Acquisition en coopération en Grande-Bretagne

S.P.L. Filon

K. W. Humphreys

Les bibliothèques publiques, groupées en « Regional library systems », ont pris en 1948 l'initiative de la coopération. Les bibliothèques de chaque « région » se partagent, sur la base de la classification de Dewey, la responsabilité des acquisitions composées essentiellement de livres anglais courants. En I959, un plan national vint compléter les plans régionaux afin d'en combler les lacunes. La coopération pour l'acquisition de la documentation étrangère est encore à l'état de projet. En 1955, la « Standing conference of national and university libraries » prit en main ce problème et entreprit d'étudier la composition des collections possédées par les bibliothèques de Grande-Bretagne. Si la situation est satisfaisante pour les périodiques et pour les disciplines scientifiques grâce à la « National lending library for science and technology », il n'en est pas de même pour les sciences humaines. Un examen approfondi des problèmes posés et des solutions envisagées doit précéder toute mesure pratique

Première partie par S. P. L. Filon

Malgré l'extension en Grande-Bretagne du prêt entre bibliothèques organisé de façon méthodique, depuis, ou même avant, 1930, ce n'est qu'après la dernière guerre que les spécialistes ont manifesté le désir que s'accroissent les fonds de publications scientifiques, tant anglaises qu'étrangères, dans les bibliothèques de leur pays. Lors d'une conférence sur l'information scientifique, tenue sous les auspices de la « Royal Society », une résolution fut adoptée recommandant aux commissions des bibliothèques de « faire porter leur attention sur la coopération entre les bibliothèques en vue de réduire les doubles emplois superflus et de permettre l'accès à une part plus importante de la production documentaire mondiale ». La valeur d'un système de prêt inter-bibliothèques dépend en effet en définitive du nombre de publications qu'il peut rendre accessibles. La « Library Association » reprit cette proposition mais la discussion de cette question s'étendit sur plusieurs années et, entre temps, l'initiative de cette mesure fut prise par certains groupes de bibliothèques publiques que les besoins du prêt inter-bibliothèques avaient déjà liées à cause de leur situation géographique. Ces groupes de bibliothèques, les « Regional library systems », sont au nombre de II (si l'on y inclut l'Écosse et le Pays de Galles qui a deux systèmes régionaux); ils furent créés vers 1930 en partie pour décentraliser les prêts entre bibliothèques et pour rendre possible la création d'un catalogue collectif national. La « National Central Library » de Londres joue le rôle de centre de coordination entre les « régions ».

Les « régions », composées principalement de bibliothèques publiques, étaient intéressées au premier chef par l'accroissement des fonds de livres anglais. Le problème posé par les acquisitions de livres en langues étrangères et de périodiques de toutes langues est resté jusqu'à présent sans solution. Cependant on a acquis une expérience très appréciable des acquisitions en coopération et l'habitude s'est établie de répartir la responsabilité des achats entre plusieurs bibliothèques selon un plan déterminé.

Le groupe de bibliothèques qui commença le premier à coopérer pour l'acquisition des livres fut celui des « London metropolitan borough libraries » (Bibliothèques des quartiers urbains de Londres). Ces bibliothèques publiques, au nombre de 29, sont toutes d'importance comparable. En 1948 elles collaboraient déjà en se prêtant des livres par l'intermédiaire d'un bureau central : Le « London union Catalogue » (le Catalogue collectif de Londres). Prêts et emprunts s'effectuaient hors de Londres par l'intermédiaire de la « National Central Library ». Cette même année 1948, on décida d'adopter un plan de spécialisation par sujets appelé le « Metropolitan special collections ». Des sondages avaient montré que de nombreux livres publiés en Grande-Bretagne n'étaient acquis par aucune des « metropolitan libraries ». Des ouvrages en vogue se trouvaient dans toutes les bibliothèques, le plus grand nombre dans plusieurs d'entre elles, quelques-uns dans une seule bibliothèque, tandis qu'une proportion non négligeable de livres n'apparaissait dans aucune. L'objet du plan « Metropolitan special collections » était d'accroître les fonds de livres anglais dans ces bibliothèques pour les rendre virtuellement exhaustifs. Le plan était conçu comme suit. Le champ des connaissances était divisé en 29 sections sur la base de la Classification décimale de Dewey. On affecta des sections de la classification aux bibliothèques en faisant en sorte que les dépenses entraînées par les acquisitions en cette discipline soient à peu près proportionnées aux ressources financières de la bibliothèque (la dépense minimum prévue était de zoo livres lorsque le plan fut mis en œuvre en 1948). En 1955, on estimait qu'un total d'environ 9 ooo à 10 000 livres était dépensé annuellement pour l'acquisition de « livres d'un niveau élevé ou spécialisé » dans le cadre du plan.

