Chronique des bibliothèques

Bibliothèque nationale.

Département des médailles.

Acquisitions 1960-1961 1. - Avant de mentionner les acquisitions elles-mêmes et d'en souligner l'intérêt, il semble utile d'exposer en quelques mots la politique que nous suivons dans ce domaine et les moyens que nous mettons en œuvre pour la réaliser.

Il est à peine besoin de dire que nous sommes soucieux d'enrichir notre fonds de tous les exemplaires remarquables par leur rareté, la qualité de leur style, leur importance historique, qui apparaissent sur le marché. Cette ligne de conduite a été celle de tous nos devanciers depuis la fondation du Cabinet des médailles et a eu pour résultat de le doter d'une série de pièces exceptionnelles qui font la célébrité de notre collection.

Mais précisément cet intérêt de nos prédécesseurs pour les monnaies de choix a parfois été trop exclusif : il faut reconnaître que le Cabinet des médailles a eu longtemps tendance à conserver des pièces « de collection » plutôt que des pièces d'étude. Il y a eu sans aucun doute des exceptions, tel l'achat, du temps d'E. Babelon, de la collection Waddington, composée surtout de monnaies de bronze d'Asie Mineure. Mais les efforts en ce sens n'ont jamais été prédominants.

Or, la nécessité de constituer un fonds non seulement artistique, mais aussi scientifique apparaît de plus en plus pressante aujourd'hui. La numismatique est devenue, en effet, une science très précise, utilisant des méthodes de recherche rigoureuse, qui lui ont donné un rôle de premier plan dans le domaine historique et économique. Mais ces études supposent que l'on possède pour tel ou tel monnayage des séries très complètes, qui seules permettent d'aboutir à des classements exacts.

Aussi nos achats sont-ils fonction, pour une grande part, de cette nécessité. Nous nous efforçons de combler les lacunes par des acquisitions d'exemplaires apparemment banals ou sans grand prix, mais qui contribuent à constituer ces séries qui nous sont indispensables. Prenons un exemple dans la section grecque. Les monnaies grecques hellénistiques forment au Cabinet des médailles un groupe nettement moins nombreux que les monnaies archaïques ou classiques. L'explication en est simple. Les monnayages de cette époque tendent pour diverses raisons à une plus grande uniformité dans les types : ainsi, les Ptolémées en Égypte ont toujours représenté au droit de leurs tétradrachmes le visage du fondateur de la dynastie, au revers un aigle debout sur un foudre; en Asie Mineure, une grande quantité de villes placent sur leurs monnaies d'argent les types qu'avaient choisis Alexandre le Grand, la tête d'Héraclès imberbe et Zeus aétophore assis sur trône. Une telle monotonie a entraîné une désaffection pour ces monnayages : c'était là un sentiment de collectionneur. Or, l'étude scientifique de l'ensemble de ces monnaies a prouvé que, grâce à des observations techniques et stylistiques, grâce à l'interprétation des monogrammes et des symboles, elles pouvaient être classées avec certitude par ateliers d'émissions et par suite fournir des indications historiques et économiques capitales. Leur acquisition doit donc être menée désormais de façon systématique.

La réalisation de ce programme suppose de notre part une attention inlassable à toutes les occasions que peut présenter le marché des monnaies. Il nous faut tout d'abord demeurer en liaison constante avec les marchands, étudier avec soin les ventes publiques : au cours des années 1960 et 196I, nous nous sommes portés acquéreurs à plusieurs d'entre elles, notamment à celles de la collection Chandon de Briailles (Paris, mars 1960) et de la collection Lockett (Londres, février 196I). Il nous faut aussi, en aidant les collectionneurs privés, les intéresser au Cabinet des médailles : l'une des intentions de Claudius Côte, lorsqu'il nous a légué sa collection (entrée en novembre 1960), a été de marquer la sympathie qu'il portait à notre institution. Une autre tâche nous préoccupe encore : nous devons faire en sorte que tous les trésors monétaires découverts sur le sol français (ceux, du moins, dont nous entendons parler) soient déposés au Cabinet des médailles, d'abord parce que la publication de tels ensembles favorise grandement le progrès de nos études (le fait que des monnaies se soient trouvées rassemblées et enfouies à une certaine date apporte toujours une contribution importante à l'histoire économique et politique), ensuite parce qu'ils nous permettent de compléter d'un seul coup tout un monnayage jusqu'alors mal représenté dans notre fonds. Il va sans dire que pour obtenir le dépôt de ces trésors au Cabinet des médailles il nous faut effectuer de nombreuses démarches et ne pas hésiter à y consacrer beaucoup de temps.

Les deux années qui viennent de s'écouler, 1960 et 196I, ont été particulièrement favorables à la réalisation de nos projets.

