Bibliographies et documentation : insuffisances, problèmes et perspectives (à suivre)

Désiré Kervégant

Raymond Fourmont

En vue de préciser l'intérêt des bibliographies courantes du domaine des sciences agronomiques, 7 périodiques, dont z signalétiques (Bibliography of agriculture, Bulletin signalétique du C.N.R.A.), 1 semi-analytique (Bulletin signalétique du C.N.R.S.) et 4 analytiques (Biological abstracts, Referativnyj zhurnal, Review of applied mycology, Bulletin de l'Institut Pasteur) ont été examinés en ce qui concerne le secteur des virus des plantes.Les résultats obtenus confirment d'une façon générale ceux fournis par des enquêtes similaires antérieures. Aucune bibliographie, même signalétique, ne peut être considérée comme complète. Le pourcentage des travaux signalés est très variable et peut descendre notablement en dessous de 30 % dans certaines bibliographies analytiques. Le délai s'écoulant entre la date de parution des articles originaux et celle de leur signalisation est en moyenne de 2-4 mois pour les bibliographies signalétiques et de 6-I0 mois pour les bibliograhies analytiques, mais il peut atteindre 12 mois et plus.

Les Bibliographies, signalétiques, analytiques ou synthétiques (mises au point périodiques, du type « Annual review »), rétrospectives ou courantes, imprimées ou multigraphiées, sont devenues des instruments de documentation indispensables, aussi bien pour le chercheur et le professeur que pour le bibliothécaire. Elles ont proliféré considérablement au cours des 50 dernières années, surtout dans le domaine des sciences naturelles.

Une enquête effectuée vers 1948 par la « Fédération internationale de documentation » (F.I.D.) auprès des services de recension et d'analyse bibliographiques donnait, pour les 402 organismes ayant répondu au questionnaire adressé (et au nombre desquels ne figuraient pas les organismes soviétiques), un total de I.145.639 références par an. Les 42 services les plus importants fournissaient à eux seuls 78I.000 analyses ou relevés de titres 1 . Dans une liste récente des périodiques bibliographiques concernant les sciences médicales et biologiques, établie par l'« Organisation mondiale de la santé », on relève 165 publications entièrement consacrées aux analyses et aux listes de titres (14).

Le développement de cette activité bibliographique s'est malheureusement effectué d'une façon extrêmement anarchique, en dehors de toute coopération sérieuse non seulement entre les pays (ce qui pourrait s'expliquer à la rigueur par des considérations d'intérêt linguistique ou de prestige national), mais encore entre les organismes d'un même pays (l'Est européen excepté). Le résultat a été que de nombreux travaux originaux ne sont relevés nulle part et que d'autres se trouvent signalés de multiples fois.

Il y a un quart de siècle, Bradford (I), analysant les publications de la « Science Library » de Londres, bibliothèque nationale de prêt qui recevait à l'époque quelque 8.000 périodiques du domaine des sciences pures et appliquées, était arrivé à la conclusion que, dans les secteurs étudiés (géophysique appliquée et lubrification, le tiers seulement des articles valables était relevé par les périodiques bibliographiques. Par contre, certaines analyses étaient répétées jusqu'à 10 fois, la moyenne des répétitions étant de 2,7. Des pourcentages analogues ont été signalés ultérieurement par Bradford lui-même (2), pour l'électrotechnique; Evans et Cowies (10) pour l'endocrinologie; Shaw pour les périodiques reçus par le Ministère de l'agriculture des États-Unis (Ditmas (8)) ; la F.I.D., dans son enquête auprès des Services de documentation (Varossieau (17)).

On ne peut cependant sans danger généraliser les résultats obtenus dans des secteurs particuliers, les frontières de ces derniers étant souvent imprécises, ainsi que le souligne, par exemple, Crowther (5), critiquant les conclusions d'une étude sur les périodiques de l'électrotechnique. « Il est vrai, écrit cet auteur, qu'il n'y a presque pas de limitation aux sujets susceptibles de retenir l'attention d'électrotechniciens intelligents ou sur lesquels ceux-ci peuvent avoir à se documenter au cours d'une application spéciale de leur activité; mais il ne serait pas raisonnable d'inclure tous ceux-ci dans la littérature de l'électrotechnique... Parce qu'un électrotechnicien aime à suivre le développement de la théorie des quanta, ou a besoin de lire des publications sur un sujet quelconque, la fabrication du papier par exemple, il ne s'ensuit pas que ces questions fassent partie de l'électrotechnique... »

Aussi nous a-t-il paru intéressant, avant d'esquisser un programme destiné à pallier les inconvénients ci-dessus indiqués et qui sont particulièrement prononcés dans le domaine très étendu des sciences agronomiques, d'étudier l'un des secteurs de ce dernier.

