Chronique

Bibliothèque nationale.

Exposition Helleu.

Le « Monument du costume » de Moreau le Jeune n'est pas seulement un remarquable répertoire de la mode au début du règne de Louis XVI. Il décrit le comportement et les usages d'une société très raffinée à la veille de disparaître. Il restitue l'allure et le ton d'une époque. C'est un témoignage.

Dans un registre plus étroit, puisqu'il n'est presqu'exclusivement composé que de portraits, l'œuvre gravé d'un autre petit maître de l'élégance et de la vie mondaine n'en possède pas moins cette valeur de témoignage pour une autre époque et une autre société, dont la manière de vivre était elle aussi à la veille de disparaître, « témoignage » qui méritait d'être présenté au public.

Cette époque est celle que l'on a appelée « la belle époque », cette société est la société parisienne d'alors que Proust a connue et qu'il décrira plus tard. Ce petit maître n'est autre que le graveur Helleu. Un don récent de la fille de l'artiste, Mme Howard-Jonhston, complétant celui qu'avait fait jadis son père au Cabinet des estampes et d'autres dons d'Atherton Curtis et de Béjot a permis d'exposer un choix de pointes-sèches groupées sous des titres qui marquent les étapes de la carrière du graveur.

Les portraits féminins constituent naturellement la note dominante de l'exposition, charmants documents de la chronique élégante des années « 90 » et « 1900 ». Sur la cimaise figurent les femmes célèbres et les « beautés » de l'époque, parmi lesquelles la comtesse de Noailles et la duchesse de Marlborough. On y voit revivre les contemporains des femmes décrites par Paul Bourget dans Cosmopolis, par Abel Hermant dans les Transatlantiques, par Marcel Prévost, etc... et surtout les héroïnes mêmes de Marcel Proust, puisque la duchesse de Guermantes est évoquée ici sous les traits de la comtesse Greffulhe. Le portrait de Whistler fait regretter le petit nombre de portraits d'hommes gravés par Helleu.

Des toiles, parmi lesquelles « Automne à Versailles » et des marines évoquant la passion de l'artiste pour le « yachting », de nombreux souvenirs personnels, des lettres autographes signées de Boldini, Jean Lorrain, Mallarmé, Mirbeau, Robert de Montesquiou, Proust, Rodin, Sargent, Seymour Haden, etc... achèvent de rendre très vivante cette exposition préparée par M. Jean Adhémar qui en a rédigé le catalogue 1, accompagné d'une copieuse notice biographique de l'artiste d'après des documents inédits.

Rappelons que le premier catalogue de l'œuvre gravé de l'artiste, qui se monte à plus de cinq cents pièces sera prochainement publié dans le tome X de l'Inventaire du fonds français du Cabinet des estampes (graveurs du XIXe siècle et du xxe siècle).

Jean Vallery-Radot
conservateur en chef du Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale

Exposition « effigies et portraits, vingt siècles d'art monétaire »

Plus d'un millier de pièces choisies dans les séries du Cabinet des médailles, exposées dans la Galerie des colonnes qui s'ouvre sur le jardin de la rue Vivienne, telle est la nouvelle manifestation de la Bibliothèque nationale, toujours soucieuse de mettre ses trésors sous les yeux du public.

Il ne s'agit pas, en effet, d'un thème offert à l'examen des spécialistes, collectionneurs ou numismates. Ce que les membres du Cabinet des médailles ont voulu démontrer en plaçant monnaies et médailles dans leurs vitrines et en rédigeant chacun un commentaire approprié, c'est qu'au cours de vingt-cinq siècles l'art monétaire apporte à l'histoire, à l'histoire de l'art aussi, des éléments de recherches et des objets de contemplation dont tout amateur, tout homme de culture peut et doit tirer profit. L'intérêt est ici centré sur les effigies et sur les portraits, c'est-à-dire sur l'interprétation qu'ont donnée du visage humain des artistes plus ou moins évolués répartis de l'Orient à l'Occident et au cours des générations. L'attitude de l'artiste varie presque à l'infini, selon les modes de pensée et la psychologie de chaque époque. La succession des styles offre un sujet constant de méditation, les grands courants d'influences tracent le cours des civilisations. La tâche a été ainsi répartie : - Jean Babelon, L'art monétaire dans l'Antiquité depuis les origines, au VIIIe siècle av. J.-C. jusqu'à l'époque constantinienne - André Guillou, L'Orient - Gabrielle Fabre et Monique Mainjonet, La conception de la figure humaine chez les Celtes - Jean Lafaurie, Le ve siècle, les VIe et VIIe siècles, la période mérovingienne, la période carolingienne - Jacques Yvon, Monnaies du Moyen âge, Xe-XVe siècles - Josèphe Jacquiot, La médaille.

