Coordination et coopération entre les bibliothèques
Ce rapport 1 est destiné à introduire notre discussion d'aujourd'hui. Tous les points du schéma qui vous a été soumis n'y seront pas nécessairement développés.
Les nombreuses questions de détail que posent la coopération entre bibliothèques et leur coordination ne peuvent toutes être évoquées dans cette séance. Notre discussion ne devrait porter que sur quelques problèmes importants et s'appliquer en particulier à définir l'orientation du Service technique dans le sens d'une meilleure coordination des bibliothèques.
Ceux d'entre nous qui ont longtemps travaillé en province se sont senti, à des degrés divers, isolés sur le plan professionnel et livrés à leur propre expérience, dans des conditions souvent difficiles.
La création en 1945 d'un organisme central, si elle répondait à une impérieuse nécessité administrative, avait aussi pour objet une coordination du travail dont nous avions tous la nostalgie... Administration commune, statuts communs du personnel et possibilité d'envisager sur le plan national l'ensemble des activités jusque-là dispersées, liaison permanente entre les bibliothèques, telles étaient les perspectives offertes par cette création.
En 1952, le lien entre les bibliothèques se renforçait avec la publication d'un Bulletin d'informations, d'abord modestement multigraphié, aujourd'hui imprimé et pouvant être diffusé à l'étranger.
De plus en plus nombreux, les bibliothécaires y collaborent, mais nous souhaiterions une collaboration plus large encore, sous forme d'articles, d'informations pour la chronique, de comptes rendus bibliographiques, pour pouvoir faire du Bulletin des bibliothèques de France une revue de plus en plus vivante et vraiment représentative de l'ensemble des bibliothèques françaises.
Dès 1949, la Direction des bibliothèques avait ouvert un cycle de Journées d'étude pour réunir périodiquement les bibliothécaires des différentes catégories d'établissements et permettre des prises de contact et des échanges de vues entre nous tous, bibliothécaires des départements, bibliothécaires des bibliothèques parisiennes et du Service technique, ces derniers ayant, vous le savez, le souci constant d'en appeler directement à votre expérience pour élaborer et réaliser leur programme de travail. Depuis 1953 les Cahiers des bibliothèques de France 2 ont rendu compte des résultats de cette collaboration.
Je ne fais que mentionner la Journée d'étude des bibliothèques sinistrées organisée à Caen en 1953, également par la Direction, et surtout destinée à informer les bibliothécaires pour lesquels se posent des problèmes particuliers de reconstruction de bâtiments et de reconstitution de collections 3.
Je voudrais surtout souligner ici l'importance des rencontres organisées en province au cours de ces huit dernières années. Elles témoignent de la volonté d'établir des contacts permanents, d'échanger plus fréquemment des expériences, de chercher les moyens pratiques de coordonner les efforts.
Ces rencontres concernent, ou bien une catégorie déterminée de bibliothèques, ou bien des bibliothèques de types différents.
Les bibliothèques de lecture publique rurale, bibliothèques centrales de prêt et associations départementales, ont évidemment, par l'homogénéité de leur organisation et de leur activité, des problèmes qui leur appartiennent en propre. Elles sont de création récente dans ce pays où, il faut le dire, la lecture publique rurale s'organise tardivement. Pour elles, la recherche des méthodes se poursuit, et la confrontation des expériences s'avère particulièrement nécessaire. La lecture publique rurale ne se trouve pas en effet devant les exigences clairement exprimées d'un public déterminé : elle doit chercher ses lecteurs, aller au-devant d'aspirations souvent confuses et amener à la lecture un public neuf, je dirais presque le conquérir.
Les Journées des bibliothèques de l'Est ont déjà leur tradition : depuis 1953, 8 ou 9 bibliobus amènent pour une journée dans une ville ou un village le personnel des bibliothèques centrales de prêt et des associations départementales d'une très vaste région 4.
Ces journées permettent l'échange direct d'expériences pratiques, échange d'autant plus vivant que l'ensemble du personnel, du bibliothécaire au chauffeur, y participe. Elles ont permis, dès 1953, de jeter les bases d'une coopération efficace entre ces services, compte tenu des problèmes particuliers aux départements de l'Est. Depuis 1954, le bulletin A livre ouvert, destiné aux dépositaires dans les communes, traduit cet effort. En 1955, puis en 1956, divers projets ont été examinés en commun : établissement de listes de romans de qualité; action auprès des éditeurs pour la réédition d'oeuvres dignes d'une large diffusion mais actuellement épuisées; création d'un comité de lecture pour sélectionner rapidement, dans la masse des publications actuelles, un petit nombre de « nouveautés » pouvant être d'emblée achetées en plusieurs exemplaires....
Une autre question a été, à plusieurs reprises, soulevée au cours des journées de l'Est : celle d'une spécialisation de certains fonds départementaux dans un secteur documentaire donné. Cette spécialisation existe de fait : des besoins locaux ont rendu nécessaire, ici l'acquisition d'une documentation particulièrement riche sur le théâtre, là, sur le cinéma, ailleurs sur la pêche... Pourquoi chacune des bibliothèques intéressées ne continuerait-elle pas à développer spécialement ce fonds documentaire auquel, occasionnellement, les autres départements pourraient avoir recours?
D'autres problèmes ont pu être discutés ou évoqués : achats groupés, services de presse des éditeurs, etc... Si j'ai paru insister particulièrement sur l'expérience des bibliothèques de l'Est, c'est parce qu'elle fournit l'exemple d'une véritable organisation collective du travail, avec tous les avantages que peuvent offrir une collaboration directe, solidement établie, une coopération vivante et continue dans le secteur de la lecture publique rurale envisagée pour une région donnée. Je sais bien que la région de l'Est est spécialement favorisée dans ce domaine, puisque neuf départements limitrophes s'y trouvent équipés de bibliobus
Cependant la lecture publique a été presque toujours le principal thème des discussions au cours des autres rencontres régionales de bibliothécaires : dès 1948 par exemple, le « Stage des bibliothécaires de Provence » organisé au Château de Belmont dans la banlieue marseillaise, sous l'égide de l'Inspection régionale de la jeunesse et sous la direction de M. Henri Vendel. En 1953, à Montpellier, une séance de la « Rencontre des bibliothécaires du Midi » était entièrement consacrée à la discussion des diverses questions posées par la lecture publique et plus particulièrement par la lecture publique rurale 5. C'était encore le thème général du Congrès de la lecture publique du Centre-Ouest tenu à Niort en avril 1956 6, en présence de nombreuses personnalités du département des Deux-Sèvres et présidé par M. le Directeur des bibliothèques. Ce congrès réunissait les conservateurs et bibliothécaires de 9 bibliothèques municipales et des bibliothèques centrales de prêt ou services de lecture publique de 8 départements.