Ce système coopératif n'est pas limité strictement aux acquisitions de livres anglais courants; certains périodiques sont également achetés dans les divers domaines ainsi que des livres en langues étrangères mais l'importance à donner à ces acquisitions est laissée à l'appréciation des bibliothécaires; il en est de même en ce qui concerne les acquisitions de livres anglais anciens. Seuls les livres anglais courants, recensés dans la « British national bibliography », sont achetés systématiquement et, même pour ces ouvrages, on a fixé un prix limite de 12 shillings et six pence au-dessous duquel l'achat n'est pas obligatoire. Cependant ces règles ne dispensent absolument pas les bibliothèques participantes d'acheter des livres anciens ou des livres étrangers quand il y a de bonnes raisons pour le faire. Un aspect particulièrement important du « Metropolitan special collections » est que tous les livres acquis par les bibliothèques doivent être accessibles en prêt. Les livres achetés dans le cadre du plan sont, comme tous les ouvrages documentaires entrés dans les bibliothèques, recensés dans le « London union catalogue ».

Les « metropolitan libraries » ont également un plan de coopération pour l'achat et la conservation des romans. La répartition des responsabilités est faite sur la base des noms d'auteurs, l'alphabet étant divisé entre les diverses bibliothèques. Il y a également des plans complémentaires pour les romans étrangers et pour le théâtre. Ce plan de coopération a été suivi après janvier 1950 d'un plan similaire entre les bibliothèques de la « South Eastern Region » qui couvre les comtés de Londres ainsi que sa banlieue. La situation y différait de celle du « Metropolitan London » dans la mesure où la « région » comprenait quelque 80 bibliothèques, à la fois bibliothèques municipales et bibliothèques de comtés (mais comme dans le groupe londonien aucune bibliothèque universitaire ou spéciale) d'importance variable et de ressources financières très diverses. Il n'y avait pas lieu dans ce cas de développer comme à Londres des collections spécialisées qui serviraient de centres de référence aussi bien que de centres de prêt aux autres bibliothèques. Il s'agissait de faire accepter aux bibliothèques des attributions arbitraires fondées sur la classification de Dewey et de rendre accessibles au moyen du prêt les collections - fragmentaires et d'importance variable- ainsi constituées. On n'achète habituellement ni ouvrages anciens, ni ouvrages étrangers. Chaque bibliothèque était requise de dépenser une somme minimum, fixée d'après le sujet, ou les sujets, qui lui avaient été attribués par le plan et d'après le prix des livres anglais dans cette section de la classification. Voici par exemple quelques-uns des prix tels qu'ils étaient fixés à l'origine (ils ont naturellement changé en l'espace de douze ans). La Bibliothèque publique de Brighton s'était vu attribuer les sections 353-354 (systèmes de gouvernement à l'étranger) : le coût annuel en était estimé à 52 livres (en moyenne). La bibliothèque publique de Croydon prit la responsabilité d'un certain nombre de sujets qui comprenaient une partie du 320 (sciences politiques) et une partie du 330 (sciences économiques); coût : 86 livres. Les tables de la classification de Dewey étaient ainsi divisées en un certain nombre de sujets d'ampleur limitée et les attributions aux bibliothèques comportaient souvent plus d'une section de la classification. L'inégalité des ressources de ces différentes bibliothèques rendait nécessaire cette extrême subdivision, sinon on n'aurait pu trouver de sujets clairement définis appropriés pour telle ou telle des bibliothèques comprises dans le plan. Cette méthode présentait également l'avantage que, les collections ne reposant sur aucun fonds spécial préexistant dans ces bibliothèques, il y avait moins de danger que les livres acquis puissent devenir des instruments de références qui ne seraient pas librement accessibles pour le prêt aux autres bibliothèques. Depuis 1950, des plans similaires pour l'acquisition en coopération de livres anglais courants ont été adoptés par la « North-Western Region » (les comtés de Lancaster et de Chester autour de Manchester), par la « South-Western Region » (autour de Bristol), au Pays de Galles et en Écosse. La plupart des autres « régions » cependant s'assurent qu'elles se suffisent à peu près à elles-mêmes pour les livres anglais courants en réunissant régulièrement des commissions chargées de discuter des achats de livres. En outre, des plans existent pour l'acquisition de romans en langues étrangères dans les « East Midlands », les « North Western Regions » et à Londres. Quelques régions ont également planifié les acquisitions d'œuvres théâtrales. Chaque région a atteint largement son autonomie en ce qui concerne les livres anglais, l'importance de cette situation fut soulignée à la fois par la « National Central Library », qui n'accepte plus les demandes de livres anglais publiés depuis le Ier janvier 1959 émanant de bibliothèques régionales, ainsi que par le « National committee on regional library cooperation » (Comité national pour la coopération entre bibliothèques régionales) qui coordonne les activités des « régions ».

