ADBGV – Journée de printemps 2015

24 mars 2015

Agnès Marcetteau

La Journée de printemps de l'ADBGV (Association des Directrices et directeurs de Bibliothèques municipales et de Groupements intercommunaux des Villes de France) était consacrée, le 24 mars dernier, aux questions de management.

Celles-ci ont été abordées à travers des exemples concrets de mise en œuvre de restrictions budgétaires ou d'évolution des horaires et d'ouverture dominicale, au plus près donc de l'actualité des bibliothèques municipales ou intercommunales et des évolutions et changements en cours. Elles ont en outre bénéficié des éclairages réglementaires et de l'expérience d'un service Ressources humaines, et d'un non moins éclairant rapprochement avec la situation des établissements publics et administrations centrales.

Exposés et échanges ont fait ressentir combien étaient prégnants de tels enjeux, combien de tels changements pouvaient être douloureusement ressentis, et même vécus comme une remise en cause existentielle dans des établissements dont le tardif développement dans les dernières décennies du XXe siècle semble se heurter à un plafond de verre avant d'avoir produit tous ses effets, tandis que l'accent mis sur le développement des collections et des équipements a pu faire primer l'offre sur le service. Dans ce contexte la question du sens, la confiance et l'acceptabilité sociale voire politique, apparaissent comme des mots-clés. Elles constituent autant d'obstacles et d'écueils, mais aussi de leviers mobilisables, autour desquels il semble possible d'esquisser une méthodologie.

La première étape est bien entendu celle des fondements, c'est-à-dire du bien fondé des évolutions mises en œuvre. Les changements d'horaires ne peuvent ainsi sereinement s'envisager que si leur utilité sociale est clairement démontrée. Les collectivités qui peuvent s'appuyer sur l'expertise d'un Bureau des temps, en capacité de recueillir et d'analyser les attentes des usagers à travers des enquêtes publiques, disposent en la matière d'un atout essentiel.

Avoir clairement établi et démontré l'utilité sociale du changement ne dispense d'ailleurs nullement de longues négociations pour déterminer les équilibres nécessaires à son application en termes de supportabilité aussi bien que de compensations, dans une juste logique de donnant-donnant, de conciliations utiles, de suivi permanent et de révision régulière des dispositifs.

Faut-il préciser que le travail de pédagogie, la clarté et la transparence sont encore plus nécessaires et indispensables lorsque les changements sont non pas induits par la demande sociale, mais imposés par la rigueur budgétaire et sa traduction dans les politiques publiques. Lorsqu'une collectivité décide de réduire de 10% le budget de fonctionnement d'un réseau de lecture publique, l'exercice est des plus rudes pour la direction de l'établissement qui doit tout à la fois : décider de manière pertinente et équitable des nouveaux équilibres entre les différents postes d'un point de vue thématique (Action culturelle et Collections) et géographique (répartition entre les différentes bibliothèques et médiathèques) ; réfléchir aux mutualisations et polyvalences utiles ; faire connaître et justifier les choix à travers des outils pertinents de communication interne (projet d'établissement, réunions régulières et compte-rendus, newsletters, contacts informels) ; accompagner les évolutions ; faire face aux oppositions, incompréhensions, réactions de défiance et baisses de motivation ; mener simultanément les échanges avec le personnel, le public, les élus et l'administration.

Cela suppose de conjuguer résilience et imagination, de faire preuve de constance et de fermeté, de pouvoir s'appuyer sur une équipe de direction et des relais intermédiaires solides en tenant bon sur l'essentiel et en se gardant de tout catastrophisme. Sans oublier le paradoxal exercice spirituel et matériel, et la frustration de devoir assumer une charge managériale grandissante pour faire face à une réduction de l'activité bibliothéconomique et culturelle.

Dans de tels cas une collaboration étroite avec les services des Ressources Humaines est essentielle. Outre leur incontournable expertise réglementaire et la connaissance des différentes instances et du positionnement des différents acteurs - on pense en particulier aux évolutions récentes des CHS et CTP en CHSCT et CT - ils apportent une aide précieuse pour détecter les signaux d'alerte et développer des démarches de prévention, mettre en œuvre de manière pertinente le dialogue et la transparence à travers une juste appropriation et utilisation d'outils comme les entretiens d'évaluation. Ils permettent en outre de prendre et de poser les distances nécessaires, et contribuent à concilier concertation, décision et impulsion.

Faut-il conclure, comme l'a rappelé l'un des intervenants, que « ce qui est naturel c'est la résistance au changement » 1 et que nos organisations humaines sont de grands systèmes immunitaires qu'il faut accepter de manager comme tels ? Ou plutôt que, d'une part, il est naturel de s'inscrire dans un processus continu d'évolution et donc de changement, et d'autre part que « il n'est de richesses que d'hommes » 2 et que manager une bibliothèque c'est nécessairement maintenir une attention et un dialogue permanent entre personnel et public, aux plus près de leurs attentes et... des évolutions en cours.

  1. (retour)↑  Cf. Alain Bernardou. « La démarche qualité : du discours à la réalité », Entreprise santé, mai-juin 2000, N°27, p. 17-20 : « ce qui est naturel, c’est la résistance au changement, ce n’est pas l’inverse [car il existe chez l’Homme] un système de défense contre les idées, les opinions et les comportements des autres, dont le but est identique (au système immunitaire) : garder l’intégrité psychique du soi ».
  2. (retour)↑  Jean Bodin. Les Six Livres de la République, Paris, 1576.