« Les bibliothèques ont un rôle à jouer dans l’Agenda 2030 »
Entretien avec Céline Meneghin et Céline Cadieu-Dumont
Les 13 et 14 septembre 2021 se tiendront les 34es journées d’études de l’Association des bibliothécaires départementaux (ABD) sur le thème « Pour des réseaux de lecture publique durables et équitables ». Un sujet que l’actuelle crise sanitaire rend plus que jamais d’actualité. Rencontre avec les deux coprésidentes de l’association, Céline Meneghin et Céline Cadieu-Dumont.
BBF : Pourquoi avoir choisi le thème du développement durable pour ces journées d’études ?
Céline Meneghin : Nous avons repris le thème choisi pour les journées d’études 2020, qui n’ont pas pu avoir lieu. Quand nous l’avions retenu, en 2019, l’Agenda 2030 de l’ONU venait d’être ratifié et des actions concrètes commençaient à se mettre en place dans les bibliothèques départementales. On sentait que cette question intéressait la profession. On ne savait pas à l’époque que ce sujet deviendrait autant d’actualité ! L’IFLA a indiqué, lors de son congrès en août dernier, que le manifeste IFLA-Unesco, qui est un document de référence pour les professionnels, allait être modifié pour intégrer dans les missions fondamentales des bibliothèques les enjeux liés au développement durable et à la construction de sociétés équitables. Nous sommes là au cœur de préoccupations sociétales dans lesquelles les bibliothèques ont en effet un rôle à jouer.
Céline Cadieu-Dumont : En tant que pilotes de réseaux territoriaux, les bibliothèques départementales peuvent vraiment agir dans le domaine du développement durable. Le but de ces journées est de montrer comment elles peuvent s’intégrer dans la mise en œuvre des 17 objectifs de l’Agenda 2030.
BBF : Quels sont, parmi ces 17 objectifs, ceux que les bibliothèques départementales peuvent le plus naturellement investir ?
Céline Meneghin : La formation, la sensibilisation font nativement partie de nos métiers. Nous avons un rôle de formation auprès des bibliothécaires salariés et bénévoles de nos réseaux et nous pouvons mobiliser toute l’ingénierie d’accompagnement que nous mettons au quotidien en place auprès des différents acteurs de la lecture publique. Nous avons aussi certains dispositifs, en particulier les plans départementaux de lecture publique, qui intègrent quasiment tous des axes autour de l’inclusion, de l’équité territoriale. Ce sont autant d’outils que nous pouvons utiliser sur les questions de développement durable.
BBF : Les bibliothèques départementales sont-elles identifiées par leurs tutelles comme des interlocutrices pertinentes sur ce sujet ?
Céline Meneghin : Les élus ont parfaitement conscience que les bibliothèques constituent le premier maillage de leur territoire. Donc nous sommes très souvent sollicités comme appuis des politiques départementales et locales. À partir du moment où une collectivité décide de s’emparer de l’Agenda 2030, les bibliothèques s’inscrivent dans la démarche avec les actions qu’elles mènent déjà et qui peuvent s’y rattacher. Nous sommes bien identifiées comme des relais de ces politiques par nos propres collectivités, à l’échelle départementale, mais aussi par les élus locaux avec qui nous travaillons au quotidien.
Céline Cadieu-Dumont : La question du maillage territoriale par les bibliothèques est acquise dans tous les conseils départementaux. Les bibliothèques départementales assurent toute une logistique de circulation des documents qui peut être utilisée par d’autres services du département pour faire rayonner des supports de communication ou des projets sur un territoire donné. En bibliothèque départementale, nous disposons d’un fer-de-lance, c’est l’inclusion numérique, qui fait partie des objectifs de l’Agenda 2030, et sur laquelle nous sommes identifiés par la collectivité comme un acteur majeur.
