Les bibliothécaires français·es à l’épreuve de l’international

Plaidoyer pour une meilleure prise en compte des compétences en langues étrangères

Inès Carme

Les langues et les savoirs étrangers sont présents de longue date dans les bibliothèques françaises. Plus récemment, l’accélération des mobilités et le déplacement de l’information sur le terrain numérique, forcément transnational, appellent de la part de la profession des réponses qui ne peuvent se cantonner à l’Hexagone. Penser le métier de bibliothécaire au travers des compétences linguistiques permettrait d’intégrer pleinement la dimension internationale de nos bibliothèques 1

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[NDLR] Cet article est en partie issu d’un mémoire professionnel intitulé Quelles places pour les compétences en langues étrangères chez les professionnel·les des bibliothèques ?, consultable en ligne : https://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/71164-quelle-place-pour-les-competences-en-langues-etrangeres-chez-les-professionnel-le-s-des-bibliotheques.pdf

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Les bibliothèques face à l’international : contexte, enjeux

Les professionnel·les de l’information en font l’expérience au quotidien : les savoirs et les publics s’internationalisent. Il est vrai que les mobilités n’ont jamais été aussi nombreuses : les universités françaises accueillent de plus en plus d’étudiant·es et de chercheur·es étranger·es 2

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+ 70 % d’étudiant·es étranger·es en l’espace de vingt ans. Rien qu’en 2023, l’enseignement supérieur français compte 14 % d’étudiant·es, 37 % de doctorant·es et 9 % de chercheur·es de nationalité étrangère. Cf. Campus France, La mobilité étudiante dans le monde. Chiffres clés 2024, avril 2024. En ligne : https://ressources.campusfrance.org/noindex/chiffres_cles_2024_fr.pdf

; dans les bibliothèques de lecture publique, la présence d’usager·es allophones ou désireux·ses d’avoir accès à des ressources multiculturelles s’accroît 3
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Ainsi qu’en témoignent des travaux comme ceux de Marion Lhuillier, « La politique documentaire des fonds en langues étrangères : états des lieux et recommandations », dans Isabelle Antonutti (dri.), Migrations et bibliothèques, Paris, Éditions du Cercle de la Librairie, 2017, p. 139-149. En ligne 0160: https://shs.cairn.info/migrations-et-bibliotheques--9782765415428-page-139?lang=fr ou de Lucie Daudin (dir.), Accueillir des publics migrants et immigrés. Interculturalité en bibliothèque, Villeurbanne, Presses de l’Enssib, 2017 (coll. La Boîte à outils, no 40). En ligne : https://books.openedition.org/pressesenssib/7527

. Si, en France, l’absence de statistiques permettant d’identifier ces publics constitue un frein à la mise en place d’une politique d’accueil concertée, un récent rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) pointe le besoin urgent de disposer de données chiffrées pour proposer une offre de médiation et d’éducation artistique et culturelle pertinente 4
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Cf. Robert Lacombe et Catherine Meyer-Lereculeur, Le plurilinguisme dans les établissements publics du ministère de la culture, rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) no 2022-13, juillet 2022. En ligne : https://www.culture.gouv.fr/Espace-documentation/Rapports/Le-plurilinguisme-dans-les-etablissements-publics-du-ministere-de-la-culture.

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D’autre part, la circulation de l’information s’affranchit des frontières : des pans entiers de la recherche se font désormais en anglais ou dans d’autres langues véhiculaires. Une requête rapide dans la plateforme d’archives ouvertes HAL permet de s’en rendre compte : le pourcentage de documents disponibles en français est loin d’être majoritaire, avec 30 % de ressources en anglais pour les sciences humaines et sociales (SHS) et 86 % pour les sciences naturelles ou formelles 5

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Chiffres retenus pour la période 2019-2024. Ainsi, en cinq ans, 686 104 documents toutes disciplines confondues ont été déposés en anglais, (64 % du total) contre 365 339 en français (résultats au 19 octobre 2024).

. L’accès aux dernières données de la recherche en bibliothèque est donc indissociable d’une offre linguistique plurielle. C’est par exemple ce que soulignait, en 2019, une enquête menée auprès de professionnel·les de la documentation et de chercheur·es pour le GIS CollEx-Persée 6
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Cf. Six & Dix, Recueil des attentes et des usages potentiels des responsables documentaires et des communautés de chercheurs, vis-à-vis d’un outil de cartographie documentaire et scientifique, pour le GIS CollEx-Persée, synthèse de l’étude, GIS CollEx-Persée, octobre 2019. En ligne : https://www.collexpersee.eu/wp-content/uploads/2020/01/Cartographie-CollEx-Pers%C3%A9e-Synth%C3%A8se-Etude-site-web-janvier-2020.pdf

, qui mettait au jour la demande de diversification linguistique des ressources disponibles toutes disciplines confondues.

