Chronique des bibliothèques
Bibliothèque nationale.
Exposition Daguerre.
A la Bibliothèque nationale, une exposition a été consacrée à Daguerre. Avec l'aide d'un décorateur, M. J. Garcia, une salle a été divisée dans le sens de la longueur, et pourvue d'une cimaise en feutrine de 1,60 m de haut. Sur cette cimaise, dans une partie de la salle, on a montré Daguerre peintre, paysagiste, élève de Granet, obsédé par la recherche de rendre l'effet de la lumière, créant pour cela un diorama dont les trente-deux spectacles ont fait sensation pendant la Restauration, mais n'ont laissé presque aucun souvenir graphique. Dans l'autre partie de la salle on a montré Daguerre photographe, cherchant depuis 1827 le moyen de fixer les images du soleil et de la chambre noire sur une plaque, et y réussissant en 1836-1838. Une vingtaine de daguerréotypes de Daguerre, dont dix originaux, ont été présentés, grâce au Musée de Perpignan et au Conservatoire des arts et métiers, lequel a prêté également des appareils de Daguerre et de ses premiers élèves. Une trentaine d'autres daguerréotypes, des portraits généralement anonymes, datés de 1842 à 1850, sous forme d'excellentes reproductions des ateliers de la Bibliothèque nationale, sont présentés de même, les originaux étant placés dans les vitrines où on peut mieux les voir. Des documents très précieux ont pu être aussi réunis.
L'exposition a pu être réalisée grâce à la « George Eastman house » de Rochester (M. Beaumont Newhall, directeur) qui a prêté la première partie (provenant de la collection Cromer), au Louvre, au Musée Carnavalet, à MM. A. Jammes, P. Lambert, Yvan Christ et aux collections du cabinet des Estampes formées récemment sur ce sujet par un don Sirot et une grande acquisition Gilles.
Un catalogue multigraphié 1 conservera le souvenir de cette manifestation dont M. Cain a souligné l'importance de son rôle d'étape vers la réalisation du Musée de la photographie. La presse et la radio l'ont compris aussi.
Salon de la photographie.
Le Salon de la photographie a eu lieu en même temps que l'exposition Daguerre. Cette année il a opposé aux œuvres des meilleurs photographes industriels actuels les photographies commandées par les plus grandes firmes françaises actuelles. Le public a été étonné et déçu par l'aspect souvent retardataire des photographies de grandes entreprises. Espérons que de cette confrontation naîtra une meilleure conception de l'utilisation de la photographie par les grandes affaires.
Exposition des peintres-graveurs français.
La 45e exposition des peintres-graveurs (président : M. Dubreuil) a lieu depuis le 25 novembre dans la galerie Mansart 2. Les quarante-sept artistes qui la composent sont parmi les meilleurs des trois générations actuelles. L'exposition est accrochée par tendances, ce qui est excellent. On sait que depuis plus de trente ans ce groupement important expose à la Bibliothèque, et que ses membres, à cette occasion, laissent au cabinet des Estampes, à titre de dépôt légal, les œuvres exposées.
Exposition Tagore.
La Salle Mortreuil de la Bibliothèque nationale abritait du 25 novembre au 17 décembre une exposition consacrée à Rabindranath Tagore (186I-194I). Cette exposition, préparée par Mme Marie-Roberte Guignard, M. Bernard Pauly et M. Jean Bruno, était destinée à commémorer le centième anniversaire de la naissance du poète, fêté cette année en Inde et dans tous les pays du monde.
Les divers aspects de cette riche personnalité étaient évoqués par les livres, par une belle documentation photographique, par une cinquantaine de peintures enfin, originales ou reproduites.
La famille de savants, de peintres, de musiciens remarquables dans laquelle il fut élevé, la tradition indienne, et l'influence de Ram Mohun Roy, apôtre d'une religion universelle, orientèrent toute sa vie vers un humanisme qu'il voulait à l'échelle du monde. L'influence et la diversité de son œuvre en bengali, deux mille chansons, mille poèmes, trente pièces de théâtre, une douzaine de romans, des contes, souvenirs, lettres, des essais par centaines et touchant à tous les sujets philosophiques, esthétiques, pédagogiques, son action politique et sociale enfin, l'ont fait comparer à notre Victor Hugo. Les dessins et peintures même qui fleurirent sous la main du poète vieillissant - il avait soixante-dix ans lorsqu'il commença à transformer les ratures de ses manuscrits en dessins rythmés - sont un trait commun aux deux grands hommes.