Céline Meneghin : De la même manière, nous sommes très bien identifiés dans la lutte contre l’illettrisme, et plus globalement sur les actions en direction des publics fragiles. Par exemple, nos missions contribuent par essence à rompre l’isolement des personnes âgées, objectif mentionné dans l’Agenda 2030. Même si les bibliothèques et la culture d’une manière générale sont peu présentes dans l’Agenda 2030, on se rend compte que, du fait de la pluridisciplinarité de nos interventions, nous pouvons vraiment être des acteurs majeurs dans la diffusion des politiques autour du développement durable, mais aussi dans la mise en place d’actions concrètes.
BBF : Ces nouvelles missions nécessitent-elles l’acquisition de nouvelles compétences par les équipes ?
Céline Meneghin : Bien sûr, cela demande des compétences spécifiques, que l’on peut acquérir par la formation. C’est d’ailleurs l’un des enjeux de nos journées d’études de montrer qu’il y a déjà des expérimentations en cours, qui seront présentées, et de donner des clés aux participants. En bibliothèque départementale, nous sommes quasiment tous des formateurs. Il suffit de renforcer nos compétences sur un domaine pour pouvoir ensuite le transmettre aux collègues de nos réseaux. On peut aussi inscrire des intervenants experts dans nos programmes de formation, ce que l’on fait régulièrement sur différents domaines.
Céline Cadieu-Dumont : Un autre axe pour répondre à ces missions, ce sont les partenariats, qui sont vraiment dans l’ADN des bibliothèques départementales. Nous sommes pilotes de réseaux qui peuvent compter plusieurs centaines de bibliothèques. Nouer des partenariats pour investir des champs sur lesquels nous n’avons pas au départ de compétences particulières, que ce soit sur l’illettrisme, l’illectronisme, ou maintenant le développement durable, fait pleinement partie de nos missions. On sait aller vers les personnes-ressources, qui ont les expertises ou les compétences techniques, et travailler en partenariat avec elles.
BBF : Vous avez fait le choix d’un congrès entièrement en distanciel. Qu’est-ce que cela change ?
Céline Meneghin : Nous avons beaucoup débattu sur l’option à prendre, journées en présentiel ou en distanciel. Dans la mesure où nous n’avions aucune visibilité sur la crise sanitaire, nous avons opté pour le distanciel. Comme nous sommes une petite association déconcentrée sur toute la France, nous avons fait le choix de travailler avec un prestataire technique. Nous avons allégé le programme pour passer de deux journées et demie à une journée et demie, car depuis plus d’un an nous avons tous participé à des séminaires et journées en ligne et constaté que quand c’est trop long, on décroche. Nous avons gardé les conférences, les ateliers, tout ce qui peut être facilement suivi en visioconférence et supprimé les formats qui ne nous semblaient pas adaptables à du distanciel. Les journées seront diffusées en direct sur un site dédié et non via un outil de visioconférence, donc ce sera techniquement très simple d’accès.
Céline Cadieu-Dumont : Avoir choisi d’organiser ces journées en distanciel face à l’inconnu de ce que serait la situation sanitaire cet automne a été un révélateur de la dynamique de l’association. Face à une situation compliquée, nous avons mis à l’épreuve notre capacité à nous adapter, à faire preuve d’agilité. Les dix-sept membres du conseil d’administration se sont tous impliqués. Précisons que, grâce à une subvention du Service du livre et de la lecture du ministère de la Culture, les journées sont cette année entièrement gratuites.
Céline Meneghin : Cette édition nous permet de tester la formule. Nous avons organisé pendant la pandémie deux webinaires, l’un avec les élèves conservateurs de l’INET sur les partenariats avec les établissements sociaux, l’autre en interne piloté par le groupe évaluation de l’association. Les collègues ont répondu massivement présents à chaque fois. Organiser des webinaires entre deux éditions de nos journées d’étude annuelles, que nous espérons pouvoir reprendre prochainement comme avant, pourrait être une piste pour offrir des temps d’échanges réguliers sur des thématiques fortes et animer ainsi l’association tout au long de l’année.
Céline Cadieu-Dumont : C’est une expérimentation qui ouvre le champ des possibles !
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