Cependant, vers 1958, quand la « National Central Library » fit connaître sa décision de ne plus accepter les demandes de livres courants anglais à partir de 1959, nombreuses furent les « régions » qui se demandèrent si elles suffiraient à leur tâche sans l'aide de la « National Central Library ». Un projet fut par conséquent élaboré par le « National Committee » avec l'encouragement et l'appui de la « National Central Library » visant à établir un plan national de répartition pour combler les lacunes des plans régionaux existant déjà : il divise les responsabilités afin de couvrir complètement le champ de la production anglaise courante. Cette nouvelle entreprise de coopération : l' « Inter regional coverage scheme », en application depuis 1959, a très bien réussi à remédier aux insuffisances des plans régionaux; le seul danger réside dans le fait que quelques « régions » ont tendance à se reposer un peu trop sur le nouveau plan national pour acheter les livres qu'elles devraient avoir elles-mêmes. Dans le cadre du Plan, les « régions » reçoivent chacune la responsabilité d'une des divisions principales de Dewey (à 1 ou 2 exceptions près) compte tenu des dépenses impliquées et des ressources financières disponibles dans chaque cas, de sorte que le champ complet des connaissances soit couvert. Elles se chargent de se procurer tout livre recensé dans la British National Bibliography et de le rendre accessible en prêt aux autres bibliothèques. Quand une « région » demande à emprunter un livre anglais postérieur à 1959, elle peut s'adresser directement au Bureau ou au centre de la « région » appropriée dans le cadre du Plan inter-régional. Il va sans dire que toutes les « régions » connaissent la répartition régionale des diverses sections de la Classification de Dewey. Ces remarques assez détaillées sur les méthodes adoptées pour s'assurer que les livres anglais publiés depuis une certaine date sont achetés par les bibliothèques locales grâce à un système coopératif ne devraient pas cependant donner l'impression que le problème qui consiste à réaliser le recensement complet des ressources, recommandé par la « Royal Society scientific information Conference », a été complètement résolu. Non seulement on ne s'est pas préoccupé des livres étrangers et des livres américains (à l'exception du roman dans une certaine mesure) mais les périodiques ne sont représentés, eux aussi, que dans une assez faible proportion (dans le plan de Londres par ex.). De plus, le degré d'exhaustivité pour les livres anglais varie beaucoup d'une région à une autre. Il est très difficile, dans de nombreux cas, de persuader les bibliothèques d'acheter tout ce qui paraît dans le domaine qui leur a été attribué, elles ont tendance à négliger les livres qu'elles considèrent comme des « broutilles » même quand on leur rappelle que les « broutilles » d'aujourd'hui peuvent parfois être intéressantes pour les étudiants de l'avenir.

En ce qui concerne les ouvrages étrangers et les périodiques, la « National Central Library » commence à jouer un rôle important. La politique de la « Library » est d'acheter pour ses propres collections, accessibles en prêt à toutes les bibliothèques, les livres étrangers et les livres anglais anciens ainsi que les périodiques qui se sont avérés inaccessibles en prêt en Grande-Bretagne. Ceci ne peut être fait qu'en proportion des fonds disponibles et l'on espère qu'ils seront accrus de façon substantielle dans l'avenir. Quels que soient les plans de coopération qu'on puisse adopter, on sait par expérience que de nombreuses lacunes subsistent et continueront d'exister dans les collections. Il est cependant souhaitable qu'il y ait une bibliothèque centrale de prêt pour combler des lacunes, en particulier dans le domaine des sciences humaines où il n'existe pas de bibliothèque nationale de prêt semblable à celle qui existe pour les sciences exactes (« National lending library for science and technology » : Bibliothèque nationale de prêt pour les sciences et la technologie). La coopération dans les acquisitions de livres en Grande-Bretagne n'a été qu'esquissée dans les lignes précédentes et particulièrement en ce qui concerne les bibliothèques publiques (et les bibliothèques de comtés) qui forment la majeure partie des bibliothèques constituant une « région ». Les bibliothèques universitaires sont évidemment celles qui sont concernées au premier chef par l'approvisionnement en livres étrangers et en périodiques, mais cela fait l'objet d'un autre article. Cependant, il faudrait peut-être mentionner ici qu'il existe depuis plusieurs années un plan de coopération entre les bibliothèques juridiques de Londres. La « London School of economics » (École de sciences économiques de Londres), l' « Institute of advanced legal studies (Institut des Hautes Études juridiques) et d'autres bibliothèques dépendant de l'Université de Londres ont convenu de répartir entre elles les différentes classes des sciences juridiques, chacune d'elles se spécialisant en une ou plusieurs branches du sujet; les autres bibliothèques par conséquent n'ont pas à s'en occuper systématiquement. Les livres acquis dans ce cadre doivent évidemment être accessibles en prêt aux autres bibliothèques.

