88e Congrès de l’IFLA, du 21 au 25 août 2023, Rotterdam

Polémique sur le WLIC2024 à Dubaï : un état de fait

Valentine Martin-Lacoste

C’est officiel, le prochain Congrès de l’International Federation of Library Associations (IFLA, Fédération internationale des associations et institutions de bibliothèques) aura lieu à Dubaï. Le 11 août, le Governing Board (GB), organe décisionnaire de l’IFLA, a publié un communiqué défendant sa décision d’organiser le WLIC 2024 aux Émirats arabes unis (EAU), en dépit de nombreuses voix qui ont contesté cette décision après son annonce officielle le 19 juin 1

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Une liste exhaustive des associations et institutions qui se sont opposées à cette annonce est disponible sur le compte Twitter de Thomas Antignac.

. Que dit vraiment la polémique de la communauté des bibliothécaires, des valeurs qui l’unissent et des principes qu’elle défend ?

Le Special Interest Group (SIG) LGBTQ Users 2

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Le SIG LGBTQ Users a été constitué en 2013, lors du Congrès de Singapour. Il émane d’une section de l’IFLA qui travaille spécifiquement sur la liberté d’accès à l’information et la liberté d’expression. Le SIG LGBTQ Users promeut l’inclusion des thématiques LGBTQ + auprès des bibliothécaires, et la mise à disposition d’outils de formation et de lutte contre les discriminations au sein des bibliothèques.

est particulièrement mis en lumière dans cette affaire, et le port des couleurs LGBTQ + est devenu le symbole de l’opposition à la décision de l’IFLA, on l’aura vu à la cérémonie de clôture ce jeudi. Factuellement, l’homosexualité est passible de la peine de mort aux EAU. Pour les personnes LGBTQ +, c’est donc un peu plus que « ne pas se sentir bienvenue » 3
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“[…] the LGBTQ + community may feel unwelcomed because of the exclusion of specifically-themed topics from the WLIC programme”, peut-on lire dans un nouveau communiqué de l’IFLA, daté du 22 août.

. En outre, il ne pourra figurer sur le programme officiel aucun sujet en lien avec les thématiques LGBTQ +.

Pointer du doigt l’opposition farouche du seul SIG LGBTQ Users est cependant trop facile. Comme l’a rappelé son organisateur, Thomas Chaimbault-Petitjean lors du Business Meeting du SIG lundi, « c’est l’arbre qui cache la forêt ».

En effet, une telle focalisation déplace la responsabilité du GB – dont on peut dire sans trop se mouiller que la décision a été motivée par des arrangements avant tout financiers (?) – vers la législation du prochain pays hôte. Ce faisant, elle vient projeter et cristalliser l’idée de deux mondes culturellement antagonistes, dont témoigneraient les conditions de possibilité d’existence – ou non – d’une pluralité de sexualités et de genres.

Peut-on mettre sur le même plan les inquiétudes soulevées vis-à-vis des droits humains avec d’autres sujets où l’existence d’un occidentalocentrisme n’est plus à démontrer ? Peut-on se coucher, même une seule fois, sur la liberté d’expression et d’information, valeurs au cœur du métier de bibliothécaire ?

Au « non » majoritairement formulé lors du référendum organisé en début de mois 4

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Mais peu suivi…

, à la contre motion proposée mercredi qui a tenté d’empêcher la tenue du prochain conseil d’administration lors du Congrès à Dubaï, le GB fait de toute évidence la sourde oreille 5
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Toutefois, il faut préciser ici que certains des membres du GB ont manifesté leur contradiction en portant des habits aux couleurs du drapeau arc-en-ciel durant tout le congrès, sans pour autant prendre la parole à ce sujet lors des conférences officielles.

. Aussi laisse-t-il la profession se scinder en deux camps, qui se positionnent… pour ou contre quoi, au juste ? La possibilité d’une rencontre annuelle ? La dignité humaine ? La défense de l’environnement ? L’intérêt financier ? Le Moyen Orient et ses professionnel·les des bibliothèques ? La censure ? C’est absurde.

Les valeurs et principes qu’est supposée incarner et défendre l’IFLA ne seraient-ils que du « fla-fla » ? À force de s’empêtrer dans une communication de crise pour le moins ratée, son choix risque bien de lui coûter le « » de « International ». À ce titre, la bibliothèque barcelonaise Gabriel García Márquez, lauréate du Systematic Public Library of the Year Award 2023, a annoncé son intention de boycott au cours de la remise des prix de lundi.

Quel comble pour la plus grande fédération professionnelle de bibliothécaires que de traverser une crise de confiance sans précédent dans la ville même d’Érasme. Aussi, pourra-t-on encore franchir des ponts – métaphore mise à l’honneur lors de la cérémonie d’ouverture – après que les limites ont été franchies ?

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Zoë Dunlop (Allemagne), participante au WLIC2023, posant avec son écharpe en signe de protestation contre la tenue du prochain Congrès de l’IFLA à Dubaï.

Source : © Valentine Martin-Lacoste. Avec l’aimable autorisation de Zoë.