On conçoit aussi l'intérêt de rencontres qui réunissent des bibliothécaires appartenant à des types différents d'établissements pour rechercher les possibilités d'une coordination de leurs activités dans le cadre d'une région. A Niort, la coopération entre bibliothèque municipale et bibliothèque centrale de prêt a fait l'objet d'une des séances de discussion; elle est envisagée sur deux plans : au niveau de la bibliothèque centrale et au niveau des dépôts. Le maximum de coordination existe évidemment là où le directeur de la bibliothèque centrale de prêt est en même temps bibliothécaire de la ville : c'est le cas à Bordeaux, à Périgueux, à Niort et à Tours. Au niveau des dépôts, là où se trouvent de petites bibliothèques municipales, comment concevoir le rôle de la bibliothèque centrale de prêt? Les expériences sont très variables. La bibliothèque centrale de prêt n'a pas toujours pu faire revivre des bibliothèques municipales déjà somnolentes, dépourvues de personnel ou d'installation suffisante; dans d'autres cas, elle a réveillé l'intérêt pour la bibliothèque municipale et favorisé son développement en permettant, par exemple, de consacrer les crédits municipaux à la constitution de fonds permanents d'usuels et d'ouvrages de valeur durable, et aussi en apportant au bibliothécaire isolé une documentation qui l'aide dans ses achats : listes d'acquisitions, fiches analytiques, etc....
A Montpellier, en 1953, se trouvaient réunis, avec les représentants de deux bibliothèques universitaires, ceux de 10 bibliothèques municipales (venus de 8 départements) et ceux de 6 bibliothèques centrales de prêt ou associations départementales, 2 archivistes départementaux et des membres de l'enseignement supérieur. Cette rencontre permit d'établir un plan précis de coordination entre la Bibliothèque universitaire de Montpellier et les bibliothèques municipales de l'Académie et des départements limitrophes : d'une part, l'acquisition des usuels et des ouvrages d'étude correspondant aux programmes de l'enseignement supérieur; d'autre part, le prêt entre bibliothèques, destiné plus spécialement aux étudiants et aux membres de l'enseignement préparant des examens et des concours. Une liste de ces ouvrages est établie au début de l'année scolaire par la bibliothèque universitaire, diffusée auprès des bibliothèques municipales et pointée par elles, suivant qu'elles possèdent ou non les ouvrages ou qu'elles comptent les acquérir. Ainsi se constitue un catalogue collectif des usuels de plusieurs départements, catalogue que l'on peut diffuser sous forme de liste multigraphiée dans les bibliothèques et dans les établissements d'enseignement du second degré pour orienter les demandes. Les collèges peuvent bénéficier du prêt là où ne se trouve pas de bibliothèque assurant ce service. Dans la Lozère, c'est l'archiviste départemental qui assure la liaison. Dans l'Hérault, les centres communaux servent éventuellement de correspondants et le bibliobus, d'intermédiaire.
Dans le même ordre d'idées, le stage de Belmont, en 1948, avait également permis aux bibliothécaires des villes de plusieurs départements de prendre contact avec leurs collègues de la Bibliothèque universitaire d'Aix-Marseille; ce qui, entre autres résultats pratiques, aida immédiatement à développer le prêt entre les bibliothèques provençales, en particulier le prêt de la bibliothèque universitaire aux bibliothèques municipales des départements voisins, dont certaines n'avaient jamais encore eu recours à elle.
A Albi, en 1955, à la « Réunion des bibliothécaires du Sud-Ouest 7 » se trouvaient représentées à nouveau les bibliothèques universitaires de Montpellier et de Toulouse, un grand nombre de bibliothèques municipales, d'Aurillac à Perpignan et d'Arles à Bordeaux, et plusieurs directeurs de centrales de prêt. Cette réunion était organisée à l'occasion du Congrès des sociétés savantes Pyrénées-Languedoc-Gascogne, sous le patronage de l'Association des bibliothécaires français. La présence à Albi du vice-président de l'A.B.F., M. Guignard, conservateur à la Bibliothèque nationale, et de Mlle Dollfus, bibliothécaire en chef de l'École des mines, devait permettre aussi d'utiles échanges de vues entre bibliothécaires de Paris et bibliothécaires de province.
Je signalerai enfin les réunions départementales de la Manche qui ont eu lieu à Coutances en 1955 et à Avranches en juin 1956. Y ont participé, avec les bibliothécaires de plusieurs bibliothèques municipales, l'archiviste en chef du département et son adjoint, des conservateurs de musées, les représentants de diverses sociétés savantes et d'organismes privés. A la réunion de 1956 on a discuté d'un projet de fichier collectif d'histoire locale 8.
Il me semble en définitive que ces diverses expériences, d'ailleurs encouragées par la Direction des bibliothèques, traduisent bien, avec la volonté des bibliothécaires français de considérer comme révolu le temps de l'isolement, leur désir de confronter librement leurs méthodes de travail et la conception qu'ils ont de leur métier. Les bibliothécaires attachés aux problèmes passionnants mais difficiles de la lecture publique, que ce soit dans les villes ou dans les villages, auront certainement fait beaucoup - on permettra à une bibliothécaire d'université de le dire - pour provoquer ces échanges et créer, dans l'opinion publique, je n'oserais dire un mouvement en faveur de la lecture, mais une meilleure compréhension des problèmes qu'il est urgent d'étudier et de résoudre.
Ce tableau un peu rapide des principales expériences de ces dernières années m'a permis de rassembler quelques exemples concrets avant d'examiner dans leur ensemble un certain nombre de questions importantes qui se posent actuellement dans les bibliothèques françaises.
Je voudrais envisager la coopération entre bibliothèques et leur coordination sous les trois aspects suivants : le prêt - les entreprises de catalogue s collectifs - les acquisitions, aspects d'ailleurs si étroitement liés qu'on ne peut guère les examiner indépendamment les uns des autres.
Je ne traiterai pas ici des expositions, qui sont aussi l'occasion d'une coopération effective entre les bibliothèques; elles posent des problèmes d'un ordre assez différent. Elles ont fait d'ailleurs l'objet d'un récent article de M. J. Lethève, bibliothécaire au Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale 9.
Le prêt entre bibliothèques est, de ces trois questions, celle qui me paraît appeler le moins de discussions. Les statistiques et les rapports d'ensemble que nous avons fait paraître dans le Bulletin 10 marquent assez l'intérêt que nous portons tous au développement de ce service et c'est un fait que le prêt entre bibliothèques s'est beaucoup développé en France ces dernières années.
Tout d'abord, le prêt « interuniversitaire » est une institution de 1886. Il a de solides traditions. Cependant, la place qu'il a prise parmi les activités des bibliothèques universitaires a rendu nécessaire, à la demande même des bibliothécaires, une réglementation plus précise, tendant à normaliser et à mieux coordonner le travail. Des instructions ont été rédigées et diffusées en 1953 11... Il n'en demeure pas moins que, pour les établissements les plus sollicités, le service du prêt entre bibliothèques est devenu un service assez lourd.
La comparaison des statistiques révèle, entre les années scolaires 1948-1949 et 1954-1955, une augmentation de 180 % des emprunts et de 173 % des prêts; et je ne parle pas de la circulation des demandes entre les bibliothèques ni des recherches que chaque demande a pu nécessiter dans plusieurs bibliothèques.
