Chronique des bibliothèques

Bibliothèque nationale.

Exposition Jean-Jacques Rousseau.

Le cycle des manifestations ayant marqué, en 1962, le deux cent cinquantième anniversaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau s'est clos au mois de novembre par une importante exposition organisée à la Bibliothèque nationale 1.

Les généreux concours, que les établissements français et étrangers ainsi que de nombreux collectionneurs privés ont bien voulu accorder à cette entreprise, ont permis à ses organisateurs de réunir dans la galerie Mansart un ensemble de tableaux, d'objets, de manuscrits et d'éditions rares d'une exceptionnelle richesse. La Bibliothèque de l'Assemblée nationale, la Bibliothèque publique et universitaire de Genève, la Bibliothèque publique de Neuchâtel - pour ne citer que celles possédant les plus importantes collections de documents « rousseauistes » - ont en effet consenti à se priver pour un temps de leurs plus précieux trésors, parmi lesquels il serait difficile de citer, tant elles sont nombreuses, toutes les pièces d'intérêt capital. De son côté la « National Gallery of Scotland », en acceptant de laisser venir à Paris le célèbre portrait de Rousseau par Ramsay, permettait au public parisien d'admirer une toile que bien peu de nos compatriotes connaissent autrement que par des reproductions photographiques.

La vie tourmentée de Rousseau a pu être ainsi reconstituée dans ses grandes lignes, jalonnées par ses écrits, ses lettres, celles de ses amis - et bien sûr par celles aussi de ses ennemis - tandis que sur les murs de la galerie Mansart, tableaux, dessins, estampes et photographies venaient évoquer les lieux où il chercha vainement toute sa vie un peu de bonheur et de paix.

De Genève à Ermenonville, à l'île des Peupliers et au Panthéon, en passant par les Charmettes, Venise, Paris, Montmorency, Môtiers-Travers, l'Angleterre, Bourgoin et Trie-Château, que d'étapes dont le souvenir de Jean-Jacques reste désormais inséparable! Et autour de lui que d'ombres, amicales ou hostiles, semblent reprendre vie : Mme de Warens, Mme Dupin, Mme d'Houdetot, Mme d'Épinay et l'humble Thérèse Levasseur, Diderot dont l'amitié se révéla moins solidement trempée qu'il ne le pensait, d'Alembert, Grimm, Voltaire, Hume, du Peyrou, Lord Keith et tant d'autres! Tous ont été les premiers artisans de cette « légende Rousseau » dont parle M. Julien Cain dans sa préface au catalogue de l'exposition. Cette légende, c'est faute de place et non de matière, qu'il n'a été possible d'en indiquer que les origines et les tout premiers épanouissements.

Selon les traditions bien établies de la Bibliothèque nationale un copieux catalogue de l'exposition a été publié, où le visiteur trouvera rassemblées de nombreuses précisions biographiques, bibliographiques et iconographiques. Il a été rédigé par MM. Jean Adhémar et Marcel Thomas, en collaboration avec Mlles Marie-Laure Chastang, Françoise Gardey et Denise Launay. M. Jacques Suffel a assuré le secrétariat de l'exposition.

Exposition Maurice Barrès.

Les manifestations du centenaire de la naissance de Maurice Barrès (1862-1962), qui avaient débuté en octobre et novembre dans l'Est, à Nancy, Charmes et Metz (exposition au Musée des Beaux-Arts de Nancy autour de La Colline inspirée, colloque à la Faculté des lettres, célébrations académiques, etc.) s'achèvent actuellement à la Bibliothèque nationale où une exposition M. Barrès a été inaugurée le 20 décembre par le Ministre de l'Éducation nationale 2.

Grâce à la précieuse collaboration de M. Philippe Barrès qui a ouvert aux organisateurs de l'exposition, avec une grande libéralité, la bibliothèque de son père, demeurée intacte dans le décor que l'écrivain s'était constitué à Neuilly-sur-Seine, il a été possible de présenter, dans la Salle Mortreuil, un choix très large de manuscrits, de lettres, d'éditions originales ou dédicacées et de documents divers permettant d'éclairer dans ses aspects multiples la vie de Maurice Barrès. A cette source fondamentale et même inépuisable, les divers départements de la Bibliothèque nationale, la Bibliothèque J. Doucet, le Musée historique lorrain et une vingtaine de collections particulières ont ajouté des pièces d'un incontestable intérêt.

On a retracé d'abord l'enfance lorraine de l'écrivain, ses études à la Malgrange et à Nancy, ses débuts dans la littérature, ses premières années parisiennes (il se fixa à Paris en janvier 1883) et ses activités politiques, comme député boulangiste de Nancy (1889-1893). Très tôt, Barrès fut aussi journaliste et il le demeura jusqu'à ses derniers jours. Le dossier de La Cocarde, qu'il dirigea de septembre 1894 à mars 1895, a permis d'illustrer un des aspects les plus caractéristiques de cette activité à laquelle il se livra pendant près de quarante ans.

