Normalisation et bibliothèques (fin)
4. Translittération
« Translittérer, c'est représenter les signes (lettres) d'un alphabet quelconque par des lettres d'un autre alphabet, par hypothèse l'alphabet latin ».
« Cette opération est toute différente de la transcription qui se propose de représenter par des lettres et des signes, des sons, de façon telle qu'ils puissent être reconnus et reproduits. La translittération, au contraire, est un simple procédé d'écriture; un texte translittéré, comme d'ailleurs le texte original, ne peut être prononcé correctement que par une personne connaissant la langue. La translittération vise à faciliter seulement des opérations portant sur l'écriture; reproduire des textes rédigés dans des langues qui utilisent des alphabets différents en se servant de machines à écrire ou de caractères d'imprimerie de l'alphabet latin; classer alphabétiquement en une série unique des documents ou des fiches rédigés en des langues différentes. Cette technique est donc spécialement indispensable pour les travaux de bibliographie et de bibliothéconomie, dès lors qu'ils portent sur des langues multiples utilisant des alphabets différents ».
Ces lignes sont extraites de l'introduction du fascicule de documentation, publié par l'AFNOR et relatif à la translittération des caractères cyrilliques.
a) Translittération des caractères cyrilliques 2.
Cette question fut inscrite à l'ordre du jour de l'ISA, dès 1937.
Elle ne fut mise au point qu'à la réunion du comité ISO TC 46 qui s'est tenue à Copenhague en 1952, et est devenue la recommandation ISO /R 9 (octobre 1955). S'il a été difficile d'obtenir l'accord de la majorité des membres de l'ISO, c'est en raison du nombre des systèmes de translittération en usage dans les différents pays.
L'essentiel de la recommandation ISO R 9 « système international de translittération des caractères cyrilliques » approuvée en septembre 1954 par le Conseil de l'organisation internationale de normalisation, a été reproduit, comme nous le disions plus haut, par l'AFNOR, dans un fascicule de documentation de janvier 1956 : Translittération des caractères cyrilliques FD Z 46-001, après consultation du professeur Mazon, membre de l'Institut, professeur honoraire au Collège de France et président de l'Institut d'études slaves, et du professeur Vaillant, professeur au Collège de France. Rappelons que c'est la translittération ISO, différente de celle en usage à la Bibliothèque nationale qui a été recommandée par la Direction des bibliothèques de France aux bibliothèques adhérant au Catalogue collectif des ouvrages étrangers ainsi qu'à l'Inventaire permanent des périodiques étrangers en cours.
b) Translittération de l'arabe classique.
Cette question a été inscrite au programme de travail de l'ISO TC 46 en 1952 à Copenhague et l'AFNOR a été chargée de préparer un avant-projet pouvant servir de base aux discussions.
Depuis quelque temps déjà, un système de translittération était à l'étude en France pour les bibliothèques. Un rapport établi par M. Rodinson, bibliothécaire à la Bibliothèque nationale, a d'abord été présenté à une commission composée de bibliothécaires, qui s'est réunie plusieurs fois à la Bibliothèque nationale au cours du 1er semestre 1952; ensuite à une commission d'orientalistes réunie le 2 juillet 1952 au même endroit. C'est à partir des éléments ainsi rassemblés, et après une nouvelle consultation écrite de 25 orientalistes de France métropolitaine, Algérie, Maroc, Tunisie, Égypte, Liban, que la commission de l'AFNOR, ayant pour président M. le professeur Blachère, professeur à la Faculté des lettres de l'Université de Paris, et pour rapporteur M. Rodinson, a établi un avant-projet qui a été remis au secrétariat du Comité 46 le 4 février 1956. D'autre part une édition provisoire a été diffusée, en décembre 1955, par l'AFNOR auprès des revues et organismes intéressés, en France et dans les pays de langue arabe (Projet de fascicule de documentation FD Z 46-002).
c) Translittération du grec moderne.
