La microcopie en France dans les bibliothèques et centres de documentation
La « National microfilm association » a tenu sa 8e séance annuelle à Washington du 2 au 4 avril 1959 2. Le thème de cette réunion était : « A Century of microfilm progress, 1859-1959 » et à cette occasion fut commémoré le 100e anniversaire du brevet pris par René Dagron le 2I juin 1859 sous le titre : « microscope bijou à effet stéréoscopique propre aux observations microscopiques d'imagerie, insectes, fleurs, etc... » 3.
On considère en effet comme un précurseur de la microcopie un photographe français René Dagron, né à Beauvoir (Sarthe) le 17 mars 1819 et mort le 13 juin 1900. Il connut une grande vogue en France et à l'étranger à partir de 1860 comme fabricant de cylindres photo-microscopiques montés ou non sur bijou dont il avait eu l'idée dès 1857. En Angleterre surtout, à Manchester en particulier, comme le reconnaissent les contemporains, on avait fait de la photographie dite microscopique et en France, des essais avaient été tentés pour mettre ces épreuves dans de petites lorgnettes à tirage variable qu'on portait comme des breloques de montre, mais dans tous ces essais l'image obtenue sur glace devait être grossie par une lentille à distance et ce procédé différait profondément, estimait-on, de celui qui avait été trouvé par Dagron. Réunissant la photographie au microscope, il en avait fait sous un volume qui n'égalait pas celui d'un grain de blé un seul et si petit objet qu'on pouvait l'appliquer aux bijoux les plus délicats 4.
Et toute la presse vanta sur un mode lyrique l'invention qui permettait de réunir dans le même bijou les membres de sa famille, ses amis et tous les êtres chers, « sans que le volume du bijou en soit en rien augmenté ».
Ce sont moins ces vues microscopiques logées dans une bague, une broche, un cachet, un porte-plume, un porte-crayon et encore aujourd'hui proposées aux touristes qui nous font un devoir de rappeler le nom de Dagron et de lui rendre hommage, que l'utilisation qu'il fit de ses découvertes pendant le siège de Paris en 1870 pour faire pénétrer dans la place les dépêches de provinces, par pigeons voyageurs. Dagron partit de Paris le 12 novembre 1870 sur le ballon Le Niepce. Il travailla successivement en mission officielle à Tours et à Bordeaux. Les dépêches étaient reproduites sur pellicules au collodion dont la transparence donnait d'excellents résultats à l'agrandissement qui se faisait à Paris sur écran au moyen de la lumière électrique. Chaque pellicule de 5 X 3 cm environ, nous explique Dagron lui-même, était la reproduction de 12 ou 16 pages in-folio d'imprimerie contenant en moyenne suivant le type employé 3.000 dépêches.
La légèreté de ces pellicules a permis à l'administration d'en mettre sur un seul pigeon jusqu'à 18 exemplaires, donnant un total de plus de 50.000 dépêches pesant ensemble moins d'un demi-gramme
En 1875, Dagron présenta au Congrès international des sciences géographiques des réductions photographiques de cartes d'État-Major et l'appareil destiné à les lire, le télémètre micrographique.
Enfin on a trouvé dans les papiers qu'il a laissés des indications concernant les traductions photographiques de livres de comptes de Rothschild et une série de photographies microscopiques de polices d'assurance échelonnées entre 1860 et 1870.
Aux origines du microfilm, d'autres noms ont été associés, à des titres divers, et en premier lieu celui d'un Anglais, John Benjamin Dancer (1812-1887). Établi alors à Liverpool, il aurait fait une photographie microscopique dès la fin de 1839, l'année même de la découverte de Daguerre. C'est ce que nous rapporte Frederick Luther 5 qui s'est fait l'historien des premiers âges de la microcopie. S'étant transporté à Manchester, Dancer fit, tour à tour, d'après les recherches de F. Luther, la première microcopie au collodion en 1852 et au printemps de 1853 il photographia une inscription commémorative de 680 lettres sur une surface d'I/16 d'inche, et se lança dans le commerce des vues microscopiques. Ses activités, comme nous l'avons vu, n'étaient pas inconnues des contemporains de Dagron. La même année 1853 vit d'autres photographes réaliser des microcopies de documents comme A. Rosling (une page de l'Illustrated London news) et la 8e édition (1857) de l'Encyclopedia Britannica enregistra ces nouvelles applications de la photographie.
Faut-il encore rappeler Simpson qui, en 1865, en Angleterre, faisait observer qu'au moyen de la photographie il était possible de concentrer sur quelques décimètres carrés de superficie le contenu de grands in-folio et qu'en réduisant par la photographie microscopique des ouvrages remplissant des salles entières on peut en avoir l'équivalent dans un seul tiroir; Scamoni qui, un peu plus tard à Saint-Pétersbourg, conjuguant la microcopie et un ingénieux procédé héliographique obtenait une page du journal illustré : Ueber Land und Meer sur une feuille de 25 mm de côté; enfin l'amiral américain Bradley Allan Fiske (1854-1942) 6 qui, d'après M. de Saint-Rat, prit un brevet concernant la réduction photographique de livres utilisant comme support des bandes de papier de 75 mm de longueur et de 50 mm de largeur et réussissant à y loger 10.000 mots, la lecture s'effectuant au moyen d'un ingénieux dispositif de loupe porte-carte dont la mise au point était réglable par une came.
Les noms de Simpson et de Scamoni nous sont rappelés par Robert Goldschmidt (1877-1935), un Belge, qui, dans un article paru le Ier janvier 1907 dans le Journal des brevets, article signé en collaboration avec le grand documentaliste Paul Otlet, entrevoyait déjà, en se fondant sur les recherches entreprises à l'Institut national de bibliographie, toutes les applications du procédé dans le domaine de la documentation.