Toutes ses œuvres essentielles, depuis la trilogie du Culte du Moi jusqu'au Génie du Rhin et à L'Enquête aux pays du Levant, en passant par le Roman de l'énergie nationale, les Bastions de l'Est et La Colline inspirée sont présentées, et souvent éclairées ou expliquées par des documents inédits, parfois suivies dans leur genèse et leurs transformations successives, comme on peut le voir à propos de la première des « Idéologies passionnées » (Du Sang, de la volupté et de la mort), Un Amateur d'âmes.

A l'écrivain est associé intimement l'homme politique : boulangiste, évoluant ensuite vers le nationalisme, président de la Ligue des patriotes à partir de 1914, on rencontre sans cesse son influence ou son intervention dans la politique française depuis la fin du XIXe siècle jusqu'à 1923. Plaquettes, lettres et photographies évoquent la vie publique de Barrès, particulièrement durant la Grande Guerre et les volumes des Chroniques en prolongent le souvenir. Quelques-uns des Cahiers, qui furent la grande révélation posthume sur les méditations de Barrès, et où il avait accumulé depuis 1896 réflexions, notes de lecture, lettres, etc..., servent de conclusion émouvante à l'exposition.

On ne pouvait évoquer Barrès sans rappeler les plus célèbres de ses contemporains, amis et adversaires, ses maîtres aussi : Collignon et Burdeau, V. Hugo et Leconte de Lisle, Taine et Renan, Stanislas de Guaita, J. Moréas, C. Maurras, J. Jaurès, G. d'Annunzio, puis ceux qui lui dédièrent leurs premières œuvres, F. Mauriac, R. Radiguet, H. de Montherlant, etc.

La partie iconographique de l'exposition évoque naturellement aussi les hommes et les femmes avec lesquels Barrès fut en rapport. Une place particulière a été faite aux amis des milieux décadents fréquentés par l'auteur des Taches d'encre, tels que Robert de Montesquiou ou Jean Lorrain, et à des inspiratrices comme Marie Bashkirtseff, Madeleine Deslandes, Anna de Noailles.

L'homme lui-même est évoqué par ses portraits : des photos jaunies de l'enfant aux images officielles du député et de l'académicien, des toiles peintes par ses amis Axilette et Rondel aux effigies plus brillantes de Jacques-Émile Blanche et de Zuloaga.

Enfin autour du bureau de l'écrivain qu'ornent un chat égyptien et le masque de Pascal, ont été réunies quelques-unes des œuvres d'art que Barrès a aimées. Les unes, signées Callot ou Claude Gellée, évoquaient d'abord pour lui le Lorrain. D'autres servaient de support à sa méditation et à sa rêverie : œuvres de Tiepolo, de Chassériau, de Delacroix, ou encore de ce Greco qu'il a contribué à remettre en valeur et qui est représenté dans l'exposition par un « Espolio » prêté par le Musée de Lyon.

Le catalogue, que précèdent une importante préface de M. Julien Cain et une chronologie sommaire, comporte 453 notices rédigées par MM. R. Rancœur et J. Lethève.

Bibliothèques municipales.

Brest (Finistère).

La Bibliothèque utilisant les livres et documents de ses propres collections a organisé une exposition ayant pour thème l'astronautique : une première vitrine a été consacrée aux astronomes, une deuxième aux cartes du ciel et les deux dernières à l'histoire de l'astronautique, y compris les œuvres littéraires d'anticipation.

Carpentras (Vaucluse).

Dans le cadre de la visite à Carpentras, le II novembre 1962, de la Section marseillaise de l'Association Guillaume Budé, sous la conduite de M. le Pr Moulinier, de la Faculté des lettres d'Aix, a été organisée à la Bibliothèque Inguimbertine, dans la salle sise entre les deux réserves, une exposition de manuscrits médiévaux d'auteurs de l'Antiquité classique. Comme il s'agissait d'une exposition spécialisée, le nombre des visiteurs n'a pas été aussi important que pour celle présentée lors du Congrès de la Fédération historique de Provence, en octobre dernier. Sont venus néanmoins de nombreux érudits, des professeurs et des élèves des établissements secondaires de la ville, en tout cent quatre-vingt-deux visiteurs. Parmi les œuvres présentées, nous citerons : un recueil de lettres de Saint-Augustin, du XIIe siècle; deux manuscrits de Salluste, l'un contenant la Conspiration de Catilina, l'autre la même œuvre et la Guerre de Jugurtha, les deux ouvrages étant du xve siècle; un abrégé de Valère Maxime (xve s.); les Vies des douze Césars, de Suétone (xve s.); le De inventione de Cicéron, du XIe siècle; plusieurs manuscrits des lettres du même auteur et un très beau recueil de ses discours (tous du xve s.); un Ovide avec lettres ornées; les odes et épodes d'Horace; un recueil des œuvres de Catulle, Tibulle et Properce, tous du xve siècle; deux manuscrits du XIVe siècle, l'un l'Enéide de Virgile, l'autre la Thébaïde de Stace tous deux glosés; un très beau Térence, richement orné, du xve siècle; enfin une traduction latine des Maximes et principes naturels des philosophes de Plutarque, œuvre de Guillaume Budé (xve s.). Tous les manuscrits exposés proviennent de la Bibliothèque Inguimbertine.