L'avant-projet établi par la France à la demande du comité 46 et remis à celui-ci le 9 avril 1954, a été préparé par une commission dont le rapporteur est M. le professeur Mirambel, professeur à l'École nationale des langues orientales vivantes. Diffusé sous le n° 335, il a suscité, de la part des pays membres du comité ISO TC 46, quelques remarques qui seront étudiées au sein de l'ISO TC 46 avec le concours de spécialistes.
d) Translittération de l'hébreu.
Cette question fait actuellement l'objet d'une étude préliminaire de la part de M. Rodinson.
5. Feuillets de registres d'entrée et de registres d'inventaire pour bibliothèques
Cette question est strictement nationale et deux normes ont été établies NF Z 45-001 (ancien Z 4-12) d'avril 1943 : « Feuillet de registre d'entrée pour bibliothèques », et NF Z 45-002 (ancien Z 4-13) d'avril 1943 également : « Feuillet de registre d'inventaire pour bibliothèques ».
Ces normes demeurent en vigueur et la Direction des bibliothèques s'y est référée dans ses Instructions sommaires pour l'organisation et le fonctionnement des bibliothèques publiques.
6. Bulletin de demande d'ouvrage
Signalons la norme française NF Z 45-004 « Bulletin de demande d'ouvrage » homologuée le 31 mars 1949. Il s'agit du bulletin établi par le lecteur d'une bibliothèque pour obtenir la communication sur place, dans une salle de lecture, d'un ouvrage conservé en magasin. La norme porte principalement sur le format et la présentation du bulletin ainsi que sur le libellé de la formule imprimée.
7. Rayonnages de bibliothèques
Cette question n'intéresse que la normalisation nationale. Trois normes de l'A F N O R ont été homologuées :
- Rayonnages pour ouvrages de référence
NF D 65-603 (ancien Z 4-6) - 31 décembre 1941
- Rayonnages pour ouvrages usuels
NF D 65-604 (ancien Z 4-7) - 31 décembre 1941
- Rayonnages des magasins
NF D 65-605 (ancien Z 4-8) - 31 décembre 1941
Cette dernière norme, qui vise exclusivement les rayonnages pour livres et périodiques, a servi de base à l'équipement des bibliothèques depuis plus de dix ans. A l'expérience, quelques modifications de détail apparaissent souhaitables et une révision sera prochainement introduite.
La révision devra également porter sur les normes D 65-603 et D 65-604, d'une application beaucoup moins courante. Elles devront vraisemblablement être fusionnées en une seule norme, la distinction entre usuels et ouvrages de référence, telle qu'elle avait été faite, n'ayant pas intérêt à être conservée.
8. Photocopie
Une norme française NF Z 42-001 (ancien NF Z 4-21) homologuée le 31 mai 1942, a été publiée sur la Reproduction photographique directe sur papier des documents-formats.
Sur le plan international, cette question avait fait l'objet, avant la guerre, d'un projet ISA 5, modèle de la norme française, réexaminé à La Haye en 1948 sous forme du document 3-47. Après plusieurs années d'étude, un projet n° 17 « Reproduction photographique de documents sur papier (copie lisible sans intermédiaire optique) : formats », fut mis au point, mais il n'a pu obtenir la majorité requise pour devenir une recommandation de l'ISO. Le sous-comité 1 a émis l'avis favorable que le comité ISO TC 46 consulte, à ce sujet, directement le comité ISO TC 42.
Le projet recommandait les formats A, sinon des formats inférieurs se rapprochant le plus des formats A et non les formats photographiques, les photocopies étant classées avec des documents manuscrits, dactylographiés ou imprimés.
9. Microcopie
Les problèmes relatifs aux microcopies figuraient déjà à l'ordre du jour des réunions du comité ISA 46 à Londres en 1938, à Zurich en 1939, et un projet ISA 5 avait été préparé.
