Situation de la Classification Décimale Universelle en France
René Dubuc
La 23e conférence de la Fédération Internationale de Documentation (F. I. D.) qui se tient à Paris en septembre 1957 a de nouveau attiré l'attention sur la Classification Décimale Universelle (C. D. U.). On sait en effet que cette classification ne possède pas un cadre immuable, indifférent à l'évolution constante des idées et des techniques ; elle tend au contraire à se plier dans les meilleures conditions aux exigences de l'actualité, et cette adaptation s'effectue sous le contrôle vigilant de la F. I. D., gardienne des principes de base qui gardent toute leur valeur.
Il a donc paru intéressant, onze ans après la précédente conférence de Paris (novembre 1946 2) de faire le point de la situation actuelle de la C. D. U. en France. Après un rapide retour en arrière, on mesurera les progrès accomplis et on s'efforcera de dégager pour l'avenir une ligne de conduite efficace.
I
On se souvient que les efforts d'Otlet et de La Fontaine en vue de développer et d'accomplir l'originale création de Dewey avaient été, à l'origine, suivis avec intérêt en France et que certains spécialistes n'avaient pas dédaigné d'y apporter leur concours, comme l'astronome Bigourdan, le général Sébert, etc. C'est ce dernier qui prit l'initiative de la création du Bureau Bibliographique de France (B. B. F.), qui manifesta une grande activité, principalement avant la guerre de 1914 et jusqu'à la mort de Boutillier du Retail.
C'est avec la collaboration du B. B. F. que fut menée à bien la réalisation de l'édition complète française de la C. D. U., qui parut entre 1927 et 1933 et constitua le premier grand inventaire détaillé des notions en vigueur à cette époque.
Mais la mort et la dispersion de beaucoup de ses membres transforma le B. B. F. en un corps sans âme et on ne conserve aujourd'hui que le souvenir de son rôle et l'importante correspondance qu'il entraîna.
Depuis, aucun organisme officiel n'a pris en main la cause de la C. D. U. en France et c'est, comme précédemment, à l'initiative privée qu'est revenue la lourde charge de maintenir le flambeau.
Il est inutile de souligner combien cette situation est préjudiciable à la C. D. U., et contraste avec ce qui se passe dans tant d'autres pays où ce système bénéficie d'une faveur et d'un appui sans défaillance de la part des milieux même officiels, pour le plus grand intérêt de chacun.
C'est pourquoi le Comité français de la documentation, qui est le membre français de la F. I. D., a estimé nécessaire de porter remède à un tel état de choses, en dépit des conditions actuelles d'utilisation des diverses parties de la C. D. U. par les milieux techniques français.
L'élaboration de l'édition abrégée trilingue de la C. D. U. (allemand-anglais-français) qui vient d'être publiée par le « Deutscher Normenausschuss » et « la British Standards Institution » a permis de constater que, dans de nombreux cas, la terminologie demandait à être révisée, ce qui entraînait l'obligation de faire appel à des spécialistes qualifiés, sous peine de voir le texte français perdre graduellement sa rigueur et sa valeur scientifique. L'Association française de normalisation (AFNOR) a donc accepté de participer à une première révision rapide de la partie française en vue de la rénover. Si le résultat représente une amélioration certaine, il n'a pas satisfait entièrement tous les techniciens, dont certains demandent une réforme plus profonde. Mais l'enquête à laquelle a procédé l'AFNOR dans un délai exceptionnellement court a révélé tout l'intérêt que soulevait la C. D. U., malgré les critiques dont elle ne cesse d'être l'objet.
C'est là un symptôme encourageant, qui correspond aux quelques progrès réalisés au cours des dernières années dans l'utilisation en France de la C. D. U.
II
Il est toujours extrêmement difficile de se rendre compte de la situation exacte de cette utilisation, car, faute d'une organisation centrale efficace, les enquêtes les plus précises ne peuvent s'adresser qu'aux éléments connus de l'enquêteur, et l'auteur de ces lignes, qui s'efforce de réunir les données les plus complètes à ce sujet, est loin de connaître tous les utilisateurs de la C. D. U. : c'est trop souvent le hasard qui les lui a révélés.
