Les principales organisations européennes et leurs publications
En notre seconde moitié du xxe siècle, l'Europe, qui n'a longtemps évoqué que la mosaïque d'États aux frontières tourmentées qui divisaient la partie occidentale de l'ancien continent, tend à devenir une sorte de personnalité morale unique : nombre des États qui la constituent s'efforcent de se grouper, de se développer d'un commun accord, de donner corps à cette entité, soit pour y maintenir un type de civilisation unique quoiqu'à visages multiples, soit dans un réflexe de défense économique et politique autant que culturel contre des civilisations plus jeunes et plus agressives par leur doctrine ou par la force expansive de leurs progrès techniques. L'Europe, pour se constituer devra grouper un faisceau d'intérêts divers et parfois opposés en apparence :
Les uns ont trait à un patrimoine culturel unique, qui, malgré des diversités locales est l'héritage des civilisations gréco-latine et chrétienne; les autres sont d'ordre matériel : elle devra adapter ses méthodes économiques, industrielles et financières, aux nécessités pressantes de l'heure présente. Longtemps prépondérante dans les domaines de la science et de la technique, elle se trouve aujourd'hui à la fois appauvrie par deux guerres universelles qui l'ont ravagée et en état d'infériorité vis-à-vis de groupes plus jeunes mais déjà très évolués. Ces groupes, longtemps ses fournisseurs de matières premières et ses clients obligatoires en objets manufacturés, peuvent maintenant lutter avec elle dans les domaines scientifique, industriel et technique.
Il est donc d'une urgente nécessité pour les États qui souffrent de ces maux de chercher à leur survivre en s'unissant. Notre propos est ici d'étudier les principales institutions créées à cet effet afin d'aider nos collègues bibliothécaires, surtout ceux des bibliothèques non spécialisées, à connaître l'essentiel sur leur fonctionement, à renseigner les lecteurs sur le réseau parfois enchevêtré de leurs activités sans être trop rebutés par les complications d'appellations telles que l'Europe des Six, l'Europe des Dix-Sept, la Zone de libre-échange, etc., et par les nombreux sigles qui servent trop communément à désigner ces organismes. Nous donnerons, lorsque cela sera possible, quelques précisions sur les bibliothèques et les centres de documentation des institutions qui en possèdent 2.
L'essentiel de notre documentation a été puisé aux sources suivantes :
I° L'Annuaire des Organisations internationales 3, publié par l'Union des associations internationales en étroite collaboration avec le Secrétariat des Nations unies.
Cette publication a déjà été signalée ici même par Mme Suzanne Honoré 4 dans un article auquel nous renvoyons le lecteur. L'annuaire est un important répertoire dont six éditions ont déjà paru 5. A la fin du volume se trouve une table des sigles et abréviations qui, si souvent, font figure de casse-tête pour le chercheur, et un index géographique.
2° L'Annuaire européen 6 publié sous les auspices du Conseil de l'Europe.
Cet ouvrage « vise à encourager l'étude méthodique des Organisations européennes et de leurs activités ». Il est publié sous la direction d'un comité de rédaction 7, « organe officieux et apolitique ».
Trois gros volumes ont successivement paru entre 1955 et 1957 8. Leur lecture donne une idée très claire de notre sujet. Dans chacun d'eux une première partie est composée de copieux articles 9 sur les différents aspects du problème européen par des spécialistes de ces questions. Une seconde partie, documentaire, comprend de longues études sur les statuts et la structure des Organisations et leurs publications officielles. Enfin, une section bibliographique (en anglais) donne :
a) une liste chronologique d'ouvrages et brochures parus sur l'intégration européenne depuis 1945;
b) une bibliographie sélective tirée de la presse périodique et classée par matières. Ex. : Aspects de l'intégration économique et OECE, Conseil de l'Europe, Communauté européenne charbon-acier, Communauté politique, Communauté européenne de défense, etc.
3° Les Publications officielles des institutions européennes par M. Michel Roussier 10.
