La réforme territoriale en pratique – Nouvelles solidarités de territoire

24 avril 2017 – Martigues

Agnès Haïli

Cette journée professionnelle a été co-organisée par la Fédération Nationale des Collectivités Territoriales pour la Culture (FNCC), l'Association des Bibliothécaires de France (ABF) et l'Agence régionale du Livre (ArL PACA).

Lors de l’accueil des participants, Florian Salazar-Martin (président de la FNCC), Chloé Fraisse-Bonnaud (directrice de la Fill), Catherine Perrin (présidente de l'ABF PACA et Léonor de Nussac (directrice de l'ArL Paca), ont mis en avant les notions de liberté et de disparité qui caractérisent la mise en œuvre de la lecture publique depuis la décentralisation et la nouvelle réforme territoriale.

Certaines structures régionales portent une mission d’aide méthodologique à la mise en oeuvre des réseaux. Actuellement, la région Normandie prépare un guide de la mise en réseau.

La journée d’étude était structurée en deux temps. Un premier temps est consacré à une approche historique et théorique. Le second temps présente des cas pratiques à l’échelle métropolitaine (Grand Lyon et Aix-Marseille Provence) et communauté d’agglomération (Ventoux Comtat Venaissin et Durance Luberon Verdon).

Des bibliothèques en réseaux : acquis et perspectives

Dominique Lahary (membre du groupe de travail « Réforme territoriale » de l’ABF), présente un rapide historique des réseaux de bibliothèques du 19e siècle (bibliothèques diocésaines et de la Ligue de l’enseignement) jusqu’aux BCP. La transition en cours transforme des réseaux soumis par des liens de subordination en réseaux conçus dans l’horizontalité des relations. D. Lahary insiste sur la diversité des solutions de réseaux. Il précise que la compétence « lecture publique » n’existe pas. Il existe d’une part des compétences optionnelles pour les communautés de communes et d’agglomération et d’autre part une compétence obligatoire « d’équipement culturel » pour les métropoles et communautés urbaines. L’exercice de ces compétences dépend de la définition de l’intérêt communautaire. Ce dernier est librement défini et peut couvrir aucune, quelques ou toutes les bibliothèques d’un territoire.

D. Lahary insiste sur le caractère évolutif des réseaux. D’un modèle de coordination de bibliothèques municipales à un modèle très intégré, le processus n’est jamais figé. Il dépend d’un temps administratif et humain (accompagnement du changement).

Les départements doivent se redéfinir par rapport à la montée de l’intercommunalité et répondre aux questions suivantes : « qu’est-il intéressant de faire à l’échelle départementale ? », « comment accompagner la construction intercommunale ? ». Pour les départements, la période est à la reformulation politique de l’intervention. La compétence « obligatoire » est actuellement en cours d’interprétation pour la DLL.

D. Lahary conclue sur le passage de la verticalité à l’horizontalité, les relations non-hiérarchiques et la transition d’un universalisme partout (fonds encyclopédiques sur tous les sites) vers une conception d’offre à l’échelle d’un bassin de vie. Il renvoie vers le site de l’ABF et les fiches réalisées par le groupe « Réforme territoriale ».

Métropole du Grand Lyon : les bibliothèques

Mélanie Le Torrec (chargée de coopérations territoriales à la Bibliothèque municipale de Lyon), est conservateur d’Etat mise à disposition de la BmL pour accompagner l’exercice de la compétence culturelle obligatoire, comprise au Grand Lyon avec la lecture publique. La métropole créée par loi MAPTAM (59 communes et 1 350 000 habitants) compte 40 médiathèques pour lesquelles la BmL conduit un projet de ressources documentaires et d’ingénierie. Ce projet est porté politiquement au niveau métropolitain mais sans agent ni compétences professionnelles dédiées.

L’objectif retenu est un réseau opérationnel au 1er janvier 2018 puis un schéma de lecture publique comprenant le réseau BmL. Le choix est de maintenir les services et les liens existants entre les bibliothèques.

Sur les 40 bibliothèques, un taux de dépendance aux services de la BDP a été calculé. Un tiers des bibliothèques est très dépendante de la BDP avec plus de 1500 documents empruntés par an, une forte participation aux formations, animations, etc).

Concrètement, la BmL intègre 40 collectivités supplémentaires. Elle s’engage à fournir un fonds documentaire, une offre numérique, à proposer la participation à sa programmation culturelle et à offrir expertise et conseils. Certaines fonctions demeurent hors du périmètre de la BmL et sont pilotées par l'Unité Lecture publique de la métropole (formation des bénévoles, animation du territoire et navettes documentaires).