« Le but poursuivi est d'établir pratiquement un livre microphotographique agrandissable à volonté au moment de la lecture... D'après les expériences faites jusqu'ici, il serait possible de reproduire en très petites dimensions toute page d'un livre, tout document, image quelconque sur l'une des très petites plaques sensibles dont est constitué un rouleau cinématographique. Au moment de la lecture, ces plaques seraient ensuite présentées devant un appareil d'agrandissement. » Goldschmidt notait déjà la nécessité de prendre des mesures contre les altérations et l'incendie, car le film ininflammable n'existait pas encore. «Il s'agirait, ajoutait-il encore, de faire entrer ces méthodes dans la pratique courante et de disposer à cet effet de procédés industriels pour l'établissement et la lecture des livres microphotographiques. »
Il est curieux de constater que Goldschmidt prévoyait déjà la reproduction des documents sur fiches internationales 125 X 75 mm à raison de 72 pages microscopiques d'I cm2 (avec une réduction variant de 50 à 200) plus le titre de l'imprimé en caractère ordinaire « microscopique ».
Quant à l'appareil de lecture, Goldschmidt en notait les caractéristiques : « On peut concevoir des appareils de diverses espèces en dehors de la simple loupe ou du microscope. Si l'on place le cliché pelliculaire dans un appareil à agrandissement très simple, éclairé par une lampe électrique et muni de verres grossissants, l'image agrandie à volonté, suivant des dimensions variables, peut être projetée sur le verre mat qui ferme la chambre noire du côté opposé, c'est là que s'opérera la vision du texte, sa lecture. Un dispositif emprunté au chariot du microscope ou de la machine à écrire fera circuler la fiche de gauche à droite, et de haut en bas, à la seule pression d'un bouton. Ainsi, à la volonté des lecteurs, les pages microscopiques sur chaque centimètre de la pellicule, viendront successivement se présenter devant l'objectif pour être lues. »
Cet article avait déjà fait l'objet d'une communication au Congrès international de documentation photographique de Marseille le 19 octobre 1906 7 et en août 1910, Goldschmidt présentait la bibliophoto ou livre à projection au Congrès international de bibliographie et de doumentation à Bruxelles.
Quoi qu'il en soit - et nous n'avions aucune prétention de brosser un historique complet de la microcopie, qui exigerait d'ailleurs un certain nombre de mises au point - la microcopie n'est utilisée couramment que depuis un peu plus de vingt-cinq ans.
Si dès 1931, une société dite Société des éditions sur films des Bibliothèques nationales se proposait de reproduire sur films en vue de la vente les documents les plus précieux et les plus rares des bibliothèques et publiait un catalogue méthodique (le projet dut être abandonné car le prix de vente avait paru prohibitif) 8; si un historien comme Charles Perrat 9 parcourant dès 1932 l'Italie et l'Espagne, microfilmait avec un Leica les registres de Charles II d'Anjou; si dès 1932 l'Office international de chimie, qu'animait Jean Gérard, domicilié à Paris à la Maison de la chimie, manifestait son intérêt pour le microfilm, c'est tout au moins pour la France l'année 1935 qui marqua une étape dans le développement de la microcopie avec le Symposium sur l'utilisation du film en matière de documentation organisé par l'Office international de chimie le 31 mars 1935 10 et la réunion d'experts du 2 avril de la même année à laquelle participèrent MM. Donker-Duyvis, Robert B. Goldschmidt, le secrétaire général de la Bibliothèque nationale, Émile Leroy, Sir Robert Mond, P. Otlet, et Walter Schurmeyer. En 1937, année du Congrès mondial de la documentation, une place était réservée à la microcopie à l'Exposition internationale des arts et techniques de la section bibliothèque. A côté d'appareils des États-Unis y étaient présentés un appareil de prises de vues dû à M. de Saint-Rat 11 et à l'Américain Seidell analogue à celui qu'ils avaient construit pour la Bibliothèque nationale et un ingénieux appareil pour la lecture des microfilms condensés sur pellicules larges dû à l'architecte Sébille. La Bibliothèque nationale ouvrait son premier laboratoire de microfilms 12, en juin Félix Grat créait l'Institut de recherche et d'histoire des textes et la Maison de la chimie commençait ses recherches sur la microfiche opaque 13.
En décembre 1938, un arrêté du Ministre de l'Éducation nationale créait une commission du microfilm dont le secrétariat fut confié à la Bibliothèque nationale, l'administrateur M. Julien Cain, étant vice-président de la commission, le professeur Fabry, membre de l'Institut, président. Celle-ci établit les caractéristiques des appareils de lecture et sur sa proposition le Centre national de la recherche scientifique appliquée ouvrit un concours entre les inventeurs et constructeurs français, concours que la guerre obligea à remettre sine die 14.
C'est seulement en novembre 1940, que l'Association française de normalisation créa une sous-commission pour l'étude du microfilm et, utilisant entre autres les travaux du Comité 46 documentation de l'I.S.A. réuni à Londres en mai 1938, publia sa première norme homologuée en mai 1942 concernant la reproduction photographique de documents sur film.
C'est donc seulement dans les cinq dernières années qui précèdent la deuxième guerre mondiale que la microcopie prit son essor; rappelons notamment pour établir un parallèle avec ce qui se passait à la même époque aux États-Unis, quelques phrases extraites d'une conférence faite à l'U.F.O.D. 15 en 1935 par M. Atherton Seidell, ce grand ami de notre pays :
« En retournant l'année dernière aux États-Unis, je cherchais à savoir quels progrès avaient été réalisés dans mon pays... Je constatais que notre Bibliothèque du Congrès se servait d'un appareil français construit à Paris par M. Paul Lemare pour photographier sur des films de 35 mm des manuscrits et documents historiques. Mais il était relativement peu fait appel à ce service et en première ligne par des personnes poursuivant des recherches historiques. Je fus également mis en présence d'un rapport extrêmement complet sur les méthodes de reproduction des documents, élaboré par le Dr Binkley, Président du « Joint Committee on materials for research » 16. Dans la partie de son rapport traitant de la copie sur film, l'auteur décrit environ 8 appareils différents pouvant être utilisés à cette fin, et parmi lesquels on trouve l'appareil de Lemare, l'appareil Leica bien connu, ainsi que plusieurs autres encore, en cours de construction. L'on y trouve également une description de l'appareil construit sous le nom de Recordak par la Eastman Kodak Company. Cet appareil peut servir pour copier des chèques, des factures, et tous autres documents dactylographiés sur des feuilles éparses. Il ne peut par contre servir à la copie de pages de volumes reliés et ne peut donc être adapté à un service de copies sur film tel qu'il devrait exister dans une bibliothèque. L'appareil le plus perfectionné pour la copie rapide de pages de livre que j'ai pu voir est l'appareil inventé et construit par le Dr R. H. Draeger, officier-médecin de la Marine des États-Unis 17. Me rendant compte que cet appareil était admirablement adapté aux besoins d'une bibliothèque, je réussis à le faire placer dans la bibliothèque du département de l'Agriculture à Washington 18. Au début, il fut utilisé pour la copie d'articles contenus dans des volumes que l'on avait l'habitude de prêter à d'autres bibliothèques sur demande. Ce service d'essai donna tant de satisfaction qu'il fut jugé utile de le faire connaître du public par une notice publiée dans Science le 15 février dernier. Depuis cette date, plusieurs centaines de chercheurs y ont fait appel » 19.