Un autre plan d'acquisition en coopération a sa base à la « National Central Library », bien qu'il ait été organisé par le « Joint standing Committee on library cooperation » (Commission permanente commune pour la coopération entre bibliothèques), commission composée de l' « Association of university teachers » (Association de professeurs d'université) et de bibliothécaires universitaires, responsable, à l'origine, de l'introduction (en 1925) et du développement du prêt entre bibliothèques universitaires. L'objet de ce plan est de rassembler les ouvrages de la période 1550-1800 les moins fréquemment lus. On l'appelle le « Background material scheme » (Plan relatif aux documents d'intérêt secondaire); il visait, à ses débuts, à acquérir les ouvrages généraux, souvent de caractère éphémère, qui sont fréquemment omis dans les acquisitions des bibliothèques, plutôt qu'à acheter systématiquement des œuvres littéraires connues ou des ouvrages relatifs à un sujet précis; on pensait qu'un tel fonds, composé principalement de livres de valeur intrinsèque minime, pourrait être, pris dans son ensemble, fort intéressant pour les historiens et les sociologues. Ce n'est pas la classification mais la chronologie qui est à la base de la répartition; chaque bibliothèque coopérante s'engage à acheter d'occasion les livres de certaines périodes déterminées, une bibliothèque ayant normalement la responsabilité d'une période de dix ans. La limitation envisagée à l'origine, quand le plan fut mis en œuvre, prévaut encore dans une certaine mesure, mais les bibliothèques ont tendance à acheter tout ce qui est disponible pour la période concernée. Quelque 2I bibliothèques, bibliothèques universitaires et bibliothèques publiques, coopèrent à ce plan. On fait connaître les livres acquis à la « National Central Library » qui les inscrit au « National union Catalogue » et également dans un catalogue chronologique séparé où les ouvrages sont classés par date dans chaque période.

En conclusion, on peut dire que des systèmes d'acquisition en coopération ont été ébauchés par plusieurs groupes de bibliothèques avec quelque succès mais souvent avec des buts différents; on peut ajouter que, jusqu'à présent, aucun plan général n'a été accepté qui assurerait la libre disposition et la conservation de toute publication susceptible d'être demandée à présent ou à l'avenir.

La Grande-Bretagne par comparaison avec d'autres pays est peut-être handicapée par le fait qu'il n'y a pas de coordination centrale du travail des bibliothèques; tout dépend donc de l'initiative et du désir de coopération des bibliothécaires et des organismes centraux des bibliothèques.

Deuxième partie, par K. W. Humphreys

La masse énorme et toujours croissante de la production littéraire mondiale pèse de tout son poids sur les chercheurs depuis plusieurs années et les problèmes que leur pose l'accroissement du nombre des livres et des périodiques dans toutes les disciplines et dans tous les pays ont fait, de leur part, l'objet de sérieuses discussions. Pour le bibliothécaire, le problème a été résolu, en quelque sorte, de tous temps par l'insuffisance des crédits. Dans son programme d'acquisition, il doit avoir en vue d'abord les besoins de ses propres lecteurs et il doit, par conséquent, exercer une sélection rigoureuse. Cependant, la nécessité de fournir aux lecteurs les classiques de tous les temps a rapidement incité à mettre en œuvre des plans de coopération, d'abord pour le prêt entre bibliothèques, et plus récemment, pour les acquisitions. Les demandes relatives aux livres anglais courants sont, évidemment, celles qui priment et la méthode par laquelle nous nous assurons qu'un exemplaire de tous les livres anglais est, à sa parution, accessible au lecteur par l'intermédiaire du prêt interbibliothèques est clairement exposée dans l'article de M. Filon. Cependant, il serait bon, peut-être, de noter que de nombreuses bibliothèques universitaires (par exemple celles de Sheffield et de Birmingham) participent à ce plan. Des « régions » ont tenté d'atteindre à une certaine autonomie pour les périodiques anglais et chaque « région » est tenue d'avoir au moins un exemplaire des périodiques recensés dans le British technology index. Les livres anciens de Grande-Bretagne ne sont pas acquis systématiquement si ce n'est dans le « Background scheme » (Plan secondaire) mentionné par M. Filon