I. - Bibliographie des virus des plantes

Nous avons retenu le secteur des virus des plantes, parce que les spécialistes du sujet sont peu nombreux de par le monde, mais appartiennent à des disciplines variées : biochimie, biophysique, physiologie végétale, entomologie (vecteurs de virus), phytopathologie, agronomie générale, amélioration des plantes, etc... Il en résulte que, si le nombre des travaux publiés est relativement faible, ceux-ci peuvent apparaître dans des revues consacrées à des domaines très différents les uns des autres.

Les périodiques bibliographiques examinés ont été les suivants : Bibliography of agriculture (Bibl. Agr.), Biological abstracts (Biol. Abs.), Bulletin de l'Institut Pasteur de Paris (Bull. Inst. Past.), Bulletin signalétique du Centre national de recherches agronomiques de Versailles (Bull. C.N.R.A.), Bulletin signalétique du Centre national de la recherche scientifrque (Bull. C.N.R.S.), Referativnyj zhurnal ser. Biologija (Ref. Zh.), Review of applied mycology (R.A.M.). Deux de ces revues sont signalétiques (Bibl. Agr. et Bull. C.N.R.A.), trois analytiques (Biol. Abs., Ref. Zh., R.A.M.), une semi-analytique (Bull. C.N.R.S.).

Des références concernant les virus des plantes se rencontrent évidemment dans de nombreux autres périodiques bibliographiques, notamment dans The agricultural index, publié par Wilson & C° de New York, Chemical abstracts, Berichte über die gesamte Biologie, Chemisches Zentralblatt, Bibliographie der Pflanzenschutzliteratur, Documentace zemedelska a lesnicka, de l'Académie tchécoslovaque des sciences agricoles, Indice di periodici scientifici e tecnici, ser. Agricoltura e zootecnia, du « Consiglio nazionale delle ricerche » de Rome, etc...

Une mention spéciale doit être faite de la Bibliographie der Pflanzenschutzliteratur, éditée par le Dr Bärner, du « Biologische Bundeslanstalt für Land- und Forstwirtschaft », Berlin-Dahlem. Bibliographie signalétique, rétrospective, de périodicité annuelle, elle groupe, méthodiquement classées, les références concernant les déprédateurs et maladies des plantes, ainsi que les méthodes de lutte. Elle paraît malheureusement avec un retard important (le volume relatif aux publications de l'année 1952 a été publié seulement fin 1959), ce qui nous a empêché de la comprendre dans nos relevés.

Pour nous permettre de préciser à la fois le degré d'exhaustivité et la rapidité de diffusion de l'information, nous avons considéré les publications datées d'une année récente (1956), et avons suivi leur signalisation dans les différentes revues bibliographiques examinées.

Caractéristiques des bibliographies :

Bibliography of agriculture. - Publiée par le Ministère de l'agriculture des États-Unis, cette bibliographie signalétique, de périodicité mensuelle, donne quelque 100.000 références annuellement, relevées dans 12.000 périodiques. Elle couvre le domaine des sciences fondamentales et appliquées intéressant l'Agriculture : sciences de la plante (systématique, physiologie, génétique, écologie, pathologie...), du sol (physique, chimie, biologie, amélioration), des animaux (alimentation, reproduction, médecine vétérinaire), technologie des produits agricoles, alimentation humaine, économie et sociologie rurales.

Les références sont groupées dans un cadre systématique très large, aux subdivisions relativement peu poussées (reproduit, sous la forme de table des matières, au début de chaque numéro) et, à l'intérieur de ces dernières, suivant l'ordre alphabétique des noms d'auteurs. Les virus des plantes forment l'une des subdivisions de la pathologie végétale, mais un petit nombre de références peuvent être situées ailleurs, notamment en entomologie et en physiologie végétale.

Chaque numéro comporte un index alphabétique des noms d'auteurs, et la livraison de décembre est réservée aux tables annuelles : index alphabétique des auteurs et index alphabétique des matières, ce dernier très détaillé.