C'est peut-être demander un trop grand effort au passant que de se pencher sur des objets souvent admirables, mais d'une dimension exiguë, qui demandent à être considérés de près. Ici nous vient en aide la technique photographique en quoi sont passés maîtres les opérateurs de la Bibliothèque nationale, MM. Porchez, Populu, Jaegy et Lesenne, qui ont montré l'habileté extrême qui est la leur, en permettant de placer à côté des pièces elles-mêmes des agrandissements photographiques. De plus, sur les panneaux dressés tout au pourtour de la galerie ont pris place d'autres agrandissements d'un diamètre considérable cette fois, qui sont de vraies œuvres d'art. Ils permettent d'observer sans peine une technique et un art dont les effets de contraste sont saisissants. Il n'est pas exagéré de dire que le visiteur qualifié de « profane » recevra en leur présence une vraie révélation. Et sans doute, il est profitable pour l'esprit de comparer aux premiers visages apparus sur les monnaies primitives, les portraits hellénistiques, les séries de la République romaine, la suite des Empereurs romains, les monnaies émises en Orient lors de la pénétration hellénique, les monnaies sassanides ou bien indiennes, les statères gaulois, les dérivations des modèles classiques chez les Byzantins, les Mérovingiens, les Carolingiens, enfin les fins portraits qui ressuscitent sur les monnaies italiennes du xve siècle un art tombé en désuétude, les médailles d'un Pisanello, celles de Germain Pilon, de Guillaume Dupré ou de Jean Varin, le grand artisan de l'Histoire métallique de Louis XIV. Est-ce trop dire que l'histoire de l'humanité revit au cours de ces confrontations? Qui resterait insensible en contemplant le décadrachme de Marathon, les monnaies siciliennes à l'effigie des jeunes Syracusaines du ve siècle les portraits de César et de Cléopâtre, celui de Marc Aurèle, la lointaine perfection de ceux des rois de Bactriane ou de Philétaire de Pergame, en trouvant alignés les visages de Justinien et peut-être de Charlemagne et de Dagobert, en observant enfin avec quelle fantaisie et quel humour les Gaulois se sont dégagés de l'imitation des types classiques?

Un mot pour finir. Cette exposition a été organisée au moment où la Fédération internationale des éditeurs de médailles célébrait son septième congrès. Elle est parallèle à l'exposition de médailleurs contemporains de tous pays qui s'est ouverte en même temps à la Monnaie de Paris. Cette alliance a trouvé son expression concrète dans un catalogue 2 en partie double édité par l'Administration des monnaies. On a voulu marquer par là que l'art de la monnaie et de la médaille n'est pas confiné dans le passé, mais qu'il poursuit sa longue vie jusqu'à nos jours. La Bibliothèque nationale, sous la direction de M. Julien Cain, et la Monnaie sous celle de M. Malécot auront donc affirmé une fois de plus leur étroite collaboration.

Jean Babelon
conservateur en chef du Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale

Bibliothèques universitaires.

Lille (Nord).

Le 27 mars 1957, sous la direction de M. Brun, inspecteur général des Bibliothèques et de M. Breillat, conservateur de la Bibliothèque municipale de Versailles, les élèves chartistes qui suivent le stage professionnel ont visité la Bibliothèque universitaire de Lille. Des exposés de Mlle Bruchet, conservateur, et de Mme Viard, bibliothécaire, précédèrent la visite de la Bibliothèque centrale et de la Bibliothèque de la Faculté de médecine.

Dans le courant du mois de mai, la Bibliothèque centrale de l'Université a reçu la visite de M. W. V. Jackson, de l'école de bibliothécaires de l'Université de l'Illinois et de M. Afshar, bibliothécaire de la Faculté de droit de Téhéran, ce dernier a également visité la Bibliothèque de la Faculté de médecine.

Bibliothèques municipales.

Albi (Tarn).

