Repenser le fonds local et régional en bibliothèque

par Émeline Pipelier
Sous la direction de Claire Haquet et Bernard Huchet
Presses de l’Enssib, collection « La Boîte à outils », n° 36, 2016, 168 p.
ISBN 979-10-91281-73-7 : 22 €

La nécessité d’un ouvrage consacré à la définition d’un fonds local et régional en bibliothèque est aujourd’hui toute trouvée : l’actualité – la mutation administrative conduisant à la refonte des régions et l’instauration de nouveaux espaces de coopération – et le relatif vide documentaire lié à ce sujet sont deux des éléments favorables à la publication d’un tel ouvrage.

Le projet de Repenser le fonds local et régional en bibliothèque est né – comme nous l’apprend l’introduction – en 2013, lors d’une journée d’études coorganisée par Médial, centre régional de formation aux carrières des bibliothèques d’Alsace-Lorraine – Champagne-Ardenne, et la Direction régionale des affaires culturelles de Lorraine : bien que dotées d’un potentiel important, ces collections, pourtant riches, souffraient du manque d’un cadre théorique général.

L’ouvrage est donc destiné, en premier lieu, à définir les contours des fonds locaux et régionaux en bibliothèque. Mais il ne se contente pas de donner une simple définition, pas plus qu’il ne se limite à une liste de conseils pratiques ; il invite à repenser l’idée même de ce qu’est un fonds local et régional : comment s’inscrit-il dans une dynamique locale ? Comment peut-il amener les bibliothèques à devenir des acteurs culturels de proximité ? Comment, également, peut-on envisager la dimension patrimoniale bien souvent rattachée à ces fonds, et l’exploiter au mieux – ou réussir à s’en détacher ?

Repenser le fonds local et régional en bibliothèque, codirigé par Claire Haquet et Bernard Huchet, fait appel à des contributeurs variés. Il est organisé en quatre axes : constitution d’un fonds local, questions transversales, projets numériques, médiations. Les contributions, sous couvert de ces quatre grandes thématiques, adoptent des démarches différentes et complémentaires. On retrouve, en premier lieu, la définition des fonds locaux et régionaux et de ce qui les constitue ; l’ouvrage s’étend ainsi sur les « cas particuliers » – types de documents ou thématiques spécifiques – face auxquels peuvent se retrouver les professionnels en charge de ce type de fonds : langues régionales (Jérôme Schweitzer), éphémères (Séverine Montigny), dépôt légal imprimeur (Bernard Huchet), fonds locaux nés numériques (Clément Oury)… D’autres contributions, quant à elles, développent des exemples précieux, dont sont décrits les origines ainsi que l’état actuel : bibliothèque numérique Manioc (Anne Pajard), signalements coopératifs des fonds locaux (Agnès Babois), bibliothèque numérique de Roubaix (Géraldine Bulckaen) partenariat noué entre la bibliothèque départementale de prêt et les archives départementales des Hautes-Alpes (Gaël Chenard, Blaise Mijoule), séminaire bas-normand du patrimoine écrit (Bernard Huchet). Ajoutons que de nombreux encadrés viennent compléter ce panorama varié des fonds et des initiatives mises en place autour de ces derniers. Si certains chapitres se veulent essentiellement théoriques (« Éléments structurants d’un fonds local au XXIe siècle », par Sarah Toulouse, ou encore « Urbi et orbi : le local est l’universel », par André-Pierre Syren), d’autres sont, quant à eux, essentiellement pratiques et trouvent toute leur place dans un ouvrage de type « Boîte à outils » : c’est ainsi que sont proposées des pistes pour enrichir les fonds locaux (Claire Haquet), construire des partenariats (Anne Meyer), bien gérer une coopération avec la BnF (Arnaud Dermhy), ou valoriser les fonds locaux (Dominique Rouet).

Il se conclut sur un glossaire et sur un mémento intitulé « dix commandements pour repenser le fonds local », qui synthétise parfaitement l’ensemble des contributions.

L’ouvrage remplit parfaitement son rôle de boîte à outils. Clair, bien organisé, il n’oublie aucune thématique, aucun public, et se révèle particulièrement utile pour ce qui est de donner des pistes de valorisation : coopération avec les autres institutions locales, importance des réseaux sociaux et des ressources numériques collaboratives, importance des chercheurs, également, pour lesquels les fonds locaux peuvent devenir de formidables « terrains de jeu… » L’ensemble des contributions invite à dépasser les peurs que peut ressentir le professionnel face à ce type de fonds complexes en proposant une multitude d’idées faciles à appliquer.

Cependant, il va encore plus loin : il permet de rappeler que les bibliothèques font partie de la dynamique du fait local, et qu’il en va de leur initiative – et de leur devoir – d’en devenir les actrices.