Classement, catalogage et conservation des fonds anciens

Maurice Caillet

Le Bulletin a déjà fait mention de la journée d'étude qui, le mardi 27 mai, a réuni à la Bibliothèque de Narbonne les bibliothécaires du Midi. C'est dans le cadre des exposés faits à cette « journée » que se place l'étude de M. Maurice Caillet, conservateur de la Bibliothèque municipale de Toulouse, sur le classement, le catalogage et la conservation des fonds anciens. L'information précise, l'expérience dont elle procède, l'intérêt des suggestions qui y sont présentées, nous ont paru justifier sa publication.

Il est peu de bibliothèques provinciales qui ne possèdent quelques fonds anciens, qu'elles en aient hérité à leur création ou que, dans le cours de leur histoire, elles aient reçu par don ou dépôt un apport important de « vieux bouquins ». Je souhaiterais pouvoir parler rapidement aujourd'hui de ces livres anciens, étant bien entendu que, dans la très grande majorité des cas, ce type d'ouvrage se trouve essentiellement dans le fonds primitif de nos dépôts.

Devant être bref, je n'évoquerai d'ailleurs que succinctement la question de leur classement, bien que celui-ci, important déjà par lui-même, puisse avoir une répercussion sur leur conservation. Cependant, je voudrais souligner dans une remarque préliminaire combien il est regrettable au point de vue de l'histoire des bibliothèques et de l'étude de la pensée des érudits et des bibliophiles d'autrefois, que trop rares soient les fonds particuliers anciens qui nous soient parvenus groupés. L'exemple, dans notre région, du fonds initial de l'Inguimbertine de Carpentras arrivé jusqu'à nous dans sa presque totale intégrité et classé tel qu'il l'était à l'origine, celui aussi du fonds Rochegude à Albi, sont une exception. Mais la Bibliothèque de Lefranc de Pompignan, si précieuse par sa variété, a vu ses volumes irrémédiablement dispersés dans le fonds ancien de la Bibliothèque municipale de Toulouse; Toulouse et Albi se sont partagées les livres du Cardinal de Bernis et nous pourrions tous citer de semblables erreurs, d'autant plus fâcheuses que, dans la majorité des cas, les catalogues d'origine sont, ou perdus, ou trop sommaires. Les collections léguées ou données au XIXe siècle et dont certaines contiennent d'importants ensembles de livres anciens, ont, par contre, vu leur cession assortie assez souvent de conditions particulières qui en ont assuré la survie et l'individualité : ceci d'ailleurs ne va pas quelquefois sans être une cause de gêne pour la marche régulière de nos maisons par des complications de classement, des multiplications de cotes, de jalouses dispositions qui en restreignent la communication.

Malgré l'intérêt rétrospectif éventuel de l'opération, je me garderai de vous recommander de tenter la reconstitution des diverses bibliothèques qui se sont fondues dans nos dépôts, ce serait une entreprise peut-être intéressante dans son principe, mais le plus souvent vaine et toujours trop absorbante. On peut cependant trouver un moyen terme et j'y reviendrai à propos du catalogage.

Par suite de brassages successifs, nos fonds anciens ayant perdu toute personnalité, il n'y a pas, sauf exception, de raisons particulières de vouloir maintenir leur classement actuel. Il est inutile cependant de dire que nous ne devons en envisager la refonte qu'avec prudence; si médiocre soit-il, un classement existant sera toujours préférable au chaos qui peut naître d'un travail trop ambitieux demeuré en souffrance. En tout cas, il est indispensable de ne procéder que par tranches, quitte à laisser subsister parallèlement pendant un temps plus ou moins long les deux fonds, celui à reclasser et le fonds en cours de refonte, le seul inconvénient résidant alors dans la nécessité de faire des recherches dans deux catalogues.

Admettons qu'après réflexion nous ayons décidé de reclasser notre fonds ancien. Laissons de côté certaines collections, qui existent souvent dans nos vieilles bibliothèques provinciales, mais qui nous entraîneraient trop loin : cartes et estampes, monnaies et médailles, sceaux, etc..., pour n'envisager que le cas du livre proprement dit et encore en mettant à part les manuscrits et les incunables, qui ont leurs règles propres de catalogage.