M. de Saint-Rat avait fait en 1946 le bilan des années 1935-1946 20. Nous avons pensé que nous pouvions en 1959 non pas certes faire le bilan de la microcopie dans le monde, ni même procéder à une enquête approfondie en France, mais essayer de déterminer après 25 ans d'utilisation la place de la microcopie dans notre pays, dans la vie des bibliothèques, des archives et centres de documentation en donnant la parole à quelques représentants des grands établissements parisiens, utilisateurs de la microcopie, qui ont bien voulu répondre à notre appel, ce dont nous leur exprimons notre gratitude.
Bibliothèque nationale
L'atelier microfilm de la Bibliothèque nationale a été créé en 1937. Le nombre des microfilms qu'il a exécutés n'a cessé de croître. On doit noter que la Bibliothèque nationale n'exécute comme microcopies que des microfilms 35 mm.
Quel est le chiffre de microfilms -exécutés en 1958?
Au cours de l'année 1958, le Service photographique de la Bibliothèque nationale a exécuté plus de 700.000 images de microfilm dont 128.730 images positives. Le total s'élevait en 1945 à 100.000 images de microfilm ct en 195I à 500.000 environ. Sur ces 700.000 images, il y en a un peu plus de 200.000 qui sont faites pour les archives de sécurité et un peu moins de 500.000 qui ont été commandées par la clientèle.
Le Service photographique a réalisé plus de 16.000 agrandissements sur papier, plus de 7.500 diapositives en couleurs (contre moins de I.500 diapositives en noir). Il exécute encore de 6.000 à 9.000 photocopies par an (procédé optique). Ainsi, on peut le constater, le total des agrandissements sur papier et des photocopies reste très faible encore par rapport à celui des images microfilm.
La clientèle de l'atelier microfilm est-elle en majorité française ou étrangère?
Les commandes de l'étranger doivent correspondre à près de 50 % de l'ensemble des commandes. Les États-Unis, à eux seuls, représentent 1/3 environ des demandes de l'étranger.
Compte tenu du tarif de la Bibliothèque nationale, pouvez-vous indiquer le prix de vente d'un microfilm négatif?
C'est un tarif dégressif. C'est ainsi que pour un livre de 500 pages que l'on microfilmera à raison de 2 pages par image, soit 250 images, le prix des 20 premières images s'élèvera à 20 F chacune, celui des 80 suivantes à 18 F, enfin les 150 suivantes à 16 F soit : 400 F + I.440 F + 2.400 F = 4.240 F.
Vous avez vous-même souligné qu'un certain nombre de travaux est réalisé non pour la clientèle, mais en vue de la constitution d'archives de sécurité. Pouvez-vous nous donner quelques précisions concernant ces dernières?
La question des archives de sécurité a été posée dès 194I, mais c'est seulement en 1947 qu'elle a fait l'objet d'études approfondies. A partir de février 1932, une filmothèque a été formée méthodiquement en deux séries, la première destinée à la conservation, la seconde à la reproduction. Sa constitution se poursuit selon un programme établi par les conservateurs en chef des départements de la Bibliothèque nationale dont les fonds sont susceptibles d'être reproduits par ce procédé. Tous les documents qu'il a été jugé indispensable de ne pas exposer à plusieurs reprises aux manutentions nécessitées par la prise de vues sont microfilmés simultanément en deux exemplaires au moyen d'appareils à caméras jumelées.
Après vérification technique et scientifique, le microfilm de sécurité est placé dans une caisse pour être évacué loin des documents originaux, tandis que l'autre exemplaire sert à établir les positifs et les agrandissements sur papier. On ne tire pas de positif à moins de vingt images consécutives sur un même négatif; une commande d'un nombre inférieur d'images ne pourra être satisfaite que par l'exécution d'agrandissements sur papier.
Pour les archives de sécurité ont été construites des caisses spéciales du type recommandé par l'Unesco : contreplaqué, fond de clayettes, dimensions : 74,4 X 102 X 13 cm, poids : 17 kg. Ces caisses contiennent 56 boîtes de carton, chaque boîte 30 m de film de 750 images. Une caisse représente quelque 42.000 images.
Les microfilms de reproduction sont conservés dans des tiroirs métalliques dont le fond est à claire-voie et qui sont spécialement conçus pour recevoir 36 boîtes renfermant des rouleaux de 10 mètres. L'expérience a prouvé, en effet, que si l'emploi des rouleaux de 30 m convenait à l'archivage de sécurité, il était très rare que les volumes reproduits nécessitent 750 images. Or, il est indispensable qu'un rouleau ne reproduise qu'un seul ouvrage, le microfilm de reproduction se rayant, s'usant lors du tirage des positifs ou des agrandissements.
Les microfilms, qu'ils soient destinés aux archives ou à la reproduction, sont enroulés autour de noyaux de 45 mm de diamètre, et les rouleaux entourés d'une bande de papier protectrice; un élastique maintient film et bande de papier. Le tout est alors placé dans une boîte de carton de 65 mm sur 65 mm pour les rouleaux de 10 m ou moins, et de 95 mm sur 95 mm pour les rouleaux de 30 mètres. Sur la boîte sont écrits lisiblement la cote du microfilm dans la filmothèque, la cote du document dans son département d'origine (s'il y a lieu le fonds auquel il appartient), le nombre d'images du microfilm, la manière dont le document a été photographié (une page à la fois, deux pages à la fois, sens vertical, sens horizontal, film perforé, film non perforé). Une notice sommaire est alors établie sur fiche de format international. Ces fiches sont classées dans l'ordre des cotes des documents originaux, en sorte qu'on sait immédiatement si le document a déjà été microfilmé.