Ce projet était basé sur les travaux de l'Office international de chimie (1er et 2 avril 1935) repris par l'Institut international de documentation (1936).
Dès la réunion de La Haye, le secrétariat de l'ISO TC 46 avait préparé deux avant-projets : 1-47 : « Terms of documentary reproduction », 2-47 : « Reproduction photographique des documents sur film, microcopie, sur film à rouleaux ». Celui-ci reproduisait avec quelques modifications le projet ISA 6.
Leur examen fut repris à Ascona. Les documents 1-47 et 2-47 furent rejetés et un document suisse fut choisi comme nouvelle base de discussion pour la terminologie. C'est alors que fut créé le sous-comité 1 - Reproduction documentaire - et on trouvera une analyse détaillée des travaux du sous-comité dans deux articles de M. R. Frontard, l'un paru en supplément au Bulletin de l'Unesco à l'intention des bibliothèques en 1954 3, l'autre dans le Courrier de la normalisation en 1955 dans un numéro spécial consacré à la microcopie 4.
Aucune recommandation n'a encore été approuvée par l'ISO.
La terminologie des microcopies et de leurs supports fait actuellement l'objet d'un nouvel avant-projet. Des accords ont été enregistrés en ce qui concerne l'abandon pratique des termes « microphotographie » et « photomicrographie » et l'emploi du mot « microfiche » pour désigner les microcopies établies au format courant des fiches de bibliothèque sur un support transparent ou opaque.
La normalisation des dimensions des supports est particulièrement importante du point de vue du rangement des microcopies et de l'utilisation des appareils de lecture.
C'est pourquoi un projet de recommandation ISO n° 68 concerne les « microcopies sur support transparent - supports recommandés : dimensions ». La question des dimensions des supports opaques a été dissociée, des contre-propositions devant être faites par les États-Unis.
Des études très approfondies et relatives aux microfilms de 35 mm, aux bobines pour microfilms, aux caractéristiques essentielles des appareils de lecture pour microfilms de 35 mm (question à laquelle l'Unesco prête un intérêt tout spécial) et aux projets de mire et micromire pour essais de lisibilité - question controversée notamment par les États-Unis - ont été poursuivies à la dernière réunion du sous-comité. Il a également décidé de retenir, comme document de base pour l'étude des problèmes de conservation, la norme britannique, et parmi les questions nouvelles inscrites à l'ordre du jour de la prochaine réunion figurent le taux de réduction et le taux d'agrandissement.
En France, une norme NF Z 42-002 (ancien NF Z 4-22) basée sur le projet ISA 6 avait été homologuée le 31 mai 1942. Elle est aujourd'hui annulée ainsi que la norme Z 43-002 homologuée le 30 novembre 1943 et concernant les bobines pour microfilms de 35 mm.
Une nouvelle série de normes a été homologuée le 30 avril 1954 compte tenu des travaux internationaux et des études du groupe de travail français présidé par M. Citerne 5. Ce sont :
- NF Z 43-001 Supports recommandés - Dimensions.
- NF Z 43-010 Microfilms de 35 mm.
- FD Z N° 43-020 Microfilms de 16 mm.
- NF Z 43-030 Microfiches-films de format 105 X 150 mm.
- NF Z 43-031 Microfiches-films de format 75 X 125 mm.
Outre les normes françaises que nous venons de mentionner et qui intéressent tout spécialement le bibliothécaire ou le documentaliste, il en est d'autres qui méritent de retenir leur attention, notamment en ce qui concerne le mobilier de bureau, les papiers et cartons (par exemple les dimensions des papiers et cartons : NF Q 02-001 de janvier 1947, les caractéristiques des catégories de papiers pour machines à écrire - en-têtes de lettres et doubles : NF Q 11-001 de mars 1942, et les caractéristiques des catégories de papiers destinés à l'usage des duplicateurs : NF Q 11-002 d'août 1951, etc.), l'administration (par exemple les signes de corrections dactylographiques : NF Z 09-002 de mai 1945 et les règles du répertoire alphabétique français, pour les documents commerciaux : NF Z 44-001 du 30 juin 1942 et additif 1 de mai 1950, etc.), sans oublier les normes fondamentales telle la norme sur les principes de l'écriture des nombres, des unités et des grandeurs : NF X 02-003 de septembre 1951. Nous ne pouvons que renvoyer nos lecteurs au catalogue des normes françaises.
