Lecture publique et intercommunalité
Comment les réseaux s'organisent/se réorganisent dans le cadre de la réforme ? Journée ABF Poitou-Charentes – 2 octobre 2015
Le groupe Poitou-Charentes de l'ABF proposait le 2 octobre 2015 à la Médiathèque Michel-Crépeau de la communauté d'agglomération de La Rochelle un après-midi de réflexion sur le thème "Lecture publique et intercommunalité : comment les réseaux s'organisent/se réorganisent dans le cadre de la réforme ?". L'option choisie pour la construction du programme avait été de confronter un grand nombre d'expériences de réseaux : après une intervention de Dominique Lahary sur "la réforme territoriale du point de vue de la lecture publique". Cinq réseaux ont donc pu être présentés de façon dense, laissant ainsi encore un peu de place pour les échanges avec la salle.
L'intervention de Dominique Lahary, ancien directeur de BDP, a justifié dès l'abord le parti-pris de cette demi-journée puisqu'elle a permis de souligner que c'est avant tout la souplesse des solutions qui caractérise la mise en œuvre des réseaux de lecture publique. Après avoir rappelé que les bibliothèques sont partout présentes dans le mille-feuille territorial, Dominique Lahary a évoqué le nouveau cadre législatif dont il ressort au final que si la culture est une compétence partagée, en revanche l'existence d'une commission culturelle n'est pas obligatoire dans les Conférences territoriales d'action publique et qu'il s'agit donc d'oeuvrer pour qu'elles existent. Rappelant aussi que la "compétence lecture publique" n'existe pas en tant que telle -ce qui laisse toute latitude pour agir-, Dominique Lahary a listé cinq approches intercommunales en matière de lecture publique, dont chacune est modulable et librement combinable avec les autres : intercommunalité des équipements, synonyme de transfert ou de création en matière de bâtiments, de collections et de personnel, et s'appliquant à tout ou partie des bibliothèques. Intercommunalité de gestion, qui prend en charge un SIGB commun et une gestion intégrée des collections. Intercommunalité des ressources humaines, selon un modèle intégré (direction unique, services communs, équipes réparties, voire circulation des agents) ou selon un modèle non intégré (équipes autonomes avec une éventuelle mission de coordination). Intercommunalité des services au public, qui met en commun ou coordonne les ressources documentaires, l'action culturelle, les services à distance et les horaires. Et enfin intercommunalité de projet, qui commence par un état des lieux des équipements et des services, puis s'intéresse au maillage raisonné du territoire. Quel que soit le schéma retenu, trois préoccupations doivent cependant être prises en compte pour permettre à la lecture publique de perdurer dans ces nouveaux périmètres : celle de la gouvernance, véritable enjeu en termes de ressources humaines, celle de la taille critique, qui pose la question du maintien de l'efficience dans un cadre plus imposant, et enfin celle du maintien du lien avec la commune en cas de transfert.
Quoi qu'il en soit la tendance lourde étant bien celle, même inégale et multiforme, de la montée de l'intercommunalité, il s'agit aussi pour les autres collectivités que sont les départements et les régions, de se positionner comme échelons subsidiaires. S'agissant des bibliothèques départementales, il a d'ailleurs été souligné lors des échanges avec la salle que, si elles doivent s'adapter, elles n'en restent pas moins des structures indispensables au fonctionnement de la lecture publique, non seulement du fait de leur soutien documentaire et financier, mais aussi par leur rôle d'expertise et de conseil.
Pour commencer le tour des expériences de réseaux de bibliothèques, deux communautés d'agglomération avaient été sollicitées. Présenté conjointement par Jessica Barc, chargée de mission lecture publique à la communauté d'agglomération, et par Olivier Desgranges, directeur de la médiathèque de Rochefort, le réseau Aziyadé, de Rochefort-Océan en Charente-Maritime, se caractérise par une construction par étapes et une volonté de concertation entre tous les acteurs -et ce, bien que la médiathèque de Rochefort concentre plus de 50 % des ressources. Si les treize équipements restent ici municipaux et animés par autant de bénévoles que de salariés, il s'agit d'organiser la cohérence de la lecture publique sur l'ensemble du territoire, avec un service identique pour tous. Et en soutien de l'épine dorsale constituée par l'offre documentaire, le SIGB, le service de navette et la tarification harmonisée, l'importance du partenariat a été soulignée par les intervenants : avec l'Etat dans le cadre d'une convention tripartite ville/agglomération/Etat, et en interne avec les autres services de la communauté d'agglomération, en particulier la culture et le tourisme.