La collection de microfilms de la Bibliothèque nationale doit être assez importante?
Au 3I décembre 1958, la filmothèque renfermait en double exemplaire 8.360 rouleaux de microfilms, représentant I.500.000 images. Les documents originaux qu'ils reproduisent sont conservés pour 45 % d'entre eux au Département des manuscrits, pour 18.000 à la Musique, pour 17 % aux Imprimés, pour 10 % aux Périodiques, pour 5 % à la Bibliothèque de l'Arsenal et le reste dans diverses autres bibliothèques.
A ces chiffres, il convient d'ajouter plus de 310.000 images négatives en un seul exemplaire reproduisant les collections du Mercure galant, de La Croix et du Populaire. Ces microfilms en rouleaux plus ou moins longs (certains de plusieurs centaines de mètres) sont conservés au Service photographique.
Étant donné la nature de certains documents que le Service photographique de la Bibliothèque nationale doit reproduire, celui-ci a-t-il eu à résoudre des problèmes particuliers?
Un exemple : afin d'assurer la parfaite « planéité » des documents à photographier, le Service photographique a conçu un porte-document spécialement étudié pour les besoins d'une bibliothèque 21. D'autre part, les membres du Service photographique, qui, parallèlement à leur travail courant, ont poursuivi des recherches personnelles ont certainement, par leurs rapports avec les fabricants de matériel, contribué aux progrès de l'appareillage français. Il faut signaler aussi leurs travaux sur le microfilm en couleurs adapté en particulier à la reproduction des manuscrits enluminés. C'est ainsi que la Société des éditions filmées d'art et d'histoire publie des séries de diapositives exécutées d'après les microfilms exécutés par le Service photographique de la Bibliothèque nationale.
La Bibliothèque nationale reçoit-elle des microfilms de l'extérieur?
Oui, mais en nombre généralement très faible sous forme de rouleaux positifs. La plupart sont entrés par la voie des échanges internationaux. Lorsque la Bibliothèque nationale reçoit un microfilm négatif, elle en fait tirer un positif. Ainsi le Département des imprimés ne communique que des positifs qu'il conserve à proximité des appareils de lecture.
Le Département de la musique conserve pour sa part quelque 350 microfilms qui reproduisent pour la plupart des éditions françaises du XVIe siècle manquant à ses collections.
N'existe-t-il pas des projets concernant la reproduction sur microfilm des périodiques?
Vous faites allusion aux projets de l'Association pour la conservation et la reproduction photographique de la presse (A. C. R. P. P.), 4, rue Louvois, Paris 2e. Celle-ci se propose de microfilmer un certain nombre de journaux 22; elle a inscrit à son programme le tirage d'un positif destiné au Département des périodiques. Actuellement elle dépose à la Bibliothèque nationale tous les négatifs qu'elle exécute. Ces films de 35 mm, perforés ou non perforés, peuvent avoir de 120 à 210 m. On a en effet mis au point un appareil de lecture où le film se dévide à des vitesses variables et qui peuvent être très rapides. Ces films sont conservés dans des chargeurs métalliques. Ceux-ci contiennent deux bobines. Pendant sa projection le film passe de l'une à l'autre à travers un couloir muni d'une fenêtre vitrée que traversent les rayons lumineux de l'appareil de lecture; le chargeur est étanche. Il porte au dos les références nécessaires (titre, cote, etc...) et peut être placé sur un rayonnage de bibliothèque comme un livre 23.
D'autre part, au Département des périodiques, sont entrés une quarantaine de microfilms dont le plus important est la collection du New York times reçue en don.
Bibliothèque de la Faculté de médecine de Paris
Nous avons rappelé au début de cette étude la part prise par M. Seidell au développement du microfilm en France. C'est encore lui qui, en 1946, facilita la création du service photographique de la Bibliothèque de la Faculté de médecine. En 195I, le service reçut un caractère officiel en application d'un arrêté rectoral du 2I février 195I. Le Dr Hahn, conservateur de la Bibliothèque de la Faculté de médecine, a bien voulu nous donner quelques indications sur son fonctionnement.
Quels avantages la Bibliothèque de la Faculté de médecine retire-t-elle de son service photographique?
De très nombreux avantages. Par exemple : pour la conservation d'archives et de documents rares; c'est ainsi que nous avons reproduit nos Commentaires et certains manuscrits; - pour la reproduction de publications faisant défaut à nos collections : nous disposons d'environ 25.000 microfilms qui nous permettent de suppléer aux lacunes de nos collections; en outre, certaines bibliothèques médicales, celle de la Faculté de médecine de Nancy notamment, conservent nos microfilms et se constituent ainsi une filmothèque; - pour la reproduction d'ouvrages rares, anciens et épuisés et d'articles de suites ou de périodiques.
Nous employons encore le microfilm pour nos échanges de publications non mises dans le commerce (thèses, mémoires, etc...) avec la « National library of medecine » de Washington, notamment.
En outre, nous sommes journellement consultés oralement ou par écrit par un grand nombre de correspondants français et étrangers, qui outre la documentation elle-même, sollicitent des reproductions de publication très diverses. Le microfilm permet de satisfaire rapidement la plupart de ces demandes.
Mais c'est surtout pour les problèmes que pose à nous le prêt entre bibliothèques que le microfilm se révèle d'une réelle utilité et j'y insiste tout particulièrement.
Il est à remarquer, en effet, que les demandes de prêt que nous recevons ne concernent que pour I/10 des ouvrages et que ce sont essentiellement les périodiques, les thèses dactylographiées et les mémoires qui font l'objet des plus fortes demandes. Le problème posé est d'autant plus grave que ces demandes portent dans 75 % des cas sur les mêmes publications, les mêmes années et souvent même sur des publications de l'année exclues du prêt.
Comment fonctionne le service photographique de la Bibliothèque de la Faculté de médecine de Paris?
Tout service photographique, quelle que soit sa clientèle, doit avoir une structure administrative et technique aussi étudiée que tout autre service de la bibliothèque.
