Retour sur l’UBIBCAMP 2025
Le vendredi 20 juin, la bibliothèque universitaire (BU) de droit de l’Université de Rouen Normandie a accueilli la quatrième édition de l’UBIBCAMP.
Piloté par Gaëlle Thomasset, coordinatrice de projets documentaires à Normandie Université, le groupe de travail réunissant les coordinatrices Ubib 1
Ubib.fr est un service de question-réponse en ligne proposé par une vingtaine de bibliothèques universitaires métropolitaines.
L’événement a réuni 84 participants, représentant environ 25 établissements, en présentiel et en visioconférence. Le public comprenait principalement des bibliothécaires des universités françaises en charge de l’accueil et des services de questions-réponses, ainsi que des professionnels intéressés par l’usage de l’IA pour l’accueil et le renseignement des usagers.
Une journée placée sous le signe des échanges
Après un café de bienvenue, Anne-Florence Gillard-Estrada, vice-présidente en charge de la culture, des sciences et de la société, documentation et édition à l’Université de Rouen Normandie, Ronan Congar, président de la ComUE Normandie Université, et Christelle Quillet, directrice du service commun de la documentation (SCD) de l’Université de Rouen Normandie, ont ouvert la journée en présentant les projets de l’université et de son SCD, ainsi que les spécificités du service Ubib en Normandie.
La table ronde a ensuite été conduite par Natacha Leclercq-Varlan, qui a animé un échange avec Antony Merle, responsable du service informatique (SCD de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour [UPPA]), ainsi qu’avec Lucile Honoré et Nicolas Ljubenovic, chefs de projet au sein du service « Expérience usagers » de la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP).
Expérimenter l’IA à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour
Sur la question de l’IA au service du savoir, ou comment améliorer l’accès à l’information et accompagner les répondantes et les répondants dans leurs missions, Antony Merle a évoqué plusieurs expérimentations menées à l’UPPA, dans un cadre institutionnel en cours de structuration.
Objectifs et axes de travail
L’objectif principal de ces expérimentations est de positionner l’IA comme outil au service des missions quotidiennes du SCD, selon deux axes de travail :
- les services au public : dans le cadre de l’aide aux nouveaux services documentaires et le développement d’un chatbot ;
- les usages internes : pour faciliter le travail quotidien et automatiser les tâches fastidieuses.
Applications concrètes
Deux outils à destination des usagers ont été mis en test afin d’apporter une plus-value aux recherches dans le catalogue des BU. « Speak !PDF » permet de dialoguer avec le PDF d’un document en texte intégral trouvé sur le catalogue de la BU, déposé dans une fenêtre de téléchargement. L’application propose par exemple de résumer l’article, de le traduire en tout ou partie, ou encore d’en expliquer le contenu.
En complément, le service IA d’Ex Libris, « Primo Research Assistant », permet lui aussi de faire des résumés mais renvoie également l’usager vers des documents en accès libre. En revanche, et c’est un des bémols, l’outil ne pointe que vers des ressources numériques des BU en accès libre et non vers les ressources issues des abonnements de la bibliothèque.
Toujours à destination de l’usager, le SCD a créé un prototype de chatbot qui permet d’offrir un service en mode dégradé lorsque le service Ubib est fermé. Sur le principe d’un RAG (Retrieval-Augmented Generation en anglais, génération à enrichissement contextuel), ce chatbot indexe les contenus présents sur le portail des BU de l’UPPA afin de proposer une réponse simple, courte et sourcée. L’outil est toujours en cours de développement.
Autre test, autre application de l’IA dans le cadre professionnel : l’automatisation des comptes rendus de réunion grâce à l’application « Whisper ». À partir d’un enregistrement audio versé sur un modèle de langage open source et public, l’outil produit le compte rendu. L’utilisation en local du modèle de langage, bien que coûteux en puissance et temps de calcul, permet néanmoins de préserver la confidentialité du contenu.
Implication des étudiants et retours d’expérience
Par ailleurs, à la rentrée 2024, un groupe d’étudiants des campus basques a participé à l’atelier UX mené à la BU d’Anglet par Florence Breton, responsable de la bibliothèque, afin de mieux cerner leurs usages et besoins. Les étudiants ont évoqué un intérêt certain pour l’IA, utilisée pour rechercher des informations ou traduire des textes, tout en s’interrogeant sur la fiabilité et la perception de l’usage de l’IA en milieu académique. Ils ont été unanimes sur la nécessité d’être formé à l’IA en bibliothèque et ont fait preuve d’enthousiasme pour l’application « Speak !PDF ».
Ces expérimentations mettent en avant l’intérêt de ces outils en tant qu’aide à la méthodologie étudiante. Dans le cadre plus large des services publics, l’IA a également trouvé sa place comme outil d’accompagnement à la rédaction de réponses à l’usager.