Et l'on va voir qu'il n'y a pas, jusqu'à présent, en Grande-Bretagne, de plan d'ensemble pour l'acquisition de la documentation étrangère. La réalisation la plus intéressante pour l'équipement en livres étrangers aussi bien qu'en livres anglais est, sans aucun doute, l'organisation de la « National lending library for science and technology » ; ses buts ont été exposés par le Dr D. J. Urquhart 1. De nombreux bibliothécaires anglais, et en particulier M. I. P. Gibb 2, recommandèrent la mise en œuvre d'un plan semblable pour les disciplines non scientifiques dans une « National library for the humanities ». Mais les objections très valables qui s'opposaient à un tel plan ont été exposées avec compétence par M. D. T. Richnell 3.

Bien que la nouvelle « National lending library for science and technology » soit en mesure de fournir une contribution très importante pour l'acquisition de la documentation scientifique, il faudra, pour atteindre l'exhaustivité requise, recourir à la coopération dans les acquisitions et dans le prêt.

En ce qui concerne les sciences humaines et les sciences sociales, une action concertée et suivie est grandement nécessaire pour arriver à ce que la production mondiale soit plus largement représentée. Les insuffisances actuelles sont bien montrées dans le Report on a survey of the resources for research in the social sciences de la « British academy » (Oxford, 196I). De nombreuses tentatives ont été faites pour accroître les ressources des bibliothèques anglaises entre les deux guerres mondiales, mais elles ont été généralement limitées. En 1936, par exemple, l' « Association of university teachers » inaugura un plan d'acquisition en coopération des livres et des périodiques relatifs à la littérature allemande; ce plan connut un certain succès pendant quelques années.

Cependant, l'impulsion qui amena à envisager la mise en œuvre d'un plan national fut, sans aucun doute, donnée par les recommandations de la Conférence sur l'information scientifique, réunies en 1948 sous les auspices de la « Royal Society ». La création de la « National lending library for science and technology » fut la conséquence de ces recommandations qui incitèrent également la « Library association » à constituer un groupe de travail consacré à l'acquisition en coopération des livres et des périodiques.

Dans son premier rapport en 1949 4 ce groupe de travail proposait un plan de réforme des bibliothèques de Grande-Bretagne, impressionnant certes, mais extrêmement onéreux. Ce plan prévoyait, entre autres choses, que les bibliothèques universitaires et spécialisées achèteraient toute la documentation courante, en toutes langues, intéressant la ou les disciplines couvertes; on laissait cependant aux bibliothèques coopérantes la liberté d'exclure ce qui, d'une façon ou d'une autre, paraissait indésirable; des bibliothèques de prêt spécialisées devaient être chargées de la totalité de la production britannique. De telles mesures étaient subordonnées à l'aide financière du Trésor et comme cette aide ne s'est jamais matérialisée, le plan n'a pas été réalisé et, dans le climat financier actuel, il est peu vraisemblable qu'il le sera jamais.

Le second rapport préliminaire du groupe de travail 5 déclarait que le rapport de 1949 offrirait une base solide pour édifier un plan de coopération proche de l'idéal, une fois le temps venu où une aide financière quelconque serait disponible, mais qu'un plan moins grandiose s'imposait dans l'immédiat si l'on voulait aboutir assez vite à des résultats pratiques. On proposait d'entreprendre un relevé des carences dans la totalité des fonds. Le rapport suggérait que le groupe de travail dresse une liste des sujets ou des types de documents à acquérir en priorité et invite les experts à indiquer les lacunes qu'ils y relèveraient. Bien que le groupe de travail ait ultérieurement tenu d'autres réunions, il n'obtint pas de résultats appréciables.