Un secrétariat (commis) est nécessaire pour la réception, l'enregistrement, la facturation et la comptabilité àdministrative, l'expédition et la gestion. Un service de recherches est indispensable car l'expérience montre que près de 40 % des demandes sont mal rédigées ou fausses et, même si elles sont justes, la présence d'un personnel technique de culture suffisante (agent de bureau de qualité ou sous-bibliothécaire) est nécessaire pour rechercher les publications sur les rayons et préparer le travail du photographe; un gardien doit lui être adjoint pour la manutention et la préparation des envois. Le service technique devrait comprendre au moins deux photographes qualifiés, l'un pour tirer, l'autre pour développer et vérifier la qualité des expéditions.
C'est là, me semble-t-il, l'effectif normal d'un service photographique; malheureusement, en raison de l'insuffisance du personnel, il est loin d'être atteint à la Faculté de médecine. Néanmoins, au cours de l'année universitaire 1957-1958, nous avons pu réaliser 7.299 travaux, sur 9.076 demandes émanant de 690 demandeurs français et étrangers, représentant un total de 88.182 pages.
Dans quelles proportions le microfilm est-il choisi par la clientèle de votre atelier photographique?
La proportion photocopies-microfilms est d'environ 20 % pour les photocopies, les microfilms positifs, nécessitant une double opération, étant peu demandés.
La plus grande partie de nos travaux est exécutée sur films 35 mm négatifs. La lecture sur place de nos collections microfilmées (lacunes) conduit souvent nos lecteurs à demander des tirages positifs ou des agrandissements-papier de ces films, qui nous servent également à satisfaire certaines demandes écrites lorsqu'il n'existe pas à la bibliothèque les publications correspondantes.
Que pensez-vous de l'utilisation de la microfiche dans le cas particulier des bibliothèques?
Nous n'avons pas reçu jusqu'ici de microfiches transparentes ou opaques. Cette forme de reproduction a cependant été envisagée et l'achat du matériel nécessaire mis à l'étude. Il est en effet indispensable de penser dès maintenant à son utilisation pratique, notamment pour la bibliothèque elle-même (lacunes, ouvrages épuisés, thèses) ou pour l'envoi de publications d'une certaine ampleur (thèses, mémoires) à nos correspondants, en raison même du développement des publications sur microfiches opaques aux États-Unis.
Nous pensons qu'il s'agit là d'une forme pratique; les bibliothèques nouvellement créées ou insuffisamment dotées pourraient y trouver profit en constituant ainsi un fond d'ouvrages de base rares ou épuisés.
Dans l'ensemble, la microfiche a donc son intérêt. Pour la recherche courante, elle pourrait même être envisagée après accord avec les éditeurs pour les ouvrages ou périodiques complets. Cependant tout est encore conditionné par la mise en oeuvre des appareils de lecture et des caméras encore peu connus et peu utilisés. L'expérience montre également que la préférence va encore actuellement à l'obtention rapide de l'article dont a on relevé la référence dans un bulletin bibliographique.
Institut de recherche et d'histoire des textes
L'Institut de recherche et d'histoire des textes a été créé, nous l'avons dit, en 1937. Il a pour mission d'étudier la transmission écrite de la pensée humaine. Ces travaux s'appliquent aux textes de l'Antiquité classique et chrétienne (latin et grec) et du Moyen âge (latin, grec, français et provençal) ainsi qu'aux textes arabes et hébreux. Il s'efforce de devenir le centre de documentation où l'on trouvera tout ce qui concerne le problème de l'édition des textes antérieurs au XVIe siècle. Il conserve le microfilm des manuscrits les meilleurs pour chaque texte et une attention toute particulière est accordée à la reproduction des manuscrits qui sont les seuls témoins d'un texte et dont la disparition serait sans remède.
A l'origine, l'Institut de recherche et d'histoire des textes faisait agrandir tous les microfilms qu'il prenait ou acquérait et ses agrandissements étaient prêtés au public. Actuellement, ce sont des microfilms qui sont prêtés (deux exemplaires négatifs sont obtenus par une seule opération de prise de vues).
La liste des manuscrits photographiés paraît dans le Bulletin d'information de l'Institut de recherche et d'histoire des textes.
Les microfilms sont prêtés ou plutôt sont loués suivant un tarif dégressif.
Nous avons demandé à sa directrice, Mlle Jeanne Vieilliard, archiviste-paléographe, ancien membre de l'École française de Rome et de l'École des Hautes études hispaniques de Madrid, l'utilisation qui était faite des microfilms de l'Institut.
Vingt-deux ans d'expérience d'usage du microfilm au service des érudits pour leurs travaux sur les manuscrits des auteurs de l'antiquité et du Moyen âge m'incitent à faire part des constatations suivantes :
Le microfilm est universellement apprécié par les philologues car il leur permet d'avoir sous la main à la fois une quantité de témoins d'origines diverses et leur permet les comparaisons utiles pour l'étude et; l'histoire des textes (le microfilm négatif est préféré au positif).
Il l'est évidemment moins par les codicologues et les paléographes, car pour eux rien ne peut remplacer l'étude directe des manuscrits (composition des cahiers, modes de reliure, etc...); les comparaisons d'écriture pour la datation et la localisation faites sur photos ne donnent pas de résultats sûrs.
L'usage des microfilms en petites ou grosses bobines est à proscrire pour les raisons suivantes :
Le microfilm roulé a tendance à se craqueler - il risque de glisser et de se tacher - il prend la poussière, est susceptible de se rayer et de recevoir des marques de doigts et le repérage des passages qu'on cherche est difficile à faire sur les bobines.
Nous avons donc adopté la bande de 5 vues mises sous cellophanes (qui empêchent les rayures et les taches) et indexées.
Voici à notre point de vue les avantages :
I° On repère immédiatement grâce à l'index le folio qu'on cherche.
2° On sort et entre facilement la bande de l'appareil de lecture quand on veut étudier en même temps plusieurs manuscrits.
3° On peut prêter au lecteur les quelques folios qui l'intéressent sans se dessaisir du texte entier dont une autre partie peut intéresser au même moment un autre lecteur.
C'est pourquoi nous n'utilisons pas les microfiches transparentes, parce que, du fait de leur plus forte capacité, elles ne faciliteraient pas, nous a-t-il semblé, autant que les bandes, le prêt simultané de divers passages d'un même manuscrit à diverses personnes.