D'abord, quel sera, pour la constitution de ce fonds ancien, le terminus ad quem? Malgré l'inconvénient d'alourdir le fonds « vivant » de la bibliothèque par des ouvrages de peu d'actualité, je m'arrêterais volontiers à 1800, tout en sachant bien que cette date, pas plus d'ailleurs qu'aucune autre, ne saurait marquer un tournant décisif dans un domaine où interviennent des éléments si divers. Nos fonds anciens, en effet, ont une valeur essentiellement rétrospective, historique et bibliophilique; sur le plan littéraire, sur celui de la technique et de la présentation du livre, 1800 me paraît une date commode et à peu près valable; et si, au point de vue historique, la présence dans ce fonds de publications révolutionnaires se conçoit peut-être moins, elle trouvera sa justification dans la continuité technique de ces impressions par rapport à celles qui les ont précédées, dans la rareté aussi de beaucoup d'entr'elles; ces publications, souvent de minces plaquettes, seront en effet mieux protégées par leur intégration à un fonds qu'il convient, en tout état de cause, d'exclure du prêt.

Le fonds ancien, que nous avons ainsi délimité dans le temps, comment allons-nous le classer? Quatre sections pourront être constituées : fonds général, fonds local, réserve et périodiques; on pourrait même en envisager une cinquième pour ces pièces (affiches, factums, pièces de circonstances, thèses, actes administratifs, etc...) si abondamment représentées dans certains de nos dépôts et dont le classement est malaisé.

La section locale du fonds ancien, souvent la plus intéressante dans les bibliothèques provinciales, demande à être envisagée de façon très large :

a) L'aire géographique qu'elle englobera devrait être établie en tenant compte plus encore des zones d'attraction et d'expansion actuelles que des données historiques de la géographie administrative; ainsi, par exemple, j'unirais, pour Narbonne, le Languedoc au Roussillon; pour Nîmes, le Languedoc à la Provence; pour Toulouse, le Languedoc, la Gascogne et le Quercy, etc...; plus largement encore, dans le domaine linguistique, je grouperais dans le fonds local d'une bibliothèque du Midi toutes les productions de la langue d'Oc, du Béarn au Comté de Nice, de la Catalogne au Limousin.

b) Dans le cadre de ces limites géographiques, les critères pouvant justifier l'intégration d'un ouvrage à ce fonds seraient les suivants : impressions locales, textes relatifs à la région et à ses habitants, œuvres d'auteurs locaux, volumes ayant appartenu à des personnages ou à des institutions du terroir, livres illustrés ou reliés par des artistes ou des artisans régionaux, etc... Dans les bibliothèques où il n'est pas important, ce fonds local ancien, constitué souvent d'ouvrages à petit tirage et devenus fort rares, pourrait être intégré en bloc à la réserve.

Les périodiques, nous l'avons vu, mériteraient un classement à part : almanachs, annuaires, mémoires des Sociétés savantes, feuilles publiques, ils constituent des séries souvent précieuses, surtout sur le plan local. En raison de leur rareté et de leur intérêt (journaux révolutionnaires, en particulier), je pense qu'ils pourraient, s'ils n'étaient pas trop nombreux, prendre aussi place à la réserve. Pour les quelques périodiques anciens encore vivants (notamment les recueils de certaines Sociétés savantes, à Toulouse par exemple : l'Académie des sciences et l'Académie des jeux floraux) on a le choix entre scinder la collection en deux séries (avant 1800 au fonds ancien; après, au fonds moderne), ou, par exception, tout grouper au fonds moderne. Pour des raisons de conservation, je préférerais la première solution ou, mieux encore, la constitution de deux collections pour la période antérieure à 1800, une de « réserve » au fonds ancien et l'autre d'étude au fonds général. Pour ne pas multiplier les divisions, il me paraît que les périodiques antérieurs à 1800 devraient constituer une seule section, qu'ils soient ou non d'origine locale, la discrimination étant faite au catalogue.

Je parlerai plus loin du classement des brochures; pour celui de la réserve, je n'insisterai pas, car le choix des ouvrages à y déposer, comme les règles de catalogage à y appliquer ont fait l'objet d'études et de prescriptions précises connues de tous 1.

Je dirai simplement qu'au point de vue pratique, deux questions importantes peuvent se poser en ce qui concerne les cotes à donner aux livres qui la constituent et leur classement : a) faut-il laisser à ces ouvrages leurs cotes d'origine en mettant à l'ancien emplacement du volume un « fantôme » ou convient-il de leur attribuer une cote nouvelle propre à la réserve ? b) en corollaire, le classement de ces livres doit-il reproduire celui d'origine ou être particulier à la réserve ?

