Chronique des bibliothèques
Bibliothèque nationale.
M. le Président Coyne, président de chambre honoraire, qui représentait la Cour des comptes au Conseil d'administration de la réunion des Bibliothèques nationales de Paris depuis 1940, a demandé à être déchargé de ses fonctions en raison de son état de santé.
La Cour des comptes a désigné M. le Conseiller maître honoraire Leclère pour la représenter au Conseil en remplacement de M. le président Coyne.
Don d'un manuscrit.
Le manuscrit des Très-belles heures de Notre-Dame exécuté pour Jean de Berry avait été par la suite démembré. Une des parties était la propriété du baron Maurice de Rothschild, mais avait disparu en 1940. Retrouvée, il y a quelques semaines, elle a été restituée par le Service de protection des oeuvres d'art à son propriétaire qui vient de s'en dessaisir au profit de la Bibliothèque nationale.
Rappelons que le duc de Berry avait fait don des Très-belles heures de Notre-Dame restées inachevées à Robinet d'Étampes qui divisa le manuscrit et garda une des deux parties conservée aujourd'hui à la Bibliothèque nationale. Guillaume de Bavière-Hainaut, neveu par alliance de Jean de Berry entra en possession de l'autre qu'il fit compléter par des peintres flamands peut-être les frères Van Eyck. Cette seconde partie fut à son tour morcelée au XVIIIe siècle.
C'est ainsi qu'à la fin du XIXe siècle, le volume primitif en formait trois : l'un à la Bibliothèque royale de Turin où il brûla entièrement en 1904; l'autre à Milan, puis au Museo civico de Turin; le troisième enfin à Paris, chez le baron Maurice de Rothschild. Aujourd'hui, il se trouve à la Bibliothèque nationale, grâce à la générosité de son dernier possesseur, dont le geste de mécène sera hautement apprécié.
Bibliothèques municipales.
Beauvais (Oise).
La Bibliothèque municipale de Beauvais, reconstruite, et le bibliobus de l'Oise, tout récemment créé, ont été inaugurés le 11 décembre par M. Julien Cain, directeur des Bibliothèques de France, accompagné de M. l'Inspecteur général Masson et de M. Bleton, conservateur au Service technique, qui avait suivi les opérations de reconstruction.
Assistaient à cette cérémonie, M. Reymond, préfet de l'Oise, M. Bénard, président du Conseil général, député de l'Oise, M. Jacoby, maire de Beauvais, M. Séné, sénateur de l'Oise, M. Legendre, député de l'Oise, et de nombreuses personnalités, notamment M. Vettier, directeur de l'École normale de Saint-Cloud, M. Noël, architecte de l'Hôtel de ville et de la bibliothèque.
Des discours ont été prononcés par le préfet de l'Oise, le maire de Beauvais, le président du Conseil général et le directeur des Bibliothèques.
Voici quelques extraits des discours de M. Julien Cain :
Inauguration de la bibliothèque municipale
« Dans la gamme des bibliothèques que nous reconstruisons, trop nombreuses par suite des ravages de la guerre, dans le Nord et la Normandie, nous avons déjà étudié et réalisé de vastes ensembles pour la Bibliothèque universitaire de Caen, les bibliothèques municipales de Tours et de Douai. L'architecte disposait ici d'un champ plus réduit mais il a su en tirer parti avec une ingéniosité qui lui fait honneur et y loger à l'aise tous les services nécessaires à la vie d'une bibliothèque telle qu'on la conçoit aujourd'hui.
Or, le programme, arrêté d'un commun accord entre la municipalité et la Direction des bibliothèques était fort différent de celui que l'on aurait proposé jadis et qui dans l'ancienne bibliothèque de Beauvais par exemple se limitait à une série de pièces tapissées de livres, indifféremment salles de lecture ou magasins de livres.
De nouveaux besoins sont nés des conceptions plus rationnelles. Grâce à des rayonnages métalliques, en épis rapprochés, on entrepose un grand nombre de livres dans un cube réduit de magasins. La salle de lecture, la salle de catalogue, la section de prêt, la bibliothèque d'enfants se différencient les unes des autres. Une étude attentive de l'exposition, de l'éclairage, de la qualité du mobilier ont permis d'offrir pour chacune les conditions d'exploitation les meilleures...
Nos efforts conjugués n'ont pas porté seulement sur l'enveloppe extérieure de la bibliothèque, mais sur la reconstitution des fonds de livres disparus.
Les destructions, provoquées par l'incendie qui fit rage les 8 et 9 juin 1940 furent presque totales. Les quarante mille volumes accumulés au cours de plusieurs siècles disparurent presque en totalité...
