Le filmorex

Résultats d'une année d'exploitation

Jacques Descans

L'accroissement continu de la production littéraire dans toutes les disciplines scientifiques et économiques rend de plus en plus ardu le travail de documentation, aussi a-t-on cherché depuis quelques années à faciliter la recherche documentaire au moyen de machines.

Divers systèmes ont été proposés, mais il semble qu'il n'y en ait que peu qui aient trouvé des applications pratiques.

Il nous a donc paru intéressant de décrire un système électronique de recherche documentaire en emploi pratique et quotidien depuis un an au Service de documentation de la Compagnie Pechiney.

Il s'agit d'un perfectionnement au système Filmorex du Dr Samain, en fonctionnement depuis quelques années au Centre de documentation du C. N. R. S. L'appareillage que l'inventeur a mis au point sur notre demande comporte, par rapport aux premiers appareils, d'importantes simplifications et de nombreux perfectionnements tels qu'il est possible, actuellement, d'examiner 600 fiches à la minute sous 4 critères à la fois.

Le système Filmorex

Ce système est basé sur l'utilisation de microfiches de 35 × 60 mm 1 en film 35 mm non perforé support épais de 20/100 de millimètres d'épaisseur, comprenant une partie « texte » lisible au moyen de n'importe quel lecteur de microfilm et une partie « code ». Le code est enregistré sur la fiche en lignes de carrés noirs ou blancs, chaque fiche pouvant enregistrer 20 lignes de code. Le code utilisé est à base numérique, chaque chiffre est constitué par une combinaison de 2 carrés noirs et de 3 carrés blancs. Chaque ligne de code pouvant comporter 5 chiffres, on peut, sur chaque ligne, inscrire un nombre quelconque entre o et 99.999.

L'installation Filmorex

L'installation complète comprend les appareils suivants :
A. - Perforatrice;
B. - Camera;
C. - Massicot;
D. - Sélecteur.

Nous décrirons ces divers appareils et leur fonction dans l'ordre de leur utilisation pour l'exploitation du système.

A. - Perforatrice :

Un document ayant été indexé, il s'agit de transformer son indice de classement en code Filmorex. Le code Filmorex étant un code numérique, nous avons pu, sans difficulté, adapter à ce code la classification décimale que nous utilisons.

Pour faire le code d'une fiche Filmorex, nous employons une perforatrice à clavier numérique qui poinçonne des trous dans une feuille de papier noir.

B. - Camera :

L'opération suivante consiste à réaliser la fiche Filmorex, c'est-à-dire à obtenir côte à côte sur film la photographie de la première page du document ou d'un résumé de ce document (I feuille de 2I X 27 cm au maximum) et le code constitué par des carreaux noirs et blancs.

La camera comporte deux objectifs, l'un des deux photographiant le document, l'autre le papier noir perforé éclairé par en dessous. Les trous percés dans le papier noir donneront donc des carrés noirs opaques sur le film 2. Un compte-pose électronique règle la pose pour les deux objectifs simultanément. L'avancement du film étant couplé avec l'ouverture des obturateurs, les doubles expositions sont impossibles. En fin de journée, le film est développé suivant les techniques couramment utilisées pour le microfilm.

C. - Massicot :

Les bandes de film une fois sèches sont découpées en fiches individuelles au moyen d'un massicot à deux lames qui découpe la fiche à la longueur voulue et en coupe, en même temps, un coin pour permettre ultérieurement son positionnement exact dans le sélecteur.

D. - Sélecteur :

Le principe de cet appareil consiste à faire défiler les fiches dans un rayon lumineux excitant une cellule photoélectrique. Sur le trajet de ce rayon lumineux est placée une pellicule opaque dans laquelle on perfore en code le critère recherché. Si une fiche porte le même critère en carreaux noirs que celui qui est perforé dans la pellicule opaque, le rayon lumineux est interrompu, la cellule est désexcitée et agit sur un relais qui fait passer la fiche correspondante dans la case « sélection ».

Le sélecteur dont nous disposons comporte 4 cellules photoélectriques 3 capables, chacune, de lire une ligne entière de code, soit 5 chiffres à la fois sur les fiches qui défilent à raison de 600 à la minute. Un tableau de commande permet d'actionner les diverses cellules une à une, ou bien ensemble, ou bien en combinaison.

Supposons, par exemple, que nous ayons donné

à la cellule 1 l'ordre de trier les fiches portant la notion A
- 2 - B
- 3 - C
- 4 - D

Nous pouvons, à l'aide du tableau de commande, trier indifféremment les fiches contenant :
soit l'une quelconque des 4 notions A B C D;
soit, simultanément, les 4 notions A B C D;
soit les notions A et B ou B et C ou C et D ;
soit, encore, les notions A et B et D sous condition qu'il n'y ait pas la notion C... etc...

Le Sélecteur Filmorex nous offre donc de très nombreuses possibilités en vue de l'établissement de bibliographies ou de recherches sur un sujet nettement déterminé.

Cette installation, que nous avons mise en route il y a un an, contient actuellement environ 25.000 fiches. Pour éviter d'avoir dans l'avenir à passer un trop grand nombre de fiches pour une recherche, nous avons établi, dès le départ, un préclassement en grands groupes (Chimie minérale, Chimie organique, Métallurgie, etc...), préclassement qui est effectué à l'aide du sélecteur dans lequel nous passons régulièrement les nouvelles fiches faites.

