Quelques atlas usuels
La question a été souvent posée : quels sont les atlas que doit posséder une bibliothèque ? La réponse à donner n'est pas aussi simple, car le choix en la matière est extrêmement vaste. Les atlas sont des instruments de travail qui correspondent à des besoins très divers : certains sont indispensables dans toutes les bibliothèques, d'autres dans certaines bibliothèques spécialisées seulement. Mon propos n'est pas d'entreprendre ici une étude analytique et critique de quelques atlas que je crois devoir conseiller, mais d'en présenter les catégories les plus importantes, susceptibles d'intéresser l'ensemble des bibliothèques; je compléterai cet exposé par un répertoire des principaux atlas modernes actuellement en librairie.
I. Atlas de référence.
Ils sont faits de deux éléments essentiels : I° un ensemble de planches cartographiques ; 2° un répertoire alphabétique des noms portés sur les cartes. Ce sont les atlas universels et les atlas manuels. Certains atlas scolaires peuvent entrer dans cette catégorie.
Les qualités requises pour un bon atlas de référence sont en premier lieu la précision, en second lieu la clarté. Il n'est pas toujours facile de les concilier et l'on doit souvent sacrifier l'une au profit de l'autre. En plus, comme l'atlas est un instrument de travail, il doit être maniable, c'est-à-dire ni trop grand, ni trop lourd. Bien entendu, tout ceci réduit ses possibilités d'expression.
Un atlas de référence se doit de donner le maximum de renseignements; en conséquence il s'efforce de contenir le maximum de faits géographiques. Mais pour cela il doit disposer d'une documentation non seulement très étendue et très variée, mais encore strictement exacte. Et ce n'est pas toujours le cas. Les meilleurs atlas peuvent être pris en flagrant délit d'erreur ou d'inexactitude. On ne saurait leur en tenir rigueur, car le travail de compilation et d'érudition nécessaire à leur préparation, ou même à la mise à jour de leurs planches, est énorme et entraîne des frais considérables.
Cependant la masse des informations apportées par un atlas ne peut être utile que si celles-ci sont parfaitement lisibles. Là est la seconde et peut-être la plus grosse difficulté à surmonter. Les rédacteurs et les techniciens de la cartographie s'en tirent de diverses manières, ce qui permet à l'amateur de faire un choix selon son goût personnel parmi les atlas de référence d'égale valeur. En effet, l'emploi des couleurs, la finesse du trait, le dessin de la lettre et la figuration du relief donnent à l'atlas sa physionomie définitive, sa personnalité qui peut plaire ou ne pas plaire.
Jusqu'en 1925 les Allemands avaient conservé dans ce domaine une maîtrise incontestable. Leurs atlas de référence Stieler et Andrée, n'avaient pas d'équivalents dans le monde entier. A partir de cette date, la jeune cartographie italienne, utilisant des méthodes plus modernes, commença de leur faire une concurrence de plus en plus sérieuse avec la publication de l'Atlante internazionale del Touring Club italiano. Stieler renouvela sa présentation en entreprenant la publication d'un nouvel atlas, qui fut malheureusement arrêtée définitivement par la guerre en 1939.
De nos jours, l'atlas du Touring club italien reste indiscutablement l'un des meilleurs; mais il est, par la qualité, en compétition avec l'atlas anglais du Times et l'atlas soviétique Atlas Mira. Ce dernier, dont la valeur technique est incontestable, est malheureusement édité en caractères cyrilliques et, de ce fait, perd chez nous ses qualités essentielles d'atlas de référence.
L'atlas dit du « Times » (The Times atlas of the world. Mid-century edition) essaye de résoudre le problème qui consiste à présenter des cartes à la fois claires, lisibles et très documentées, c'est-à-dire à grande échelle sans qu'il en résulte un volume trop lourd, autrement dit inutilisable. Cet atlas est donc édité en plusieurs volumes distincts contenant chacun environ vingt-cinq planches et un index alphabétique d'une cinquantaine de pages. Selon la tradition anglaise, le relief est évoqué par des teintes hypsométriques dont le choix des nuances n'est malheureusement pas toujours très bon.