Un certain nombre de nos collègues bibliothécaires connaissent déjà cet opuscule très détaillé et très complet. C'est un instrument de référence excellent, les institutions y sont étudiées dans l'ordre chronologique de leur fondation et la liste de leurs publications établie avec un grand souci d'exactitude et de minutie; son seul défaut est de dater déjà de janvier 1954. La documentation sur laquelle il repose a été arrêtée au début d'octobre 1953, les derniers nés de la « famille européenne » : Communauté économique et Euratom n'y peuvent donc figurer non plus que le CERN 11, ni l'Union de l'Europe occidentale.
4° Handbook of European Organizations 12.
Ce manuel, préparé par la Direction de l'information du Secrétariat général du Conseil de l'Europe, à l'usage des experts donne une étude intéressante des quatre organismes suivants : Union de l'Europe occidentale (Western European Union), Organisation européenne de coopération économique et Union européenne de payements, Conseil de l'Europe, Communauté européenne du charbon et de l'acier.
En appendice quelques renseignements sur les groupes régionaux (Benélux, Conseil nordique, Alliance balkanique) et une utile chronologie sur les dates importantes de l'histoire des organismes européens.
Tous les ouvrages cités ont été abondamment consultés pour composer le présent article dont le seul but est de résumer les multiples renseignements puisés à ces sources.
Nous avions d'abord pensé étendre notre étude aux groupes régionaux, soit ceux de l'Europe orientale comme la « Commission du Danube » 13, « le Conseil d'assistance économique mutuelle » fondé à Moscou en 1949, l' « Alliance balkanique » 14, l' « Organisation du Traité de Varsovie » 15, soit ceux de l'Europe occidentale, comme le « Benelux » 16 et le « Conseil nordique » 17, mais la nécessité d'être bref nous y a fait renoncer en raison de leur caractère trop particulariste.
Nous nous bornerons donc à passer en revue les principales institutions intergouvernementales de l'Europe de l'Ouest dont la France fait partie, en y ajoutant quelques rapides indications sur les organismes non gouvernementaux dont le rayonnement et l'influence nous ont paru intéressants. Ce travail austère, pour se tenir dans les limites qui nous ont été assignées, ne peut prétendre à être exhaustif. Nous prions qu'on veuille bien en excuser les lacunes, eu égard à la complexité de la question.
L'idée européenne a dû se dégager des notions d'intérêt militaire ou dynastique et même de celles d'équilibre européen qui ont inspiré les anciennes alliances jusqu'au début de ce siècle; elle nous semble même assez distincte de l'idéal moral et humanitaire qui a provoqué la réunion des divers congrès et conférences pour la paix entre 1870 et 1914 et paraît relever moins d'une éthique que de l'économie et de la politique. Cependant, il est à noter que ce sont les cataclysmes causés par les guerres générales qui ont fait naître cette « idée force » et lui ont fait prendre corps entre la fin des guerres napoléonniennes et celle de la seconde guerre mondiale où elle a acquis son plein développement.
Le Congrès de Vienne et les traités de 1815 ont mis sur pied le premier organisme vraiment intergouvernemental : la Commission centrale pour la navigation du Rhin 18, qui fonctionne encore de nos jours. La convention d'établissement a été modifiée une première fois en 1868 par la « Convention de Mannheim », puis en 1919 en vertu des articles 354 et suivants du Traité de Versailles, et complétée par le protocole d'adhésion des Pays-Bas aux clauses rhénanes du Traité de Versailles. Cette antique institution a déjà à son actif un millier de sessions et siège actuellement à Strasbourg (Palais du Rhin). En font partie, les cinq puissances riveraines du fleuve : République fédérale allemande, Belgique, France, Pays-Bas, Suisse auxquels se sont joints pour des raisons commerciales, le Royaume-Uni et les États-Unis d'Amérique. Son rôle est à la fois diplomatique, économique, judiciaire et social.
Une revue mensuelle, La Navigation du Rhin (n° I, 10 novembre 1922), publiée avec le concours de l' « Office national de la navigation » et devenue en 195I : Revue de la navigation intérieure et rhénane est publiée par la Commission 19.
Après la guerre de Crimée, l'Angleterre, la France, la Sardaigne et la Turquie anciennes alliées contre l'Empereur Nicolas Ier ont créé à la suite du Traité de Paris (1856) une Commission européenne du Danube ou encore des Bouches du Danube qui siégeait à Galatz et devait réglementer et contrôler la navigation, aménager les bouches du fleuve et entreprendre les travaux nécessaires à son utilisation rationnelle. Elle fut maintenue par les traités de paix qui terminèrent la guerre de 1914-1918 et par la Convention de Paris (23 juillet 192I) établissant le statut du fleuve. Mais comme cette commission n'est plus en existence non plus que la « Commission internationale du Danube » (Vienne), fondée en 1920 20, nous ne nous y attarderons pas.
