Congrès des sociétés savantes

9-13 avril 1958, Aix-Marseille

La 83e session du Congrès 1 s'est ouverte le 9 avril dans la salle des conférences des nouvelles facultés d'Aix-en-Provence, sous la présidence de M. le Recteur Blache qui prononça l'allocution d'accueil. M. Robert Courrier, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, professeur au Collège de France, président du Congrès, déclara ouvertes les séances de travail.

Plus de 200 communications - dont la moitié intéressait la section scientifique - furent présentées dans les salles de la Faculté des lettres dont les congressistes ont pu apprécier l'aménagement perfectionné et le confort. Dans l'intervalle des séances de travail, ils pouvaient disposer de la bibliothèque que M. de Tournadre, conservateur, avait ouverte pour eux.

L'une des originalités de cette session est la tendance aux « colloques » très nettement affirmée en ce qui concerne le programme scientifique, où un colloque sur le miocène (géologie) et un autre sur la Camargue (biologie animale) furent suivis avec un très vif intérêt. Pour les disciplines historiques elles-mêmes, une série de discussions, groupées autour d'un même sujet (le sel pour la section philologie et histoire, les structures sociales pour la section d'histoire moderne et contemporaine), marquèrent également une orientation vers la formule du « colloque ».

La Fédération historique de Provence (Président : M. Palanque, doyen de la Faculté des lettres d'Aix) avait été chargée de l'organisation du Congrès. Un comité d'organisation fut créé et le secrétariat fut confié à Mlle Suzanne Guyotat, conservateur à la Bibliothèque universitaire d'Aix-en-Provence. En dehors des séances de travail, les loisirs des congressistes furent admirablement « organisés » : visite de la ville d'Aix; expositions présentées au Musée des Beaux-Arts (Paysagistes provençaux du XIXe siècle, Granet et ses amis), au Pavillon Vendôme grâce au concours de Mme Martial et de Mlle de Kerverseau (un Cabinet de collectionneur au XVIIIe siècle: Fauris de Saint-Vincent), au Musée Paul Arbaud (Faïences provençales des XVIIIe et XIXe siècles); conférence de M. Fouchier, directeur de la Société des gaz du sud-ouest, sur l'Avenir des gaz naturels en France ; concert d'orgues à la cathédrale Saint-Sauveur (organiste : M. Maurice Gay); représentations gratuites données par la Comédie de Provence (directeur : M. René Lafforgue) : l'École des Femmes et la Critique de l'École des Femmes.

En dépit d'un mistral assez glacial, les congressistes furent heureux, au cours de ces journées ensoleillées, de voir ou de revoir des sites archéologiques renommés comme l'oppidum grec de Saint-Blaise, l'oppidum celto-ligure d'Entremont, l'église Saint-Victor de Marseille, les crypto-portiques d'Arles, les fouilles de Glanum. Les visites archéologiques furent dirigées par M. Rolland, directeur régional des antiquités, et par M. Benoit, membre de l'Institut, directeur régional des antiquités, qui commenta, pour les congressistes, au Musée Borély, les « trouvailles » de la Calypso.

Parmi les excursions plus spécialement destinées aux membres scientifiques du Congrès, figurent la visite du Centre de recherche scientifique de Marseille, sous la conduite de M. Canac, directeur du Centre; une présentation au Musée d'histoire naturelle des œufs de Dinosaures, suivie d'une visite des sites de découverte intéressant géographes et géologues. Une importante délégation fut reçue avec beaucoup de courtoisie aux Raffineries Shell-Berre, et la journée du Colloque de Camargue devait comprendre, en dehors des séances de travail organisées par M. Hoffman, directeur de la section biologique de la Tour du Valat, une promenade dans la Réserve (directeur : M. Tallon). Enfin, l'excursion géographique et scientifique permit aux participants du Congrès de visiter, sous la conduite de M. Blin, ingénieur, les chantiers de l'Électricité de France sur la Durance, et d'être reçus, à l'Observatoire Saint-Michel-de-Provence, par M. Fehrenbach, directeur-adjoint, qui présenta notamment une coupole récemment aménagée avec les instruments les plus perfectionnés d'Europe.

Des réceptions par la ville d'Aix et par la Chambre de commerce de Marseille avaient été prévues, et M. Gaston Deferre, ancien ministre, maire de Marseille, accueillit les congressistes à l'Hôtel de ville. Le traditionnel banquet eut lieu à l'hôtel Splendid sous la présidence de M. Julien Cain, représentant le Ministre de l'éducation nationale, après la séance de clôture à la Faculté des sciences de Marseille. C'est ainsi que toute l'Université d'Aix-Marseille offrit au Congrès le concours le plus actif.