Bulletin signalétique du C.N.R.A. - Publication multigraphiée, mensuelle, signalétique, éditée par le Service de documentation du « Centre national de Recherches agronomiques » de Versailles, et destinée, en principe, aux chercheurs de l' « Institut national de la Recherche agronomique ». Le nombre de références annuelles est passé de 9.000 en 1955 à 14.000 en 1959, et celui des périodiques dépouillés de I.000 à 1.200.

Le domaine couvert est moins étendu que dans le cas de la Bibliography of agriculture : l'économie rurale et la sociologie agricole, la zootechnie sont laissées de côté, tandis que la sylviculture, la technologie agricole, l'alimentation humaine ne sont traitées qu'en partie. En outre, bibliographie destinée essentiellement à des chercheurs, les critères de sélection sont plus sévères.

Les références, signalétiques (avec éventuellement une courte annotation), sont groupées suivant les grandes disciplines : biologie, botanique et amélioration des plantes, climatologie et écologie, sols et fertilisation, pathologie végétale, zoologie agricole, technologie et divers. A l'intérieur de ces chapitres, elles sont classées d'après la Classification décimale universelle, dont les indices sont reproduits en tête de chaque référence. La virologie végétale est placée en Pathologie végétale.

Il n'existe pas d'index des noms d'auteurs, ni des matières, la publication étant destinée essentiellement, d'une part, à faire connaître rapidement aux chercheurs les titres des articles reçus par le Service de documentation et susceptibles de leur être fournis sous la forme de reproductions photographiques, d'autre part à être découpée pour la constitution de fiches de catalogue.

Bulletin signalétique du C.N.R.S. - Édité par le Centre de documentation du « Centre national de la recherche scientifique », en plusieurs séries : a) Mathématiques, physique, chimie, sciences de l'ingénieur; b) Biologie, physiologie, zoologie, agriculture; c) Philosophie, sciences humaines. La seule qui nous intéresse ici est la seconde partie, dont le nombre de références est passé de 5I.000 en 1955 à 64.000 en 1958, correspondant au dépouillement de 4.200 périodiques environ (sur un total de 6.500 reçus par le Centre).

Chaque référence est accompagnée d'une courte analyse, de 5-6 lignes en moyenne. Comme dans la plupart des autres bibliographies analytiques, un certain nombre de notices sont uniquement signalétiques.

Les références sont groupées, suivant l'ordre alphabétique des noms d'auteurs, dans un cadre encore plus large que celui de la Bibliography of agriculture. Il existe une rubrique « virologie végétale », au chapitre « virologie », mais d'assez nombreuses références figurent ailleurs (en phytiatrie et phytopharmacie, immunologie, pharmacologie). Les renvois à ces dernières sont souvent insuffisamment spécifiques (par ex., « Voir aussi : Phytiatrie... ») et, par ailleurs, incomplets.

Le Bulletin signalétique du C.N.R.S. est publié en 10 fascicules par an, chacun de ceux-ci comportant un index alphabétique des auteurs. En fin d'année paraît un index alphabétique des noms d'auteurs, mais pas d'index alphabétique des matières.

Biological abstracts. - Éditée par un groupement de biologistes américains, cette bibliographie couvre les différents aspects de la biologie humaine, animale et végétale. Mensuelle autrefois, elle est devenue bi-mensuelle à partir de 1959, tandis que le nombre des références est passé, de 30.000 en 1955, à 42.000 en 1958 et à 62.500 en 1959. Le nombre de périodiques dépouillés est de 2.500 environ.

Chaque titre est suivi d'une analyse d'importance variable, signée, pouvant aller jusqu'à une quarantaine de lignes. Les références sont classées alphabétiquement dans un cadre systématique à larges divisions. Les publications concernant les virus des plantes sont groupées principalement dans la rubrique « virus diseases », qui forme une division du chapitre « phytopathology », mais un nombre assez élevé d'entre elles se trouvent disséminées en virologie générale, biologie générale, immunologie, physiologie végétale... Au chapitre « phytopathology », il existe bien des renvois aux numéros des références situées ailleurs; toutefois la liste de ces dernières est souvent incomplète.

Il paraît dans chaque numéro un index des auteurs et, en fin d'année, un index général des auteurs (devenu bisannuel depuis 1959) et un index alphabétique des matières, ce dernier publié quelque six mois après le numéro de décembre.