Mais c'est par son œuvre pédagogique et par les réalisations de son université internationale de Çântiniketan (Séjour de la paix) et de son Institut de reconstruction rurale de Çrîniketan (Séjour de la prospérité) que, sacrifiant sans compter le temps et la tranquillité dont il avait besoin, - pour poursuivre son œuvre littéraire - il a eu l'action la plus directe et la plus immédiate sur le renouveau de son pays.
Après une chronologie très détaillée de la vie et de l'œuvre en bengali, une documentation très riche répartie sous les rubriques : le Cadre familial et social, la Pensée et la religion du poète, l'Œuvre littéraire, l'Œuvre musicale, l'Œuvre pédagogique, Tagore apôtre du rapprochement Orient-Occident, Tagore artisan de la libération de l'Inde, l'Œuvre picturale, Hommages à Tagore, fait du catalogue 3 de l'exposition l'instrument de travail indispensable à qui voudrait étudier tel aspect de l'homme ou de l'œuvre.
Les revues indiennes en langue anglaise conservées maintenant dans le Fonds Romain Rolland de la Bibliothèque Sainte-Geneviève ont permis d'en prendre une vue plus large; leur dépouillement systématique permettrait d'avancer plus avant encore dans la connaissance de ce grand artisan de la renaissance indienne.
Bibliothèques municipales.
Blois (Loir-et-Cher).
Il a paru opportun de marquer le tricentenaire de la mort de Gaston d'Orléans au château de Blois par quelques manifestations artistiques ayant pour cadre l'aile classique dont ce prince a doté le château de son apanage, refuge de son exil.
Une exposition, réunissant à côté de documents et de manuscrits retraçant les grandes lignes de la vie agitée de ce prince et de son entourage, des objets ayant fait partie des collections réunies par le duc d'Orléans soit à Blois, soit au Palais d'Orléans à Paris, a été organisée par la Bibliothèque, le Musée de Blois et les Archives départementales. Elle s'est tenue dans les grandes salles de l'aile Gaston d'Orléans, face à la Bibliothèque, en juin et juillet 1960. Cette exposition a bénéficié des prêts généreux consentis par la Bibliothèque nationale, le Museum, le Petit Palais, le Louvre, la Bibliothèque royale de Bruxelles, etc... Un catalogue a été publié qui met l'accent sur le rôle de mécène et de collectionneur du duc d'Orléans.
Dans le cadre de cette exposition, la Bibliothèque a aussi organisé un concert de musique du début du XVIIe siècle, par les solistes de la Société de musique d'autrefois, un récital d'orgue à l'église Saint-Nicolas, par le maître Édouard Souberbielle, une conférence par M. Georges Dethan, auteur d'un ouvrage récent sur Gaston d'Orléans. Tout cet ensemble a fait revivre une époque pendant ces quelques jours.
Bibliothèques centrales de prêt.
Hérault.
La Bibliothèque centrale de prêt de l'Hérault a organisé les 18 et 19 novembre 196I, avec le concours du Service départemental de la jeunesse et des sports et la collaboration des Services agricoles, des journées d'information à l'intention des animateurs locaux de lecture publique en milieu rural.
Les deux séances ont eu lieu à la Faculté des lettres de Montpellier sous la présidence d'honneur de M. le préfet de l'Hérault qui s'était fait représenter par M. Lequenne, sous-préfet, et sous la présidence effective de M. Harant, professeur à la Faculté de médecine de Montpellier, président du Comité consultatif de la Bibliothèque centrale de prêt.
A ces journées, assistèrent notamment M. Piquet, inspecteur général de l'enseignement du Ier degré, MM. Masseron et Basset, inspecteurs primaires, M. Biscay, directeur honoraire de la jeunesse et des sports, M. Alliés, conseiller général, M. Caillet, conservateur en chef, directeur de la Bibliothèque centrale de prêt de la Haute-Garonne, Mlle Cambuzat, directrice du Service de lecture publique des Pyrénées-Orientales, Mlle Chassé, bibliothécaire à la Direction des bibliothèques de France. De nombreux mouvements avaient envoyé des délégués (Fédération départementale des maisons de jeunes et de la culture, Fédération départementale des foyers ruraux, Centre départemental des jeunes agriculteurs, Ligue française de l'enseignement, etc...) auxquels s'étaient joints une cinquantaine de dépositaires de la Bibliothèque centrale de prêt de l'Hérault et des élèves des Écoles normales.