Ce sont des pertes irréparables pour l'histoire locale et l'érudition. Mais grâce aux précautions prises dès les premiers jours de la guerre tous les manuscrits précieux furent sauvés, notamment les œuvres poétiques de Foulcoie de Beauvais, qui datent du XIIe siècle et d'importants recueils de textes sur la ville et la région.
Ces manuscrits trouvèrent un abri aux Archives départementales et au lendemain de la Libération, la ville offrit un baraquement pour recevoir les premiers dons de la Direction des bibliothèques qui dès 1945 obtenait des crédits d'urgence destinés à alimenter les bibliothèques sinistrées en ouvrages usuels, en traités généraux et en livres classiques. Nous entreprenions en même temps une enquête auprès de toutes les bibliothèques publiques afin de recevoir leurs doubles afin de reconstituer les fonds disparus. Les dons de particuliers affluèrent en même temps de toutes les parties de la France. Ils furent répartis par nos soins au mieux des intérêts des diverses bibliothèques. Entre autres dons, Beauvais reçut 12 caisses de livres anglais entreposés et triés à la Bibliothèque nationale en 1948.
De quelques centaines de livres en 1946, les collections atteignirent 9.000 volumes en 1950, 16.000 en 1952 et 30.000 aujourd'hui.
Cette résurrection, à un rythme rapide presque inespéré, si elle a été facilitée par la collaboration de nos services de la rue Saint-Dominique et par l'appui de la municipalité, est due essentiellement, je dois le souligner, au dynamisme et à l'efficacité de votre bibliothécaire, M. Robert Lemaire. Son mérite est d'autant plus grand qu'il n'a pas cessé d'exercer en même temps les fonctions de professeur à l'École normale et qu'il a accepté tout récemment la direction du bibliobus de l'Oise.
De telles charges, déjà lourdes si la bibliothèque avait disposé des locaux que nous admirons aujourd'hui, avant d'entreprendre la reconstitution de ses fonds, ont été littéralement écrasantes dans les conditions matérielles où il fallut les assumer. Jusqu'à l'an dernier, la bibliothécaire ne disposait en effet que d'un baraquement de bois à la fois magasin delivres, salle de lecture et bureau de prêt. Les manipulations des livres, leur équipement et leur catalogue réalisés sur une vaste échelle avec des moyens et un personnel de fortune, représentent un véritable tour de force.
J'ai le devoir de le dire et de remercier en même temps une municipalité qui s'est imposée de lourds sacrifices, conjointement avec l'État pour faire renaître un établissement dont elle a le droit d'être fière. »
Inauguration du Bibliobus
« Lorsqu'au lendemain de la Libération la Direction des bibliothèques de France a été créée, elle a reçu le nom de « Direction des bibliothèques et de la lecture publique. »
Le ministre affirmait ainsi sa volonté d'ouvrir très largement les portes des bibliothèques et d'en faciliter l'accès au grand public, non seulement dans les villes, mais dans les campagnes, jusqu'aux plus humbles hameaux.
C'est en 1945 qu'ont été créées, après quelques essais antérieurs à la guerre dans l'Aisne et la Marne, les huit premières bibliothèques centrales de prêt rayonnant autour du chef-lieu d'un département.
Après dix ans d'efforts, nous avons conquis, peu à peu, près de la moitié de la France et le bibliobus de l'Oise, que nous inaugurons aujourd'hui est le quarantième de ces organismes dont la moitié sont gérés directement par l'État et dont les vingt autres sont dus à l'initiative départementale.
Le bibliobus de l'Oise appartient à la seconde catégorie et je tiens tout d'abord à exprimer ma profonde gratitude envers vous Monsieur le Préfet, qui avez bien voulu, il y a quelques mois seulement, accueillir avec faveur l'inspecteur des bibliothèques que j'avais envoyé près de vous pour solliciter votre appui.
Nous avions des raisons d'espérer une audience favorable car vous aviez déjà prouvé, Monsieur le Préfet, lorsque vous étiez dans la Marne, votre sympathie agissante pour cette institution, mais cette fois le succès a dépassé notre attente car il vous a suffi de quelques semaines pour étudier le dossier, l'introduire auprès du Conseil général, le plaider vous-même, si j'ose dire, avec tout le poids de votre autorité et tout l'entraînement de votre sympathie...