L’IA au service des usagers : les projets de la DITP pour améliorer les services publics
Lucile Honoré et Nicolas Ljubenovic ont présenté plusieurs projets visant à améliorer les services publics, avec un focus sur l’initiative « Je donne mon avis », conçue pour recueillir les retours des usagers sur la qualité des services publics. L’objectif est de permettre une expression directe et d’offrir une réponse adaptée, transparente et cohérente.
Un programme structurant : Services publics+
Ce projet s’inscrit dans le cadre plus large du programme « Services publics+ » (SP+). Lancé officiellement en 2021, ce programme vise à améliorer la qualité des services publics en s’appuyant sur huit engagements communs 2
, partagés par toutes les administrations concernées. Il fait suite au Référentiel Marianne, déjà bien implanté dans les bibliothèques jusqu’à récemment, et a pour vocation non seulement de transformer les services publics, mais aussi d’en accroître la performance, la simplicité et l’accessibilité.L’IA au service de l’amélioration continue
C’est dans ce cadre que la DITP a développé la plateforme « Je donne mon avis en ligne ». Elle permet à chaque usager de déposer un retour d’expérience, positif ou négatif, sur les services publics. Les avis, anonymes et modérés, sont aujourd’hui plus de 100 000. L’un des enjeux majeurs consiste à répondre dans un délai de cinq jours, avec un objectif de réponse fixé à 100 %.
L’IA, développée avec la start-up française Mistral, intervient ici comme un outil de soutien aux agents. Elle propose un premier niveau de réponse, qui peut ensuite être vérifié, adapté et enrichi. La transparence est assurée grâce à la mention claire du pourcentage de réponse générée par l’IA et à la relecture systématique par un agent. En complément, un sondage est proposé aux usagers comme aux répondants afin d’évaluer si la réponse apportée s’avère utile.
Il est important de préciser que l’IA ne remplace pas l’agent. Son usage n’est pas obligatoire et les réponses générées peuvent être modifiées, complétées ou supprimées. Les agents restent pleinement responsables de la qualité des messages envoyés. De plus, l’ensemble des réponses est publié en open data, ce qui contribue à la transparence du dispositif.
Un impact sur les pratiques et sur la relation avec les usagers
Avant le recours à l’IA, le délai moyen de réponse atteignait 19 jours. Il est désormais d’environ 3 jours. Par ailleurs, 75,8 % des agents jugent que les éléments proposés par l’IA leur sont utiles pour rédiger leurs réponses. Du côté des usagers, 68 % déclarent que les réponses obtenues leur ont été utiles.
Ainsi, l’IA se présente comme un outil complémentaire, qui contribue à renforcer l’efficacité sans altérer la qualité des échanges.
Des projets en développement
L’efficacité de l’IA dépend étroitement de la qualité des données utilisées pour entraîner ses modèles. Une masse critique de données fiables et mises à jour est nécessaire. Avec environ 100 000 expériences enregistrées, la DITP dispose d’une base significative, permettant de couvrir les questions fréquentes et d’alléger la charge des agents, qui peuvent se concentrer davantage sur des situations plus spécifiques.
La DITP collabore avec différents services, comme le Forum Ameli ou encore la Direction générale des finances publiques (DGFiP), afin d’enrichir cette base et d’élargir les capacités de réponse.
Un autre projet, encore en phase expérimentale, concerne l’automatisation de la synthèse des avis d’usagers. Cette automatisation pourrait faciliter le travail des agents en mettant en évidence les grandes thématiques récurrentes et les points à améliorer. Elle permettra également de nourrir les politiques publiques avec des informations précises issues de l’expérience citoyenne.
Par ailleurs, la DITP s’attache à améliorer continuellement l’IA elle-même, en intégrant les corrections et ajustements réalisés par les agents dans leurs réponses. De cette manière, l’IA s’enrichit progressivement et devient plus pertinente au fil du temps.
L’IA comme appui aux agents publics
Loin de remplacer les agents publics, l’IA a été conçue dans les projets portés par la DITP comme un instrument d’assistance à la réponse. Cet outil permet de gagner du temps, de se concentrer sur des missions nécessitant davantage d’expertise et d’accompagnement en proximité avec les usagers. Dans cette logique, l’IA apparaît comme un instrument d’assistance, au service d’un meilleur équilibre entre efficacité du service et rôle essentiel du travail humain.
L’UBIBCAMP 2025 confirme que l’IA se positionne comme un allié des bibliothèques et services publics, améliorant l’efficacité, la qualité du service et l’acculturation aux technologies émergentes. Ceci, à l’exemple de l’outil « Copilot », présenté en atelier par Nathalie Clot, directrice de la bibliothèque universitaire d’Angers : l’IA permet d’analyser une grande quantité de données statistiques qualitatives issues de LibAnswers, dans le but d’améliorer la qualité des réponses et du service Ubib.
La journée s’est poursuivie autour d’ateliers de partage d’expérience et de développement des compétences des participants, mettant au centre des préoccupations le savoir-faire des répondants et l’importance de l’interaction humaine dans le cadre d’un service de questions-réponses à distance.