Stage d'études régional sur le développement des bibliothèques publiques en Afrique

Enugu (Nigeria), 10-22 septembre 1962

Michel Bouvy

Avec le concours du Gouvernement de la Nigeria orientale, l'Unesco a organisé du 10 au 22 septembre 1962 à Enugu (Nigeria orientale) un stage d'études sur le développement des bibliothèques publiques en Afrique.

Ce n'est pas un hasard si la ville d'Enugu a été choisie pour être le siège de cette rencontre qui rassemblait les représentants de vingt-huit États africains dont treize d'expression française. En effet, c'est à Enugu que le gouvernement de la Nigeria a implanté, avec le concours de l'Unesco, la première bibliothèque-pilote africaine de lecture publique. Les participants ont pu admirer cette belle réalisation et en étudier le fonctionnement, dans tous ses détails.

La Bibliothèque centrale régionale d'Enugu joue le rôle de bibliothèque de lecture publique pour la ville (90 ooo habitants) et dessert actuellement au moyen de deux bibliobus les alentours. Elle fonctionne depuis 1958, elle a coûté, bâtiments et équipements (les livres non compris) 60 000 livres (environ 820 ooo NF). Les dépenses de fonctionnement pour 1960-6I ont été de 29 400 livres (environ 400 000 NF). Le bibliothécaire en chef dispose d'un personnel comprenant 40 personnes. De quoi faire rêver beaucoup de bibliothécaires de lecture publique en Afrique... et ailleurs.

Et précisément ce qui est apparu au cours du stage, c'est comparativement l'extrême dénuement de beaucoup d'autres pays d'Afrique et en particulier de l'Afrique d'expression française où la lecture publique n'a pas encore démarré, par rapport à des pays comme la Nigeria ou le Ghana par exemple. A cause du manque de moyens financiers certainement car les gouvernements ont tant de besoins à satisfaire qu'ils ont trop souvent tendance à oublier qu'un service de bibliothèques bien conçu pourrait apporter aux populations des bienfaits certains et qu'il pourrait jouer un rôle dans le développement économique et social du pays, complétant utilement l'enseignement proprement dit pour lequel aucun effort n'est négligé.

Dans les recommandations qui figurent dans le rapport final du stage, les participants ont estimé souhaitable que les pays africains consacrent un minimum de 21 ooo NF par tranche de 500 000 habitants avec un minimum de 42 ooo NF, pour le démarrage de leurs services de bibliothèques. On a estimé que par la suite un pour cent des crédits consacrés à l'enseignement jusqu'à 1970 et deux pour cent jusqu'à 1980 devraient être affectés au développement des bibliothèques. Et ces pourcentages, estime-t-on, devraient être doublés dans les pays où le revenu annuel par habitant est inférieur à 500 NF.

Mais, au-delà de ce problème de crédits, le problème majeur demeure celui de la formation de bibliothécaires qualifiés. Souhaiterait-il vivement posséder un service de bibliothèques, un pays ne peut le lancer s'il ne dispose pas du personnel entraîné indispensable, capable de s'atteler à des tâches aussi délicates que celles qui consistent à planifier, construire, administrer, animer des bibliothèques avec l'aide des techniques modernes. Tant d'échecs sont dus avant tout à l'amateurisme des promoteurs. La bonne volonté ne suffit pas.

D'où l'importance du rôle qu'est appelé à jouer dans les années qui viennent le Centre régional de formation de bibliothécaires créé à Dakar par le gouvernement du Sénégal avec le concours de l'Unesco. Un certain nombre des gouvernements des pays d'expression française sont déjà disposés à y envoyer des étudiants. Parallèlement à la formation proprement dite de personnel, le Centre pourra entreprendre des recherches en vue d'élaborer des techniques applicables à l'Afrique.

C'est dire que, malgré les apparences, l'idée des bibliothèques publiques fait son chemin en Afrique et que, déjà commencée dans les pays d'expression anglaise, l'ère des réalisations approche dans ceux d'expression française.