Conservation et communication des manuscrits et livres précieux des bibliothèques municipales

Circulaire du 27 juin 1960, adressée par le ministre de l'Éducation nationale aux maires des villes dont les bibliothèques possèdent des manuscrits et des livres précieux, et rappel des circulaires antérieures : celle du 28 octobre 1949 et celle du 27 juillet 1956.

J'ai l'honneur d'appeler votre attention sur le texte, reproduit en annexe, des circulaires du 28 octobre 1949 et du 27 juillet 1956 adressées à MM. les Préfets et concernant les précautions que doivent prendre les bibliothèques municipales pour la conservation et la communication des manuscrits et livres précieux, précautions qui ont été parfois négligées et que les bibliothécaires doivent être invités à observer rigoureusement.

Je voudrais, outre les consignes données dans les deux circulaires précitées, souligner l'obligation :
I. d'estampiller tous les documents entrés dans la bibliothèque, même s'ils appartiennent à un fonds non encore catalogué;
2. de tenir à jour un inventaire topographique de la réserve permettant les récolements ;
3. de communiquer les documents de la réserve sous la responsabilité du bibliothécaire dans les conditions de la plus stricte surveillance; les bulletins de demande portant le nom et l'adresse du demandeur seront soigneusement conservés par la bibliothèque; l'état des documents sera vérifié avant et après la communication;
4. de faire mention au catalogue des manuscrits des lacunes anciennes et des modifications qui pourraient survenir dans l'état matériel du manuscrit ainsi que les références bibliographiques aux études et articles qui ont pu lui être consacrés.

Je rappelle enfin que les bibliothécaires doivent suivre exactement les prescriptions des Instructions sommaires pour l'organisation et le fonctionnement des bibliothèques publiques diffusées par la Direction des Bibliothèques de France en 1954 (fascicule II : « Traitement des livres et documents » et fascicule III : « Conservation des documents »), fascicules en vente au Service d'édition et de vente des publications de l'Éducation nationale.

Dans les six mois qui suivront la réception de la présente circulaire, MM. les bibliothécaires sont invités à procéder au récolement des manuscrits et de la réserve de leur dépôt et à faire parvenir, sous votre couvert, à la Direction des Bibliothèques de France, une note résumant les observations auxquelles ces vérifications auront donné lieu.

Circulaire du 28 octobre 1949.

A l'occasion d'un récent incident qui m'a montré que les prescriptions du décret du Ier juillet 1897 (J. O. du 3 août 1897) relatif aux bibliothèques publiques des villes avaient été perdues de vue, j'ai l'honneur de vous demander de bien vouloir appeler l'attention des maires sur les termes de l'article 4 dudit décret : « ... s'il se produit des ... soustractions, détournements dans une bibliothèque, la ville doit, sous sa responsabilité, en prévenir immédiatement le Ministre... ».

Vous voudrez bien prier les maires de me tenir informé, par votre intermédiaire, des vols et notamment des vols d'ouvrages rares et précieux, en m'indiquant s'il s'agit de documents appartenant à un fonds d'État et si une action a été intentée en justice pour que je puisse, s'il y a lieu, porter plainte et même me porter partie civile.

De nombreux vols étant constatés dans les bibliothèques, il conviendrait de rappeler aux lecteurs fréquentant ces établissements que tout détournement, soustraction et mutilation seront sévèrement punis, et signaler à l'attention du public, par affiche, qu'un « jugement du Tribunal correctionnel de M..., en date du ... 1949, a condamné la nommée X... à la peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis et 30.000 francs d'amende pour vol de livre au préjudice de la bibliothèque municipale de M... ».

Il importe également de renforcer, s'il y a lieu, les mesures de sécurité et de surveillance :
I. dans les magasins de livres et notamment dans la partie des magasins aménagés en réserve où sont conservés les documents rares et précieux de la bibliothèque et dont l'accès doit être rigoureusement interdit au public;
2. dans les salles où le public est admis; toutefois, les mesures prises ne sauraient priver les lecteurs de la consultation des usuels mis à leur disposition dans les salles de travail, ni de l'accès libre aux rayons dans les sections de prêt;
3. dans les salles d'exposition temporaire.

Il importe enfin de veiller strictement à ce que tous les ouvrages communiqués ou prêtés au public soient estampillés. Sans qu'il soit nécessaire de rappeler dans le détail les règles à suivre pour l'estampillage, j'estime cependant indispensable de souligner ici que l'apposition d'un cachet sur les pages, les miniatures et les planches hors-texte d'un ouvrage rare ou précieux doit être opérée avec discernement et un soin particulier, pour éviter d'endommager ou d'altérer les documents dont il convient en tout état de cause de respecter la présentation et l'aspect.

Circulaire du 27 juillet 1956.

Ayant le souci d'être entouré de garanties particulières pour le déplacement de documents précieux, et spécialement de manuscrits à l'occasion d'expositions, et considérant qu'un très grand nombre de ces documents appartiennent aux fonds de l'État, j'ai l'honneur de vous rappeler que les bibliothèques municipales ne doivent procéder à aucun prêt à une exposition, sur la demande directe d'un emprunteur, sans qu'au préalable n'ait été accordée une autorisation ministérielle (Ministère de l'Éducation nationale, Service central des prêts, Bibliothèque nationale, 58, rue de Richelieu, Paris 2e) à la requête du maire.

La demande d'autorisation comportera l'avis du bibliothécaire. Elle mentionnera le nom de l'emprunteur, précisera le lieu, la date approximative de l'inauguration et la durée de l'exposition, les garanties de sécurité offertes, tant en ce qui concerne l'incendie que le vol et fixera éventuellement la valeur d'assurance de chacune des pièces.

L'acheminement des documents précieux devant se faire normalement par l'intermédiaire du Service central des prêts, une demande de dérogation est nécessaire pour tout autre mode de transmission, par exemple la prise en charge à la bibliothèque même par l'emprunteur.

Chaque document doit être accompagné d'une notice présentant son état matériel (pages manquantes, déchirures, reliures détériorées, etc...), ceci afin d'éviter toute contestation avec l'établissement emprunteur, au retour du document.

En raison de la valeur et du caractère souvent irremplaçable des collections intéressées, je vous serais obligé de bien vouloir user de votre haute autorité pour que soient respectées les prescriptions rappelées ci-dessus.