La bande de 5 vues a l'avantage de permettre de faire facilement quand c'est nécessaire un agrandissement partiel (ou complet) par exemple pour un passage particulièrement difficile à déchiffrer - il n'est pas besoin pour cela de sortir le film de l'enveloppe de cellophane.
La question de conservation du film n'a pas encore été étudiée scientifiquement par nous; mais le Centre national de la recherche scientifique a prévu l'installation à Gif de salles climatisées où seront conservés les doubles des microfilms de nos collections. Jusqu'ici, nous les conservons dans des classeurs métalliques, les bandes étant réunies par manuscrit, dans des pochettes en carton portant la cote et le numéro d'ordre. Nos salles ne sont pas surchauffées, elles sont aérées et nous n'avons pas constaté de détériorations de nos films autres que celles, d'ailleurs extrêmement rares, dues à l'emploi par nos emprunteurs de mauvais appareils de lecture.
Nous utilisons suivant les goûts des lecteurs divers appareils de lecture, les uns préfèrent la projection sur la table (feuille blanche), les autres sur verre dépoli 24.
Centre national de la recherche scientifique
Il n'est pas besoin de rappeler l'importance du Centre de documentation du Centre national de la recherche scientifique que dirige le professeur Jean Wyart, membre de l'Institut. Le rôle de ce centre repose en grande partie sur le jumelage du Bulletin signalétique du Centre national de la recherche scientifique et du Service photographique. Ce service reproduit, sous forme de microfilms, I.800.000 à 2 millions de pages par an et établit environ 200.000 agrandissements papier. Les demandes de l'étranger sont très faibles en ce qui concerne ces derniers; elles sont de l'ordre de 20 % pour les microfilms.
Nous avons demandé au chef du Service photographique du Centre national de la recherche scientifique, M. Bastardie, de préciser la nature des travaux exécutés et de nous donner son opinion sur l'avenir de la microcopie.
Plusieurs laboratoires importants du C.N.R.S. possèdent leurs propres photographes. Un service a été créé en 1940 au Centre de Documentation pour compléter le Bulletin signalétique.
Son but principal était à l'époque de fournir au lecteur du Bulletin signalétique les microfilms correspondant aux articles qui y étaient analysés. Au fur et à mesure du développement de la documentation tant dans les laboratoires publics qu'industriels, le Service photographique fut appelé à prendre l'importance qu'on lui connaît.
Certes, le principal du travail est représenté par l'exécution de reproductions d'articles de périodiques signalés dans le Bulletin. Toutefois les laboratoires du C.N.R.S. nous confient beaucoup d'autres travaux photographiques destinés à compléter leur documentation de travail 25,
Lorsqu'à l'origine nous avons été amenés à choisir un support de microcopies, nous nous sommes arrêtés au film de cinéma 35 mm comme étant le plus répandu et le seul à posséder ses matériels de traitement et de tirage au complet.
Nous avons participé depuis 1942 à la normalisation des microcopies, et pour le microfilm nous nous sommes tenus depuis cette date à la forme 24 X 36 sur 35 mm en bande de 5 vues plus une vue de référence sans pour cela reconnaître que ce soit le support le meilleur.
Depuis cette époque, nous n'avons jamais trouvé un support plus répandu malgré diverses tentatives. Encore maintenant, je considère que seul le film de cinéma présente dans le monde entier un nombre de machines de traitement inégalé. Nous n'avons pas encore adopté d'autres procédés pour ne pas mettre en difficulté nos utilisateurs mondiaux.
Nous livrons une microcopie qui peut être négative ou positive à notre choix, c'est-à-dire que notre clientèle doit admettre souvent des microfilms positifs lorsque nos microfilms sont en archives. Ces archives sont pour le moment restreintes. Elles ne concernent que des lacunes dans nos collections de périodiques.
Nous envisageons actuellement l'utilisation de tous les procédés de microcopies et nous étudions leur rentabilité tant pour le Centre que pour l'usager. L'état de nos travaux n'est cependant pas suffisamment avancé pour que je puisse soutenir dès maintenant une opinion formelle sur cette question.
L'idée directrice de notre Centre est de mettre à la disposition du chercheur toutes les facilités compatibles avec les techniques modernes de documentation. Tout ce qui peut donc contribuer à l'obtention de tels résultats est envisagé, compte tenu toutefois des expériences passées et d'une certaine désaffection pour les microcopies qui a été constatée chez nous comme dans d'autres Centres et qui paraît provenir de la pénurie de moyens de lecture. Les ingénieurs, notamment, préfèrent certainement avoir en main une photocopie et nous savons que la plupart de nos microfilms sont souvent « restitués » sur papier par la clientèle.
Les procédés utilisant la transparence offrent des possibilités techniques supérieures à celles qui sont données par les supports de microfilms opaques. Ma préférence va donc vers la transparence bien que je sois parfois très séduit par le côté pratique des manipulations de la microfiche opaque.
L'industrie des appareillages des microcopies n'apparaît pas avoir beaucoup évolué ces dernières années. Elle me semble marquer le pas. Si elle devait repartir, je souhaiterais que ce soit sur des bases plus solides où l'intérêt général passe avant les intérêts particuliers et je pense que les collectivités publiques en finançant notamment les études d'un type d'appareil de lecture feraient œuvre vraiment utile car la microcopie sera certainement très développée dans les années à venir, ne serait-ce que pour réduire l'encombrement des papiers qui envahissent firmes et bureaux.
En conclusion, j'estime que la France pourrait tenir une meilleure place qu'elle ne tient actuellement dans le domaine des microcopies, car beaucoup d'idées sont nées et continuent de naître en France mais demeurent malheureusement inexploitées.
Archives de France.
Comme la Bibliothèque nationale, les Archives de France (aussi bien les Archives nationales que les Archives départementales) utilisent le microfilm pour la constitution d'archives de sécurité, mais elles font en outre (et même surtout) du microfilmage de complément. Quant au microfilmage de substitution, s'il n'entre pas dans le cadre des programmes déjà réalisés ou en cours de réalisation, ce n'est pas que le principe en ait été rejeté a priori.
Qu'entendez-vous par microfilmage de substitution?