Referativnyj zhurnal. - Bibliographie analytique, éditée par l' « Institut national de l'information scientifique et technique », de Moscou, en 14 séries, qui couvrent l'ensemble des sciences naturelles, fondamentales et appliquées. Le nombre de périodiques dépouillés est de 15.000. Seule nous intéresse ici la série « Biologija », dont le nombre de références est passé de 70.000 en 1955 (première année de parution), à plus de 100.000 en 1958.

L'importance des analyses, signées, est assez variable. Celles-ci peuvent atteindre jusqu'à 70 lignes, mais sont comparables en moyenne à celle des Biological abstracts (dont les caractères d'imprimerie sont très fins). Les références sont groupées dans un cadre systématique à larges divisions. Les virus des plantes figurent habituellement dans une rubrique spéciale, constituant une subdivision du chapitre « virologie », mais peuvent aussi se rencontrer en virologie générale, physiologie végétale et surtout en « maladies des plantes ». Il n'existe pas d'index matières annuel, seulement un index des noms d'auteurs.

Bulletin de l'Institut Pasteur. - Cette bibliographie analytique, publiée par l'Institut Pasteur de Paris, est surtout consacrée à la microbiologie humaine et animale, les articles intéressant la pathologie végétale (limitée d'ailleurs actuellement aux maladies bactériennes et aux maladies à virus) ne représentant que 1 à 2 % de l'ensemble. Le nombre de références dépasse légèrement 10.000 par an, et celui des périodiques dépouillés est de 400.

Nous avons retenu cette bibliographie, non à cause de son importance dans le domaine de la virologie végétale (en 1957 par exemple le nombre de références concernant les virus des plantes a été seulement de 87, contre 1.877 pour les virus de l'homme et des animaux), mais en raison de ses caractéristiques assez particulières. Au lieu de faire figurer à chaque numéro mensuel les références intéressant les différentes rubriques, le Bulletin de l'Institut Pasteur groupe, en effet, un certain nombre de celles-ci en un fascicule unique, qui revient avec une périodicité de 6 à 10 mois. Les virus des plantes constituent une rubrique de la phytopathologie, et sont l'objet d'une subdivision systématique assez poussée. Quelques références se retrouvent cependant en virologie générale.

La longueur moyenne des analyses, généralement signées des spécialistes de l'Institut, est d'une quinzaine de lignes. Beaucoup de références sont uniquement signalétiques. Le Bulletin comporte une table des matières et un index matières annuels.

Review of applied mycology. - Bibliographie analytique mensuelle, publiée par le « Commonwealth mycological Institute », de Kew. Elle est spécialisée dans les domaines de la pathologie végétale (champignons, bactéries, virus), de la mycologie systématique et de la mycologie médicale et vétérinaire. Le nombre de références annuelles est de 2.500 environ, correspondant au dépouillement de 700 périodiques. Les analyses, non signées, sont comparables en ce qui concerne la longueur à celles des Biological abstracts et du Referativnyj zhurnal.

Les références sont groupées suivant un plan assez imprécis, par plantes attaquées (céréales, plantes textiles, etc...) et, pour chacune de celles-ci, par type de maladies (bactéries, champignons, virus). Chaque fascicule est accompagné d'un index auteurs et d'un index matières succinct, imprimés sur la couverture. L'index matières annuel est de consultation laborieuse, les maladies à virus figurant partie à la vedette générale « virus diseases » et partie au nom des différentes plantes, avec renvoi à la page où figure la référence. Il présente en outre d'assez nombreuses lacunes.

Analyse du dépouillement :

Le tableau 1 donne les résultats du dépouillement des revues précédentes, en ce qui concerne les publications de virologie végétale parues au cours de l'année 1956. Les chiffres indiqués, qui correspondent au nombre de références par trimestre, ne doivent cependant être considérés que comme représentant un ordre de grandeur seulement.

L'insuffisance générale des index matières (quand ils existent) jointe à la dissémination des références dans diverses rubriques et aux lacunes existant dans les renvois obligeraient, en effet, à parcourir les bibliographies page à page pour être absolument sûr que toutes les publications intéressant le sujet ont bien été relevées. En outre, en l'absence d'un indice systématique spécifique (ce qui est le cas pour l'ensemble des revues bibliographiques examinées, à l'exception du Bulletin du C.N.R.A.) ou d'une analyse, il est souvent impossible de se rendre compte, d'après le titre seul, si l'article concerne la virologie végétale.