On ne reprendra pas l'énumération - bien courte - donnée dans l'essai de 1946 rappelé en commençant. Il suffira de dire que les utilisateurs paraissent être restés fidèles et satisfaits de leur outil de travail.
D'autres sont venus se joindre à eux, sans chercher à transgresser plus ou moins les principes fondamentaux qui restent la base obligatoire de la C. D. U.
On sait que la seule bibliothèque parisienne importante (20.000 volumes) qui utilise la C. D. U. est la Bibliothèque Forney, qui l'a adoptée en 1938 et s'en trouve bien. Les bibliothèques de lecture publique ont préféré la classification Dewey, sous le prétexte maintes fois mis en avant de la plus grande simplicité des indices. Mais les indices de 3 chiffres, dans Dewey, sont presque toujours semblables à ceux de la C. D. U., par principe, et on ne voit guère les avantages décisifs de ce choix.
La bibliothèque de l'Unesco se sert de la C. D. U. et lui a donné une application originale dans son fichier des périodiques créé par « Synoptic ».
Dès 1948, le service de documentation de la Préfecture de la Seine adoptait la C. D. U. pour son fichier, en dépit des multiples difficultés qui durent être surmontées : c'était reprendre sur une vaste échelle l'initiative des villes néerlandaises, belges et danoises, qui a si parfaitement réussi.
En 1950, le Cercle de la librairie acceptait de présenter les fascicules des Livres de la semaine, des Livres du mois et des Livres de l'année qu'il publie dans la Bibliographie de la France, en classant les notices d'après la C. D. U. (indices de 2 chiffres). Cette discrète invitation aux bibliothèques est significative de la part de l'éditeur du journal officiel de la librairie, dont la partie officielle a conservé son cadre traditionnel, qu'il serait d'ailleurs très facile d'adapter à la C. D. U.
Puis en 1951, l'Association française pour l'accroissement de la productivité (A. F. A. P.) décidait d'utiliser la C. D. U. pour le classement de sa bibliothèque et de sa documentation : elle mit au point pour ses services une édition abrégée spéciale tenant compte de ses propres besoins, qui s'est révélée efficace à l'usage.
La même année, l'Institut national de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (I. N. S.) entreprenait le même travail, en vue de l'indexation de la documentation internationale qu'il reçoit et exploite. Il publie un bulletin périodique de documentation bibliographique présentant dans l'ordre des indices C. D. U. les analyses des articles qu'il mentionne ; ses notes documentaires portent également l'indice C. D. U. en vue de leur classement.
A la conférence de la F. I. D., tenue à Copenhague en 1952, fut décidée la création de la commission spécialisée FID/C 65 (Organisation du travail et des bureaux) et c'est à la France qu'échut l'honneur des fonctions de rapporteur, confiées à M. Lampel.
La France avait déjà reçu la charge de rapporteur des commissions FID /C 35 (Administration publique) et FID /C 36 (Prévoyance et aide sociale, assurances), confiée au signataire de cet article, également secrétaire de la commission FID /C 2 (Religion).
En 1953, la société « Les Appareils contrôleurs » adoptait la C. D. U. pour le classement de ses microfiches, imitant l'exemple déjà donné par plusieurs grandes sociétés pour leur service de documentation : Kodak Pathé, Péchiney, Ciments Lafarge et du Theil, Société pour la fabrication des compteurs et du matériel d'usines à gaz, Astra, etc.
La même année, le service de documentation du Centre national de recherches agronomiques, qui utilisait la C. D. U. depuis un certain temps, décidait d'indexer les références de son bulletin signalétique conformément à la C. D. U. Le directeur du service, M. Kervégant, est d'ailleurs devenu le rapporteur de la commission spécialisée FID /C 63 (Agriculture).