Le 18 novembre, M. Méry, chef du Service départemental de la jeunesse et des sports, devait introduire le débat en esquissant un « Panorama de l'éducation populaire en milieu rural ». Trois exposés furent ensuite consacrés aux problèmes posés par la lecture dans les régions agricoles. Tel fut d'ailleurs le thème développé par M. Catrix, président du Comité départemental des jeunes agriculteurs, qui devait tout particulièrement insister sur la nécessité de rompre l'isolement où se trouvaient de nos jours les jeunes ruraux. Or la lecture est précisément un remède à cet isolement. M. Séguy, de la Fédération départementale des foyers ruraux, devait montrer la place importante prise par la bibliothèque dans les activités culturelles du Foyer rural de Pouzolles, grâce à une bonne organisation et au dynamisme du responsable. M. Boulis, conseiller pédagogique, bibliothécaire communal à Pinet, fit part des expériences qu'il avait tentées personnellement pour rendre le livre « vivant » et des résultats qu'il avait obtenus.
C'est précisément à une démonstration d'animation du livre que les participants devaient assister, après un dîner offert par le Centre pédagogique régional. M. Nazet présenta deux montages, l'un consacré à Van Gogh avec enregistrement de textes sur bande magnétique et projections de diapositives, l'autre, avec la collaboration du Centre dramatique universitaire « Les Escholiers du Languedoc », étant une présentation dramatique de l'œuvre de Paul Guimard, « Rue du Havre ».
La séance du 19 novembre fut consacrée à un exposé de M. Pitangue, conservateur en chef de la Bibliothèque universitaire de Montpellier, directeur de la Bibliothèque centrale de prêt de l'Hérault qui, en présence de M. le sous-préfet, étudia la structure actuelle de la lecture publique dans ce département. Il souligna que malgré les 400 dépôts de livres périodiquement ravitaillés par le bibliobus, il existait bon nombre d'œuvres et de mouvements qui échappaient à son action. Aussi a-t-on procédé pendant ce trimestre à une enquête qui permettra :
I° de savoir dans quelle mesure ces institutions connaissent la Bibliothèque centrale de prêt et l'utilisent;
2° d'établir un programme susceptible d'atteindre les maisons de jeunes, les maisons de la culture, les foyers ruraux, les centres socio-culturels, les associations familiales, les cercles professionnels, etc...
M. Pitangue en effet a pu recenser vingt-six directions ministérielles relevant de huit ministères différents qui, à des titres divers, s'occupent de questions éducatives et culturelles. La coordination des efforts semble donc indispensable et dans le département de l'Hérault, la Bibliothèque centrale de prêt va œuvrer en ce sens.
Une expérience doit être tentée à partir du mois de février 1962, dans une vingtaine de communes, en liaison avec les maires des localités choisies. Le bibliobus apportera un contingent de livres plus important au dépôt communal qui pourra alimenter les institutions donnant toutes garanties, car « si l'on veut que les jeunes ruraux lisent, le livre doit être à leur portée au lieu même où ils ont l'habitude de se réunir ».
Telle est dans l'immédiat la tâche à laquelle va s'attacher la Bibliothèque centrale de prêt de l'Hérault. D'autres problèmes se poseront dans l'avenir : la multiplication des colonies et camps de vacances pour enfants et adolescents, celle des villages d'accueil (Parc national des Cévennes et Parc national du Caroux notamment).
M. Pitangue devait terminer en insistant sur la place essentielle de la bibliothèque dans les préoccupations éducatives, dans les tentatives de promotion sociale et humaine, dans l'organisation des loisirs et sur la « nécessité absolue d'avoir, en lecture publique, comme en toute autre action, qu'elle soit culturelle ou sportive, des animateurs valables ».
M. Harant devait tirer les conclusions de ces journées et se féliciter des débats souvent animés auxquels elles donnèrent lieu.
Services départementaux de lecture publique.
Indre-et-Loire.
Le bibliobus des « Amis de la Bibliothèque centrale de prêt d'Indre-et-Loire » a récemment été présenté au sous-préfet et au maire de Loches. Il a commencé aussitôt ses premières tournées dans les chefs-lieux de canton de l'arrondissement. On projette d'effectuer ultérieurement des dépôts mensuels dans toutes les communes et dans les 275 classes de l'arrondissement.
Le centre de distribution de Loches, qui est en cours d'installation dans l'immeuble de la Chancellerie, se préoccupe tout particulièrement de fournir un choix important de livres aux enfants et aux adolescents. Il distribue actuellement quelque 5 000 ouvrages pour enfants et adolescents et 2 ooo ouvrages pour adultes, prêtés par la Bibliothèque municipale de Tours et la Bibliothèque centrale de prêt d'Indre-et-Loire; il est prévu qu'en juin 1963, il devra contrôler la distribution de 20 à 25 000 volumes.