Rechercher l’information stratégique sur le web

Jean-Baptiste Monat

Véronique Mesguich
Rechercher l’information stratégique sur le web : sourcing, veille et analyse à l’heure de la révolution numérique
2e édition
Préface d’Anne-Marie Libmann
Louvain-la-Neuve, De Boeck supérieur ; Paris, ADBS, 2021
Collection « Information & stratégie »
ISBN 978-2-8073-3266-9

Ce livre est la 2e édition d’un ouvrage paru en 2013 : le sujet, mouvant, appelait des actualisations. Il paraît dans une collection intitulée Information & stratégie, « labellisée » par l’Association des professionnels de l’information et de la documentation (ADBS), qui entend s’adresser « à l’entreprise et à ses professionnels, aux enseignants et aux étudiants concernés par la gestion de l’information […] ». Généreusement documenté, l’ouvrage suit une progression logique : à une première partie qui décrit les évolutions de l’environnement numérique succèdent des chapitres consacrés à la recherche, puis à la veille et à l’analyse de l’information. Enfin, l’exploration d’une douzaine de cas pratiques met en valeur la diversité des domaines dans lesquels peuvent s’exercer les compétences valorisées par le titre.

L’ouvrage nous semble très recommandable pour ses dimensions pragmatique et didactique. Il se montre pragmatique car, sur un grand nombre de problématiques, il décrit des outils et des méthodes variées. De la recherche de vidéos à la visualisation de données en passant par les astuces de recherche avancée de Google ou les solutions de veille via les flux RSS ou les réseaux sociaux, un grand nombre de repères techniques permettent de s’orienter dans des univers foisonnants. Véronique Mesguich constitue une boîte à idées où piocher pour s’adapter au mieux aux problèmes rencontrés. Le livre se révèle également didactique car la présentation de l’information y est limpide. De nombreux tableaux, notamment, récapitulent le propos et facilitent une lecture comparative de fonctionnalités et méthodes. L’histoire et les tendances récentes de l’internet et du numérique (vers une économie des traces, la propagation des intelligences artificielles, les objets connectés, les manipulations informationnelles, etc.) sont utilement évoqués.

La critique que nous aimerions porter à l’attention des lecteurs tient à la situation particulière du bibliothécaire dans une université de sciences humaines et sociales. D’abord, il nous semble que le livre prend trop faiblement en compte la nature particulière de l’information en contexte académique. Celui-ci commande en effet d’interroger la notion même d’information dans une logique épistémologique : qu’est-ce qu’une information pertinente ? Comment cristallise-t-elle ou se problématise-t-elle pour construire de la connaissance ? La récurrence de l’épithète « stratégique » induit une vision essentiellement « concurrentielle » de l’information. La critique des soubassements idéologiques de cette vision de l’information, pure ressource à exploiter, n’est pas suffisamment esquissée à notre goût.

Au-delà des manières d’opérer dans le monde de l’information scientifique et technique, la conclusion du livre signale cette contradiction. Citant une étude de 2018, elle pointe qu’il « vaut mieux enseigner aux étudiants de première année l’évaluation critique des sources que les subtilités de la recherche booléenne ». Dès lors, au-delà d’un légitime « plaidoyer pour des compétences numériques », il nous manque de mieux élucider la dimension anthropologique du changement de paradigme que suppose le numérique : transformation cognitive mais aussi transformation des pratiques sociales et sociétales. L’information est certes « stratégique » en contexte néolibéral, mais ce qualificatif dissimule ce qui, bien au-delà, fait le prix d’une meilleure culture numérique : chercher, veiller, analyser, sourcer l’information fondent désormais notre perception de ce que sont le savoir et la connaissance. Il en va de la relation des individus au collectif et de la possibilité d’une citoyenneté informée, partant plus libre. La méthode, richement argumentée, doit s’armer d’une distance critique qui nous semble ici peu formulée.