On se propose, par le microfilmage de substitution, de remplacer les documents originaux par des microfilms de moindre encombrement. Les originaux sont ensuite détruits. Mais cette pratique, largement employée dans des pays étrangers, n'est pas envisagée actuellement dans les archives françaises. Ceci pour trois raisons : d'abord, parce qu'il est beaucoup plus avantageux de construire un bâtiment bien aménagé pour loger un fonds d'archives que de microfilmer celui-ci; ensuite, parce que la longévité du support cellulosique n'est pas suffisamment prouvée; enfin, parce que le microfilm ne remplace pas l'original, ni du point de vue légal 26 (du moins pas dans tous les cas), ni d'un point de vue qu'on pourrait appeler « sentimental ».
Dans la pratique, on ne fait donc aux Archives de France que du microfilm de sécurité et du microfilm de complément.
Pouvez-vous nous fournir quelques indications sur le microfilm de complément?
Le microfilm de complément consiste à microfilmer, pour le responsable d'un dépôt d'archives, dans divers dépôts publics ou privés (en principe lointains ou difficilement accessibles), des documents complémentaires de ses propres collections et qui viendront enrichir celles-ci.
En province surtout, l'effort a principalement porté sur le microfilm de complément. En effet, le découpage actuel de la France en départements ne correspond guère aux anciennes divisions territoriales, d'où résulte l'existence dans certains départements de fonds provinciaux ou régionaux impossibles à dissocier, mais qui intéressent en fait d'autres départements. D'autre part, beaucoup de documents d'intérêt local sont conservés à Paris, surtout aux Archives nationales et à la Bibliothèque nationale (collections des provinces par exemple). Ici le microfilm apporte une solution presque idéale à un problème qui préoccupait depuis longtemps les archivistes.
Parmi les principaux fonds de microfilm de complément il faut signaler particulièrement celui de la Savoie qui est essentiellement constitué par des reproductions de documents des Archives d'État de Turin concernant l'ancienne province de Savoie. Ces microfilms représentent à eux seuls 17.720 m de pellicule.
Aux Archives nationales, le microfilmage de complément a permis d'enrichir les collections de 170 fonds divers d'archives publiques, économiques et privées dont les originaux sont conservés en France ou à l'étranger. Citons entre autres les archives des anciennes compagnies françaises de chemin de fer (complément des archives versées en original aux Archives nationales), le chartrier de Gramont (représentant 3.000 m de microfilm) et la correspondance des ambassadeurs de Venise en France. Le service s'efforce en outre de microfilmer avant leur mise en vente les principaux fonds d'archives ou de correspondance intéressant l'histoire de la France qui passent sur le marché des autographes et dont les Archives nationales ne se portent pas acquéreurs.
Pour quels fonds le microfilm de sécurité est-il plus particulièrement employé?
Le microfilm de sécurité est depuis longtemps largement représenté aux Archives nationales (Trésor des Chartes, série des « Monuments Historiques »). Il n'en est pas de même en province. En 1955, la longueur totale des microfilms de sécurité conservée dans les dépôts départementaux n'était que de 788 m (contre 56.357 m de microfilm de complément). Depuis, une évolution très nette s'est produite. Au cours de l'année 1958 les dépôts départementaux se sont enrichis de 3.104 m de microfilm de sécurité (contre 6.857 à titre de complément).
Les documents microfilmés à titre de sécurité sont généralement (cela va de soi) les plus anciens et les plus précieux (cartulaires par exemple). Parmi les programmes les plus importants actuellement en cours d'exécution, citons ceux de la Meurthe-et-Moselle (microfilmage systématique des documents antérieurs au XIVe siècle du Trésor des Chartes de Lorraine) et du Bas-Rhin (microfilmage des registres paroissiaux du département).
Si le microfilm de sécurité doit aussi servir à la consultation sur place ou avec déplacement, il y a lieu d'en faire un deuxième exemplaire qui sera réservé à cet usage. Aux Archives nationales (et dans certains départements) tous les microfilms, qu'ils soient de complément ou de sécurité, sont d'ailleurs réalisés en deux exemplaires (soit par une seule opération de prise de vues, soit en tirant un positif à partir du négatif).
L'usage commence à s'établir d'entreposer loin des originaux les microfilms de sécurité (exemplaire unique ou exemplaire de conservation). Le choix du lieu d'hébergement peut être dicté par des considérations géographiques (le département de la Meurthe-et-Moselle a déposé ses microfilms aux Archives de la Lozère) ou par les garanties de sécurité qu'offre un local déterminé (chambre forte du dépôt nouvellement construit de Laon pour les microfilms des Archives nationales).
Comment fonctionnent les services de microfilms des Archives?
Alors que le service du microfilm des Archives nationales est un service strictement intérieur et que les commandes des particuliers sont exécutées par une société privée sous contrat I, la plupart des services départementaux travaillent accessoirement pour diverses administrations (notamment pour les services de la Préfecture) et pour les particuliers.
Quels supports utilisez-vous généralement?
Le film le plus généralement utilisé est le film de 35 mm biperforé. Le film de 16 mm qui convient peu aux documents de nos archives (surtout aux documents anciens) est très rarement employé. Aux Archives nationales et dans le dépôt de Vannes on utilise aussi le film de 35 mm non perforé qui convient mieux aux documents de grandes dimensions et permet de réaliser des économies.
Actuellement, la microfiche n'est utilisée dans aucun des dépôts dépendant de la Direction des archives de France.
Il est à noter que la presque totalité des clients des services photographiques demandent des microfilms. Les demandes portant à la fois sur des microfilms et des agrandissements sur papier sont assez rares. Les deux techniques de conservation des microfilms (en rouleaux et en bandes standardisées de 23 cm) sont simultanément employées. La conservation en rouleaux est cependant la méthode la plus répandue. Aux Archives nationales les films de l'exemplaire de conservation sont conservés en rouleaux de 120 m tandis que ceux de l'exemplaire de consultation sont montés sur bobines normalisées de 30 m.
Avez-vous des problèmes particuliers de classement à résoudre ?
Pour la commodité des recherches et afin de faciliter la publication de catalogues collectifs, une doctrine de classement a été élaborée, qui est maintenant appliquée dans tous les départements possédant des collections de microfilms. Elle repose sur les principes suivants :
I° Classement et cotation dans une série spéciale de tous les microfilms. Cette série est désignée sous le sigle Mi.
