyens et si souvent réclamés par la suite, comme un élément nécessaire au travail en bibliothèque, les voici pleinement réalisés.
Avec toutes les possibilités maintenant offertes d'extension des collections et d'adaptation progressive aux besoins nouveaux, il est permis d'espérer que la Bibliothèque rénovée restera l'auxiliaire efficace de l'Université de Dijon.