La nouvelle édition (1956) de l'Atlante internazionale del Touring Club italiano conserve l'aspect général de ses planches : teintes plates réservées à l'hydrographie, relief suggéré par de légères hachures en bistre, etc. Mais il apporte deux innovations intéressantes : I° l'index est édité à part; 2° les planches de l'atlas, montées sur une reliure mobile, sont susceptibles d'être renouvelées au fur et à mesure de leurs rééditions. L'intérêt de cette formule est que cet atlas peut être constamment tenu à jour.
Ces deux grands in-folio sont pour l'instant les atlas de référence les plus complets et les mieux faits. Ils offrent cependant un inconvénient qui réside à la fois dans leur poids et dans leur encombrement. La consultation en est malaisée sur une table de travail. Aussi convient-il de les remplacer, dans ce cas, par un atlas manuel de référence (format in-4° ou in-8°). Les éditions Stauffacher, de Zurich, ont publié en 1956 un Nouvel atlas mondial dont les cartes ont été exécutées par la firme cartographique de Agostini, à Novare (Italie). Cet atlas, dont la nomenclature est évidemment moins riche que celle des précédents, n'en reste pas moins un excellent instrument de travail de bureau, en langue française.
On est en droit de s'étonner qu'aucun atlas français ne figure parmi ceux qu'il convient de recommander à l'usage des bibliothèques. De fait, il n'existe plus, et depuis fort longtemps, d'atlas français de référence. Le dernier en date fut l'Atlas universel de Vivien de Saint-Martin, dont la première édition est de 188I.
Les planches, sans mises à jour quant aux transformations politiques, continuèrent de paraître jusqu'aux approches de la seconde guerre mondiale. Depuis, la librairie Larousse a publié, en 1950, un Atlas international Larousse, politique et économique qui n'est pas un atlas de référence mais un atlas d'information économique destiné à un vaste public.
Un grand atlas coûte très cher; le travail d'élaboration est considérable, il requiert un personnel scientifique et technique qualifié; la publication nécessite un matériel de reproduction et d'impression perfectionné très onéreux. Les frais de publication sont très élevés et ne peuvent être garantis que par une vente assurée. C'est pour cette raison que les éditeurs français ont renoncé de bonne heure à s'engager dans cette voie. Et, lorsqu'il s'agit d'atlas scolaire dont la vente est assurée, ils ont un avantage certain à en confier la réalisation technique à des établissements étrangers spécialisés. Cette formule a fait ses preuves et s'est étendue à d'autres pays. C'est ainsi que l'atlas scolaire autrichien, que publie Ed. Hölzel à Vienne et dont l'atlas Bordas est l'édition française, est également édité pour les lycées allemands (Lautensach), anglais (Faber), américains (Prentice-Hall), turcs, etc. Le Touring club italien a cédé ses planches à l'éditeur suédois Bonnier; l'Institut géographique de Agostini à Novare travaille pour des éditeurs suisses, français, allemands, américains et bien d'autres encore.
La production des atlas dans le monde occidental, de ce fait, se trouve de plus en plus entre les mains de quelques grands établissements spécialisés, et les impératifs économiques des années à venir ne feront qu'accentuer cette tendance à la production rationnelle.
II. Atlas géographiques.
Ces atlas s'adressent à un public éduqué. Les atlas généraux essayent de donner, à l'aide de cartes, une image géographique aussi complète que possible de toutes les régions du globe. Mais les informations qu'ils apportent sont trop générales et trop schématiques pour avoir une valeur scientifique quelconque.
Les atlas nationaux et régionaux poursuivent le même but, mais avec une richesse de détails et de sujets variés à l'extrême. L'Atlas de France, qui vient de faire l'objet d'une deuxième édition dresse un tableau géographique de la France sous tous ses aspects : physiques, botaniques, climatologiques, minéralogiques, économiques, démographiques, etc.
Les atlas nationaux ont apparu pour la première fois à la fin du xixe siècle. L'Atlas de Finlande publié en 1881 en est le premier spécimen. Il fut édité aux frais de la Société de géographie de Finlande qui, par suite, produisit deux éditions complémentaires en 19II et en 1929. D'autres pays suivirent cet exemple : la Norvège, puis la Tchécoslovaquie, la France et l'Italie. Depuis la dernière guerre, la Belgique, le Danemark, la Suède, l'Australie, Israël, le Maroc, ont entrepris la préparation d'atlas nationaux.