2° Distinction entre les microfilms de complément, de sécurité, de substitution et d'imprimés (I Mi, 2 Mi, 3 Mi, 4 Mi).
3° Cotation continue dans l'ordre chronologique des entrées à l'intérieur de ces quatre sous-séries.
4° Correspondance des rouleaux ou bandes de microfilms et des articles d'archives. A chaque liasse ou registre correspond donc un nombre entier de rouleaux ou bandes de pellicule.
Le service du microfilm des Archives nationales, déjà organisé lors de l'élaboration de cette doctrine, a sa propre méthode de classement, qui, d'ailleurs, repose à peu près sur les mêmes principes.
Existe-t-il des catalogues des microfilms conservés dans les Archives?
Un Répertoire des microfilms de complément conservés aux Archives nationales a été établi sous la direction de M. Michel François et publié en 1951 27. D'autre part la direction des Archives de France a publié en 1955 un Catalogue des Microfilms de sécurité et de complément conservés dans les Archives des départements dressé par M. Michel Duchein 2. Une mise à jour de ce catalogue, valable pour les années 1956 à 1958, paraîtra incessamment.
Le microfilm est-il apprécié par les usagers des archives?
On trouve encore quelques lecteurs et chercheurs qui répugnent à utiliser le microfilm notamment lorsqu'on lui remet celui-ci au lieu d'un original conservé sur place, mais auquel on veut éviter les risques afférents à une manipulation trop fréquente. Ils sont cependant assez rares et l'on peut estimer que ces réticences auront disparu dans quelques années.
Ces réticences n'ont aucune raison d'être quand il s'agit de microfilms de complément, l'immense majorité des lecteurs préférant étudier sur place au moyen du microfilm plutôt que d'entreprendre un voyage pour consulter l'original.
On doit encore noter l'usage que l'on peut faire du microfilm dans les services éducatifs et notamment l'initiative prise par le directeur des services d'archives de la Drôme de constituer, à l'usage des professeurs et instituteurs du département, des séries de reproductions des principaux documents de son dépôt, qui, projetées sur l'écran de la salle de classe, permettent d'illustrer les leçons d'histoire d'une manière vivante et authentique.
A quelle époque les archives françaises ont-elles commencé à utiliser le microfilm?
Aux Archives nationales, le service du microfilm a été créé en 1949 par M. Charles Braibant, directeur général des Archives de France. Il faisait alors partie d'une nouvelle section des Archives nationales, celle du « Microfilm, des Archives économiques et des Archives privées ». Depuis, cette section, qui prit rapidement une importance considérable, a été scindée et le Service du microfilm se trouve actuellement rattaché à la « Section des services nouveaux ».
Antérieurement à la création de ce service, les Archives nationales possédaient déjà des collections assez considérables de microfilms, en particulier les 4.000 mètres de pellicule contenant la reproduction des archives de Simancas, photographiées en 1940 et 194I avant leur restitution à l'Espagne. Depuis cette date, mais surtout évidemment depuis la création du Service, les collections se sont accrues à un rythme accéléré : 13.973 mètres de film en 195I, 125.825 mètres (représentant 3.764.266 images) au Ier avril 1959.
En ce qui concerne les archives départementales, M. Jean Hubert, alors archiviste de la Seine-et-Marne, avait, dès l'année 1937, pris l'initiative de reproduire sur film de 35 mm des collections de plans anciens fréquemment consultés et peu maniables ainsi que les documents les plus importants ou les plus caractéristiques de son dépôt. Mais ce n'est qu'après la dernière guerre et en particulier à partir des années 1948 à 1950 que la technique du microfilm est devenue pratique courante dans les archives départementales. Le premier atelier équipé de façon moderne, celui de la Haute-Vienne, date de l'année 1948. A partir de cette date les créations sont nombreuses et se suivent de près : Ardennes, Mayenne, Maine-et-Loire, Meurthe-et-Moselle, Gironde, Gers, Sarthe, etc... Dans la plupart des dépôts (et ils sont nombreux) qui ont été reconstruits au cours des dernières années une place importante a été réservée aux ateliers de microfilm. Ceux, actuellement en construction, du Haut-Rhin, de l'Oise, du Nord et de la Seine-Maritime, seront dotés de locaux particulièrement vastes et bien agencés.
Actuellement 30 dépôts départementaux possèdent un atelier de microfilm. Sur ce nombre la moitié environ possèdent une installation complète permettant de hauts rendements.
Certains ateliers départementaux ont un rayonnement qui dépasse le cadre du département où ils sont installés. Il n'y a jusqu'ici qu'un seul atelier proprement « interdépartemental », celui de Nancy, qui fonctionne grâce au concours financier de trois départements limitrophes : ceux de la Meurthe-et-Moselle, de la Meuse et des Vosges, mais beaucoup d'autres consacrent une partie de leur activité à l'exécution de travaux qui leur ont été demandés par des dépôts d'archives voisins encore dépourvus d'atelier de prise de vue.
Comme, d'autre part, tous les dépôts départementaux sont maintenant équipés d'un appareil de lecture (au moins), on peut estimer que le microfilm est déjà (sous réserve de délais d'exécution plus ou moins longs là où il n'y a pas encore d'atelier) à la disposition de tous les lecteurs des Archives nationales et départementales.
Lors de la publication du premier catalogue collectif, au début de 1955, l'ensemble des collections départementales de microfilms se chiffrait par 57.145 mètres de pellicule. Au cours des trois années suivantes (1955-1957) ce premier fond fut enrichi de 26.193 mètres. Les résultats provisoires de l'année 1958 font ressortir une augmentation nouvelle de 9.961 mètres.
Le bilan actuel (légèrement inférieur à la réalité) s'établit donc à 93.299 mètres de pellicule (ce qui représente approximativement 2.400.000 images) comprenant 83.539 mètres de microfilm de complément et 9.760 mètres de microfilm de sécurité.
La comparaison des métrages sécurité et complément est éloquente, mais elle traduit un état de choses déjà ancien. Le tiers des microfilms récemment réalisés sont des microfilms de sécurité.
Mais quel que soit l'usage auquel on le destine, l'utilité du microfilm, tant pour l'enrichissement que pour la sécurité des collections, est maintenant reconnue de tous les archivistes français 28.
(à suivre.)