La Communauté d'agglomération du Bocage Bressuirais dans les Deux-Sèvres présente quant à elle une construction différente : ici la compétence a été prise d'un coup sur l'ensemble des vingt-quatre bibliothèques de niveaux 1, 2 et 3 de la classification de l'ADBDP. Chacune dispose d'un référent salarié de la communauté d'agglomération, éventuellement accompagné de bénévoles. La coordinatrice du réseau et directrice de la médiathèque de Bressuire, Martine Leclerc, a expliqué que les attentes des élus étaient celles d'une construction rapide, sans structure pyramidale. Les priorités ont donc été centrées autour du développement des animations en réseau, de la création d'un catalogue commun, de la mise en place d'une carte unique et de l'extension globale des horaires. Du point de vue organisationnel, groupes de travail, réunions agents/élus et révision des fiches de poste sont autant d'outils mis en œuvre pour construire ce réseau pour lequel un projet de service est attendu en 2016.
Les trois autres interventions concernaient des réseaux de communautés de communes. Celui d'Océan-Marais de Monts, présenté par sa coordinatrice Annick Charton, concerne cinq communes de Vendée. Son origine remonte à une volonté politique d'améliorer le service à la population. Dans le cadre de bibliothèques et de collections restées municipales, cela s'est traduit par la création du poste de coordinateur du réseau, chargé d'assurer non seulement la cohésion entre les bibliothèques, mais aussi de prendre en charge la gestion du site internet et la communication sur la lecture publique pour l'ensemble du territoire. Un apport de collections complémentaires est également assuré par l'intercommunalité : une charte d'acquisition permettant de cibler les manques et les besoins a d'ailleurs été rédigée en commun, puis validée par la communauté de communes, ce qui permet aux collections de tourner sur l'ensemble du réseau. Carte commune, tarification harmonisée et circulation des documents sont maintenant en œuvre, et on constate une fréquentation à la hausse. Reste qu'à ce jour les objectifs opérationnels n'ont pas été définis, tandis que le temps de travail des agents restés municipaux impacte le fonctionnement de chacune des bibliothèques qui constituent le réseau.
Le projet de lecture publique de la communauté de communes Vallée-Loire-Authion, dans le Maine et Loire, a quant à lui été porté à l'origine par les huit bibliothèques des huit communes. Il se caractérise lui aussi par la création d'un poste de coordinateur, chargé de mission lecture publique et action culturelle. Yvan Ravaz, qui occupe ce poste, a présenté ce réseau voulu coopératif. Un "comité des bibliothèques du réseau" y a été mis en place, dont les réunions mensuelles permettent de définir les modalités de mise en œuvre du réseau. Une charte a été élaborée et soumise au vote de chacun des conseils municipaux. Cette charte pose quatre grands principes qui sont autant de bases de travail : harmonisation des services, développement des services aux publics, affirmation des bibliothèques au cœur du développement local, gouvernance partagée. Le succès semble rapidement au rendez-vous, mais des interrogations sur les services risquent de surgir dans le contexte d'une réforme territoriale très rapide : 2016 pourrait en effet voir la naissance d'une commune nouvelle, supérieure à 10 000 habitants et éventuellement intégrée en 2017 au sein de l'agglomération Angers Loire Métropole -avec dès lors l'éventualité d'un repositionnement du Pôle métropolitain Loire Angers.
Pour finir Caroline Tavernier, responsable du service culturel à la Communauté de communes du Pays de la Châtaigneraie, a présenté le réseau Arantelle. L'originalité de ce réseau vendéen de dix-sept bibliothèques entièrement tenues par des bénévoles, est qu'il compte en son sein une "vendéthèque" -bibliothèque mise à disposition par le Conseil départemental-, et qu'il est donc le fruit à la fois d'une volonté des élus communautaires et de l'adhésion au projet de la médiathèque départementale d'un renforcement des bibliothèques municipales par leur rassemblement en réseau. Dans ce cadre, la répartition des rôles s'est donc faite de façon nette, par le biais d'une convention entre les différents acteurs -communauté de communes, communes, bénévoles, Conseil départemental. Là encore, l'importance du rôle du bibliothécaire intercommunal a été soulignée pour fédérer et consolider le réseau -ici notamment par la mise en place d'ateliers thématiques autour de l'animation, des acquisitions, de l'équipement et du fonctionnement.
En conclusion, ce qui ressort de toutes ces expériences, outre leur diversité malgré le partage de fondamentaux et le recours à des outils communs, c'est le sentiment d'une construction au quotidien dans laquelle patience et créativité sont les conditions indispensables de la réussite. Autre approche utile, pointée par Dominique Lahary, la notion de subsidiarité justifiant la place respective de chaque échelon -les rôles devant se répartir au mieux des nécessités des territoires et pour la consolidation de la lecture publique. Les quelques exemples donnés lors des discussions ont d'ailleurs montré que les BDP avaient effectivement opté pour des réponses "à la carte" aux sollicitations des réseaux intercommunaux.