Lors de la mise en exploitation du Filmorex, nous avions été mis en garde sur la conservation des fiches photographiques. Il est bien évident que la surface sensible des fiches est rayée lors du passage dans le sélecteur, toutefois, ces rayures n'enlèvent rien à la lisibilité du texte de la fiche et, surtout, n'influent en aucune manière sur la lecture des codes, car les carrés noirs ont une surface suffisante pour qu'une ou deux rayures n'entraînent aucune erreur lors de la sélection.

Certaines de nos fiches sont passées plusieurs milliers de fois dans le sélecteur sans que nous ayons constaté la moindre erreur attribuable à l'usure du film.

L'application du Filmorex à notre système de classement décimal n'a entraîné que quelques modifications mineures dans notre classement, dues uniquement au souci d'éviter certaines interférences possibles sur des chiffres se trouvant en 6e position dans un classement décimal. Nous avons eu, de plus, l'avantage, utilisant la classification Dewey dans laquelle la majorité des corps simples sont désignés par 5 chiffres, de pouvoir coder ces corps en une seule ligne de code Filmorex. Dans les quelques cas où l'indice de classement comporte plus de 5 chiffres, ceux-ci sont inscrits sur 2 lignes et le tri se fait alors en couplant 2 cellules en combinaison.

Le Filmorex dont le fonctionnement est assuré par un photographe et une manipulatrice formée très rapidement sur le tas, nous a apporté, en un an de fonctionnement, les avantages suivants :

Gain de place sur le fichier. Le fichier Filmorex représente environ le I/6e d'un fichier normal en fiches 10 × 15 cm.

Gain de temps de classement. Le préclassement étant effectué par le sélecteur, les fiches peuvent ensuite être mises en vrac dans les tiroirs.

Gain de temps sur la recherche documentaire. Les fiches sont examinées à raison de 600 à la minute et cet examen peut porter sur quatre critères à la fois, chaque critère pouvant lui-même comporter 5 chiffres 4.

  1. (retour)↑  Les premiers appareils Filmorex utilisaient des microfiches 45 X 70 mm.
  2. (retour)↑  Dans les premiers appareils Filmorex un clavier numérique et alphabétique permettait d'enregistrer directement les coordonnées du document sur le film sous la forme de carrés noirs et transparents. Les touches de ce clavier allumaient en effet des petites lampes dont la lumière impressionnait le film et y formait des carrés noirs, les lampes non allumées formaient les carrés transparents. Actuellement le damier des carrés noirs et blancs est constitué soit par une feuille préalablement perforée, comme il est dit ci-dessus, soit par la juxtaposition de cartes vocabulaires codées. Cette dernière méthode permet selon le Dr Samain de faire en une seule opération la codification, l'enregistrement photographique des codes et l'inscription des rubriques de préclassement, sans que l'opérateur n'ait jamais à aucun moment à manipuler de nombres codés.
  3. (retour)↑  Suivant les modèles le nombre des cellules est de 1, 2, 3, 4 et même exceptionnellement de 5.
  4. (retour)↑  Nous croyons utile de donner ici une liste de publications du Dr Samain relatives à la sélection (N. D. L. R.) :
    - Une Mémoire artificielle. (In : Hommes et techniques. Décembre 1946, pp. 59-63.)
    - La Documentation médicale et scientifique, conceptions et méthodes (Thèse Médecine. Paris, 1945). - 40 p. dactylographiées.
    - Une Nouvelle méthode de sélection des documents. (In : U. F. O. D. La Documentation en France. T. 15, n° 8, 1946, pp. 12-13.)
    - Un Centre de documentation médicale. (In : Concours médical. 27 septembre 1947, pp. 1622-1623.)
    - Une Nouvelle technique de classification et de sélection des documents. (In : C. N. O. F. Revue mensuelle de l'organisation. T. 2I, novembre 1947, pp. 2I-25.)
    - Progrès du classement et de la sélection mécanique des documents. (In : Fédération internationale de documentation. XVIIe Conférence, Berne, 25-30 août 1947. Rapports I, pp. 22-26, fig.)
    - A New apparatus for classification and selection of documents and references by perforated cards. (In : The Royal society Scientific information conference, London, 21 June-2 July 1948. Report and papers submitted. - London, The Royal society, 1948, pp. 680-685).
    - A New method for the classification of the documents by punched cards. Report submitted at the Meeting of the American chemical society, Chicago, September 3-10, 1949.
    - Filmorex, une nouvelle technique de classement et de sélection des documents. - Paris, impr. R. Tari, 1952. - 24 cm, 12 p., fig.
    - Filmorex. (In : F. I. D. Manuel de reproduction et de sélection des documents. 753 E et F I-2, 753 ill. I/2-3/4-5. Avril 1956.)
    - Une Nouvelle technique de classement et de sélection des documents. (In : L'Onde électrique. 36e année, n° 352, juillet 1956, pp. 670-675, fig.)
    - Documentation by the Filmorex technique. (In : Shera, Kent and Perry. - Information systems in documentation. - New York, Interscience publishers, 1957. - pp. 478-487.)
    - Filmorex. Eine neue Technik elektronischer Recherche für Information und Dokumentation. (In : Nachrichten für Dokumentation. 9 Jahrgang (1958), Heft I, März 1958, pp. 35-40.)