Les statistiques détaillées que les bibliothèques universitaires nous fournissent font apparaître l'importance du « circuit universitaire » proprement dit : en 1954-1955, plus de 90 % des emprunts et 75 % des prêts environ. La raison d'être de ce circuit est évidente entre des bibliothèques de structure et d'intérêt identiques. La circulation des livres entre bibliothèques universitaires présente en outre un minimum de difficultés matérielles, grâce à la franchise postale.
On n'en compte pas moins, depuis quelques années, une extension très significative de leurs services de prêt. Grâce à la bibliothèque universitaire et sous sa garantie, on voit entrer en plus grand nombre, dans le réseau du prêt, des instituts d'universités et des établissements scientifiques, qui passent par son intermédiaire pour prêter ou emprunter à l'extérieur. De plus en plus aussi le prêt tend à se développer entre bibliothèques universitaires et bibliothèques municipales.
Les statistiques des bibliothèques municipales accusent également un accroissement constant des chiffres du prêt entre bibliothèques. Ce service prendrait peut-être plus d'extension encore si le régime de la franchise postale ne demeurait pas le privilège des seules bibliothèques universitaires. Le Service technique est périodiquement saisi de réclamations à ce sujet. Il paraît toutefois inutile de discuter aujourd'hui encore d'un problème sur lequel nous sommes, en fait, tous d'accord. Sa solution ne dépend pas de nous. La franchise postale a fait l'objet, ces dernières années, de démarches pressantes et répétées de la Direction des bibliothèques auprès du Ministère des P.T.T. Toutes se sont heurtées à une opposition formelle et motivée. Le principe de l'affranchissement n'admet que très peu d'exceptions parmi les établissements publics et les dispositions de la circulaire de 1887 risquent elles-mêmes d'être un jour remises en question.
Quoi qu'il en soit, le prêt entre bibliothèques se développe et un nombre croissant de bibliothèques municipales y participe. Il arrive qu'elles profitent indirectement de la franchise officielle des administrations municipales ou départementales. Mais les bibliothécaires admettent en général de payer les frais de port, même sans en exiger le remboursement de la part du lecteur. Il paraît normal en effet qu'une bibliothèque comprenne dans ses frais généraux les frais d'expédition des livres empruntés à l'extérieur.
Sur le plan local, sur le plan régional, des services s'organisent. J'ai parlé tout à l'heure, à propos de la « Rencontre des bibliothécaires du Midi » à Montpellier, de la coopération entre les bibliothèques municipales de plusieurs départements et la bibliothèque universitaire, pour le prêt aux étudiants et aux membres de l'enseignement, et de l'aide apportée, dans l'Hérault, par la bibliothèque centrale de prêt.
Je voudrais maintenant mentionner plus particulièrement l'exemple d'une organisation départementale de prêt dont l'initiative revient au bibliothécaire de la ville de Carcassonne, organisation qui fonctionne d'ailleurs en liaison avec le réseau régional des bibliothèques du midi. Grâce à une subvention du Conseil général de l'Aude, la Bibliothèque municipale de Carcassonne a constitué un fonds d'usuels destinés au prêt. Elle s'est assurée dans le département plusieurs correspondants : bibliothèques municipales ou, à défaut, services municipaux. Elle peut ainsi envoyer en prêt soit les usuels de ce fonds départemental, soit des ouvrages de son propre fonds; elle peut aussi servir d'intermédiaire entre les grandes bibliothèques de la région (bibliothèques universitaires de Montpellier et de Toulouse et bibliothèques municipales) et les différents centres de l'Aude auxquels étudiants ou chercheurs s'adressent directement. Ce système fonctionne depuis 1955 sous la responsabilité du Préfet et sous l'autorité des maires. Les envois sont faits par le courrier officiel de la préfecture aux mairies, par conséquent sans frais pour les lecteurs...
Nous aimerions savoir s'il existe ailleurs des ententes pour le prêt entre bibliothèques, si une organisation à l'échelon départemental ou régional vous paraît souhaitable, les avantages que vous pouvez en attendre, les difficultés auxquelles elle se heurte.
Nous aimerions savoir si, à la faveur des entreprises collectives récemment créées (Catalogue collectif des ouvrages étrangers - Listes départementales des périodiques), des établissements officiels (appartenant ou non à l'Éducation nationale) et des organismes privés vous apportent, pour le prêt, une collaboration effective, régulière, et dans quelle mesure vous estimez qu'il peut ou qu'il doit y avoir réciprocité.
Grâce au prêt, les bibliothèques de Paris apportent une aide appréciable aux chercheurs scientifiques et aux érudits de province. De plus en plus, des bibliothèques spécialisées sont sollicitées. En outre, les bibliothèques parisiennes répondent à de très nombreuses demandes de prêt du Centre de documentation du Centre national de la recherche scientifique auquel les chercheurs ont pris l'habitude de s'adresser directement pour obtenir des microfilms. La Bibliothèque nationale, la Bibliothèque de la Faculté de médecine, la Bibliothèque d'art et d'archéologie ont leur propre service photographique. L'usage du microfilm allège considérablement les services d'expédition - et les livres, les périodiques surtout, sont ainsi, en général, moins longtemps immobilisés.
Quant au Service central des prêts, il continue d'aider beaucoup l'ensemble des bibliothèques françaises. Aux termes de l'arrêté du 12 décembre 1935, s'il est obligatoire de passer par lui pour le prêt des manuscrits et des livres rares, ce service ne doit pas servir d'intermédiaire pour le prêt des imprimés courants entre les bibliothèques françaises. Cependant, un usage s'est établi pour les livres prêtés en province et le Service central fonctionne non seulement comme service de prêt de la Bibliothèque nationale, mais aussi comme service expéditeur des prêts consentis par les bibliothèques parisiennes, hors du circuit universitaire.
Ce service joue en même temps le rôle d'un service central de renseignements et d'orientation et, grâce aux moyens d'investigation dont il dispose, en particulier les catalogues de la Bibliothèque nationale et les divers catalogues collectifs, grâce aussi à la coopération de très nombreuses bibliothèques de Paris et de province, il reste, en fait, un nombre infime de demandes non satisfaites.
Les résultats obtenus dès la mise en circulation de ses « cartes réponses » étaient concluants 12. Insérées d'abord (de 1952 à 1954) dans le Bulletin d'informations de la Direction des bibliothèques de France et par là même très largement diffusées, les « cartes vertes » avaient permis de faire appel à des bibliothèques de moindre importance qui n'avaient encore jamais été sollicitées, et non toujours aux grandes bibliothèques. L'un des soucis de M. Nortier, bibliothécaire du Service central, est en effet de répartir la charge du prêt, autant qu'il est possible de le faire, entre le plus grand nombre d'établissements. Ainsi, dès 1954, le prêt des imprimés aux bibliothèques étrangères avait pu être assuré en parties à peu près égales par la Bibliothèque nationale, les bibliothèques de Paris, les bibliothèques de province. D'autre part, les nouveaux imprimés mis en circulation en 1955 devaient permettre d'accélérer les formalités du prêt, tout en donnant à ce service plus de souplesse et plus de précision.