En 1955, la « Standing conference of national and university libraries (SCONUL)» reçut un mémorandum sur la coopération dans les accroissements des bibliothèques, qui entraîna la création d'un sous-comité pour la coopération dans les acquisitions, chargé d'envisager des méthodes pour accroître les fonds de livres et de périodiques. Le mémorandum attirait l'attention sur les difficultés croissantes que rencontrait chaque bibliothèque pour se procurer la production littéraire mondiale avec des budgets insuffisants et sur la nécessité de dresser un état de la situation présente pour se rendre compte de la nature du problème posé, de telle sorte que les lacunes des collections des bibliothèques du pays puissent être décelées et qu'on puisse prendre des mesures pour les combler.

On proposa de résoudre sur le plan régional, principalement par l'intermédiaire des bibliothèques publiques, le problème posé par les livres anglais. C'est maintenant chose faite, comme on l'a vu par l'article de M. Filon. Les périodiques anglais pourraient être traités de la même manière.

Une étude fut proposée, basée sur celle faite par l'Aslib pour déterminer dans quelles disciplines la situation était satisfaisante; quant aux fonds de périodiques étrangers, ils pourraient être évalués en fonction des collections répertoriées dans le British union catalogue of periodicals. Le mémorandum traitait ensuite des manuscrits et des micro-reproductions, et en particulier, de l'information sur la documentation nouvellement acquise.

Le sous-comité s'est, jusqu'à présent, réuni treize fois. Son premier soin fut d'entreprendre la publication d'un bulletin des périodiques étrangers, publié à intervalles irréguliers, recensant toutes les revues étrangères acquises par les bibliothèques participantes et qui n'avaient pas été signalées comme accessibles en prêt par le British union catalogue of periodicals ou par la World list of scientific periodicals.

En même temps, un certain nombre de membres de la SCONUL entreprirent de consacrer aux collections, des études témoins. Les résultats obtenus furent tout à fait significatifs. On se rendit compte en premier lieu que les périodiques anglais étaient convenablement représentés et qu'il n'était pas nécessaire de prendre des mesures pour améliorer la situation. En revanche un échantillonnage de 128 titres de livres relevés dans l'Année philologique pour les études classiques révéla que 59 d'entre eux se trouvaient dans 4 bibliothèques de prêt au moins, que 18 se trouvaient seulement dans des bibliothèques qui ne prêtaient pas et que 27 n'étaient présents dans aucune des bibliothèques qui avaient répondu à l'enquête. Un échantillonnage semblable de périodiques étrangers, pris dans la même revue, montra que, sur 78 titres, 33 étaient dans 4 bibliothèques de prêt au moins, 14 dans des bibliothèques ne prêtant pas et que 7 n'étaient nulle part régulièrement reçus. En ce qui concerne l'histoire, une étude témoin donna des résultats encore plus surprenants : sur 64 titres étrangers, 13 se trouvaient dans 4 bibliothèques de prêt au moins, 16 seulement dans des bibliothèques ne prêtant pas et 18 ne se trouvaient dans aucune. Une étude postérieure porta sur les périodiques médicaux, mais il est probable que ce domaine est maintenant couvert par la « National lending library for science and technology » et l'on n'envisage pas, pour le moment, de plan pour l'acquisition en coopération de la production médicale, en dehors de celui qui a été établi par les bibliothèques médicales de Londres.

Il apparaissait, d'après cette étude, que la situation était loin d'être satisfaisante et qu'il était nécessaire d'examiner de beaucoup plus près les collections de toutes les disciplines avant de pouvoir mettre en œuvre un plan de coopération quel qu'il soit.

Le sous-comité prit également en charge la publication d'un certain nombre de catalogues de fonds de périodiques et la préparation d'un index des collections spécialisées conservées dans les bibliothèques coopérantes. Des listes de périodiques qui étaient demandés en prêt interbibliothèques à la « National Central Library » et qui ne se trouvaient pas en Grande-Bretagne furent examinées par la Conférence et les membres participants entreprirent de s'abonner à ceux qui les intéressaient. Ils s'accordèrent également pour envoyer à trois bibliothèques différentes, compte tenu du sujet traité, des spécimens de périodiques auxquels ils n'avaient pas l'intention de s'abonner, de façon qu'il fût possible aux autres membres de la Conférence d'examiner ces périodiques.