C'est également depuis le début de 1953, en liaison avec les travaux de la commission FID /C 65, que la revue Travail et méthodes et la Revue du C. N. O. F. (Comité national de l'organisation française) portent les indices C. D. U. en tête de chacun de leurs articles; en 1956, cette pratique a été étendue à leurs bibliographies. Elles rejoignaient ainsi la présentation d'autres publications telles que : la Revue générale de l'électricité, les Annales des mines, la Revue d'optique, la Revue des matériaux de construction, etc.
Des centres de documentation ont également confié à la C. D. U. le soin d'ordonner leurs richesses : le Centre d'études et de recherches des liants hydrauliques, l'Association technique de l'industrie papetière, entre autres, ont trouvé en la C. D .U. un système susceptible de les satisfaire.
En 1954, les Caisses régionales de réassurances agricoles de l'Alsace et de la Moselle, à Strasbourg, décidaient à leur tour de classer leur documentation et leur bibliothèque suivant la C. D. U. Cette réalisation s'est révélée d'une particulière efficacité en raison des circonstances qui ont modifié postérieurement la vie de ces caisses. En effet, leur documentation initiale se trouvait surtout dans les domaines de l'assurance - 368 - et de l'agriculture - 63 -; puis l'activité de ces organismes s'étendit à la construction d'immeubles, provoquant l'entrée de documents ressortissant à la classe 69 (métiers du bâtiment). L'incorporation de ceux-ci s'est effectuée sans la moindre difficulté, alors que si le service de documentation avait, lors de sa création, élaboré son propre cadre de classement, il n'eût pas prévu, évidemment, les questions de construction et se fût trouvé ensuite dans l'obligation de remanier complètement le cadre primitif. Rien de semblable ne s'est produit. En outre, l'utilisateur est devenu collaborateur, car il a eu besoin de certaines divisions spéciales - notamment pour classer la jurisprudence relative aux accidents d'automobiles - et a proposé des indices nouveaux, qui ont été homologués selon la procédure habituelle de la F. I. D.
Depuis, c'est le Bureau de normalisation de la photographie qui s'est rallié à la C. D. U. et, tout récemment, après une expérience convaincante, la « General Motors » (France) vient de s'engager dans la même voie.
Des études se poursuivent actuellement dans divers domaines en vue d'appliquer la C. D. U. à d'autres problèmes particuliers, et de réduire à néant l'opinion selon laquelle une classification « universelle » ne saurait convenir dans un domaine spécialisé.
Il existe donc un mouvement certain vers la C. D. U. en France. Mais c'est ici le lieu d'examiner une fois encore, après les obstacles du chemin, les moyens de franchir ceux-ci.
III
Il est indéniable que l'absence d'une édition complète française de la C. D. U., à jour des différentes extensions et modifications adoptées, constitue un très sérieux handicap pour sa diffusion. La situation en Allemagne est une preuve certaine de l'importance que revêt évidemment l'existence d'une édition complète constamment disponible et pratiquement à jour.
La formule idéale est représentée par une édition sur feuillets mobiles, dont la souplesse n'est plus à démontrer, malgré son prix de revient plus élevé : c'est la seule forme possible et pratique pour un ouvrage qui se veut à jour. Les Allemands publient déjà périodiquement des feuillets rectificatifs dans leur revue bimestrielle DK-Mitteilungen, qui paraît depuis le 1er février 1956. Les Japonais ont décidé de publier leur édition sur feuillets mobiles pour la même raison. La 3e édition française a, elle aussi, adopté le principe, alors que la « British Standards Institution » a gardé son attachement aux fascicules brochés ou cartonnés avec index alphabétique propre à chaque fascicule.