Malgré ces premières ébauches de coopération, le XIXe et le début du XXe siècles restent pour nous l'époque des nationalismes exaspérés, des luttes violentes entre les communautés ethniques, soit dans un dessein d'hégémonie, pour « arrondir » des empires déjà existants, soit pour favoriser des groupes minoritaires soucieux de s'affranchir d'une tutelle oppressive et que les grandes puissances soutenaient ou combattaient suivant les intérêts de leur politique propre.
Le principe des nationalités, les unions douanières 21, alliances, duplices, triplices, ententes, congrès pacifistes, les recours à l'arbitrage pourtant déjà nombreux ont finalement abouti à la conflagration de 1914.
Notons cependant déjà, au début du xxe siècle, la naissance de quelques institutions européennes scientifiques ou techniques : par exemple en 1902 (22 juillet) fut fondé, par un gentlemen's agreement le Conseil international pour l'exploration de la mer dont le siège est à Charlottenslund (Danemark). Son but est essentiellement scientifique : coordonner l'action des gouvernements participants pour l'exécution du programme de recherches océanographiques adopté aux Conférences de Stockholm (1899) et de Christiana [Oslo] (1901). Le Conseil est encore en existence. Quinze nations européennes y sont représentées 22. Il travaille en accord avec l'Organisation des nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (F. A. O.) et tient chaque année une « Conférence » scientifique. Ses publications comprennent le Journal du Conseil qui paraît trois fois par an, des Rapports et procès-verbaux et des publications scientifiques comprenant trois publications annuelles : Bulletin statistique, Bulletin hydrographique et Annales biologiques. Ajoutons des fiches d'identification du zoo-plancton et des cartes synoptiques mensuelles.
Après la guerre de 1914-1918, les bouleversements de cette lutte de quatre années ont déjà laissé l'Europe épuisée malgré sa victoire et terriblement endettée et dépendante. La question de son avenir se pose déjà. Beaucoup d'entre nous se souviennent encore du retentissement du livre de John Maynard Keynes : The Economic consequences of peace, de celui d'Oswald Spengler : Der Untergang des Abendlandes; la publication de la Pan-European Union du Comte Koudenhove-Kalergi 23 date de 1924, Aristide Briand en 1930 avait adressé un appel aux membres européens de la Société des Nations, Edouard Herriot, pendant toute cette période, préconise la création d'une union européenne fondée sur les nécessités économiques sans porter atteinte à la souveraineté des différents États 24.
L' « Institut international de coopération intellectuelle », qui était à la vieille Société des Nations ce que l'Unesco est aujourd'hui aux Nations Unies entreprenait déjà une vaste propagande de rapprochement culturel. Son activité est encore très présente à la mémoire de chacun, nous n'insisterons pas, non plus que sur les innombrables livres, brochures et articles de revues qui, déjà, traitaient de la question.
Mais si de grands esprits avaient conçu un rêve de réconciliation universelle, les efforts les plus ardents ne purent empêcher l'échec retentissant de l'expérience. Les habitudes de la diplomatie ancienne étaient trop invétérées, les préjugés individualistes des nations encore trop forts pour qu'un résultat décisif fût obtenu. Les esprits eux-mêmes étaient insuffisamment préparés. La Société des Nations, impuissante et désarmée ne pouvait persuader aucun de ses membres de renoncer à une parcelle d'autorité nationale dès qu'un problème important était en cause; les États-Unis, bien que les « Quatorze points » du Président Wilson eussent fortement influencé sa création, l'abandonnaient les premiers; l'Allemagne, l'Italie la quittèrent successivement dès qu'il fut question de se soumettre à sa direction ou de subir une sanction. Échouant dans son trop vaste rêve d'universalité, elle ne put prévenir ni la prise du pouvoir par Benito Mussolini en Italie, ni le délire collectif de l'hitlérisme, ni la seconde guerre mondiale 25.
