Entretien avec Lucie Daudin
Nouvelle cheffe du Bureau de la lecture publique au ministère de la Culture
Rédaction du BBF
Lucie Daudin, conservatrice en chef des bibliothèques, a récemment pris la direction du Bureau de la lecture publique au ministère de la Culture. Elle était depuis 2020 à la tête du réseau de lecture publique de Plaine Commune. Elle a également cordonné l’ouvrage Accueillir des publics migrants et immigrés. Interculturalité en bibliothèque (Presses de l’Enssib, 2017).
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Lucie Daudin
Vous avez récemment pris la direction du Bureau de la lecture publique au sein du Département des bibliothèques, Service du livre et de la lecture, au ministère de la Culture. Quelles sont les actions prioritaires, les axes majeurs, que vous envisagez de mettre en œuvre pour le développement des bibliothèques publiques en France ?
L’action du Bureau de la lecture publique se positionne en soutien, impulsion et évaluation de l’adaptation des bibliothèques territoriales, pour asseoir et accroître leur rôle auprès des citoyens dans le contexte de fortes évolutions techniques et sociétales que nous connaissons. La Dotation générale de décentralisation [DGD] tout comme le dispositif de contractualisation avec les collectivités – contrats départemental ou territoire-lecture – sont des outils majeurs de l’accompagnement mis en place par l’État. Poursuivre et conforter le déploiement de ces outils est un travail de fond mené par le Bureau de la lecture publique, aux côtés des conseillers livre et lecture en Drac, avec pour objectif de développer et de structurer l’offre des bibliothèques en particulier pour les populations vivant dans des zones rurales, en Outre-mer ou encore dans des quartiers populaires [les QPV, quartiers prioritaires de la politique de la ville]. Mais nous ouvrons également des chantiers d’un autre ordre : par exemple, une réflexion en cours sur le rôle des bibliothèques dans les transformations à venir pour l’accès au livre des personnes en situation de handicap. Je peux citer également la poursuite des mesures pour améliorer la formation de tous les professionnels du secteur. Sur le versant évaluation, une refonte de l’enquête annuelle va mobiliser fortement l’Observatoire de la lecture publique et ses contributeurs dans les mois à venir : elle donnera aux professionnels des outils solides pour donner encore mieux à voir le rôle joué par les bibliothèques.
Ce qui me semble important, c’est le rôle fédérateur et d’assemblier que nous pouvons jouer de par notre position, et je souhaite continuer à creuser un sillon ouvert par mes collègues, à savoir associer et consulter largement l’ensemble des acteurs, quel que soit le sujet abordé.
Les missions des bibliothèques, et avec elles les exigences en compétences nouvelles des professionnels, ne cessent de se multiplier (accompagnement à l’usage du numérique, de l’IA générative, accueil des publics précaires, prévention santé, aide à la recherche d’emploi, etc.). Au milieu de cette inflation de charges, quelles sont selon vous les fonctions essentielles des bibliothécaires, et qu’est-ce qu’une bibliothèque aujourd’hui ?
Il n’y a pas « une bibliothèque aujourd’hui », mais DES bibliothèques, qui peuvent expérimenter des propositions d’une diversité avérée. Chaque bibliothèque va s’adapter au tissu local, à la population desservie, à l’écosystème d’acteurs et de partenaires avec lesquels travailler. Le projet d’établissement, avec ses déclinaisons en plans d’action, s’emboîte dans le projet de territoire plus vaste d’une collectivité, qui dicte où mettre l’accent et comment l’équipe de la bibliothèque est attendue non seulement pour développer une politique de lecture publique, mais aussi pour irriguer d’autres champs de politiques publiques : éducation, social, numérique, santé… Pour autant, un fil rouge existe bien, qui unit l’ensemble de la communauté des professionnels de bibliothèques, et c’est la loi Robert qui l’a réaffirmé en 2021 : les bibliothèques se doivent d’être des lieux qui favorisent et renforcent l’égalité d’accès, et tendre ainsi à dépasser certains « hasards biographiques ».