Après un brillant discours de M. Courrier, M. le Doyen Palanque donna des précisions sur l'activité de la Fédération historique de Provence.

M. Julien Cain, dans son discours de clôture, rendit hommage aux savants disparus depuis la 82e session : Guillaume Grandidier, président de la section de géographie; l'éminent botaniste, Emile Blaringhem; Adrien Blanchet; René Dussaud. Il rappela que le Comité des travaux historiques et scientifiques est en mesure de s'adapter avec souplesse au mouvement scientifique : « Dans son grand ouvrage, que l'on consulte encore si utilement, Xavier Charmes a pu écrire au sujet du Comité : « Les états par lesquels il a passé n'ont point été des accidents « fortuits; ils ont été, au contraire, les effets successifs d'un développement « régulier, normal, nécessaire, qui prouve en même temps combien était juste « l'idée à laquelle il doit sa naissance et combien cette idée, largement interprétée, « pouvait aisément se prêter à tous les progrès. » La structure même du Comité lui permet d'aborder les problèmes les plus divers pour les proposer ensuite à la discussion...»

La vertu des congrès c'est, de plus en plus, d'établir un lien entre universitaires et sociétés savantes : « Un fait nouveau est intervenu, qui peut être considéré comme essentiel : le développement des Universités françaises a favorisé les recherches sur le plan local et régional, a dirigé de ce côté de futurs maîtres. Les projets que la Direction de l'enseignement supérieur a formés récemment en vue de la création de centres d'études spécialisés ne peuvent que stimuler ces recherches. On l'a bien vu en Poitou, où les travaux sur l'archéologie romane ont connu un nouvel essor, et je ne veux citer que cet exemple.

« Nos congrès annuels permettent une collaboration entre maîtres de l'Université et chercheurs isolés, qui sera d'autant plus aisée qu'un programme clair aura été établi par le Comité. J'ai dit ce que la section des sciences a su réaliser cette année. On a vu ailleurs d'importants problèmes bien posés, étudiés sous des angles différents et rendus ainsi plus clairs.

« C'est ainsi que la section d'histoire moderne, grâce à son président, M. Labrousse, a abordé résolument l'étude des structures sociales dans des régions aussi diverses que la Savoie et l'Aunis, que la section d'histoire et de philologie, dont le président est depuis longtemps - et nous nous en félicitons - M. Brunel, a vu, grâce à une série de communications sur la production et le commerce du sel dans les pays méditerranéens au Moyen âge et au XVIe siècle, une discussion très serrée s'engager. C'était en vérité, bien que le mot ne fût pas prononcé, un véritable colloque. Retenons ces exemples, choisissons des problèmes que l'on peut étudier en commun, des domaines où la convergence des efforts peut être le plus efficace; traçons des programmes clairs où la recherche sur le plan local ait sa place, sans toutefois - et ici je reprendrai le mot d'Ernest Renan - qu' « aucun cachet provincial ne vienne la marquer ». On ne se lasse pas, abordant ces hauts problèmes, de relire le discours que l'auteur de l'Avenir de la Science, cette somme écrite quarante ans auparavant et qui ne devait paraître que trois ans plus tard, prononça le 15 juin 1889 à la séance générale du Congrès des sociétés savantes, dans une séance comparable à celle-ci : « Je ne suis pas de ceux qui « pensent que la culture de l'esprit doive être régionale. L'esprit humain n'a pas « de région. La bonne méthode n'a rien de local ni de provincial. Il n'y a qu'une « chimie, qu'une physique, qu'une physiologie; il n'y a non plus qu'une philologie, « une critique... Le progrès dans l'ordre scientifique ne doit pas consister à « diviser l'esprit humain par provinces; il doit consister à supprimer la distinction « de la capitale et des provinces. »

« S'il est une province française qui ait entendu cet appel, c'est bien celle qui, depuis quelques jours, nous donne des témoignages sans cesse renouvelés de sa vitalité. Votre Provence ne se contente pas d'être une terre accueillante, dont la beauté est sensible à tous, partout présente et pas seulement dans des sites célèbres, dont les monuments et les ruines sont l'expression de civilisations qui se sont succédé dans le temps : derrière cette parure incomparable, elle poursuit avec obstination, avec sérieux - ce sérieux enjoué qui n'appartient qu'aux peuples du Midi - un lent et puissant travail d'organisation dont l'admirable essor de l'Université d'Aix-Marseille est un des plus saisissants effets. »

Après avoir remercié les Universitaires d'Aix-Marseille de leur concours, M. Cain déclarant close la 83e session annonça que les prochaines sessions se tiendraient à Dijon (1959) et à Annecy-Chambéry (1960).