Nous avons tout d'abord acquis quelques exemplaires d'une rareté insigne. Parmi les monnaies grecques 2, citons un didrachme des Acarnaniens d'une émission connue par un seul autre exemplaire; un tétradrachme aux types d'Athènes portant une légende phénicienne inédite : une monnaie d'argent crétoise avec au revers une inscription nouvelle; une pièce en électrum unique, probablement d'Abydos; quatre statères en argent des rois lyciens Mithrapata et Périclès, présentant des types nouveaux et venus sur le marché à la suite de la découverte d'un trésor en Anatolie; une monnaie d'argent unique et tout à fait curieuse d'Abd Hadad, dynaste de Hiérapolis; un tétradrachme et une drachme de l'usurpateur Timarque, qui se proclama roi en Médie et en Babylonie entre 162 et 160 av. J.-C. Pour l'époque romaine et médiévale, signalons un rare aureus de Valérien père, sept belles monnaies d'or de Constantin II, Constant et Constance II qui représentent toutes des variétés inédites; un quinaire en or de Constance II monté en médaillon et suspendu à une chaîne en or terminée par deux têtes de lion; un sou d'or aux types de Justinien, mais portant le monogramme de Thierry, fils de Clovis, et constituant ainsi la plus ancienne monnaie royale française connue; un triens (en or) d'une émission très rare frappée par les Suèves en Galice; un franc à pied en or de Raymond IV, prince d'Orange.

Mais ces pièces ne représentent qu'une partie de nos acquisitions. Nous avons eu aussi la chance, au cours de ces deux années, de pouvoir enrichir le Cabinet des médailles de plusieurs ensembles d'un intérêt scientifique exceptionnel, qui dans certains cas ont complètement rénové les fonds existants. C'est ainsi que nous avons acquis une collection de 127 monnaies d'argent au nom et aux types de Lysimaque; un groupe de 355 monnaies séleucides (143 en argent et 212 en bronze), ne contenant aucun double par rapport à ce que nous possédions déjà 3; une belle série de près de 200 bronzes des villes de Syrie et de Phénicie; un autre groupe de 400 monnaies d'argent des Ptolémées, choisies dans la célèbre collection Dattari; 39 exemplaires, surtout en bronze, choisis dans une collection de monnaies de Numidie et de Maurétanie mise en vente en 1960; enfin les 145 pièces mérovingiennes en or, argent et bronze, de la collection Pierre Prieur. De plus, nous avons acheté des trésors (les 82 sesterces de Postume du trésor de Corbeny; les 95 monnaies médiévales d'un trésor découvert sur la côte syro-libanaise) ou des fractions de trésors (55 pièces du trésor de Lescun, enfoui dans la première moitié du XVIIe siècle; II pièces d'un trésor de monnaies espagnoles trouvé près d'Auray). Enfin, en novembre 1960 est entrée au Cabinet des médailles la collection léguée par Claudius Côte : elle comprend 3 200 monnaies, surtout romaines, médiévales et modernes, des médailles, des jetons, du papier-monnaie, des sceaux, des décorations. Claudius Côte avait en particulier constitué une remarquable suite de pièces émises par l'atelier de Lyon.

Au total, les acquisitions du Cabinet des médailles au cours des années 1960 et 196I correspondent d'une façon satisfaisante à la politique que nous avons définie. Nous avons pu d'une part augmenter notre fonds d'un certain nombre d'exemplaires de très grand prix, d'autre part le compléter par des séries d'une importance scientifique capitale. C'est en ce sens que continueront à s'exercer nos efforts.

Georges Le Rider
Conservateur en chef du département des Médailles de la Bibliothèque nationale

Bibliothèques universitaires.

Bibliothèque de La Sorbonne

A l'occasion de la mise en service d'une salle de lecture, installée au 18, rue de la Sorbonne, les nouveaux locaux ont été visités le 3 avril par M. Jean Roche, recteur de l'Académie de Paris, M. Julien Cain, directeur général des bibliothèques, M. Pierre Lelièvre, inspecteur général des bibliothèques, adjoint au directeur, M. André Aymard, doyen de la Faculté des lettres, M. Marc Zamanski, doyen de la Faculté des sciences, M. Lacoste, architecte, était présent.

Ont également pris part à cette visite, en dehors de M. Germain Calmette, conservateur en chef de la Bibliothèque de la Sorbonne, et de M. Maurice Piquard, conservateur en chef chargé de l'administration des bibliothèques universitaires de Paris, M. Robert Flacelière, professeur à la Faculté des lettres, M. Pierre Bartoli, secrétaire général de l'Académie de Paris, M. Robert Moncla, secrétaire général adjoint, M. Jean Bleton, conservateur à la Direction des bibliothèques. MM. les représentants des associations d'étudiants avaient été invités à cette brève cérémonie.

La nouvelle salle, munie de dictionnaires et d'encyclopédies, offre aux étudiants 285 places. Elle est ouverte chaque jour (sauf le samedi après-midi) de 9 à 18 heures sans interruption.