Les deux solutions présentent leurs avantages et leurs inconvénients; à titre d'exemple, je vous citerai la réserve de la Bibliothèque municipale de Toulouse : son classement lui est propre et ne tient pas compte des cotes anciennes; les ouvrages sont rangés suivant leur date d'impression, par siècle et dans chaque siècle en quatre formats; dans chaque série, les livres ont une cote spéciale à la réserve; ce point n'est pas sans inconvénients dans le cas d'exemplaires mis dans cette section, que, pour une raison ou une autre, on désirerait remettre à leur ancienne cote; par contre, il simplifie la question pour les livres que nous sommes appelés à mettre à la réserve dès leur entrée dans nos collections; par ailleurs ce classement par dates et formats présente de grands avantages pour les recherches bibliophiliques et assure la conservation des volumes dans les meilleures conditions. Il convient surtout à une bibliothèque ayant un fonds étendu dans le temps et riche en ouvrages précieux, mais il est susceptible de simplification en vue de son adaptation à des collections plus modestes.

Nous avons vu très rapidement la division du fonds ancien en ses diverses sections; la plus importante demeurant le fonds général, malgré les ponctions qui ont pu lui être faites lors de l'établissement des fonds dont je viens de parler. Comment classer celui-ci ? Comme il s'agit d'un fonds théoriquement « mort », nous pouvons être tentés d'adopter un classement méthodique, qui aurait l'avantage de respecter souvent l'état antérieur, de rappeler les anciennes disciplines et de faciliter les recherches sur les rayons. Mais les inconvénients ne sont pas négligeables : perte de place en raison des différences de formats, ou complications de classement si l'on veut y remédier; difficulté aussi d'insérer des ouvrages nouveaux, susceptibles d'être par la suite acquis ou donnés, parfois en assez grand nombre. Le simple classement par formats et numérotation continue dans chaque format me paraît une formule satisfaisante dans nos bibliothèques où, en général, l'accès du public au rayon dans les salles des dépôts n'est pas autorisé. Il permet une extension indéfinie, à moins que l'on ne préfère créer une section : fonds ancien, nouvelles acquisitions; mais je ne vois là qu'une inutile complication : cette dernière remarque vaut d'ailleurs pour toutes les sections du fonds ancien.

A propos de ce fonds et de son accroissement, je ne saurais trop insister sur l'intérêt qu'ils y a, compte tenu des possibilités budgétaires de chacun, à suivre une politique d'achat réservant chaque année un certain crédit à des acquisitions de livres anciens, en particulier dans le domaine des éditions locales, des volumes illustrés par des artistes régionaux ou ayant une provenance locale (reliure et ex-libris). Ces ouvrages sont parfois assez onéreux, mais les autorités municipales se montrent en général favorables à ces acquisitions qui touchent à l'histoire de leur ville et qui permettent de temps en temps d'intéressantes expositions; un discret appel pour un crédit exceptionnel, à condition de ne pas le renouveler trop souvent, ne trouvera sans doute pas nos édiles insensibles.

Après ces quelques vues rapides sur le classement de notre fonds ancien, abordons maintenant une question importante; le catalogage. Je m'étendrai davantage sur ce point car il est essentiel; bien ou mal classé, un fonds ne servira qu'en fonction de ses catalogues. Une première remarque s'impose. Ce fonds ancien, périmé à de nombreux points de vue, ne doit pas cependant être pour nos bibliothèques un simple décor de reliures aux ors assourdis ou, plus prosaïquement, un embarras dans nos salles toujours trop exiguës. Il nous appartient de le rendre utile et vivant. Pour cela, il est indispensable de le cataloguer et d'établir ce catalogue non point tant suivant les règles habituelles qu'en fonction des services particuliers qu'il est appelé à rendre.

Fonds à caractère surtout historique et bibliophilique, nous l'avons vu, ce fonds ancien demande à être catalogué en tenant compte de cette double optique. Nous établirons pour chaque ouvrage deux sortes de fiches :
a) celles que j'appellerai classiques : auteurs, anonymes, matières, illustrateurs, préfaciers. Nos fiches matières, naturellement, seront particulièrement développées si l'ouvrage a un intérêt local. Celles d'illustrateurs (dessinateurs et graveurs) seront aussi établies avec beaucoup de soins; ces fiches seront très utiles pour l'étude de la gravure provinciale encore mal connue sur bien des points. De même seront relevées les préfaces et dédicaces dont l'intérêt n'est pas négligeable pour l'histoire locale.
b) à côté de ces fiches dont les vedettes nous sont familières j'en préconiserais d'autres plus spéciales, qui étendront au fonds ancien, en les simplifiant d'ailleurs, les règles catalographiques de la réserve. Ces fiches ont un caractère essentiellement bibliophilique et seront précieuses pour les spécialistes de l'histoire du livre.

