Nécrologie

Charles Beaulieux (1872-1957)

Charles Beaulieux, conservateur honoraire de la Bibliothèque universitaire de Paris, est mort le 24 août dernier à Arès (Gironde) où il s'était retiré depuis que l'âge de la retraite l'avait atteint en 1937.

Né le 10 avril 1872 à Vicq-sur-Nahon, licencié ès lettres en 1895, il entrait en 1899 avec le titre de stagiaire à la Bibliothèque de la Sorbonne qu'il ne devait quitter que de 1926 à 1931 pour exercer les fonctions de bibliothécaire en chef de la Faculté de Pharmacie. A cette date, après la mort prématurée de L. Barrau-Dihigo, il revenait pour la diriger à la Bibliothèque de la Sorbonne où sa vie studieuse s'était écoulée et se voyait confier peu après les fonctions de Conservateur de la Bibliothèque universitaire de Paris.

Mieux que personne, Ch. Beaulieux connaissait l'ampleur et les difficultés de la tâche qui l'attendait : la Bibliothèque de la Sorbonne en particulier manquait de place pour abriter des collections qui ne cessaient de s'accroître et pour offrir aux chercheurs des conditions de travail appropriées à la recherche scientifique. Il sut convaincre le Recteur Charléty de la nécessité de ces agrandissements et il put ainsi obtenir, grâce à son intervention, les crédits indispensables pour assurer, au milieu des bâtiments de la Sorbonne déjà surpeuplée, la modernisation et le développement de sa bibliothèque. C'est dans le même souci que, sans se laisser arrêter par l'ampleur de l'entreprise, il commença de faire établir le Catalogue collectif des périodiques. Paris et universités de province, repris et continué par le Département des périodiques de la Bibliothèque nationale.

Ce travailleur infatigable qui avait publié le catalogue des manuscrits et celui des livres précieux du XVIe siècle abrités à la Sorbonne était doublé d'un savant : sa thèse de doctorat, soutenue en 1927, avait été consacrée à l'histoire de l'orthographe française et lui avait valu d'occuper auprès de son maître, F. Brunot, une place éminente parmi les historiens de la langue française. Il y a quelques années à peine, il publiait encore un projet de simplification de l'orthographe et de la langue.

M. Beaulieux avait réuni sur l'histoire de la langue française une importante collection d'ouvrages dont il a tenu à faire don à la Bibliothèque de l'Université de Bordeaux. « Le fonds Beaulieux» ne compte pas moins de 517 volumes. Parmi les pièces les plus précieuses, citons un exemplaire de la 1re édition du Dictionnaire françois-latin de Robert Estienne (1539) ayant appartenu au fils de l'auteur, Henri II Estienne.

Des qualités humaines complétaient l'érudit et le bibliothécaire; comme les êtres les plus sensibles, Charles Beaulieux cachait sous une apparence de froideur une bonté sans défaut que se plaisent à souligner ceux qui ont eu le privilège de travailler à ses côtés.