La seconde guerre mondiale a laissé l'Europe si bouleversée, si appauvrie, si endettée qu'elle essaye enfin de tirer la leçon de ses cruelles expériences.
Aussi, parallèlement au courant largement international qui a présidé aux débats de la Conférence de San-Francisco (1945) et à la création des Nations unies et des institutions spécialisées qui s'y rattachent 26, l'Europe prit-elle conscience des intérêts qui liaient ses membres entre eux, et qu'il convenait de sauvegarder. Le péril n'était plus menaçant ni même imminent, il était crucial, présent. C'était pour elle une question de vie ou de mort.
A péril commun, on comprit qu'il fallait des solutions communes et que pour défendre leurs intérêts solidaires les nations d'Europe devaient se servir d'institutions nouvelles. Il ne suffisait pas que chacun essayât de se relever dans l'isolement, il fallait tenter de guérir en sortant du marasme économique, en évitant les conflits sociaux, en parant à l'appauvrissement causé à certains peuples coloniaux par l'émancipation de leurs anciennes colonies, en défendant autant que possible le patrimoine culturel commun qui est bien l'apanage le moins contestable de la vieille Europe.
Pour édifier une Europe qui ne soit « ni une Sainte Alliance ni un Empire », comme l'a définie M. Robert Schuman, basée à la fois sur l'égalité démocratique au social, sur les intérêts économiques et sur le progrès technique, il faut certes créer (unification des législations, création d'Assemblées et de tribunaux communs) mais il faut aussi détruire (les complications de frontières, les barrières douanières, beaucoup de préjugés hérités de certains nationalismes étroits, intolérants ou agressifs), modifier des idéologies où l'orgueil national, hérité d'un passé glorieux a du mal à évoluer et à se renoncer, guérir les susceptibilités. Enfin, il faut accomplir cette œuvre double de création et de destruction en sachant aussi conserver à chaque nation ce qui lui fait sa physionomie propre, grave ou riante, sa littérature, son art, son folklore qui certes n'ont rien à voir avec les grands sabres qu'on agitait si volontiers sous prétexte de prestige national, de part et d'autre de toutes les frontières.
Depuis la fin de la dernière guerre, nous assistons donc à toute une floraison de nombreux organismes européens, intergouvernementaux ou non. Les plus nombreux se spécialisent dans une branche très précise de l'activité. Ils sont scientifiques comme le « CERN 27 », techniques comme l' « Union européenne de radiodiffusion » ou la « Conférence européenne des ministres des transports », ou consacrés à des problèmes alimentaires et agricoles comme la « Commission européenne contre la fièvre aphteuse » (1947) et la « Commission européenne des forêts » (1954), qui dépendent de la FAO, ou encore la très intéressante « Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes » (O.E.P.P.) qui siège à Paris 28. ; administratifs et juridiques comme la « Commission internationale de l'état-civil » 29; mais les plus importants, en vue de l'avenir européen, sont à la fois politiques, économiques et culturels.
Il faut faire une place à part dans cette nomenclature au Mouvement européen. Bien qu'il ne soit pas gouvernemental, le Mouvement européen est d'une importance capitale, car depuis sa fondation il a toujours visé à informer l'opinion publique, à susciter et à développer un civisme européen en vue de préparer l'intégration de l'Europe; ses présidents d'honneur furent ou sont encore des hommes de premier plan dont l'influence peut être décisive sur l'évolution de l'idée européenne : M. Léon Blum et M. de Gasperi ont disparu mais Sir Winston Churchill, le Comte Koudenhove-Kalergi, M. Robert Schuman, M. Paul-Henri Spaak, le chancelier Adenauer l'animent encore.