I. - Fichier des éditeurs et des imprimeurs. Ces fiches comportent en vedette le nom de la ville où a été faite l'impression et celui du libraire ou de l'imprimeur. Naturellement, s'il y a plusieurs libraires mentionnés dans l'adresse ou un libraire et un imprimeur, on fera autant de fiches que besoin est. Pour ce type de fiches les indications bibliographiques peuvent être réduites à l'essentiel : auteur, titre abrégé, nombre de volumes, ou de pages, adresse, date et format. On peut envisager plusieurs méthodes pour classer ce fichier; la plus simple est celle qui consiste à ranger les fiches dans l'ordre alphabétique des villes et pour chaque ville par ordre de noms et de prénoms d'imprimeurs ou d'éditeurs, en mettant à la fin les impressions non localisées. Les adresses supposées seront mises à leur rang alphabétique de ville et d'imprimeurs avec, si possible, renvoi à l'identification réelle.

On complètera le cas échéant ce classement en rangeant les villes par État ou en faisant pour chaque pays une fiche commune de renvoi aux villes qui en dépendent. On peut aussi prévoir une subdivision par siècle fort utile aux bibliographes, mais qui ne se conçoit que si le fonds à cataloguer est suffisamment important pour justifier ce travail supplémentaire. Un fichier de même genre, mais forcément beaucoup plus réduit, pourrait être consacré aux relieurs ainsi qu'aux marchands-libraires (étiquettes ou adresses manuscrites).

Ce type de fichier, nous l'avons dit, est très utile pour l'histoire du livre, en particulier pour le livre provincial ou les éditions étrangères; il rend de grands services pour l'établissement des bibliographies et la préparation des expositions. Comme il ne s'adresse guère qu'à des spécialistes, il ne me paraît pas qu'il y ait d'inconvénients à ce qu'il groupe tous les ouvrages anciens, y compris ceux de la réserve et les incunables, qui n'exigent pas sur ce point précis de fiches particulières.

II. - Voyons maintenant un autre type de catalogues, ceux servant à recenser les provenances. Ils peuvent être matériellement de diverses sortes, soit sous forme de fichiers de format classique (mais les fiches ont alors l'inconvénient d'être souvent trop petites), soit sous forme de dossiers ou de fiches de grand format.

Je préconiserais ce second type pour le catalogue des reliures où sont frappés sur les plats ou le dos, noms, emblèmes, devises ou armoiries. Un frottis est alors indispensable exigeant parfois un papier de grand format qu'il est facile de ranger dans les dossiers ou de coller sur des fiches spécialement adaptées.

Les frottis y seront classés par ordre alphabétique de possesseurs avec, in fine les fers non identifiés; si l'importance du fonds le justifie on pourra introduire dans ce classement les grandes divisions courantes : souverains et princes de sang, individus et familles, institutions et corps constitués. Des difficultés, dans ce dernier cas, peuvent provenir du fait que l'ouvrage peut présenter deux fers, parfois sur le même plat (Prévôt des marchands et Ville de Paris, livres de prix aux armes du donateur et de la ville, etc...) ou porter des armes qui, restant celles d'un personnage, sont utilisées par l'institution qu'il a fondée (Mazarin et Collège des Nations, par exemple). Dans ce cas deux frottis s'imposent, classés l'un au personnage, l'autre à l'institution avec renvoi réciproque.

A ce type de fichier, je joindrais volontiers le catalogue des reliures caractéristiques et intéressantes en raison de leur seule valeur artistique, rangées par siècle, et, si la richesse particulière du fonds le demande aussi, par pays. Je crois qu'il y a intérêt à ne pas recenser qu'une ou deux reliures particulièrement fraîches ou typiques pour chaque provenance, mais qu'il convient de relever sur la fiche au moins la cote de tous les livres portant la même marque de possession; ceci est très utile pour l'étude des anciennes bibliothèques et permet la reconstitution, sur le papier tout au moins, de fonds intéressants, qu'il ne sera de ce fait pas nécessaire de regrouper matériellement.

A côté du catalogue des reliures et suivant le même principe on devra établir un fichier des ex-libris gravés, imprimés ou manuscrits; j'y joindrais volontiers la nomenclature des envois d'auteurs et celle des notes mises par les possesseurs, quand ceux-ci, du moins, auront pu être identifiés, ce qui n'est pas toujours facile, ni d'ailleurs, il faut l'avouer « payant », ces possesseurs ayant rarement, même sur le plan local, une suffisante notoriété.