L'édition en langue française est actuellement assumée par les Editiones Mundaneum, de Bruxelles, sous la direction de M. G. Lorphèvre, qui fut le secrétaire et le collaborateur d'Otlet jusqu'à la mort de celui-ci. Mais les parties 0, 2 et 3 sont seules disponibles et des raisons financières n'ont permis ni la poursuite de la publication, ni la mise à jour des autres fascicules parus et épuisés (60, 61, 62 et 65). Il faut donc parfois consulter deux ou trois fascicules pour obtenir un texte à jour, qui n'existera peut-être qu'en anglais ou en allemand, mais non en français, et qu'il faudra donc traduire de son mieux. Comment exiger cette contrainte d'un utilisateur « moyen »? Le petit abrégé paru en 1947, et dont on a dû se contenter faute de mieux, a contribué à rendre sensible le manque d'un texte commodément utilisable. L'édition trilingue va donc rendre un très grand service, malgré ses imperfections, et permettra d'attendre des possibilités meilleures. Tant d'autres pays possèdent leur édition abrégée : Angleterre, Allemagne, Espagne, Portugal, Tchécoslovaquie, Pologne, Roumanie, Suède, Finlande, Japon, etc.!
Mais l'instrument ne suffit pas. Encore faut-il savoir s'en servir. L'enseignement de la C. D. U. n'est évidemment pas aussi développé qu'il serait souhaitable de le voir. Au cours de l'Institut catholique de Paris (dont la bibliothèque n'utilise même pas la C. D. U.) s'est ajouté l'exposé sommaire présenté chaque année aux élèves de 1re année de l'Institut national des techniques de la documentation, au Conservatoire national des Arts et Métiers. La C. D. U. a sa place, cela va sans dire, dans le cours de classification donné aux élèves du Diplôme supérieur de bibliothécaire. Mais on ne saurait prétendre obtenir ainsi la qualification nécessaire pour utiliser à bon escient les multiples possibilités qu'on oppose trop souvent à la simplicité apparente de la classification Dewey, adoptée à peu près exclusivement, on l'a vu, dans les bibliothèques de lecture publique. On en vient donc insensiblement à faire de la C. D. U. un système pour « initiés », auquel ne peut avoir accès l'intelligence de l'utilisateur « moyen » déjà cité. Là encore, la comparaison avec l'étranger fournit maint sujet de réflexion : l'exemple de l'enseignement donné à la bibliothèque du ministère néerlandais des affaires économiques démontre l'efficacité et l'intérêt d'une méthode éprouvée.
Là sont formés les fonctionnaires des services de documentation de tous les ministères néerlandais. Chaque service dépouille ainsi les revues et la documentation (qui lui a été confiée en évitant soigneusement tout double emploi) et établit les fiches correspondantes d'après une méthode uniforme. Ces fiches, diffusées alors en autant d'exemplaires qu'il existe d'organismes intéressés, sont réunies par chacun d'eux pour créer autant de fichiers semblables dans le minimum de temps, sans lacunes et d'une consultation facile par un service quelconque, qui y retrouvera toujours le cadre auquel il est habitué. On mesure facilement l'efficience d'une telle organisation; elle n'a été possible que grâce à l'enseignement dispensé au préalable.
En effet, mal connaître, c'est bien vite méconnaître : un contact trop rapide avec les principes élémentaires d'un système n'incite guère à la persévérance, pour peu que des critiques intéressées se fassent entendre. Pourquoi se donner du mal pour un système si peu appliqué, qu'aucune grande bibliothèque française n'a accueilli, et dont les mystères sont réservés à quelques centres de documentation assez imprudents pour s'être laissés tenter? Haro sur le baudet!
Et cependant la C. D .U. ne prétend point avoir atteint la perfection : quel système pourrait raisonnablement soutenir qu'il la représente? Elle se propose comme le résultat de l'expérience de multiples techniciens qui se sont efforcés de l'adapter à leurs besoins tout en respectant ceux des autres.
On dit : la C. D. U. disperse les notions à classer. Mais n'y a-t-il pas lieu de considérer chaque indice comme un numéro d'appel téléphonique, dont la suite peut évidemment comporter des lacunes? Par ailleurs, si des notions d'essence différente trouvent place dans des endroits dispersés de la classification, on sait qu'il est toujours possible de les réunir par le signe de relation (deux points), qui donne à la notation une souplesse considérable et permet toutes les références croisées qui sont nécessaires à l'utilisateur.