Le Mouvement européen a son siège à Bruxelles, 25 rue de Spa. Il fut créé en 1947, à Paris, sous le titre de : « Comité international des mouvements pour l'unité européenne 30. En 1948, il prit son nom actuel. C'est lui qui fit réunir à La Haye le Congrès de l'Europe (1948) d'où sortit le « Conseil de l'Europe » (1949). Toutes les conférences qu'il a provoquées ont abordé des problèmes de tout premier ordre; celle de 1949, à Westminster, la création de l' « Union européenne de paiements », en 1949 à Lausanne les questions culturelles 31; en 1950, il aborde à Rome les problèmes sociaux et rédige le projet de la Convention européenne des droits de l'homme, signée par les gouvernements; en 195I, il fonde la « Campagne européenne » de la jeunesse 32; en 1952 un « Comité d'action pour la Communauté supranationale européenne » et un « Comité international » qui siège à Luxembourg et dont les recommandations aboutirent à la création par le Conseil de l'Europe, de l'Assemblée ad hoc chargée d'élaborer un projet de traité instituant une communauté politique européenne 33
Il est administré par un Conseil international de 75 membres pris dans les organismes affiliés et les Conseils nationaux et par un « Bureau exécutif international » de 20 membres. Un « Conseil parlementaire » fondé en 1952, dont les membres représentent les groupes parlementaires des pays affiliés a également été créé.
Un centre de documentation fonctionne au secrétariat international, à Bruxelles, où se trouve également la bibliothèque, qui conserve les publications des mouvements affiliés ou associés au Mouvement européen 34, les principales publications des grandes institutions européennes, des revues à tendances pro-européennes ou européo-atlantiques et les publications périodiques des divers Conseils nationaux du M. E. On consultera avec fruit la revue Informations européennes publiée par le Comité d'action qui comprend une rubrique bibliographique 35, et les Nouvelles de l'Europe, périodique mensuel.
Institutions intergouvernementales
Nous en arrivons maintenant aux institutions intergouvernementales.
Les nécessités économiques étant les plus pressantes, ce sont elles qu'on a essayé de régler tout d'abord.
Le 5 juin 1947, le général Marshall, secrétaire d'État du gouvernement des États-Unis, devant la détresse des États européens devenus de plus en plus tributaires des États-Unis, prononçait à Harvard le discours célèbre où il invitait toutes les nations d'Europe (everything West of Asia) y compris la Russie soviétique, à se réunir pour exposer les difficultés auxquelles le gouvernement des États-Unis pourrait apporter une aide supplémentaire.
La réunion, qui eut lieu à Paris, le 16 juillet 1947, à l'appel de MM. Bidault et Bevin, respectivement ministres des Affaires étrangères de France et de Grande-Bretagne ne groupa cependant pas toutes les nations invitées 36. On procéda à la création d'un « Comité de coopération économique européenne » 37 pour l'élaboration d'un programme de relèvement économique commun. Des travaux du Comité de coopération est sortie la Convention économique européenne (16 avril 1948) dont l'article Ier institua l'Organisation européenne de coopération économique.
Organisation européenne de coopératin économique
L'O. E. C. E. qui groupe la plupart des pays de l'Europe de l'Ouest 38 siège à Paris, château de la Muette. Les langues officielles sont l'anglais et le français.
Au début, l'O. E. C. E. ne visait rien de moins que de réaliser une intégration économique 39 laquelle devait, par la création d'unions douanières, et par un système de paiements multilatéraux, supprimer les entraves du commerce et de l'industrie. Elle devait être l'autorité économique de l'Europe nouvelle dont le Conseil de l'Europe serait l'organe politique 40. Le Conseil de l'O. E. C. E. est assisté d'un « Comité exécutif ». Composé de sept membres élus chaque année auxquels se joignent le Président du conseil de l'O. E. C. E. et un rapporteur général, ce Comité examine les questions à l'étude en vue d'établir l'ordre du jour du Conseil.
Les travaux sont étudiés par un certain nombre de « Comités techniques » (Comités du budget, de l'alimentation, de l'agriculture, du charbon, du pétrole, du tourisme, etc.).
L'O. E. C. E. travaille en liaison avec d'autres organismes économiques gouvernementaux ou indépendants, tels que la « Confédération européenne de l'agriculture », le « Conseil des fédérations industrielles d'Europe », le « Conseil européen de l'artisanat et des petites et moyennes entreprises », etc.