Le classement de ces fiches d'ex-libris sera semblable à celui des fiches de reliures; on y ajoutera une section spéciale pour les dessinateurs et les graveurs, utile pour le fonds local et l'histoire de l'art. Les ex-libris non identifiés (armes, monogrammes, emblèmes, devises) seront placés in fine; pour permettre leur éventuelle identification on en fera avec précaution un calque, au moins schématique, qui sera collé sur la fiche.

Enfin, je signalerai l'utilité d'un autre catalogue, celui des armoiries et des portraits gravés qu'il est fréquent de trouver en tête des livres, des thèses en particulier (auteurs ou bénéficiaires des dédicaces). Cette iconographie, notamment pour l'histoire régionale, est une source de documentation à ne pas dédaigner.

Après avoir envisagé les problèmes que posent le classement et le catalogage des fonds anciens, il nous reste à traiter de leur conservation; mais j'ai déjà été trop long et je n'en dirai que peu de mots, laissant à M. Moor, spécialiste incontesté, le soin de vous en parler plus à fond et d'évoquer cet aspect extrême de la question : la restauration.

Je voudrais simplement jeter quelques idées, d'ailleurs purement pratiques et si évidentes que j'ose à peine les formuler. Tout dans ce fonds ancien n'est pas rare, mais beaucoup d'ouvrages, fussent-ils de petite apparence, seraient introuvables si nous étions obligés de les remplacer; donc les prêts sont à déconseiller, même si le livre (œuvre littéraire par exemple) n'existe pas à la bibliothèque en édition moderne. Cette remarque est valable en particulier pour le fonds local où les sollicitations des chercheurs risquent d'être les plus vives. Deux solutions peuvent être envisagées dans ce cas : mise à la réserve qui freine les demandes ou, si possible, politique des doubles pour les ouvrages essentiels, un des exemplaires pouvant, avec précaution, être prêté à des lecteurs « sérieux ».

Les brochures et les affiches se rencontrent souvent en abondance dans nos fonds anciens. Pour leur bonne conservation, si leur nombre le justifie, je préconise, nous l'avons vu, la constitution d'une série spéciale. On peut alors soit les mettre dans des boîtes (risque de désordre et de perte), soit les relier (peu pratique pour les expositions; les recueils factices étant d'autre part forcément arbitraires) soit, solution que je préférerais, les insérer dans une reliure mécanique solide qui permettrait au bibliothécaire de leur rendre, si besoin était, leur autonomie. Le classement de ce fonds peut être méthodique, compte tenu cependant de l'intérêt que présente un classement par format pour la meilleure conservation des pièces. Le classement méthodique a l'avantage évident de grouper des pièces de même origine et dont la consultation simultanée peut être utile (affiches administratives, mandements épiscopaux, arrêts, nouvelles à la main, etc...). Un inconvénient non négligeable peut résulter des accroissements éventuels qui poseraient de délicats problèmes de cotes à reprendre; le mieux serait alors, peut-être, de donner à chaque type de documents (arrêts du Conseil d'État ou du Parlement, mandements par exemple) une cote unique avec des exposants, cette numérotation étant susceptible d'être prolongée ou modifiée par la suite sans trop de complications.

Les ouvrages anciens devront être surveillés (ils craignent particulièrement l'excès de lumière ou d'humidité) et révisés périodiquement (insectes à combattre, reliures à entretenir); pour les ouvrages brochés dont l'état exigerait une reliure moderne, il conviendrait pour des raisons esthétiques évidentes d'éviter de faire du trop neuf. On ne songera pas à pasticher les pleines reliures d'époque, trop onéreuses, mais on peut faire, avec des papiers judicieusement choisis, des demi-basanes ou des demi-parchemins très sobres, qui ne seraient pas sensiblement plus chers que les reliures courantes pour le fonds d'étude, et qui n'accuseraient pas de trop fortes dissonances avec le reste de nos « vieux livres ».

Voici, mes chers collègues, quelques réflexions qui m'ont été inspirées par le fonds ancien de la Bibliothèque municipale de Toulouse; en considérant combien dans ce domaine nos collections méridionales recèlent de richesses encore trop peu connues, je me suis permis de reprendre aujourd'hui ces idées devant vous, non certes qu'elles aient une grande originalité, mais, regroupant un certain nombre de données, elles serviront, je l'espère, de base à la discussion fructueuse que je souhaite voir s'engager entre nous sur ce thème.

  1. (retour)↑  Cf. à ce sujet les notes de M. l'Inspecteur général Brun et de Mlle Y. Labbé, aux journées d'étude des bibliothèques municipales de novembre 1951.