Tels quels, avec leur caractère relatif, ces chiffres permettent cependant de faire quelques observations intéressantes, quant au degré d'exhaustivité et à la rapidité de diffusion de l'information.

I° Degré d'exhaustivité. - La comparaison des totaux indique un degré d'exhaustivité très variable suivant les bibliographies. La Bibliography of agriculture est de beaucoup la plus complète, ce qui est normal pour une publication purement signalétique, basée sur le dépouillement d'un nombre élevé de périodiques. Il n'apparaît pas cependant qu'elle soit exhaustive.

Si l'on se reporte, en effet, au tableau II (Répartition linguistique), on peut constater que pour la langue russe (et d'autres langues d'Europe centrale et d'Extrême-Orient non mentionnées au tableau), le nombre de références est assez sensiblement inférieur à celui du Referativnyj zhurnal. D'autre part, nous avons comparé la Bibliography of agriculture et la Bibliographie der Pflanzenschutzliteratur pour les publications de l'année 195I, et avons relevé 590 références seulement dans la première, au lieu de 669 dans la seconde. En outre, dans un sondage portant sur 48 articles, publiés par 12 auteurs, 35 étaient communs en deux bibliographies, mais 7 étaient particuliers à la Bibliography of agriculture et 6 à la Bibliographie der Pflanzenschutzliteratur. On peut conclure que pour cette dernière l'exhaustivité n'est pas non plus réalisée, malgré son caractère de bibliographie rétrospective purement signalétique.

Parmi les bibliographies analytiques, la Review of applied mycology et le Referativnyj zhurnal contiennent approximativement le même nombre de références. Le total indiqué pour la première, et qui a été obtenu en parcourant page à page la publication, est très voisin de la réalité, tandis que celui de la seconde est sans doute inférieur au chiffre réel, le dépouillement de la publication étant beaucoup plus difficile pour des raisons linguistiques (les titres en langues orientales, par exemple, sont donnés dans la langue originale et traduits seulement en russe) et ayant été par suite moins poussé. Il y a lieu de signaler en outre que certains articles relatifs à la virologie végétale paraissent dans une autre série du Referativnyj zhurnal, celle de « chimie biologique », qui constitue une division de la chimie. D'après un sondage effectué, le nombre de ces références serait de l'ordre d'une soixantaine par an, certaines d'entre elles pouvant déjà être publiées en « biologie »(avec d'ailleurs une analyse différente), d'autres étant propres à la « chimie biologique ».

Certaines références sont communes à l'ensemble des bibliographies, d'autres spéciales à l'une ou plusieurs d'entre elles. De sorte que, pour avoir une documentation complète, il est nécessaire de les parcourir toutes.

Les facteurs qui interviennent dans le choix des références sont multiples. Ils peuvent être inhérents aux publications dépouillées (accessibilité, langue, présentation et valeur des articles), à l'organisme éditeur (ressources en personnel et en argent) ou à la bibliographie elle-même (domaine scientifique, utilisateurs).

Nous n'insisterons pas sur les derniers facteurs qui ont un rôle d'autant plus grand que la bibliographie est plus spécialisée quant au domaine prospecté et quant aux utilisateurs auxquels elle est normalement destinée. Ils expliquent, par exemple, pourquoi, dans le Bulletin de l'Institut Pasteur, le nombre de références sur les virus végétaux est très faible, alors que celles intéressant l'ensemble de la virologie atteignent un chiffre élevé : 2.43I en 1957, contre 2.253 pour le Referativnyj zhurnal, I.500 pour le Bulletin du C.N.R.S. et I.169 pour les Biological abstracts. Destinée essentiellement à des médecins et à des chercheurs des domaines médicaux et connexes, la bibliographie met l'accent sur les virus de l'homme et des animaux, les virus des plantes présentant de l'intérêt surtout du point de vue de la biochimie.

En pratique, les ressources dont dispose l'organisme éditeur constituent un facteur limite des plus importants, en raison du prix élevé que représentent la préparation, l'impression et la distribution d'un périodique bibliographique.

Le coût des Chemical abstracts, par exemple, a été, en 1954, de 952.37I dollars (Wolwiler et Cope (20)), pour 65.000 analyses environ, soit plus de 14 dollars en moyenne par analyse, bien qu'un grand nombre des I.400 analystes et des 5I chefs de rubriques apportant leur collaboration n'aient reçu qu'une rémunération faible ou nulle  I.