Les statistiques du Service central accusent en outre la progression constante des prêts de la France aux bibliothèques étrangères 13. Cette tendance se trouve confirmée par le rapport de la Fédération internationale des associations de bibliothécaires, présenté à Munich en 1956. La France prête actuellement beaucoup plus qu'elle n'emprunte aux autres pays d'Europe 14.
Si, pour certains pays comme la Grande-Bretagne, le Service central des prêts doit obligatoirement servir d'intermédiaire, si, pour d'autres pays, il est conseillé aux bibliothèques de passer par lui, son rôle se borne, dans un grand nombre de cas, à orienter les demandes qui lui parviennent de l'étranger. De plus en plus, les bibliothèques prennent l'habitude de prêter et d'emprunter directement à l'étranger : le règlement du prêt international, tel qu'il a été défini par la F. I. A. B. en 1954, et publié en 1955 par le Bulletin d'informations de la Direction 15, la mise en circulation d'imprimés « standard », doivent faciliter les choses tout en apportant aux bibliothèques certaines garanties. Les statistiques de ces deux dernières années témoignent de l'importance accrue de ces échanges directs avec les bibliothèques étrangères.
Cependant, quels que soient les progrès réalisés, la procédure du prêt entre les bibliothèques françaises demeure souvent longue. Les services de renseignements qui utilisent les divers fichiers collectifs existants, et le Service central des prêts lui-même, ne sont pas en mesure d'orienter à coup sûr toutes les demandes qui leur parviennent. De plus, les services de renseignements des catalogues collectifs ne sont que des organismes d'orientation et ne peuvent pas intervenir directement dans les circuits de prêt, à l'exception toutefois du prêt interuniversitaire dont le règlement est uniforme et bien défini. Enfin, les ouvrages, les périodiques demandés en prêt à une bibliothèque qui les possède effectivement, n'y sont pas nécessairement disponibles au moment de la demande.
La création d'une bibliothèque nationale de prêt donnerait sans doute une solution à beaucoup de problèmes : une telle institution devrait disposer en effet, non seulement de tous les moyens possibles d'investigation - en particulier l'ensemble des catalogues collectifs - mais aussi de fonds de livres spécialement destinés au prêt entre bibliothèques. Elle devrait être à la fois un bureau d'information et un service de prêt.
Le fonds de doubles de la Bibliothèque nationale constitue déjà, pour le Service central, un fonds de prêt important. D'autre part, dans le cadre d'une politique de décentralisation, la Direction des bibliothèques a pu prévoir la constitution de fonds de prêt dans certaines grandes bibliothèques de province : dépôts de périodiques français provenant du Dépôt légal, à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg et à la Bibliothèque municipale de Toulouse; spécialisation - à la faveur de la reconstitution de leurs fonds - de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg et de la Bibliothèque universitaire de Caen : l'une pour les achats d'ouvrages et de périodiques en langue allemande et l'autre pour les achats d'ouvrages et de périodiques en langue anglaise.
Il est bien évident qu'on ne peut songer au développement du prêt indépendamment de ces deux questions : d'une part, les moyens d'investigation et d'orientation; d'autre part, l'organisation des fonds de prêt et, par conséquent, le problème des acquisitions.
Dans le schéma qui vous a été envoyé pour préparer cette séance, nous avons posé la question des « catalogues collectifs ». En réalité ce terme ne recouvre pas exactement l'ensemble des entreprises collectives que je voudrais citer ici.
Pour les manuscrits, on dispose en France d'un précieux instrument de travail avec le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques. Il ne peut évidemment être question, pour des manuscrits, de catalogues collectifs au sens que nous donnons habituellement à ce terme. Chaque fonds doit faire nécessairement l'objet d'un inventaire distinct. Mais il s'agit d'une entreprise de caractère collectif qui a requis et qui requiert à nouveau la collaboration de nombreux bibliothécaires et archivistes.
Le catalogage des thèses françaises est aussi le résultat d'une coopération entre les bibliothèques universitaires. On sait en effet que, depuis 1952 16, chaque bibliothèque universitaire rédige et multigraphie les fiches des thèses imprimées et dactylographiées soutenues devant les facultés de son université, à la fois pour les catalogues des autres bibliothèques universitaires et des quelques établissements auxquels sont attribuées les thèses et pour le catalogue des thèses, imprimé à Paris.
Pour les thèses étrangères reçues en France, une entreprise de ce genre sera également très utile : à la fois pour le catalogage de ces thèses qu'un certain nombre de bibliothèques n'ont pas pu effectuer encore, et pour répondre aux besoins de l'information collective. Mais cette entreprise ne pourra être réalisée qu'à l'échelon national, grâce à une extension du Service de multigraphie par exemple, et avec la collaboration du Service des échanges universitaires qui répartit les envois de thèses étrangères. Depuis longtemps formulé, ce vœu avait été renouvelé par un certain nombre de bibliothécaires des universités aux Journées d'étude de 1955.
Quant aux catalogues collectifs proprement dits, je n'ai pas l'intention d'en donner ici à nouveau un tableau d'ensemble, mais plutôt d'examiner, dans l'état actuel des choses, les services qu'ils rendent et quel programme nous devons envisager pour les années à venir.
Pour les ouvrages étrangers entrés dans les bibliothèques depuis 1952, 1 Catalogue collectif national, avec ses 250.000 fiches, commence à jouer un rôle efficace dans l'orientation du prêt. Grâce à la prospection étendue que nous avions faite à Paris et à celle que certains d'entre vous ont menée dans leur académie, on peut faire appel à un nombre important d'établissements, parfois même à des bibliothèques ou à des centres de documentation spécialisés de caractère privé, en tenant compte, naturellement, des réserves qu'ils peuvent formuler.
Toutefois, si nous sommes bien renseignés sur les possibilités actuelles, comme sur les limites et sur les difficultés du Catalogue collectif national, il nous serait utile de savoir comment se développent les catalogues collectifs régionaux et comment ils fonctionnent. Il nous serait utile aussi d'être mieux renseignés sur les entreprises locales existantes et sur les projets en cours.
Quels que soient les moyens actuels dont nous disposons pour la recherche des ouvrages, des difficultés persistent qui entravent encore le prêt entre bibliothèques : elles sont inhérentes à l'insuffisance de nos catalogues collectifs, à ces longs circuits aveugles que font encore trop souvent les demandes de prêt.
Mais la mise en oeuvre d'un catalogue collectif est une entreprise périlleuse. En exigeant des participants une tâche trop lourde, en se proposant des objectifs trop étendus, on risque d'être rapidement arrêté ou submergé et de ne pouvoir faire vivre l'entreprise projetée. Des exemples l'ont montré, en France même et à l'étranger.
Aussi le Service technique avait-il volontairement limité le catalogue collectif lancé en 1952, aux ouvrages étrangers d'une part et, d'autre part, aux acquisitions entrées depuis cette date. Les difficultés constatées, avec les moyens réduits dont nous disposons pour ce service, justifient cette prudence.
Nous ne nous étions pas interdit pour autant d'étudier par la suite, dans quelles conditions pourrait être établi le catalogue collectif des fonds des bibliothèques françaises. Nous savons les services que rendrait un tel catalogue, ne serait-ce que pour régulariser, alléger et rendre plus efficace le prêt entre bibliothèques.