Bibliothèque uiniversitaire de Dakar

L'Institut des Hautes études de Dakar, créé par le décret du 6 avril 1950, est à l'origine des collections de l'actuelle Bibliothèque universitaire de Dakar. Quatre fonds distincts se constituèrent : droit, lettres, sciences, médecine, seul ce dernier héritait d'une collection de livres provenant de l'ancienne École africaine de médecine. Un inventaire de 1950 relève pour cette seule section 4 000 volumes et 145 périodiques. En 1953, les trois autres sections comptent près de 5 000 volumes et 200 périodiques. En avril 1954, les quatre sections se séparent et elles ont chacune un bibliothécaire d'État; le droit et les lettres restent cependant groupés dans un même local; à cette date, on compte 26.950 volumes pour une université de 487 étudiants.

Le Dr Hahn, conservateur en chef de la Bibliothèque de la Faculté de médecine de Paris, fut envoyé en mission en 1956 pour organiser le fonctionnement des 4 sections et préparer la venue d'un conservateur en chef installé à titre définitif. M. Rousset de Pina fut appelé à ce poste en janvier 1958 et depuis cette date il assure le fonctionnement et le développement de ces bibliothèques pour lesquelles un bâtiment unique, situé au centre du campus universitaire, a été projeté. Il comprendra une tour de six étages pouvant contenir environ 500.000 volumes. Les salles de lecture situées de part et d'autre et le long de ce bloc magasin seront construites sur pilotis et formeront avec le magasin une sorte d'U jusqu'à l'édification d'un bâtiment reliant l'extrémité des deux salles de lecture qui créera un patio.

Les deux tableaux suivants donneront une idée des progrès déjà réalisés depuis trois ans mais aussi des difficultés dues essentiellement au manque de place.

1° Service public.

Le nombre des usagers augmente régulièrement mais, bien que la commission de la bibliothèque ait tenu à ouvrir l'accès des salles aux lycéens, ceux-ci ne viennent, à cause de la distance, qu'en très petit nombre. La bibliothèque qui possède 130 places pour les 4 sections ouvre tous les jours de 8 h à 12 h et de 14 h 30 à 18 h. La salle du droit et des lettres reste ouverte en outre, de 18 h à minuit.

Le prêt interuniversitaire connaît des difficultés dues aux frais de transport et même de dédouanement.

Au delà des catalogues de ce qu'elle possède, la bibliothèque essaie d'étendre ses informations bibliographiques en classant et tenant à jour les fichiers de dépouillement de plusieurs entreprises bibliographiques appliquées à l'Afrique.

Enfin, les bibliothécaires ont participé aux Journées d'étude et aux réunions diverses concernant la lecture publique et le développement des bibliothèques en Afrique.

2° Service intérieur.

Les acquisitions d'ouvrages augmentent en fonction des crédits. Une subvention exceptionnelle a permis en 1958-1959 de les accroître sensiblement, ce qui n'a pas été possible en 1960. L'accroissement du nombre des périodiques est dû, en grande partie, aux échanges de publications de l'Université.

Le total des fonds atteignait en 196I 107 ooo volumes et s'accroît à raison d'environ 1 ooo volumes par mois. Il faut souhaiter que la bibliothèque trouve dans son nouveau bâtiment la place qui lui manque actuellement et que le chiffre des communications et des prêts connaisse un nouvel essor comme en 1958-1959. La baisse apparente des prêts et communications en 1960 est due aux nombreux dépôts provisoires effectués dans les salles de travail de divers départements (histoire, langues, sciences), à la demande de leurs directeurs, et qui portent sur les livres les plus fréquemment utilisés (matière des programmes, etc...).

Bibliothèques municipales.

Saint-Calais (Sarthe).

Une exposition concernant l'Époque 1880-1910 a été ouverte à la Bibliothèque de Saint-Calais au cours des mois de février-mars. Livres, revues et journaux, gravures et photographies, quelques poupées et objets usuels, colifichets, phonographes et boîtes à musique y trouvaient place. La vie sociale, politique, artistique, industrielle et agricole, la mode et l'habitat, les sports étaient présentés par sections ; une large place était réservée aux documents locaux.

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Bibliothèque uiniversitaire de Dakar. - 1° Service public

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Bibliothèque uiniversitaire de Dakar. - 2° Service intérieur

  1. (retour)↑  Pour la période précédente, voir J. Babelon. B. Bibl. France, n° 6, juin 1960, p. 192-195.
  2. (retour)↑  Les enrichissements du Cabinet des médailles en monnaies grecques font l'objet depuis deux ans d'un article dans la Revue numismatique. Le dernier fascicule de cette Revue contient également quelques pages sur les acquisitions de monnaies gauloises.
  3. (retour)↑  Les monnaies séleucides du Cabinet des médailles étaient au nombre de 1600 environ. Cf. E. Babelon. Catalogue des monnaies grecques de la Bibliothèque nationale, Les rois de Syrie.