En 1953, le Conseil de l'O. E. C. E. provoqua la fondation de l'Agence européenne de productivité. L'A. E. P. se consacre aux entreprises privées et vise à accroître leur productivité en suscitant l'adoption de techniques nouvelles. Elle a également son siège au château de la Muette. Placée sous l'autorité du Conseil de l'O. E. C. E., elle est assistée d'un « Conseil consultatif » dont les membres sont choisis parmi les citoyens des pays membres et renouvelés tous les deux ans. Elle a publié une collection importante de Projets sur toutes les questions intéressant la productivité et les moyens de l'accroître ou de lutter contre les facteurs qui peuvent la contrarier. Les paiements et les échanges de l'O. E. C. E. sont confiés à deux Comités d'experts 41 qui travaillent sous le contrôle direct du Conseil.La «Banque des règlements internationaux », fondée dès 1930, fonctionne comme agent de l'O. E. C. E.
Publications : Les publications de l'O. E. C. E. 42 sont légion. Les unes, multigraphiées, sont en général des documents de travail à distribution restreinte (restricted), les autres, imprimées, sont très largement diffusées par le Service des distributions et des ventes. On peut se faire une idée de leur importance numérique en consultant le dernier catalogue, paru en 1956 43.
Nous ne citerons que les plus marquantes qui comprennent des Actes administratifs et des Rapports généraux. Parmi les publications administratives, retenons :
- Organisation européenne de coopération économique... Historique et structure. - Paris, O. E. C. E. Bilingue 44.
- Actes de l'Organisation. Acts of the Organisation 45. - Paris, impr. de Le Moil et Pascaly, 1949. Bilingue.
Les budgets et comptes de gestion, sauf celui de la période intérimaire et celui de l'exercice 1948-1949 semblent faire partie des documents « restricted ».
Dans le domaine technique, l'O. E. C. E. a publié de nombreuses études sur toutes les catégories de problèmes : stabilisation financière des pays membres, investissements internationaux, raréfaction des matières premières, production charbonnière, électricité, chemins de fer, tourisme, industrie hôtelière, etc. Pour le détail, nous renvoyons au catalogue déjà cité.
Les publications périodiques comprennent surtout plusieurs séries de Bulletins statistiques, bourrés de chiffres comme il se doit, d'une présentation et d'un maniement assez rébarbatifs.
Citons :
I° Statistiques générales. General statistics. In-f°, bimestriel.
2° Les quatre séries de Bulletins statistiques du commerce extérieur qui étudient la question par zones géographiques, par catégories de produits, par pays d'origine et de destination, etc.
Quant à l'Agence européenne de productivité elle publie un bulletin bimestriel : Productivité européenne. In-8° (1955 →), un Bulletin d'information (1954→).
Ses services d'information font paraître Informations syndicales (bimestriel 1955→) et Informations techniques (mensuel 1954-1956), devenu partie intégrante du Bulletin d'information.
Mentionnons encore la petite Revue de la mesure de la productivité publiée par la Division des facteurs économiques (sans périodicité fixe).
L'O. E. C. E. possède une riche Bibliothèque 46 (environ 25.000 livres ou collections de périodiques) 47.
On y trouve naturellement les publications de l'Organisation, des publications administratives concernant les pays membres et des ouvrages ou périodiques sur toutes les activités économiques. Elle n'est pas publique mais, sur recommandation, les chercheurs y sont admis 48. Elle édite les publications bibliographiques suivantes:
- Liste des ouvrages et documents nouveaux catalogués à la bibliothèque (mensuel).
- Liste des abonnements aux publications périodiques, édition intérimaire et édition définitive (deux fois par an).
- Bibliographie des périodiques statistiques reçus à la bibliothèque (annuel).
- L'aide américaine à l'Europe. Bibliographie de documents officiels américains relatifs à l'aide économique, financière et militaire (mise à jour périodique).
- Bibliographie des documents des organisations internationales relatifs à l'unification de la nomenclature douanière et à la classification-type pour le commerce international. 1952.
Le Service de l'exploitation possède un centre de documentation et de recherche et constitue un fichier de dépouillement de plus de 2.000 périodiques et ouvrages 49.