D'après Schindler (16), la préparation de la Bibliography of agriculture a coûté, en 1949, 75.000 dollars (pour 87.200 références, soit 86 cents par référence), se décomposant comme suit : salaires, 63.700$; impression et expédition, 9.000 $; fournitures, 800$; divers (dont amortissement du matériel et téléphone), I.500 $. Les frais d'acquisition des périodiques analysés, pas plus que les dépenses de chauffage, éclairage, loyer des locaux, ne sont comptés dans le revient ci-dessus.

Pour le Bulletin du C.N.R.A., dont les éléments du prix de revient ont été réduits au strict minimum (présentation ronéographiée, faible tirage, suppression des index), chaque référence coûte cependant encore 70 F en moyenne (en 1958, pour 12.000 références environ, les dépenses ont été de 840.000 F, correspondant aux salaires, fournitures et frais d'expédition).

En ce qui concerne les facteurs inhérents aux périodiques dépouillés, la langue est sans doute celui qui présente le plus d'importance. Si la grande majorité des publications de virologie végétale, par exemple, est rédigée en quelques langues seulement (anglais, allemand, français, russe), l'éventail linguistique est cependant très large (19 langues dans la Bibliography of agriculture, 17 dans le Referativnyj zhurnal pour les articles de 1956). Les grandes revues à audience internationale donnent fréquemment un résumé, ou du moins la traduction des titres, dans l'une ou l'autre ou quelquefois plusieurs des langues ci-dessus indiquées, mais il reste encore de nombreuses publications, de diffusion plus limitée, qui utilisent uniquement la langue nationale.

Un service bibliographique peut être incité à négliger les publications paraissant en des langues étrangères peu répandues, non seulement en raison des difficultés accrues que peut présenter pour lui-même la traduction (surtout au stade analytique, où le spécialiste du sujet doit être doublé d'un linguiste), mais encore parce que la clientèle habituelle de la bibliographie, ne pouvant facilement consulter la publication originale, a tendance à la délaisser.

Il en résulte un « parochialisme », beaucoup moins prononcé, il est vrai, que dans les listes de références accompagnant les articles de certains auteurs (anglo-saxons surtout), mais cependant très net dans quelques bibliographies. Ainsi que le montre le tableau de la répartition linguistique des références de virologie végétale datées de 1956, la proportion des articles en langue anglaise est nettement exagérée dans les Biological abstracts, la Review of applied mycology et le Bulletin de l'Institut Pasteur. Par ailleurs, le nombre des langues, de 19 pour la Bibliography of agriculture, tombe à 10 dans les Biological abstracts et à 4 dans le Bulletin de l'Institut Pasteur.

Bentley Glass (II), Président du conseil d'administration des Biological abstracts, dans une enquête effectuée il y a quelques années, reconnaît lui-même l'insuffisance de cette dernière bibliographie en ce qui concerne les revues non anglo-saxonnes. Il donne la répartition suivantes de périodiques biologiques d'après la World list of scientific publications 1900-1950 (3e édition, Oxford 1952), et de ceux analysés par les Biological abstracts :

La Bibliography of agriculture et le Referativnyj zhurnal paraissent être les bibliographies les plus objectives. Peut-être conviendrait-il, en ce qui concerne la dernière, de tenir compte du fait que la Russie peut obtenir plus facilement les publications des pays occidentaux que ces derniers les publications des Démocraties populaires, du moins pour la période considérée.

Glass, dans son enquête précitée, signale comme élément important de la sélection des articles de périodiques, l'existence des résumés d'auteurs. Sur 18 revues biologiques américaines donnant de tels résumés, II étaient analysées à plus de 90 % et 7 à plus de 95 % de tous leurs articles dans les Biological abstracts, tandis que pour les revues ne donnant pas de résumés, le taux des articles non analysés atteignait 3I,I % en moyenne (3,7 à 69,I %). La proportion des articles (biologiques) non analysés est particulièrement élevée dans le cas des périodiques étrangers : 58,5 % pour Nature, 69 % pour les C.R. des séances de la Société de biologie, et à peine un peu moins pour Die Naturwissenschaften. Dans ces derniers périodiques s'ajoute le plus souvent, il est vrai, la difficulté de résumer des textes déjà condensés.