Un catalogue collectif réunissant les fiches des ouvrages de la bibliothèque de la Société des sciences, arts et belles-lettres du Tarn, de la bibliothèque des Archives départementales à celles de la Bibliothèque municipale d'Albi dans le fichier alphabétique par noms d'auteurs, est en voie de réalisation. Pour les ouvrages de la Société des sciences, arts et belles-lettres, le travail est terminé, et les fiches ont été insérées dans le fichier alphabétique. Pour ceux des Archives départementales, les fiches des ouvrages généraux sont également insérées et ont déjà orienté des travailleurs vers les Archives, pour la consultation d'ouvrages ne figurant pas dans les collections de la bibliothèque. Les fiches du fonds tarnais ont été entièrement recopiées, elles seront progressivement intercalées. L'ensemble constituera le catalogue collectif des collections dont les livres peuvent être consultés à Albi. Afin de permettre une discrimination rapide, les fiches des ouvrages n'appartenant pas à la bibliothèque ont été choisies de couleur verte, et portent évidemment l'indication de la collection d'origine.

Toulon (Var).

Sous le haut patronage de M. Julien Cain et de la municipalité de Toulon, la Bibliothèque municipale a présenté, du 10 mai au 26 mai, sa troisième exposition du Livre illustré, consacrée aux Illustrateurs français contemporains 3.

Deux précédentes expositions avaient présenté, en un vaste panorama, l'art du livre au xxe siècle, avec la collaboration du Comité national du livre illustré français.

La première exposition, en 1949, proposait une rétrospective des chefs-d'œuvre parus au cours du demi-siècle. Elle présentait une sélection des diverses conceptions artistiques des illustrateurs, depuis les Nabis, en passant par les Fauves, les Cubistes, les Surréalistes et autres groupes esthétiques plus ou moins préoccupés de théories.

La deuxième exposition était plus particulièrement réservée à la production de la période de 1940 à 1952. Elle était destinée à faire connaître les nouvelles générations d'artistes et d'imprimeurs qui affirmaient leurs propres conceptions et introduisaient la couleur, avec toutes ses lumineuses combinaisons, dans leurs compositions graphiques.

La dernière enfin réunissait les œuvres des maîtres contemporains : Daragnès, Decaris, Dunoyer de Segonzac, Matisse, Picasso, Rouault; elle présentait également les œuvres récentes et les tendances les plus diverses des jeunes artistes du livre : Robert Blanchet, Bernard Buffet, Michel Ciry, Gabriel Dauchot, Jacques Houplain, Abraham Krol, André Minaux, Yves Trémois, etc...

En guise d'introduction à cette exposition, le film « Graphismes » a été projeté sur l'écran de la salle des fêtes municipale, devant quatre cents invités. Le film qui retrace les étapes de la fabrication d'un livre d'art a été présenté par M. Jacques Guignard, conservateur à la Bibliothèque nationale et secrétaire général du Comité national du Livre illustré français.

Au vernissage qui suivit, M. Jacques Guignard commenta les œuvres exposées, puis le Maire de Toulon, adressant les remerciements de la municipalité à M. Julien Cain et à tous les réalisateurs de l'exposition, souligna l'importance d'une telle manifestation dans le mouvement culturel de la cité où la bibliothèque enfin rénovée est appelée à prendre une très large place.

Troyes (Aube).

A l'occasion du centenaire de la mort d'Alfred de Musset, une exposition a été inaugurée le 18 mai 1957 à la Bibliothèque municipale de Troyes. Mlle Bibolet, bibliothécaire, a présenté cette exposition au cours d'une visite commentée qui a été suivie de l'audition de disques rappelant divers aspects de l'œuvre de Musset. Une vitrine est consacrée à la famille du poète, à son père l'érudit Musset-Pathay, à son frère Paul de Musset, ainsi qu'à des ancêtres du côté maternel dont certains étaient d'origine champenoise. D'autres vitrines retracent la vie et l'œuvre d'Alfred de Musset, ses relations avec George Sand et la princesse Belgiojoso, ses amis et ses éditeurs, évoqués par des illustrations, des ouvrages et des manuscrits provenant des fonds de la Bibliothèque municipale de Troyes, de la Bibliothèque nationale, ainsi que de collections privées.

Lecture publique.

Réunion des bibliothécaires de la Manche.

Le 19 mai dernier, vingt-cinq bibliothécaires représentant les bibliothèques les plus diverses du département (municipales, de lecture publique, de collège, séminaire, hôpital, chambre de commerce, sociétés savantes, archives...) se sont réunis à Granville sous la présidence de M. Brun, inspecteur général des Bibliothèques.