On dit encore : la notation utilisée par la C. D. U. rend celle-ci plus complexe que la notation Dewey. Or, l'initiation est vraiment facile et certaines subdivisions communes, dans les petites bibliothèques, sont bien rarement utilisées. Le lieu et le temps restent les plus fréquents : quoi de plus simple que des parenthèses et des guillemets? Les relieurs, souvent mis en cause, ne doivent guère éprouver de difficulté à pousser de tels signes au dos des livres...
On dit aussi : la C. D. U. est trop complexe pour de petits ensembles de documents. Mais c'est oublier que, pour ceux-ci, des indices courts (3 ou 4 chiffres) sont presque toujours suffisants: quel avantage donc à utiliser un schéma inspiré avant tout des préoccupations américaines? Qu'apportent de plus les indices de 3 chiffres traduits de Dewey? L'utilisation des « subdivisions communes » et des « divisions analytiques » constitue d'ailleurs une possibilité et non une obligation dans tous les cas.
On dit de même : la C. D. U. est inutilisable pour des ensembles de documents très spécialisés, en raison de la longueur des indices à employer au départ. Mais ne sait-on pas qu'il existe des possiblités d'abréviations à usage intérieur qui résolvent facilement cette difficulté? Les cadres de classement des archives administratives aux Pays-Bas et en Belgique offrent un excellent exemple de l'emploi de cette possibilité. D'ailleurs, l'expérience démontre que la longueur des indices ne constitue un obstacle apparent que pour les débutants, leurmnémonisation se réalisant très rapidement dans l'esprit des utilisateurs journaliers.
On dit ensuite : le cadre de la C. D. U. reflète les connaissances du monde de 1873 (c'est encore plus vrai de la classification Dewey) et s'adapte donc très difficilement aux conditions actuelles : c'est précisément ici que les spécialistes ont leur mot à dire. La C. D. U. présente en effet cet avantage considérable de n'être pas la traduction immuable d'un état d'esprit philosophique ou partial. Elle se veut accueillante à toutes les idées, à toutes les techniques, à toutes les innovations dont notre monde moderne est si riche. Il suffit que spécialistes et techniciens de la classification se rencontrent pour mener à bien révisions ou développements souhaités.
On dit - mais que ne dit-on pas? - que la C. D. U. s'adapte difficilement et trop lourdement aux méthodes modernes de sélection, dont l'utilisation est de plus en plus nécessaire devant l'accroissement prodigieux et constant de la masse de la documentation. Les travaux de la commission de la F. I. D. spécialisée dans l'étude de ce problème ont montré depuis longtemps qu'une indexation ne comprenant que des signes compréhensibles internationalement peut se prêter à de multiples systèmes de sélection parmi les plus modernes.
Mais pourquoi continuer? N'apparaît-il pas de tout cela que la C. D. U. en France est, avant tout, une grande méconnue? Comment donc améliorer cette situation?
Il est tout d'abord nécessaire de posséder en permanence le texte français intégral de l'édition complète, en conservant le mode actuel de publication sur feuillets mobiles, afin de permettre une mise à jour périodique et une consultation aussi facile que possible.
Ce fait, donnant l'état exact de la présentation d'une question donnée, rendra possible l'étude détaillée de celle-ci lorsque le remaniement ou l'extension est souhaitable. Par suite, il est désirable que toutes les Notes PE (projets d'extension) publiées par la F. I. D. comprennent, sans aucune exception, les textes dans les trois langues principales (français, anglais, allemand) au moins, quelle que soit l'origine de la proposition. Quelques-unes des propositions sont effectivement présentées dans les trois langues, mais c'est encore le petit nombre.
Tous les utilisateurs seraient ainsi mis à même de posséder le texte exact, complet et à jour des questions qui les intéressent. Ils pourraient constater qu'il s'agit d'une classification parfaitement abordable.
Il apparaît ensuite indispensable de développer l'enseignement de la C. D. U., non seulement chez les documentalistes, mais aussi dans le public, puisque celui-ci est très souvent appelé à s'en servir, ne serait-ce que dans les bibliothèques de lecture publique avec accès direct aux rayons. D'ailleurs, reprenant une idée qui fut chère au regretté Ch. Sustrac, il serait utile de remonter jusqu'à la source et de prévoir l'enseignement résumé de la C. D. U. à l'intérieur d'un cours élémentaire de documentation, destiné avant tout à montrer aux élèves et aux étudiants la méthode efficace de prendre des notes utilisables et fructueuses.