Chartres (Eure-et-Loir).

Pour l'inauguration de la nouvelle Bibliothèque municipale, une exposition a groupé, dans la salle du 2e étage, des photographies concernant Chartres et la Beauce en 1900. Ces photographies ont été tirées d'après les clichés pris par Gustave Fouju entre 1900 et 1906. Représentant en mercerie, Gustave Fouju a parcouru la Beauce, le plus souvent à pied, et, passionné pour son pays, ses traditions et son passé, il a laissé un ensemble de photographies remarquables, tant du point de vue photographique que du point de vue folklorique.

Dijon (Côte-d'Or).

L'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon a commémoré dans sa séance du 5 décembre le deuxième centenaire de la mort de Crébillon le père, né à Dijon en 1674, et mort à Paris le 17 juin 1762; à cette commémoration s'est associée la Bibliothèque municipale en présentant pendant le mois de décembre des éditions de l'auteur tragique, célèbre en son temps, et des documents le concernant.

Le registre paroissial de Saint-Philibert montrait l'acte de baptême du 15 janvier 1674 où le père a signé « Jolyot » tout court, puis la signature de Crébillon lui-même figurait plus d'une fois, ici pour dédicacer ses premières tragédies, là pour viser en tant que censeur royal des comédies ou des pièces poétiques. Un curieux document, prêté par un collectionneur dijonnais, était l'original de l'ordre donné par Maurepas à Anisson, directeur de l'Imprimerie royale, le 28 mars 1749, de procéder à l'impression au profit de l'auteur, de douze cents exemplaires des œuvres de Crébillon : il s'agit de l'édition royale de 1750; était exposé également le manuscrit de la dédicace au roi préparée pour cette édition, mais dont le dernier tiers n'a pas été publié. Des portraits, gravures par Balechou d'après Aved, par Moitte d'après La Tour, etc., ou dessins originaux, escortaient le buste de Crébillon par Lemoyne, un des objets d'art conservés à la Bibliothèque municipale.

Enfin l'essentiel était constitué par les éditions illustrées des tragédies, où la confrontation donnait l'avantage aux trois volumes (1785) de Marillier (compatriote de l'auteur) sur les figures de Moreau le jeune sur son déclin, dans l'édition de 1812.

Mulhouse (Haut-Rhin).

La Bibliothèque municipale a abrité du 8 décembre 1962 au 15 janvier 1963 la onzième exposition annuelle des graveurs mulhousiens. 9 artistes y ont présenté 45 planches imprimées au cours de l'année 1962 : lithographies et gravures sur bois en noir et en couleurs, burins, eaux-fortes.

Orléans (Loiret).

Une exposition, organisée par le directeur du Conservatoire d'Orléans, pour célébrer le centenaire de la naissance de Claude Debussy et le cinquantenaire de la mort de Massenet s'est tenue du 24 novembre au 13 décembre à la Bibliothèque municipale.

Sans prétendre approcher l'exposition Debussy de la Bibliothèque nationale, elle a néanmoins permis de présenter une intéressante et assez complète iconographie et de nombreuses lettres originales autour de ces deux musiciens. Tout un panneau reconstituait, avec des affiches des années 1900, l'atmosphère de l'époque. Plusieurs éditions originales, dont celle de Pelléas et Mélisande, ont été également exposées ainsi qu'une maquette reconstituant le décor de cette œuvre.

Tours (Indre-et-Loire).

Don d'un manuscrit. - Le jeudi 15 novembre, un livre d'heures manuscrit a été remis à la Bibliothèque municipale de Tours par Mme L. Demogé-Lucas, originaire de la région.

Ce manuscrit a été acquis spécialement pour la Bibliothèque de Tours à la « William H. Sehab Gallery », New York (catalogue 31, n° 2), sur les conseils éclairés de M. l'Abbé R. Marcel, secrétaire général de l'Association internationale des historiens de la Renaissance.