Ce catalogue rétrospectif est-il réalisable? Nous ne pouvons évidemment pas, d'emblée, demander aux quelque 300 adhérents du Catalogue collectif des ouvrages étrangers de recopier les fiches de leurs catalogues, pas plus que nous ne sommes actuellement en mesure de recevoir, d'enregistrer ces fiches dans un catalogue central. Un instrument de travail aussi lourd (à supposer qu'il puisse être établi) serait-il même utilisable?
On ne peut l'envisager que par étapes, et, de toutes manières, il sera indispensable d'en limiter l'étendue. Quels critères adopter pour cela? Votre avis nous sera nécessaire pour en décider.
Faut-il, comme pour les acquisitions récentes, se limiter aux ouvrages étrangers ? Cependant pour les ouvrages français, au moins pour les périodes où le Dépôt légal n'était pas aussi régulier qu'il l'est aujourd'hui, un catalogue collectif, excluant bien entendu toutes les inutilités, serait également précieux.
Faut-il procéder par tranches chronologiques? Faut-il procéder par spécialités ?
Faut-il enfin se limiter à un certain nombre de fonds importants, bibliothèques de Paris et, en province, bibliothèques universitaires et instituts, et grandes bibliothèques municipales?
L'ampleur d'une entreprise de ce genre, les difficultés qu'elle présente autant pour les établissements qui y participeraient que pour l'organisme central qui la prendrait en charge, nous interdisent de l'envisager dans l'immédiat, tout au moins, sous la forme que nous avons donnée à l'actuel Catalogue collectif des ouvrages étrangers.
Cependant, nous ne voudrions négliger désormais aucun des éléments qui peuvent nous être offerts pour commencer à le constituer, même de façon incomplète et fragmentaire. Et, pour cela, il nous faut saisir toutes les occasions de réunir les premiers éléments de ce fichier.
Dans quelle mesure pouvons-nous, par exemple, mettre à profit pour un catalogue collectif national, les refontes de catalogues entreprises dans certaines bibliothèques?
Nous avons déjà profité de l'enquête menée par le Service de multigraphie. Un exemplaire des fiches de dépouillement des suites et des ouvrages en cours est déposé au Service du catalogue collectif pour les publications étrangères, au Service central des prêts pour les publications françaises. D'après les listes multigraphiées qui ont servi à l'enquête, les sigles des bibliothèques sont reportés sur ces fiches qui constituent ainsi le catalogue collectif de ces publications.
La reconstitution des fonds des bibliothèques de Caen et de Strasbourg doit permettre l'entrée au Catalogue collectif de nombreux titres d'ouvrages étrangers antérieurs à 1952. En outre, la Bibliothèque universitaire de Caen fait recopier systématiquement pour le Catalogue collectif les fiches de tous les ouvrages de langue anglaise entrés avant 1952, ce qui rendra plus aisément accessible au prêt interuniversitaire ce fonds spécialement développé à Caen.
De son côté, le Service central des prêts a proposé la mise sur fiches de la Liste alphabétique des nouvelles acquisitions des bibliothèques universitaires, dite « Catalogue de Montpellier ». M. Nortier a déjà pu faire mettre sur fiches et classer un certain nombre de notices et confier au Catalogue collectif la partie étrangère de ce fichier. Nous connaissons tous les difficultés que présente l'utilisation de ce catalogue de vingt-deux volumes correspondant à des listes annuelles non refondues et sans table générale. Une fois mis sur fiches, il deviendra un instrument de recherche rapide et combien précieux... Certes, ce catalogue est, lui aussi, incomplet et, pour certaines années, fragmentaire. Le nombre des participants a varié de 6 à 24 entre 1893 et 1934. Les ouvrages entrés avant 1893 n'y figurent pas; il y a une interruption de 1913 à 1925. Le dernier volume recense les acquisitions de 1933; pour la période 1934-1938, la Bibliothèque universitaire de Montpellier a envoyé à Paris les fiches qu'elle possédait et quelques bibliothèques, qui avaient continué pendant un an ou deux encore à rédiger ces fiches, s'en sont également dessaisies en faveur du Service central.
Malgré cela, ne pourrait-on pas considérer, une fois achevée la mise sur fiches, le problème du catalogue collectif des bibliothèques universitaires comme provisoirement résolu pour toute la période 1893-1938 et s'attacher d'abord au recensement des acquisitions des années 1938 à 1952 pour laquelle on n'a rien?
Pour les périodiques, nous sommes évidemment mieux outillés que pour les ouvrages. En premier lieu, beaucoup d'établissements, à Paris et en province, ont publié et largement diffusé le catalogue de leurs périodiques : catalogues imprimés ou simples listes multigraphiées. En second lieu, nous disposons maintenant d'un ensemble de catalogues collectifs permettant une orientation plus rapide des recherches.
Les services de renseignements qui fonctionnent au Département des périodiques de la Bibliothèque nationale et qui utilisent les fichiers du Catalogue collectif des périodiques et de l'Inventaire permanent des périodiques étrangers répondent aux demandes des bibliothèques, du Service central des prêts ou des chercheurs eux-mêmes.
Un certain nombre de bibliothèques - en particulier les bibliothèques universitaires de province - reçoivent, au fur et à mesure de leur publication, les volumes multigraphiés du Catalogue collectif des périodiques 17 ; l'Inventaire des périodiques étrangers reçus en France est actuellement sous presse 18. L'acquisition de cet ouvrage par un grand nombre de bibliothèques, d'établissements scientifiques, de centres de documentation, mettra les chercheurs en contact direct avec ce nouvel instrument de travail. La souscription lancée en juin dernier confirme l'utilité de cette publication : sans doute la jugera-t-on imparfaite, mais elle aura le mérite d'être aussi à jour que peut l'être un catalogue collectif imprimé comportant 21.000 titres : elle donne en effet les résultats de l'enquête de 1955 et recense les publications signalées par 1.800 organismes. Rappelons ici que, sur ce total, 1.500 environ sont des organismes de province dont la collaboration nous a été acquise grâce aux enquêtes départementales menées par les bibliothécaires et les archivistes.
Les Listes départementales de périodiques français et étrangers en cours sont certainement l'un des meilleurs exemples de coopération que nous puissions mettre à l'actif des bibliothèques françaises. Certes les résultats sont inégaux. Quelques listes nous manquent encore, d'autres n'ont pas été mises à jour depuis 1953. Mais, dans l'ensemble, les résultats sont positifs. Les enquêtes se poursuivent et d'année en année de nouvelles adhésions viennent justifier l'utilité de ces listes et les enrichir. Des suppléments importants ont été publiés, et, dans certains départements, de nouvelles éditions. Pour un certain nombre de bibliothèques, un rythme régulier de publication tend à s'établir, en moyenne tous les deux ans... C'est d'ailleurs ce qu'avaient décidé, d'un commun accord, ceux d'entre vous qui assistiez aux Journées d'étude des bibliothèques universitaires l'an dernier. Aussi demanderons-nous en 1957 une mise à jour de toutes les listes qui n'ont pas fait l'objet de rééditions ou de suppléments en 1956. L'intérêt des listes départementales comme celui de l'Inventaire permanent des périodiques étrangers dépend essentiellement - nous le savons tous - de leur caractère d'enquêtes permanentes.