Il m'est agréable d'associer, dans mes remerciements M. le préfet de l'Oise et M. le maire de Beauvais, comme ils l'ont été dans leurs initiatives en faveur de la lecture publique. Je me tourne également vers les nombreuses personnalités qui se sont associées à notre effort, plus particulièrement M. le président du Conseil général, M. l'inspecteur d'Académie, et MM. les inspecteurs du premier degré. Je vois avec plaisir auprès d'eux les représentants des responsables des dépôts, qui ont accepté de nous apporter un concours bénévole. Leur abnégation, la haute conception qu'ils ont de leurs devoirs d'éducateur sont l'élément essentiel du succès de la lecture publique en France, à laquelle le département de l'Oise apporte aujourd'hui une importante contribution. »
Charleville (Ardennes).
Les nouveaux aménagements de la Bibliothèque municipale de Charleville ont été inaugurés le samedi 1er décembre par Mlle Carlot, adjoint au maire, en présence de M. l'Inspecteur général Masson.
Tous les services de la bibliothèque (salle de lecture, prêt, catalogue) étaient jusqu'ici confinés dans une pièce unique au rez-de-chaussée.
Des travaux exécutés avec le concours de la Direction des bibliothèques ont permis d'installer au premier étage, dans de vastes salles bien éclairées et dotées du chauffage central :
1° une salle de références et de catalogue où les lecteurs peuvent recevoir les conseils du bibliothécaire en entrant;
2° une section de prêt avec libre accès aux rayons;
3° une salle de lecture.
Le bibliothécaire, M. Taute, qui depuis plusieurs années avait entrepris la refonte du catalogue d'auteur et de matières sur fiches normalisées, a été secondé dans son travail de réorganisation par M. Seguin, titulaire du diplôme supérieur de bibliothécaire, envoyé en mission pour quelques mois par la Direction des bibliothèques.
Châtellerault (Vienne).
Les enfants de la Bibliothèque enfantine de Châtellerault ont organisé du 22 novembre au 15 décembre, dans la salle de lecture, une exposition de moulins à vent dessinés et peints par eux-mêmes, accompagnés de reproductions de tableaux, oeuvres de peintres célèbres et représentant des moulins.
A l'occasion de cette exposition un certain nombre de belles éditions des « Lettres de mon moulin » et de « Don Quichotte » ont été présentées aux jeunes lecteurs.
Grenoble (Isère).
Au cours de l'année 1956, la Bibliothèque municipale de Grenoble a fait un effort considérable pour l'acquisition des manuscrits de Stendhal, afin de rester le centre des études stendhaliennes et le dépôt le plus riche en manuscrits de Stendhal.
Elle a pu ainsi acheter :
- Le manuscrit de l'Histoire de la peinture en Italie accompagné du Cahier de la vie de Léonard de Vinci. Ce volume de l'Histoire de la peinture en Italie est plein d'intérêt, car il comporte de nombreux inédits : il sera indispensable pour une réédition de cet ouvrage. Il a le mérite en outre de compléter la collection des registres verts des œuvres de Stendhal donnée par Mme Crozet à la Bibliothèque de Grenoble.
- La correspondance en partie inédite adressée par Stendhal à son ami Adolphe de Mareste (1817-1837). Ces 139 lettres donnent un ensemble unique, elles sont des plus précieuses pour tout ce qui touche « les goûts, les sentiments politiques, les idées littéraires de Stendhal à cette époque capitale de son existence ». Leur intérêt est considérable. La Direction des bibliothèques, pour témoigner celui qu'elle portait à cet achat, a bien voulu y participer par une importante subvention.
- Un exemplaire de l'édition originale de la Vie de Rossini annotée par Stendhal. Il comporte de très nombreuses notes au crayon et « sera très précieux pour établir une véritable édition critique de ce livre ».
Le Havre (Seine-Maritime).
La municipalité du Havre, poursuivant un plan de décentralisation de la lecture publique dans la ville, a inauguré le 8 décembre 1956 une bibliothèque de prêt dans le quartier de Graville.
Cette bibliothèque, dont la place définitive est prévue dans la mairie annexe de Graville lorsque cet établissement public sera reconstruit, fonctionne provisoirement dans un baraquement qui a été pourvu de rayonnages et de tables métalliques; 850 livres sont mis à la disposition des lecteurs de tous les âges.
Moulins (Allier).
Le 22 décembre 1956 a été inaugurée, en présence de M. le préfet de l'Allier et de M. Brun, inspecteur général des bibliothèques, une exposition de manuscrits, livres et reliures précieuses du xe siècle à nos jours. Cette exposition a été organisée par la Bibliothèque municipale à l'Hôtel de ville de Moulins.
Mulhouse (Haut-Rhin).