Conseil de l'Europe 50
En octobre 1942, Sir Wiston Churchill 51, dont personne n'a oublié l'appel pathétique à une union totale fait à la France en 1940, envoya au cabinet britannique une communication où il exprimait son désir de voir naître une Europe associée en une grande famille 52 sous la direction d'un Conseil commun. Six mois plus tard il déclarait que ce conseil devrait inclure la totalité de l'Europe; enfin, dans un discours prononcé à Zürich, après la fin des hostilités, le 19 septembre 1946, ce grand réaliste - rejoignant ici, il est piquant de le noter, les vues prophétiques exprimées si souvent, en ses écrits et en ses discours, par Victor Hugo 53, qu'on a tant de fois traité d'utopiste et de songe-creux à ce sujet - souhaitait que fussent créés les États-Unis d'Europe. Sir Winston était largement suivi non seulement en Grande-Bretagne (MM. Attlee, Bevin, etc.) mais en France (MM. Raoul Dautry, Bidault), en Italie (le Cte Sforza), en Belgique (M. Spaak, le Dr. N. Brugmans, M. Van Zeeland et sa Ligue économique de coopération européenne). Un « Comité international de coordination des mouvements pour l'unification européenne » fut formé. Ce comité provoqua la réunion d'un « Congrès de l'Europe » (La Haye, 6-8 mai 1948), comprenant sept cent treize délégués de seize pays européens, principalement des hommes politiques, anciens ministres et parlementaires. Sir Winston en fut élu président d'honneur. Les résolutions du Congrès furent communiquées aux cinq gouvernements signataires du Pacte de Bruxelles 54.
En février 1949, le Conseil international du Mouvement européen convoquait à Bruxelles une conférence pour définir et préciser sa politique et préparer l'avant-projet d'une convention à soumettre et l'approbation des puissances qui composeraient le Conseil de l'Europe. Son statut fut signé le 5 mai 1949 à Londres par les représentants de dix nations européennes 55. Tout État qui désire faire partie du Conseil doit souscrire à la Déclaration des droits de l'Homme, dont le Conseil a fait la condition préalable à toute admission car, ainsi que le rappelle Sir David Maxwell Fyfe, c'est une « vérité éternelle que la barbarie n'est jamais derrière nous, mais au-dessous de nous. Il nous incombe de veiller à ce qu'elle ne remonte pas à la surface et c'est la tâche que nous nous efforçons d'accomplir en saisissant l'Assemblée de cette résolution qui préconise une garantie collective 56. »
Le Conseil siège à Strasbourg (Place Le Nôtre). Il groupe actuellement les pays suivants : Belgique, Danemark, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, République fédérale allemande, Royaume-Uni, Turquie. Il est ouvert à toute nation qui souscrira à sa Déclaration des droits. Institution essentiellement politique, il possède des attributions limitées mais devait, en principe, avoir des pouvoirs réels. L'accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l'Europe (septembre 1949) et le « Protocole additionnel » du 6 novembre 1957 ont défini sa personnalité juridique. Son action doit couvrir les domaines économique, social, culturel, scientifique, juridique et administratif.
A sa tête est placé le « Comité des ministres », composé des quinze ministres des Affaires étrangères des États membres disposant chacun d'une voix. Seul, il a pouvoir de décision.
L' « Assemblée consultative » comprend 132 représentants, presque tous membres des parlements nationaux. C'est un organe parlementaire délibérant. Elle discute de toutes questions relevant de sa compétence et vote des recommandations soumises au Comité des ministres. Elle tient en général une session par an (en deux parties : printemps, automne).
C'est parmi les membres de l' « Assemblée » que sont choisis ceux des nombreuses commissions d'experts 57 économiques, administratives et sociales.
La liaison entre l'Assemblée et le Conseil est assurée par un comité mixte. Le Secrétariat international, expédie les affaires courantes.
Le Conseil de l'Europe souffre d'une faiblesse qui tient à son respect même des droits et aspirations de chaque État membre : il n'est pas un organisme supranational et ne possède pas, comme il avait été suggéré, de « Cour européenne » où seraient évoqués les cas de violations des statuts. Des sanctions ne peuvent donc être appliquées aux contrevenants. Aussi ses pouvoirs sont-ils plus « limités » et moins « réels » que ne l'avaient désiré ses fondateurs, et le problème de la révision du statut se pose-t-il de façon urgente 58. Des amendements en vue de faciliter l'intégration ont été plusieurs fois proposés. La révision du statut est inscrite au programme de la session de printemps 1958 ainsi que le problème du libre-échange, dont l'interprétation oppose assez dramatiquement les conceptions des trois communautés supranationales 59 et le groupe Conseil de l'Europe - O.E.C.E.