Il serait juste de mentionner ici d'autres entreprises récentes, spécialisées, qui ont rendu ou sont appelées à rendre de grands services. Par exemple, pour les ouvrages, un fichier collectif des fonds slaves se constitue à Paris; le travail se poursuit simultanément à la Bibliothèque nationale, à l'École nationale des langues orientales vivantes et à l'Institut d'études slaves; le Département des périodiques de la Bibliothèque nationale va faire paraître incessamment le Catalogue collectif des périodiques conservés dans les bibliothèques de Paris et les bibliothèques universitaires de France : périodiques slaves en caractères cyrilliques 19.
Vous connaissez, d'autre part, le Catalogue collectif publié en 1954 par la Bibliothèque de l'École nationale des mines, pour les périodiques étrangers, scientifiques et techniques 20.
Je signalerai enfin l'enquête lancée tout récemment par le Département des périodiques de la Bibliothèque nationale pour un recensement des éditions régionales des journaux français.
C'est à dessein que j'ai insisté sur les entreprises collectives de caractère général et auxquelles ont participé à la fois bibliothécaires de province et bibliothécaires parisiens. Nous avons à faire ensemble, en quelque sorte, le bilan de ces entreprises. C'est à vous de nous dire, à la lumière des résultats que vous avez obtenus et des services qu'elles rendent à vos lecteurs et à vous-mêmes, ce que vous croyez réalisable pour les compléter, à l'échelon de votre ville, de votre département ou de votre académie, enfin quelle entreprise, à l'échelon national, vous serait le plus immédiatement utile.
Si les catalogues collectifs sont les auxiliaires indispensables des services de prêt, ils nous donnent aussi le moyen de mieux connaître les fonds des bibliothèques, la répartition des acquisitions récentes en même temps qu'ils nous permettent de déceler les lacunes de l'ensemble.
Le fichier national du Catalogue collectif des ouvrages étrangers pourrait donner lieu, dans ce sens, à une étude systématique très intéressante sur la formation et la composition des fonds, mais qui demanderait, pour être approfondie et vraiment utile, un travail de recherche et de statistique extrêmement long. Des sondages ont déjà permis d'affirmer la très grande dispersion des ouvrages signalés : 80 % environ ne figurent que dans un établissement, ce qui justifie la prospection relativement étendue que nous avons menée.
Quant à l'aspect négatif du problème, celui des lacunes, nous pouvons en avoir un aperçu, au moins fragmentaire, grâce aux constatations faites par M. Tuilier et qui recoupent d'ailleurs les observations des bibliothécaires d'après les données du prêt interuniversitaire 21.
Dans cet ordre d'idées le recensement des suites et des collections entrepris par le Service de multigraphie a pu certainement contribuer à faire apparaître les lacunes graves et fournir aux bibliothèques des données bibliographiques utiles pour les combler.
Pour les périodiques, une étude de leur répartition d'après les catalogues collectifs existants pourrait sans doute aboutir plus rapidement. Un tirage du fichier de l'Inventaire permanent, reclassé par grandes divisions systématiques, un tirage par pays d'édition, permettraient notamment de déceler les périodiques récents qui nous manquent et dont la présence, en un exemplaire au moins, s'imposerait. Le Catalogue collectif des périodiques pourrait également donner lieu à une étude des collections antérieures à 1940 incomplètes et des moyens de les compléter.
Des difficultés financières arrêtent souvent les bibliothécaires dans l'acquisition de compléments de collections coûteux. Ne serait-il pas possible, grâce aux catalogues collectifs, d'envisager une répartition de cette dépense entre les bibliothèques en établissant un ordre d'urgence?
Ceci nous amène en fait à poser la question de la coordination des acquisitions entre les bibliothèques. Par acquisitions, nous entendrons tout ce qui entre à la bibliothèque : échanges, dons, achats.
Je ne parlerai pas ici des échanges entre établissements, obtenus grâce aux publications de facultés, d'instituts, de sociétés savantes et dont les bibliothèques bénéficient directement et parfois très largement. Je ne ferai que rappeler la politique suivie par le Service des échanges universitaires qui a permis d'attribuer aux bibliothèques universitaires, en échange des thèses françaises, des périodiques étrangers de tout premier ordre : les listes de répartition en ont paru dans le Bulletin d'informations. Il ne faut pas oublier non plus le rôle joué par le Service des échanges internationaux dont l'importance s'est accrue considérablement dans ces dernières années.
Les échanges de doubles (périodiques et ouvrages) sont devenus plus fréquents ; le Bulletin a parfois permis la diffusion des listes proposées par certains d'entre vous. Le Service technique dispose en outre d'ouvrages et de périodiques offerts par d'autres établissements et s'efforce d'en assurer au mieux la répartition.
Cependant, pour ces collections offertes en échange ou simplement données, ne devrions-nous pas envisager leur prise en charge par un organisme spécialement équipé pour centraliser ces questions d'échanges? Les établissements publics ou privés qui ne sont pas en relation directe avec nous ne savent pas toujours comment faire bénéficier les bibliothèques des fonds de livres qu'ils ne gardent pas. Certains centres de documentation se débarrassent au bout d'un an des revues scientifiques ou techniques qu'ils reçoivent. Peut-être un grand nombre de ces revues pourraient-elles être utilement récupérées (dans la mesure où elles n'auraient pas été mutilées pour constituer des dossiers), conservées par nous et consultées par nos lecteurs. Un organisme central pourrait ainsi rassembler des publications disponibles de toutes provenances, à l'intention des bibliothèques françaises. Il répondrait à deux objectifs : éviter un gaspillage et surtout assurer le plein emploi de collections non utilisées jusqu'alors.
On pourrait concevoir son fonctionnement de deux manières : soit un magasin central annexé à la future bibliothèque nationale de prêt et permettant de prêter ces collections aux bibliothèques, éventuellement pour des prêts à long terme; soit une sorte de centre de clearing où les livres ne seraient que provisoirement entreposés pour être redistribués ensuite suivant un plan précis et méthodique : un organisme analogue par exemple au British book centre de Londres. Il assurerait à l'échelon national une coordination entre les bibliothèques pour une utilisation aussi rationnelle et efficace que possible des publications dont il disposerait.
Les dons et legs de collections particulières causent parfois aux bibliothécaires un grand embarras : ouvrages en double, collections sans intérêt pour la bibliothèque à qui elles sont attribuées, obligation faite aux bibliothécaires de constituer un fonds distinct. Dans la mesure où ils peuvent faire comprendre à un donateur ou à un légataire qu'une bibliothèque n'est pas un dépôt de collections mortes, mais un organisme vivant, et que les livres offerts seront acceptés avec plus de gratitude s'ils peuvent être librement répartis et utilisés efficacement, les bibliothécaires ont un rôle à jouer pour tenter de mieux orienter ces donations, en faveur d'un nombre plus important de lecteurs. M. Fillet avait évoqué cette question dans un rapport présenté aux Journées d'étude de 1955 22. Il demandait en particulier que des bibliothèques de professeurs (à moins qu'elles ne constituent des fonds d'étude trop spécialisés) puissent être attribuées à des bibliothèques municipales ou à des écoles d'enseignement supérieur.