Un grand nombre de lacunes furent ainsi comblées, mais on ne s'était pas encore attaqué au problème principal : couvrir toute la production livresque. Le sous-comité cependant discutait de l'opportunité pour la Grande-Bretagne d'un plan du type Farmington et portait le débat devant la Conférence entière. L'affaire fit, à maintes reprises, l'objet d'un examen attentif; le coût en fut estimé et l'on essaya d'évaluer le champ qui restait à couvrir.

Les résultats de ces enquêtes ont cependant souligné la nécessité d'une étude des ressources actuelles des bibliothèques de notre pays et la Conférence a approuvé un plan à vaste échelle pour une telle étude si l'on pouvait se procurer les crédits nécessaires. On a prcssenti une Fondation pour obtenir ces crédits et la conférence attend maintenant la décision de la fondation.

Le but de cette étude est de « rechercher à la fois combien de livres sont et ne sont pas dans telle bibliothèque du pays et combien, accessibles dans des bibliothèques qui ne prêtent pas, ne se trouvent dans aucune bibliothèque pratiquant le prêt interbibliothèques ». On abordera cette étude de trois points de vue différents : on examinera les publications courantes d'après leur pays d'origine, les publications courantes ou plus anciennes d'après leur sujet et on analysera les livres que, d'après les registres de la « National Central Library », l'on ne peut se procurer en Angleterre. Ces trois aspects « seront conçus de telle manière que leurs résultats pourront se combiner en un tableau d'ensemble plus complet que celui qui aurait pu être obtenu par l'application d'une seule méthode ».

Bien que les travaux de la SCONUL aient surtout porté sur les fonds de périodiques, la Conférence a tenu naturellement à accroître les collections de livres étrangers. Dans le même temps, M. J. F. W. Bryon avait élaboré un « projet de coordination et d'acquisition en coopération par les bibliothèques anglaises des livres et des périodiques étrangers » qu'il soumit à la « Library association » et à la SCONUL.

A la suite des délibérations de ces deux organismes, une conférence fut réunie pour discuter de ce projet; des représentants des bibliothèques nationales, des bibliothèques universitaires et des bibliothèques publiques ainsi que des professeurs d'université y assistaient. Un sous-comité, créé par la Conférence, fut chargé : I° de voir dans quelle mesure l'exhaustivité serait atteinte; 2° d'examiner les méthodes efficaces pour porter ce problème devant l'opinion publique et y concentrer l'attention de la nation; 3° de préparer un projet préliminaire aux objectifs aussi précis que possible (y compris les méthodes, les modes de répartition, les dépenses impliquées dans cette entreprise); 4° de définir quelles bibliothèques ou quels types de bibliothèques devraient être inclus dans un plan important ; 5° de voir comment un tel plan devrait être financé; 6° d'examiner comment la sélection des documents devrait être faite, les bibliothécaires servant de conseillers. Le sous-comité devra attendre les résultats de la tentative de la SCONUL pour obtenir des subsides, car il ne sera pas question, bien entendu, de faire le travail deux fois. Dans l'intervalle, il pourra chercher quelles bibliothèques pourraient participer au plan national, s'informer de l'éventualité d'une aide financière extérieure et voir ce qu'il en coûterait, à peu près, à chaque bibliothèque (j'ai moi-même estimé ailleurs cette somme, pour quarante bibliothèques, à environ 1 ooo livres par an, pour les livres seuls).

Dans les premières propositions portées devant la SCONUL, on était d'avis que pour certains domaines linguistiques, les langues slaves et orientales par exemple, des plans séparés pourraient être possibles qui seraient élaborés par les bibliothèques spécialement intéressées par la documentation touchant à ces disciplines. Des progrès ont déjà été réalisés pour coordonner l'information sur les acquisitions slaves : la « National Central Library » possède un Russian union catalogue (qui, malheureusement, n'est pas tenu à jour) et est informée des nouvelles acquisitions russes, tandis que les bibliothèques qui ont des fonds russes importants et spécialisés : le « British Museum », la « British Library of political and economic science », la « Taylor Institution » d'Oxford et les bibliothèques universitaires de Birmingham et de Glasgow, échangent des listes de leurs nouveaux livres en langue russe.

Dans un rapport récent, un sous-comité de l' « University grants committee » (le « Hayter Committee ») a étudié la question du développement de l'enseignement des disciplines relatives aux pays slaves, orientaux et africains et, entre autres recommandations, il a préconisé la création de comités de bibliothécaires appelés à tenir à jour de tels fonds, afin qu'ils organisent l'acquisition et le catalogage en coopération des livres et des périodiques édités dans les pays slaves et orientaux aussi bien qu'en Afrique.