Trois études ont été présentées le matin lors de la séance de travail : l'une de M. Busson, archiviste de la Marine à Cherbourg, sur la Bibliothèque française de Tanger, l'autre de Mme Baudry, professeur à l'École normale de Saint-Lô, sur le bibliobus créé et organisé par le Centre laïque de la lecture publique, enfin M. Lethève, secrétaire général de l'Association des bibliothécaires français, a parlé des expositions de documents dans les bibliothèques. Ces communications donnèrent lieu à des commentaires très animés. L'après-midi a été consacrée à visiter la Bibliothèque populaire sous la direction de son bibliothécaire, M. Chapdelaine, et la Bibliothèque municipale avec M. Lebedel, puis le Musée avec l'aide de son fondateur, M. de la Morandière. La journée s'est terminée par la visite d'une maison de la vieille ville, autrefois siège de l'ancienne amirauté de Granville.

Meurthe-et-Moselle.

Depuis 1956, l'Association du bibliobus de Meurthe-et-Moselle fait paraître. un bulletin de liaison : La Ronde des livres 4. Parmi les articles publiés dans le n° 2 qui porte la date de mai 1957, nous relevons, outre des informations pratiques à l'intention des dépositaires, un bilan de l'activité du bibliobus pendant l'année 1956 dressé par M. Philippe Serre, ancien ministre, conseiller général, président de la Commission du bibliobus de Meurthe-et-Moselle, ainsi que deux articles dus à des instituteurs dépositaires, dont l'un concerne l'aide apportée par le bibliobus à la bibliothèque scolaire de Badonviller. Dans le premier numéro, figurait une étude sur la « discothèque tournante » qui fonctionne depuis 1954 en annexe au bibliobus départemental et dépose des caissettes de 8 disques dans les écoles qui en ont fait la demande et possèdent un phonographe ou un pick-up. Cette étude fournit, sur la composition des caisses et le fonctionnement de l'organisme, des renseignements qui seront utiles à tous les bibliothécaires de bibliobus qui, à l'exemple de la Meurthe-et-Moselle, envisagent d'adjoindre à leur activité le prêt des disques.

Union des aveugles de guerre : « Le livre parlé »

Le 30 avril 1950, en présence de MM. Tanguy-Prigent et Le Coutaller, ministre et sous-secrétaire d'État aux Anciens Combattants, de M. le maréchal Juin et de M. Ruais, président du Conseil municipal de Paris, ont été inaugurés les nouveaux studios d'enregistrement du « Livre parlé » à l'Union des Aveugles de guerre, 49 rue Blanche, Paris (9e) 5. L'acquisition d'un matériel d'enregistrement plus perfectionné permettant des tirages à un plus grand nombre d'exemplaires (4 à 8) de disques et de bandes magnétiques, ainsi que des duplicata de bandes (en langue flamande pour la Belgique par exemple) avaient, en effet, nécessité le transfert des studios dans de nouveaux locaux plus vastes et mieux équipés.

On procède actuellement à l'U. A. G. à l'enregistrement de 50 bandes originales par mois représentant 50 heures de lecture, ce qui porte le total des collections à quelque 15.000 disques et 3.000 bandes. Un catalogue multigraphié, avec supplément annuel, donne la liste des œuvres littéraires et scientifiques enregistrées qui sont environ au nombre de 500.

Enfin, depuis le début de cette année, sur la proposition de l'Académie du disque français, les éditeurs phonographiques ont fait don à l'U. A. G. d'environ 400 microsillons « disques parlés » en vente dans le commerce, à raison de deux exemplaires par disque publié.

  1. (retour)↑  [Adhémar (Jean)]. - Helleu [Préf. par Julien Cain,... et Jean Valléry-Radot,...]. Paris (Bibliothèque nationale) 1957. - 20,5 cm, 32 p., couv. ill.
  2. (retour)↑  Exposition « Effigies et portraits », Bibliothèque nationale, 24 mai-30 juin 1957. Exposition internationale des médailleurs contemporains, Musée monétaire, 23 mai-30 septembre 1957 [Préf. d'Yves Malécot,... et de Julien Cain,...]. - [ Paris, Impr. nationale, s. d.]. - 23,5 cm, pag. mult. [204 p.], XXXIV-XLIV pl. h. t., couv. ill.
  3. (retour)↑  Toulon (Var). - Comité national du livre illustré français. Exposition : Les chefs-d'œuvres des illustrateurs français contemporains. Salle des expositions du Musée-bibliothèque 10-26 mai 1957... - Toulon (impr. M. Gallenari) 1957. - 21,5 cm. 8 p.
  4. (retour)↑  La Ronde des livres. Bulletin de liaison des dépôts de l'Association du bibliobus de Meurthe-et-Moselle, 26, rue Gustave Simon, Nancy.
  5. (retour)↑  Voir : B. Bibl. France. 1re année, n° 1, janvier 1956, p. 27.