Mais là ne doit pas se borner le programme d'avenir. En effet, comme dans les autres pays, un organisme central actif doit présider à toute la vie de la C. D. U. : coopération à l'élaboration des indices, coordination entre les utilisateurs, centre de renseignements pour ceux-ci, publication des modifications intervenues, solutions pour les « notions difficiles à classer », etc.
En effet, l'absence d'un lien permanent entre les utilisateurs de la C. D. U. est très sensible. Une bonne volonté ne saurait suffire pour donner satisfaction à tous, comme le prouve l'abondant courrier reçu par l'auteur de ces lignes. Il en résulte trop souvent que, négligeant toute aide extérieure, chaque décimaliste embarrassé s'ingénie à trouver une solution plus ou moins valable, sans la communiquer à qui que ce soit, ce qui est triplement regrettable : les indices ainsi créés peuvent ne pas respecter les principes de la C. D. U. et provoquer des collisions avec d'autres indices; les subdivisions créées pour un même sujet par deux utilisateurs différents (qui risquent de ne pas se connaître) seront bien souvent différentes; les subdivisions ainsi utilisées ne sont pas connues de la F. I. D., alors que celle-ci pourrait très bien les homologuer si elles sont correctes et en faire bénéficier tous les utilisateurs.
La plupart des pays ont confié aux organismes nationaux de normalisation le soin de veiller aux destinées de la C. D. U., que certains, comme la Grande-Bretagne, ont même adoptée comme norme.
La France n'est pas encore parvenue à ce stade, mais le Comité français de la documentation n'en a pas moins estimé nécessaire de participer plus étroitement et plus activement aux travaux internationaux relatifs à la C. D. U. en faisant appel à des spécialistes, même non utilisateurs de cette classification. Il lui est apparu, en outre, que le point de vue français sur certains projets en cours ne pouvait être dégagé qu'après des études et des enquêtes possédant toutes garanties comme celles entreprises dans le domaine de la normalisation avec des méthodes sûres et éprouvées par l'AFNOR. C'est pourquoi il a fait appel à cette association qui a bien voulu lui apporter, au début de la présente année, son plus entier concours.
Outre son intervention dans la mise au point des tables trilingues abrégées dont il a été question plus haut, l'AFNOR, du 1er mars au 15 mai dernier, a procédé à une enquête publique intéressant la révision de la classe 65 (organisation).
Certes, l'action de l'AFNOR reste, pour le moment, limitée au domaine scientifique et technique qui est sa vocation propre et pourrait assez difficilement s'étendre dès maintenant à des préoccupations philosophiques, religieuses ou littéraires. Mais c'est déjà un premier pas, et très important.
La mise au point d'un centre de C. D. U. s'avère, dans les circonstances actuelles, beaucoup plus difficile, mais une telle création serait appelée, on l'a vu, à rendre les plus grands services, en raison de l'utilité qu'elle présente.
Que conclure de ce tour d'horizon?
Si l'on se reporte à l'esquisse tentée en 1946, on constate que des progrès - modestes, certes, mais réels - ont été incontestablement réalisés, tant dans la théorie que dans la pratique, en dépit du peu d'empressement rencontré dans trop de milieux officiels ou privés. L'intérêt pour la C. D. U. s'est cependant réveillé : on obtient à son égard des opinions plus nuancées, moins systématiquement hostiles. Des adhésions nouvelles ont été acquises. Le travail d'élaboration va bénéficier de l'expérience et de la clarté d'esprit des techniciens français les plus valables.
Tous ces symptômes sont d'heureux augure et ne peuvent qu'inciter à poursuivre les efforts en vue d'une meilleure compréhension et d'une diffusion accrue de la C. D. U. La France se doit de ne pas se laisser distancer par l'étranger dans ce domaine.