Juridiquement, trois éléments cadrent ce projet métropolitain. Une convention de gestion entre la Métropole et le Département pour un fonctionnement jusqu'à fin 2017, le Pacte de cohérence métropolitain qui envisage la lecture publique et une convention entre la Métropole et la Ville de Lyon. Cette dernière organise la mise à disposition de six agents par la métropole de Lyon et la délégation de prestation de service (bibliothèques bénéficiaires, accès aux ressources numérique, etc.) Financièrement, le service est évalué à 410 000 € (dont une moitié environ pour le personnel).

Communauté d'agglomération Ventoux Comtat Venaissin (CoVe) :
un réseau coopératif

Émilie Bousquet (coordinatrice réseau des bibliothèques) et Stéphanie Collet (responsable du service culture et patrimoine), présentent la longue habitude de coopération sur ce territoire comme une clé de réussite pour le réseau. La CoVe regroupe 25 communes et 70 000 habitants. En 2003, la définition de l'intérêt communautaire a traduit la volonté politique d'améliorer le service aux publics sans transfert de matériel, d’équipement, ni de collection. L'intérêt communautaire a été centré sur la notion de réseau.

La coopération se traduit par un SIGB, un portail, une politique documentaire concertée et une programmation culturelle communs. La coordination s’exerce sans lien hiérarchique.

En 2017, de nouveaux services seront mis en œuvre (tarifs uniques, carte unique et circulation des documents par navette) par le biais d'une charte de coopération. La formalisation de cette charte a interrogé les élus sur la place de la bibliothèque sur le territoire et son rôle central dans la vie des villages. Le lien avec le Service du Livre et de la Lecture du département est définit en complémentarité sur le numérique et en subsidiarité sur l'expertise et la formation.

Le budget de fonctionnement est passé de 14 000 € à 26 000 € annuel de 2003 à 2017.

Les clés de réussite repérées sont le volontariat des élus et du personnel des bibliothèques ainsi que la force de conviction du coordinateur et le débat permanent avec les élus dans le cadre de groupes de travail.

La principale faiblesse de ce réseau coopératif, basé sur le volontariat, est sa réversibilité. Sa force réside dans la souplesse de l’organisation.

Durance Luberon Verdon Agglomération :
un réseau intégré

Pascal Antiq (Vice-président délégué au développement culturel) et Claire Zahra (directrice du réseau des médiathèques DLVA) présentent le territoire (26 communes et 62 000 habitants) issu de la fusion de trois communautés de communes en 2013.

La compétence est définie en 2005 de la façon suivante « création et exploitation d'équipements, soutien aux manifestations et festivals à caractère culturel ». Elle est reformulée en 2013 en « création, extension, aménagement, entretien, gestion des équipements culturels, lecture publique... ».

La culture est politiquement définie comme l’élément fédérateur du territoire. Les enjeux du réseau sont définis par le vice-président en 2013 sur l’ancrage et le maillage territorial, le maintien d’un « minimum vital culturel », la valorisation des solidarités et de l'équité (sur les moyens et l'offre documentaire) et la mutualisation des moyens et outils (marchés, animations, ressources).

Concrètement, le transfert a concerné la gestion des équipements, des collections et du personnel. Les outils communs sont un guide de catalogage, des règles de prêt, une charte informatique et Internet et un guide du lecteur. Le réseau repose sur trois structures référentes tenues par des salariés.

Les clés de réussite selon le vice-président tiennent dans la motivation des équipes, le soutien du président et des maires des communes. Selon la directrice, la communication interne et externe ainsi que la mobilité des agents (changements de poste dans le réseau) sont cruciales pour la réussite du réseau.

Les freins sont techniques (absence de réseau Internet sur certaines communes) et humains (temps pour l'informatisation, les groupes de travail nécessaires à l’élaboration des outils communs).

Aix-Marseille Provence Métropole :
un réseau en construction

Daniel Gagnon (vice-président Culture de la Métropole), Alain Bez (DGA Culture et Sport du Pays d'Aix) et Daniel Poulain (directeur culture Pays d'Aix), présentent la méthode retenue pour élaborer le projet de lecture publique de la métropole.

La politique culturelle métropolitaine et la notion d’intérêt métropolitain sont en cours de définition. Cette dernière inclura la politique de lecture publique portée par les 82 bibliothèques du territoire dont celle du SAN Ouest Provence et celle en travaux à Pertuis. La question posée est celle de la plus-value métropolitaine, sur la base d'un constat politique « il n'est pas possible de faire moins ».

Dès cette année 2017, une action culturelle « Lecture par nature » est initiée sur le territoire métropolitain. A plus long terme, une étude de 16 semaines doit permettre d’évaluer l’opportunité de la mise en réseau des bibliothèques et de proposer un schéma directeur à l'échelle de la métropole. Trois schémas sont attendus, celui du transfert et de l’intégration complète, celui de la mutualisation de tout ou partie du fonctionnement et celui de la coopération entre les médiathèques. Cette année est aussi celle de la concertation via la conférence des maires des 92 communes.