Les atlas régionaux sont le plus souvent des atlas de planisme pour l'étude et la mise en valeur d'une région. L'Atlas d'Alsace-Lorraine qu'Emmanuel de Martonne rédigea à la fin de la première guerre mondiale compte parmi les plus anciens. Les Allemands, depuis la dernière guerre, ont mis en chantier pour chacun des « Länder » de la République fédérale de très importants Planungsatlas qui sont, pour l'étude géographique et économique de l'Allemagne, d'incomparables instruments de travail.
III. Atlas historiques.
Il est très difficile de trouver de bons atlas historiques. En France, l'Atlas Vidal-Lablache n'a pas cherché à se renouveler; il est resté fidèle à la formule scolaire de 1914.
Les atlas historiques modernes recherchent à la fois l'étude cartographique des faits historiques, économiques et géographiques aux différentes époques de l'histoire. Ils s'adressent davantage à l'enseignement secondaire et supérieur. Les mieux documentés sont les atlas allemands publiés à Munich par les éditions Bayerische Schulbuch Verlag et à Braunschweig par Westermann. L'atlas anglais de Shepherd est excellent.
Il existe très peu d'atlas d'histoire régionale; le plus remarquable est l'atlas historique de Finlande par Jutikkala.
Les atlas culturels publiés par Van der Meer aux Pays-Bas ouvrent une fenêtre nouvelle sur la cartographie historique animée par de très nombreuses vues photographiques. Signalons enfin deux excellents atlas historiques et culturels de l'Islam.
IV. Atlas scientifiques et statistiques.
Cette rubrique groupe des atlas dressés sur les thèmes les plus variés. Les plus courants sont les atlas économiques dont certains ont une spécialisation plus marquée, comme les atlas agricoles, les atlas des ressources minéralogiques. Il existe aussi des atlas industriels, commerciaux, etc. L'étude du monde végétal et animal est à la base des atlas botaniques, forestiers, zoogéographiques. Les phénomènes climatologiques sont traités dans des atlas d'intérêt général ou particulier dont la variété est appelée à s'étendre. D'autres atlas enfin se consacrent plus spécialement à l'étude de l'homme et de ses conditions de vie dans les diverses régions du globe. Signalons les atlas démographiques dont le thème essentiel est la distribution géographique de la population, et ces intéressants atlas médicaux qui présentent des tableaux saisissants de la répartition et de la densité des maladies qui frappent l'espèce humaine. Les cartes de ces atlas sont dressées d'après des statistiques et s'expriment par des procédés très variés. Ils peuvent être d'une grande utilité dans les bibliothèques qu'intéressent leurs spécialités.
V. Atlas divers.
Il m'a semblé intéressant également de signaler à l'attention des lecteurs du Bulletin quelques autres atlas qui n'entrent pas dans les grandes catégories que je viens d'exposer.
Ce sont les atlas topographiques qui ne sont pas autre chose que la présentation en forme de volume d'une carte topographique. Bien entendu, il ne s'agit pas ici d'un recueil de feuilles d'une même carte, comme les deux grands in-folio de la Carte de Cassini, mais d'une édition particulière de la carte, en format in-4° ou même in-8°, chaque planche étant imprimée recto et verso. Les instituts géographiques de Finlande et de Danemark sont, jusqu'à plus ample informé, les seuls qui aient pris cette intéressante initiative. Toutefois, il est regrettable que les atlas ne soient pas complétés d'un index alphabétique des noms cités. En Grande-Bretagne, John Bartholomew publie deux atlas du même type, complétés de plans de villes, pour l'Écosse et l'Angleterre. Le second comporte un index.
En France, l'Institut géographique national a publié en 1956 en collaboration avec l'Institut de géographie de l'Université de Paris un très remarquable Atlas des formes du relief, utilisant des coupures de ses diverses publications et les illustrant de photographies aériennes ou obliques. L'atlas aérien de P. Deffontaines et M. Jean-Brunhes Delamare s'en rapproche par l'esprit, mais il est davantage un atlas photographique.
En conclusion à ce rapide tour d'horizon, j'ai dressé, d'après les atlas entrés au département des Cartes et plans, et à l'intention de nos collègues, une bibliographie sommaire qui pourra, je l'espère, guider leur choix selon leurs besoins. Il est bien entendu que cette bibliographie n'est pas exhaustive; les informations qu'elle apporte proviennent exclusivement du fonds de la Bibliothèque nationale.