Une assemblée permanente sur la documentation africaine a été constituée dès cette année dans le but de faciliter l'acquisition et la conservation de la documentation nécessaire aux études sur l'Afrique et d'aider au répertoriage et à l'emploi de cette documentation. Elle a un certain nombre de projets en perspective; ceux dont on propose qu'ils soient réalisés en premier lieu sont les suivants : a) demander aux bibliothécaires de définir leur politique d'acquisition et de dresser un tableau de leurs fonds africains : les renseignements ainsi obtenus seront consignés dans un document particulier; b) trouver le moyen d'arriver à un accord aux termes duquel les bibliothèques s'abonneraient aux nouvelles suites ou à de semblables publications périodiques coûteuses de telle sorte que l'on soit assuré qu'au moins une collection complète se trouve en Grande-Bretagne; c) développer les accords avec les bibliothèques, les autres centres ou les particuliers qui, sur place, sont disposés à faciliter autant que possible l'acquisition de documents édités en Afrique, pour le compte de toutes les bibliothèques participantes désirant obtenir les documents en question; d) distribuer des listes communes d'acquisitions ; e) constituer un centre de « clearing » pour l'échange des doubles.

Le gouvernement a déjà annoncé l'octroi d'une aide financière pour développer les études africaines : elle permettra d'accroître les fonds des bibliothèques.

La SCONUL a nommé des membres chargés d'organiser des réunions pour les bibliothécaires qui, d'une part, recueillent de la documentation russe ainsi que pour ceux qui s'occupent de documentation orientale, selon les recommandations de l' « Hayter Committee ». Aucune réunion n'a encore été tenue pour les livres soviétiques, mais les bibliothécaires intéressés par les ouvrages des pays orientaux ont eu des discussions sur la coopération pour les acquisitions et pour le catalogage. On pense que, pour les acquisitions, il serait préférable de conclure des accords ad-hoc, de portée limitée pour l'achat de livres particuliers ou de collections coûteuses plutôt que d'entreprendre une politique de coopération à grande échelle embrassant tous les domaines. Il semble toutefois qu'un catalogue collectif des documents orientaux conservés dans les bibliothèques britanniques devrait être commencé dès que possible.

Il apparaîtra clairement cependant, d'après ce qui précède, que, bien que les bibliothécaires universitaires attachent un intérêt considérable à ce que la production livresque mondiale soit mieux représentée dans leurs bibliothèques qu'elle ne l'est dans le contexte actuel, ils ne sont pas encore convaincus qu'un plan national, semblable au Plan Farmington ou au Plan Scandia, est d'une importance essentielle pour la Grande-Bretagne. Des tentatives limitées ont été faites ou sont en voie de réalisation tendant à mettre à la disposition des lecteurs plus de livres et de périodiques mais, pour mettre au point une politique d'ensemble d'acquisition en coopération, il faut attendre les résultats d'une étude à l'échelle nationale sur les ressources de nos bibliothèques : une telle étude sera possible, il faut l'espérer, dans un futur très proche 6.

HUNT (K. G.). - Subject specialisation and cooperative book purchase in the libraries of Great Britain. - London, Library Association, 1955 (L. A. Pamphlet, n° 12). ONIANS (R. B.). - The Recording and building of a national collection of books printed before 180I (Library association record, vol. 57, n° 12, December 1955, pp. 473-475). ROYAL SOCIETY OF LONDON. - Scientific information conférence, 21 June-2 July, 1948. Report and papers submitted. - London, Royal Society, 1948. SEWELL (P. H.). - The Regional Library Systems. 2nd ed. - 1956 (L. A. pamphlet, n° 2). FILON (S. P. L.). - Subject specialisation in British libraries (Libri, vol. 4, n° 3, 1954, pp. 203-1215). FILON (S. P. L.). - The Book buying policy of the N.C.L. (Library association record, vol. 62, n° 8, August 1960, pp. 254-255).
  1. (retour)↑  Voir, par exemple : The National lending library for science and technology (N.L.L.). Library association conference papers (1960), 5I.
  2. (retour)↑  Journal of documentation, 16 (1960), I.
  3. (retour)↑  Journal of documentation, 17 (196I), 197.
  4. (retour)↑  Voir : Library association record, 51 (1949), 383.
  5. (retour)↑  Voir : Library association record, 56 (1954).
  6. (retour)↑  Traduit de l'anglais par Mme Malet, bibliothécaire à la Direction des bibliothèques de France.