Dans ce cas aussi, un organisme répartiteur central pourrait d'ailleurs intervenir. Il n'est pas impossible d'imaginer que des dons importants lui soient directement consentis par des particuliers désireux de voir leurs collections rendre service à des chercheurs défavorisés, par exemple dans des bibliothèques municipales ne disposant pas de crédits suffisants pour acquérir un large fonds d'étude. Il n'est pas interdit non plus d'envisager la même possibilité pour des fonds de lecture publique : romans ou ouvrages documentaires.
Cela supposerait bien entendu une sélection sérieuse parmi les dons, ce service central ne pouvant ni s'encombrer ni risquer d'encombrer les bibliothèques.
Nous avons enfin à examiner comment se pose aujourd'hui le problème de la coordination des achats dans les bibliothèques françaises. Je pense tout d'abord qu'il ne faut pas le considérer uniquement sous l'angle des économies à réaliser, d'une chasse systématique aux doubles emplois. Nous savons tous que les crédits dont nous disposons sont insuffisants, mais nous ne devons pas mener pour cela une politique négative.
Je n'insisterai pas sur les très nombreux exemples d'entente locale entre bibliothèques. Ces ententes sont indispensables. Elles se multiplieront. Elles prennent actuellement des formes très diverses : de la conversation téléphonique à la diffusion régulière de listes d'acquisitions ou de listes de commandes. Des membres du Comité d'achat de la bibliothèque municipale siègent parfois à la Commission de la bibliothèque universitaire et inversement... La publication des listes départementales de périodiques, en faisant mieux connaître les ressources des divers établissements, doit permettre, au moins à l'échelon de la ville, une entente pour les abonnements aux revues, en particulier pour les revues très spécialisées dont le double emploi peut s'avérer inutile.
Les diverses entreprises collectives ont certainement contribué à favoriser une coopération plus durable et plus étroite entre des organismes qui parfois s'ignoraient. Mais elles répondaient elles-mêmes déjà à cette tendance des bibliothèques à étendre leur activité.
Je ne crois pas que tous les problèmes soient pour autant résolus. même à l'échelon local. La coordination des achats revêt des aspects plus divers, plus complexes, au fur et à mesure qu'elle intéresse un nombre croissant d'établissements : dans le domaine scientifique par exemple, au niveau de l'université, entre la bibliothèque universitaire, les instituts et certains centres de documentation extérieurs à l'université. A Paris, c'est par grandes disciplines que sont constituées des commissions d'achat entre les principales bibliothèques, spécialisées ou non. La question se pose aussi, au niveau de l'académie ou de la ville, dans le domaine de l'enseignement (pour les étudiants en particulier) entre bibliothèques universitaires, bibliothèques municipales, centres pédagogiques, établissements d'enseignement secondaire, écoles normales. Elle se pose à l'échelon de la ville, du département ou de la région, à propos de l'histoire et de la documentation locales ou régionales. Elle se pose enfin, sur le plan très général de la culture, entre toutes les bibliothèques.
Quelles sont à votre avis les possibilités et les limites de cette coordination? Croyez-vous qu'une entente de principe, sur le plan local, puisse permettre la réalisation d'un programme cohérent, capable de mieux satisfaire les exigences des diverses catégories de lecteurs? Cela est-il, d'autre part, conciliable avec la coordination envisagée à l'échelon national?
A cet échelon, nous ne pouvons guère que poser les problèmes et suggérer des solutions de principe. Évidemment nous pouvons définir, dans leurs grandes lignes, les attributions des différentes catégories de bibliothèques en fonction des diverses catégories de lecteurs, mais nous savons, pour en avoir discuté l'année dernière, que rien n'est moins simple que de définir par exemple a priori les acquisitions d'une bibliothèque municipale par rapport à celle de la bibliothèque universitaire de la même ville.
Si nous voulons aller plus loin et concevoir un plan d'ensemble à l'échelon national, que pouvons-nous souhaiter? Quelles sont les limites que nous devons nous fixer? Un programme national d'acquisitions ne peut plus viser d'ailleurs uniquement des achats ou des abonnements, il devrait englober aussi toute notre politique des échanges - ou, au moins, en tenir compte.
Si le terme sans doute un peu ambitieux de planification ne doit en aucun cas évoquer ici l'idée de dirigisme, ni celle d'uniformisation, il nous faut, je crois, envisager cependant le problème à cet échelon, au moins dans certains de ses aspects.
Nous avons des exemples frappants d'incohérence, d'insuffisance, de pléthore ou de lacunes. Je m'explique : si chaque bibliothèque acquiert peu à peu les moyens de mener, pour sa part, une politique cohérente d'acquisitions, il n'en est pas de même si l'on considère l'ensemble des acquisitions des bibliothèques. Les rapports des services de prêts, les études faites dans les catalogues collectifs nous le confirment à chaque instant. Nous devons rechercher les moyens d'arriver à un meilleur équilibre, à une répartition plus judicieuse des charges entre les bibliothèques et, par voie de conséquence, à une meilleure utilisation des ressources acquises.
Il ne peut s'agir ni d'imposer, ni de superviser, ni d'orienter dans le détail les acquisitions de chacune - mais de trouver, pour l'ensemble, les remèdes aux insuffisances, le moyen de combler les lacunes, anciennes ou récentes, celui d'éviter aussi, non pas les doubles emplois, mais les gaspillages.
J'ai dit tout à l'heure l'aide que nous pouvions attendre des diverses entreprises collectives pour nous donner une idée plus juste des ressources dont nous disposons. J'ai parlé aussi de l'intérêt que présentera la création d'une bibliothèque nationale de prêt.
Quel serait, pour les achats, le rôle d'un organisme central, sinon d'alléger la tâche des bibliothécaires? La recherche et l'acquisition des ouvrages rares ou épuisés sont souvent difficiles et hasardeuses, surtout dans le domaine étranger : elles sont parfois impossibles pour les bibliothécaires de province.
L'acquisition d'ouvrages très onéreux, français et surtout étrangers, n'est parfois qu'occasionnellement indispensable à un groupe de chercheurs. Cela peut représenter une charge très lourde pour une bibliothèque et compromettre l'équilibre d'un budget moyen.
Tels seraient justement, il me semble, les premiers objectifs d'une bibliothèque nationale de prêt, qui travaillerait en liaison avec les services d'achat et les services de prêt des bibliothèques, avec les catalogues collectifs, et qui devrait naturellement disposer d'un outillage bibliographique de premier ordre.
C'est, je crois, dans cet esprit que travaille actuellement le service d'achat de la National central library de Londres 23. Mais nous savons aussi que la National central library ne se contente pas d'aider les bibliothèques d'étude et qu'elle dispose, par exemple, pour les petites bibliothèques et même pour les lecteurs isolés, de fonds de prêt importants d'éducation populaire destinés à l'enseignement des adultes.