Au nom des Commissions économique et politique, M. Van der Goes van Naters, juriste néerlandais, et M. John Hay, conservateur britannique, demandent qu'un compromis soit réalisé pour aplanir les difficultés relatives à l'établissement de la zone de libre-échange 60 par un accord multilatéral associant la « Communauté économique européenne » (C. E. E.) dont il sera parlé plus loin, le Marché commun de l'Europe des Six et les autres membres de l'O.E.C.E. Ils demandent aussi que tout accord conclu entre les deux institutions le soit au sein de l'O.E.C.E.
Quoi qu'il advienne, l'œuvre du Conseil de l'Europe est déjà importante. On peut s'en rendre compte par la portée et le nombre des « accords » qu'il a signés 61 avec les autres organisations intergouvernementales, et qui sont complétés par ses rapports étroits avec de nombreuses organisations non gouvernementales, par les efforts entrepris pour faciliter la circulation ou l'échange des gens de lettres, savants, techniciens, artistes, universitaires grâce à l'établissement de la carte d'identité culturelle 62.
Les publications 63 du Conseil de l'Europe sont largement diffusées en France notamment parmi les bibliothèques et les universités. Les prix en sont fixés à un taux bas pour faciliter leur acquisition. Elles peuvent se classer ainsi : les Actes officiels de l'Assemblée consultative, les traités et conventions européens, les publications de caractère général, les brochures d'information, les périodiques 64.
I° Les Actes de l'Assemblée consultative sont publiés en texte bilingue, ils comprennent les « Comptes rendus » de ses débats 65, les « Documents de séance » 66, les « Textes adoptés » par elle 67 et les « Ordres du jour et procès-verbaux » 68 depuis 1949. Depuis 1953, les réunions jointes de l'Assemblée consultative et de l'Assemblée commune de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (C.E.C.A.) donnent lieu à la publication de Comptes rendus annuels en texte unilingue, anglais ou français 69.
2° Série des traités et conventions européens. La Bibliothèque nationale a déjà reçu vingt-cinq brochures de cette série bilingue in-4°, de présentation et de typographie soignées, comme il en est d'ailleurs de toutes les publications du C. E.
3° Les publications de caractère général sont si nombreuses et de caractère si varié qu'elles ne peuvent être toutes énumérées ici, elles concernent aussi bien l'union de l'Europe, le plein emploi, l'abolition progressive des entraves au commerce intra-européen et des douanes, les relations économiques, les réfugiés, le statut de la Sarre, etc. Nous renvoyons au catalogue déjà cité 70.
4° Les brochures éditées par la Direction de l'information, sont pour la plupart des textes de vulgarisation.
5° Les périodiques ne sont pas en vente. Pour les obtenir il faut s'adresser aux services du Secrétariat général. Citons, d'après le catalogue :
Nouvelles du Conseil de l'Europe... édité par la Direction de l'information. Publication mensuelle unilingue 71, anglaise ou française.
Recherches, périodique bimestriel 72.
Enfin L'Annuaire européen, dont il a été parlé plus haut et qui est un vaste ouvrage de référence sur les organisations européennes.
La Bibliothèque est riche d'environ 90.000 volumes et périodiques. Sur ce chiffre elle comprend naturellement les publications de l'institution, des documents officiels des pays membres, des publications de diverses organisations internationales (environ 70.000) et environ 20.000 ouvrages de référence et publications se rapportant à l'objet de l'institution.
Destinée surtout à l'usage des membres du Secrétariat général, de l'Assemblée consultative et des Comités gouvernementaux siégeant à Strasbourg, elle reçoit néanmoins, sur autorisation, d'autres lecteurs.
Le travail de documentation s'exécute en deux centres dont l'un se consacre à l'étude des questions sociales, et l'autre, d'un caractère plus général, prépare le travail pour le secrétariat général et les organes du Conseil dans les domaines économique et politique. Cinq cents périodiques, environ, sont dépouillés régulièrement par les soins de la Direction de l'information et de la presse, service à la fois distinct de la bibliothèque et des centres de documentation 73.
Le Centre de documentation de la Direction des études publie depuis novembre 1954 des Données statistiques sur la population et l'emploi et Recherches, périodique d'information bibliographique et documentaire, déjà mentionné 74.
(à suivre)