Pour la cinquième fois, la Bibliothèque municipale de Mulhouse a exposé la production annuelle des graveurs mulhousiens. L'inauguration de cette exposition a eu lieu le 12 décembre 1956. Ont été présentées des estampes, (eau-forte, lithographie, burin, pointe sèche) de Jean Bruetschy, Charles-Xavier Folk, Charles Gutknecht, Léon Lang, Joseph-A. Muslin, Joseph Saur, Daniel Schneider, Robert Simon et Jacqueline Verly.
Le Centre culturel autrichien en France a fait don à la Bibliothèque municipale de Mulhouse d'une collection d'oeuvres de compositeurs autrichiens contemporains : Gottfried von Einem, Hanns Jelinek, Arnold Schönberg, Alban Berg, Anton Webern. D'autre part une dizaine de volumes de musicologie consacrés à des musiciens autrichiens (Franz Schubert, Anton Bruckner, Emmerich Kalman, Mozart, Richard Strauss et Hugo Wolf) complètent cet ensemble. Par son ampleur et sa valeur, ce don autrichien constitue un enrichissement appréciable de la section musicale de cette bibliothèque.
Toulouse (Haute-Garonne).
Le 25 novembre 1956 a eu lieu, à la Bibliothèque municipale de Toulouse, la cérémonie de la remise à M. François Galabert, des « Mélanges » qui lui étaient offerts par le Comité de rédaction des Annales du midi à l'occasion de sa désignation comme directeur honoraire de cette revue.
La cérémonie groupait autour de MM. Wolff et Higounet, professeurs aux Facultés des lettres de Toulouse et de Bordeaux, rédacteurs de la revue, M. Badiou maire de Toulouse, des représentants de la municipalité, de l'Université, des collègues et amis de M. Galabert.
Rappelons à cette occasion, le rôle important joué par M. Galabert à la Bibliothèque municipale de Toulouse dont il assuma la direction de 1920 à 1937; soulignons en particulier que c'est à ses démarches pressantes auxquelles s'associa M. l'Inspecteur général Pol Neveux qu'est due la réalisation de la nouvelle bibliothèque municipale, qui reste par l'ampleur de sa conception, une des plus remarquables de province.
Versailles (Seine-et-Oise).
Outre nos collègues étrangers, venus individuellement (bibliothécaires anglais, colombiens, danois, égyptiens, espagnols, grec, haïtien, yougoslaves), la Bibliothèque de Versailles a reçu ces temps derniers l'Ambassadeur et le Consul général de la République dominicaine à Paris, accompagnés de M. le Député-maire et de ses adjoints; le Maire et la municipalité de Winchester, ville anglaise jumelée avec Versailles, à l'occasion de leur visite à la municipalité de Versailles; les étudiants allemands, membres du City-club universitaire de Berlin; un groupe du Touring-Club de France, guidé par Mlle Leblanc, conférencière des Monuments historiques; les bibliophiles membres de la Société Saint-Éloi; les élèves de 4e année de l'École normale d'instituteurs de Seine-et-Oise.
La Société des Amis de la bibliothèque a tenu récemment son assemblée générale : sous la présidence de M. André Mignot, député-maire, et devant plus de 80 personnes, le professeur Eugène Olivier, membre de l'Académie de médecine, a traité d'un sujet inédit et fort curieux, Les cartes-adresses parisiennes de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle. L'éminent bibliophile avait apporté sa collection, ensemble unique, dont circulèrent de main en main, les pièces les plus rares, si intéressantes pour la connaissance des métiers, du folklore, de la topographie parisienne, de l'art publicitaire, voire de l'art tout court (certaines sont signées des plus grands noms de la gravure à cette époque).
Rappelons enfin que le mercredi 21 novembre une centaine de congressistes, français et étrangers, réunis à Paris pour le cinquantième anniversaire de l'Association des bibliothécaires français, ont été accueillis dans l'harmonieuse galerie des Affaires étrangères, par le premier maire-adjoint, délégué à l'instruction publique et aux beaux-arts, et par le conservateur de la bibliothèque qui a souligné la double originalité présentée par cet hôtel au XVIIIe siècle : premier dépôt d'archives construit en fonction de sa stricte utilisation, avec le souci tant de la protection contre les risques d'incendie que de la conservation des papiers, si bien qu'on en peut mettre l'ordonnance architecturale en parallèle avec l'annexe récente de la Bibliothèque nationale à Versailles; d'autre part, conception toute moderne de services ministériels rassemblés, « rationalisés », et fonctionnant déjà comme un centre de documentation, avec bureaux de presse et d'interprètes, bibliothèques, collections de cartes ou de maquettes, un cabinet des limites, et jusqu'à sa propre imprimerie...