Après cet aperçu très général sur la normalisation et les bibliothèques, quelques remarques s'imposent.
Dans l'article publié en septembre 1940 dans Chimie et industrie 6, sous le titre : La normalisazion dans le domaine de la bibliothéconomie et de la documentation, M. Pierre Bourgeois avait réservé une place importante à la normalisation des formats et notamment des formats de papiers.
On a pu constater que cette question n'avait pas été abordée par le comité ISO TC 46. Elle est, en effet, du ressort du comité ISO TC 6 - Papier - dont le secrétariat est assuré par la France (AFNOR). Mais on sait que les formats tels que les formats français 21 X 27 cm et 13,5 X 21 cm diffèrent des formats d'abord adoptés par l'Allemagne, puis par l'ISA (Bulletin ISA 7 - Formats de papier, août 1934) 7.
Il n'en reste pas moins que sur le plan international et même sur le plan national, la multiplicité des formats adoptés pour les livres comme pour les périodiques a été maintes fois dénoncée 8. Il ne saurait certes y avoir un format unique, mais peut-être pourrait-on réduire le nombre des formats.
Dans l'hypothèse même où une recommandation pourrait être adoptée sur le plan international, et une norme française homologuée, seraient-elles suivies d'application ? Ici nous posons une question très importante en ce qui concerne l'avenir de la normalisation.
Les normes ont rarement un caractère obligatoire. Il importe cependant qu'elles soient suivies par le plus grand nombre. Une norme est l'aboutissement de très longs travaux - trop longs même aux yeux de certains. Tous les termes en ont été pesés par des représentants particulièrement qualifiés. L'enquête publique a permis d'enregistrer toutes les critiques et d'en tenir compte dans toute la mesure du possible. Si l'on a conscience que la normalisation est synonyme de simplification, qu'elle est une condition nécessaire à un meilleur rendement et qu'elle est de nature à faciliter les échanges de documents, on comprendra qu'il est de l'intérêt de tous de se rallier à une solution unique, même si elle résulte d'un compromis. C'est pourquoi, depuis sa création, la Direction des bibliothèques a travaillé en étroite liaison avec l'Association française de normalisation. Certaines règles, que la Direction aurait pu réserver aux bibliothèques qui relèvent d'elle, se trouvent ainsi portées à la connaissance d'un plus large public. D'autre part, les bibliothécaires ont pu formuler leur avis lors de la préparation de certaines normes ne concernant notre profession qu'indirectement. L'esprit de la normalisation est d'ailleurs l'esprit même qui a guidé la Direction dans maints travaux de bibliothéconomie. Qu'il y ait des difficultés d'adaptation, que des délais d'application soient nécessaires, nous ne le méconnaissons pas. Mais pour ne prendre qu'un exemple, nous savons tous que l'adoption du format de la fiche internationale 75 X 125 mm était une nécessité pour les bibliothèques universitaires où elle a été rendue obligatoire à partir de 1951.
Dans le passé tous les bibliothécaires n'ont peut-être pas attaché à la normalisation tout l'intérêt qu'elle méritait. Celle-ci est une œuvre collective et la valeur d'une norme dépendra du concours apporté par les bibliothécaires à sa préparation, notamment lors de l'enquête publique, à son application et aussi, pourquoi ne pas le dire, à sa révision, car une norme est perfectible; elle ne marque pas un arrêt dans la recherche individuelle, mais une étape dans l'évolution et le progrès des méthodes et des techniques.