Il s'agit d'un livre d'heures à l'usage de Tours, comme l'indique le calendrier : 4 juillet, translation de saint Martin; 22 septembre, saint Maurice; II novembre, fête de saint Martin, en rouge; 13 novembre, saint Brice; 18 décembre, saint Gatien, évêque.

Mesurant 19 X 12 cm, ce manuscrit comprend 89 feuillets. Dans le texte, de nombreuses initiales se détachent en or sur fond alternativement rose et bleu.

Voici la liste des miniatures : fol. 7 : saint Jean l'évangéliste; fol. 8 : saint Luc tenant le portrait de la Vierge; fol. 9 : saint Mathieu; fol. 10 : saint Marc; fol. 10 v° : le baiser de Judas; fol. 16 v° : armoiries d'un seigneur de Rochereau et de sa femme; fol. 26 v° : la Visitation; fol. 33 : la Nativité; fol. 35 v° : l'Annonce aux bergers; fol. 37 v° : l'Adoration des mages; fol. 39 v° : la Présentation au Temple; fol. 42 v° : la fuite en Égypte; fol. 45 v° : le couronnement de la Vierge; fol. 48 : David en prières (miniature à pleine page); fol. 57 v° : Job (miniature à pleine page); fol. 83 : la Vierge de miséricorde.

Ces miniatures semblent être l'œuvre d'un atelier et certaines évoquent l'art du Centre de la France vers la fin du xve siècle au temps où Jean Bourdichon et Jean Colombe influencent de nombreux enlumineurs.

Ce livre d'heures nécessitera, bien entendu, une étude spéciale qui mettra mieux en valeur l'intérêt du don fait à la Bibliothèque de Tours.

Le Livre au service de l'entreprise. - A la suite d'une action de productivité menée par le Comité d'orientation économique d'Indre-et-Loire, et la Jeune Chambre économique de Tours, il a été décidé de créer à la Bibliothèque municipale un rayon de livres sur l'organisation de l'entreprise, étant entendu que l'Association française pour l'accroissement de la productivité (A. F. A. P.), 6, rue Royale, Paris (VIIIe) accorderait une subvention de 3 ooo NF à cet effet.

Les volumes ainsi acquis, auxquels s'ajoutèrent ceux de l'Institut de gestion des entreprises de Tours et de l'Union interprofessionnelle patronale, furent catalogués suivant la C. D. U. et mis en accès direct au public dans la salle d'études de la Bibliothèque municipale de Tours.

Afin d'informer les intéressés, il fut décidé d'accueillir à la Bibliothèque municipale de Tours l'exposition itinérante « Le Livre et le Film au service de l'entreprise » organisée par l'A. F. A. P. ; l'O. C. D. E. (Organisation de coopération et de développement économique) prêtait également son concours.

De très nombreux livres furent exposés, des catalogues imprimés distribués, des films présentés aux entreprises sur le thème de la productivité, soit dans les entreprises mêmes, soit à la bibliothèque.

Quatre conférences à l'auditorium furent suivies par un public nombreux et attentif et les demandes de communication de livres sur le sujet vont croissant.

Visite de la Bibliothèque. - Le 26 novembre 1962, la Conférence générale de l'Unesco consacrait sa journée à la Touraine et visitait le matin la Bibliothèque municipale de Tours.

De courtes notices donnant quelques renseignements essentiels sur la Bibliothèque avaient été multigraphiées dans les 3 langues officielles du groupe : anglais, espagnol, russe; distribuées dès l'arrivée, elles facilitèrent la tâche des interprètes et la centaine de personnalités ainsi accueillie put suivre la visite avec le maximum de profit.

Les visiteurs purent également voir au 2e étage une exposition sur les méthodes modernes (Freinet); les travaux des jeunes enfants et plus particulièrement les dessins furent beaucoup admirés; on apprécia tout particulièrement les échanges entre classes de pays différents par l'intermédiaire de l'espéranto.

Des contacts plus personnels se nouèrent au cours du coktail officiel offert par M. le Préfet Igame P. Trouillé dans les salons de la Préfecture, et permiren de mieux préciser la conception moderne de la bibliothèque, centre de culture ouvert à tous.

  1. (retour)↑  Bibliothèque nationale, Paris. - Jean-Jacques Rousseau. 1712-1778. [Préf. de Julien Cain.] - Paris, [Impr. Toumon et Cie,] 1962. - 20,5 cm, XII-126 p., 8 pl., portr. sur la couv.
  2. (retour)↑  Bibliothèque nationale. Paris. - Maurice Barrès. 1862-1923 [Préf. de Julien Cain]. - Paris, [impr. Toumon et Cie,] 1962. - 20,5 cm, X-92 p., 8 pl., portr. sur la couv.