Si l'on ne peut généraliser le comportement des Biological abstracts, il semble bien cependant que le plus souvent les bibliographies analytiques se contentent de reproduire tels quels les résumés d'auteurs, quand ils existent. Ceci justifie la pratique, que de nombreuses revues à audience internationale tendent à adopter, de faire suivre les articles originaux de résumés en plusieurs langues.

2° Rapidité de la signalisation. - Le graphique ci-après donne l'allure du dépouillement pour les bibliographies étudiées (le Bulletin de l'Institut Pasteur excepté).

La courbe normale, qui correspond au rythme de production des articles au cours de l'année, s'apparente à la courbe en cloche de Gauss, caractéristique des phénomènes biologiques réguliers. Les dépressions que présentent certaines courbes sont dues soit au groupement des références de deux mois en un numéro unique (décembre-janvier de l'année suivante pour la Bibliography of agriculture ; juillet-août et novembre-décembre pour le Bulletin du C.N.R.S.), soit, dans le cas de périodicité non interrompue, au groupement des références en certains numéros (Referativnyj zhurnal).

Toutes les bibliographies comportent un arriéré plus ou moins important, dû essentiellement, semble-t-il, à la réception tardive de certains travaux : tirés à part de publications non reçues couramment par le Centre de documentation, comptes rendus de congrès, rapports annuels de stations, etc..., ou bien encore au décalage parfois important (pouvant aller jusqu'à une dizaine de mois) existant entre la date portée sur la publication et celle de la sortie effective de presse. Dans le cas des bibliographies analytiques, peut aussi intervenir le caractère polyvalent de certains périodiques, qui oblige à communiquer successivement le même numéro à plusieurs analystes spécialisés dans des disciplines différentes.

Les courbes des bibliographies analytiques (Biological abstracts, Referativny zhurnal) sont beaucoup plus étalées que celles des bibliographies signalétiques. Une exception remarquable est cependant celle de la Review of applied mycology, dont l'allure rappelle celle des bulletins signalétiques. Pour le Bulletin du C.N.R.S., la courbe est intermédiaire entre le type signalétique et le type analytique.

La rapidité la plus grande est réalisée par le Bulletin du C.N.R. A., où la signalisation est faite normalement dans le mois suivant la réception des périodiques. Il existe entre les signalisations des bibliographies signalétiques et des bibliographies analytiques un décalage de trois à six mois au départ et de trois à douze mois à la fin.

Glass a noté l'influence des résumés d'auteurs sur la rapidité de la diffusion de la documentation analytique. Les résultats qu'il a obtenus sont donnés dans le tableau suivant :

Les conclusions qui se dégagent de cette analyse rapide ne sont pas très encourageantes. Aucune bibliographie, même si elle est purement signalétique, ne peut être considérée comme complète. La sélection des articles relevés n'est pas nécessairement faite, loin de là, d'après le critère de la valeur scientifique ou de l'intérêt de la publication.

La consultation des bibliographies est rendue extrêmement laborieuse par les insuffisances et les lacunes des index matières. Enfin, l'intervalle qui s'écoule entre la parution d'un article et sa signalisation est parfois excessivement long.

(à suivre)

Illustration
Tableau I

Illustration
Tableau II

Illustration
Biological abstracts

Illustration
Distribution chronologique des références

Illustration
Intervalle entre la publication d'un article et la parution de l'analyse dans les biological abstracts

  1. (retour)↑  Les appels de notes renvoient à la bibliographie qui paraîtra à la fin de cet article, dans le n° 6, juin 1960.
  2. (retour)↑  Les prix de revient présenteraient cependant d'amples variations, dues sans doute, en grande partie, à ceque les éléments entrant dans leur calcul ne sont pas toujours les mêmes. Suivant les estimations de l'Unesco, ils s'établissaient vers 1950 entre $ I.95 et $ 6.12 par analyse (International conference on science abstracting. Final report. Paris, 195I). Une enquête plus récente faite par le « Conseil international des Unions scientifiques » (« A preliminary survey of the situation in the field of biological abstracting ». Bur. des Résumés Analyt. du CIUS, Paris, 1959) donne comme revient total par analyse : $ 5.95 pour Excerpta medica, $ 6.48 pour Biological abstracts,$7 à 14 pour les Abstracts des « Commonwealth agriculturel bureaux » anglais.