On peut aussi se demander si la solution n'est pas, à l'inverse, dans une décentralisation. La Direction des bibliothèques de France n'a pas attendu la création d'un organisme central, pour prévoir des acquisitions massives d'ouvrages et constituer de véritables fonds de prêt : à Caen pour le domaine anglo-saxon; à Strasbourg pour le domaine germanique.
Je ne veux pas parler ici des fonds d'histoire et de documentation locales ou régionales qui constituent un domaine à part et dont l'enrichissement est un des soucis des bibliothécaires dans les villes de province. Il existe aussi des domaines spécialisés, propres à certaines villes ou à certaines régions et pour lesquels on se doit d'entretenir des fonds vivants. Par exemple, le fonds stendhalien de Grenoble, les études celtiques à Rennes; dans un autre ordre d'idées la technique horlogère à Besançon, la chimie des corps gras ou le riz à Marseille. On peut multiplier ces exemples.
Mais il y a aussi les fonds morts. D'une part ceux qui proviennent d'une donation et qui relèvent de l'érudition pure ou d'une spécialité vraiment tout à fait extérieure aux objectifs de la bibliothèque; d'autre part les collections constituées pour les besoins d'un enseignement ou d'un groupe de chercheurs, interrompues ensuite, après la suppression ou le déplacement d'une chaire ou d'un laboratoire. Dans ce cas, l'interruption des collections est-elle une décision sage? Peut-être aura-t-elle été imposée par des difficultés budgétaires - mais le principe lui-même en était-il juste? On conçoit difficilement par ailleurs le transfert des fonds spécialisés d'une bibliothèque universitaire à une autre bibliothèque universitaire par exemple, en même temps que s'en va dans une autre université un enseignement ou un centre de recherches - et pourtant cela aurait l'apparence de la logique.
Nos collègues allemands ont eu récemment à se poser des questions analogues. Il semble qu'ils aient conclu en faveur de la continuité des collections de la bibliothèque. J'avoue partager ce point de vue, peut-être parce que les collections complètes satisfont mon optique de bibliothécaire, mais aussi parce que la continuité dans la constitution des fonds doit être un de nos objectifs si nous voulons arriver à une véritable coordination, à une mise en commun de nos ressources.
J'ai cité l'exemple des bibliothèques allemandes; j'ajouterai que la Deutsche Forschungsgemeinschaft, qui doit tenir compte de structures régionales très fortes et qui doit aussi faire face au problème de la reconstitution des collections, a dû envisager un plan général d'acquisitions, notamment dans le domaine de la haute spécialisation.
Une bibliothèque d'université est chargée de se procurer, en dehors de ses acquisitions normales, tout ce qui concerne, par exemple, les études orientalistes. Les autres bibliothèques savent que, pour ces questions, elles peuvent emprunter là les ouvrages de haute spécialisation.
Estimez-vous que la constitution en France de fonds de prêt spécialisés dans les bibliothèques d'étude de province (bibliothèques universitaires et peut-être grandes bibliothèques municipales) soit une solution à envisager? Nous pourrions ainsi être assurés que, pour un certain nombre de disciplines, il existerait un fonds disponible d'ouvrages et de périodiques aussi complet que possible. Nous n'aurions pas à recourir inévitablement aux fonds plus riches des grandes bibliothèques parisiennes, dont les livres ne sont pas toujours disponibles pour l'extérieur. Cela nous permettrait peut-être d'éviter à la fois un certain gaspillage et des lacunes.
Je ne crois pas que nous puissions aller beaucoup plus loin pour le moment. Aucun d'entre vous ne souhaite probablement une planification très poussée en matière d'acquisitions... Pas plus que vous ne souhaitez de listes sélectives d'ouvrages, établies à l'échelon national, si ce n'est dans des domaines bien définis, comme le Service technique a déjà pu le faire, pour certains types d'ouvrages ou certaines spécialités.
En revanche, vous souhaitez l'organisation à l'échelon national d'entreprises de catalogage et de diffusion de fiches et c'est vers cela que nous devons d'abord orienter nos études. Cette question a été débattue et le principe en a été admis aux Journées d'étude des bibliothèques universitaires en 1952. Elle sera certainement discutée demain à la réunion des bibliothèques centrales de prêt.
Vous attendez aussi, surtout dans les bibliothèques municipales, les fiches de dépouillement des revues françaises de caractère général.
Enfin je n'ai pas parlé de l'organisation du travail bibliographique proprement dit, auquel il me semble que tous les bibliothécaires devraient être en mesure de participer, en tant que bibliothécaires et en tant que spécialistes.
Le développement presque inquiétant de la production littéraire et scientifique rend notre travail de plus en plus difficile et complexe. Cela doit nous inciter à reconsidérer certaines des tâches qui nous incombent, à nous bibliothécaires. Dans la mesure où nous serons mieux secondés sur le plan technique et administratif, nous aurons sans doute la possibilité de nous consacrer à la fois au travail de documentation immédiate que les chercheurs requièrent de nous, et à des travaux bibliographiques profitables à l'ensemble.
Je peux vous dire l'embarras que j'éprouverais s'il me fallait formuler ici, pour conclure, un programme d'ensemble précis. D'abord, pour ces questions qui nous préoccupent tous à des degrés divers, votre avis est indispensable. D'autre part, les solutions pratiques qui peuvent être proposées, pour l'immédiat ou à plus longue échéance, ne doivent pas nous leurrer : elles ne seront parfois que des palliatifs, elles seront rarement tout à fait satisfaisantes.
Fera-t-on à la Direction des bibliothèques de France le reproche de ne pas avoir, en fait, de politique générale définie? Vous savez que les difficultés d'ordre matériel, financier, qui sont aussi les vôtres, nous contraignent parfois à réduire la portée et l'efficacité de certaines réalisations et à différer des projets que pourtant nous avons à cœur de faire aboutir.
Mais je pense surtout que nous nous heurtons, dès qu'il s'agit de vues d'ensemble ou de perspectives d'avenir, à un cloisonnement excessif des administrations - ne serait-ce que celles qui dépendent du Ministère de l'éducation nationale.
La plupart d'entre nous ont constaté ou pressenti, à l'échelon local ou régional, les dangers de l'isolement et de l'incohérence, que ce soit sur le plan scientifique, pédagogique ou culturel.
A l'échelon national aussi, je pense que nous sommes trop souvent amenés à traiter isolément les questions relatives à la recherche, à l'étude ou à la lecture.
Cette constatation a été, si je puis dire, un des leit-motiv des Journées d'étude de 1955, et nous étions d'accord avec les membres de l'enseignement supérieur présents à nos séances, pour affirmer qu'il ne saurait y avoir de politique suivie et cohérente des bibliothèques universitaires, sinon en fonction d'une politique de la recherche et de l'enseignement...
Et, nous ne devons pas craindre de le dire, les solutions d'ordre général que nous recherchons pour les bibliothèques, pour le développement de la lecture sous toutes ses formes, devraient dépendre, en définitive, d'une politique culturelle d'ensemble.