Face à ces mutations profondes, le monde des bibliothèques, premières institutions culturelles de proximité, se doit de tendre vers une plus grande diversité culturelle et linguistique. Il y est même tenu par un certain nombre de textes cadres définissant ses missions ou ses orientations : ainsi les manifestes conjoints de l’IFLA (International Federation of Library Associations) et l’Unesco sur les bibliothèques publiques 7

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IFLA et UNESCO, Manifeste IFLA-UNESCO sur les bibliothèques publiques 2022, septembre 2022. En ligne : https://repository.ifla.org/handle/20.500.14598/2122

et sur la bibliothèque multiculturelle 8
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IFLA et UNESCO, Le Manifeste de l’IFLA/UNESCO sur la bibliothèque multiculturelle : la bibliothèque multiculturelle – une porte d’entrée vers une société culturelle diversifiée en dialogue, mai 2012. En ligne : https://repository.ifla.org/handle/20.500.14598/734

stipulent que le rôle des bibliothèques est d’« encourager le dialogue interculturel et favoriser la diversité culturelle » 9
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IFLA et UNESCO, Manifeste IFLA-UNESCO sur les bibliothèques publiques 2022, op. cit., p. 1.

, notamment par la voie de coopérations internationales. Quant aux bibliothèques de recherche, elles sont pleinement concernées par la politique volontariste de la France en matière d’ouverture de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) à l’international. Cela passe notamment par le réseau d’universités européennes, une idée proposée par Emmanuel Macron dans son discours de la Sorbonne du 26 septembre 2017, et qui compte aujourd’hui 54 établissements français dont 11 coordonnateurs de projets 10
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Source : Universités européennes : où en est-on ?, Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, juillet 2023. En ligne : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/universites-europeennes-ou-en-est-91855

. Certains chantiers phares de l’ESR promeuvent explicitement la circulation du savoir dans différentes langues comme le montre le Deuxième Plan national pour la science ouverte 11
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Deuxième Plan national pour la science ouverte. Généraliser la science ouverte en France 2021-2024, Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, juillet 2021, p. 9-11. En ligne : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/content_migration/document/2e-plan-national-pour-la-science-ouverte-2021-2024-7794.pdf

, qui fait du multilinguisme l’une des priorités.

Or les engagements de l’État, des universités, des associations pour ouvrir les bibliothèques à l’international ne sont pas forcément suivis des faits. C’est ce que constate un référé de la Cour des comptes de juillet 2021 qui, signalant « l’importance croissante de l’écosystème de l’information et de la documentation scientifiques et du rôle des bibliothèques universitaires dans les performances de l’enseignement supérieur et de la recherche », constate qu’il n’y a pas de réponse organisée de la profession à l’« internationalisation de la science et de la révolution numérique » 12

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Cour des comptes, Référé S2021-1357 : La politique documentaire et les bibliothèques universitaires dans la société de l’information, adressé, 23 juillet 2021, p. 1-2. En ligne : https://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/70126-refere-la-politique-documentaire-et-les-bibliotheques-universitaires-dans-la-societe-de-l-information.pdf

. De fait, les référentiels métiers en lecture publique comme en bibliothèque académique n’abordent la question des compétences linguistiques et culturelles qu’à la marge. La prise en compte des compétences en langues étrangères, qui peuvent s’appliquer à toutes les facettes du métier de bibliothécaire, apparaît pourtant comme une réponse efficace à ces différents enjeux.

Des compétences en langues étrangères, pour quoi faire ?

Pour les services au public d’abord, c’est l’obligation d’accueil qui prime : si les bibliothèques sont vouées à accueillir des usager·es venu·es de l’international, elles doivent composer avec cette donnée dans leur politique d’accueil. Cela implique de disposer d’outils, de documentation idoines et donc de développer des compétences linguistiques et culturelles en interne. C’est ainsi que le service commun de la documentation (SCD) de l’Université de Reims Champagne-Ardenne s’est appuyé sur le bagage LVE (langues vivantes étrangères) de ses agent·es pour pouvoir proposer une candidature au label Marianne centrée sur l’accueil des publics non francophones 13

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Cf. Raoul Weber, « Dispositifs d’accueil des étudiants étrangers : quelques bonnes pratiques en BU », dans : Lucie Daudin (dir.), Accueillir des publics migrants et immigré, op. cit., p. 75-84. En ligne : http://books.openedition.org/pressesEnssib/7670

. Tout récemment, la Bibliothèque nationale de France (BnF), en partenariat avec la commission Jeunesse de l’Association des bibliothécaires de France (ABF), organisait une journée d’étude sur le thème « Vers des médiathèques interculturelles : les langues familiales, une chance pour la littérature jeunesse ! », pour mieux intégrer le fait qu’un cinquième de la population grandit désormais avec une autre langue familiale que le français 14
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Pour en savoir plus et pour accéder à l’éditorialisation autour de cette journée, voir : https://cms-cnlj-adm.bnf.fr/fr/page-editorial/focus-sur-les-langues-du-monde

. De même les personnels des bibliothèques de Sciences Po Paris, qui dispensent des formations en anglais, ou ceux de l’Humathèque Condorcet, qui forment à la gestion des bi-écritures pour les références en caractères non latins, participent de cette dynamique.

Pour les départements de collection ensuite, c’est le maintien de l’exigence scientifique et de la bibliodiversité qui est en jeu. Nos bibliothèques n’ont pas attendu l’ère de la mondialisation pour s’ouvrir aux savoirs étrangers : par son histoire, la France conserve des fonds d’une grande diversité linguistique. Outre les établissements spécialisés que sont la BnF, la Bibliothèque universitaire des langues et civilisations (BULAC) et à présent l’Humathèque Condorcet, de nombreuses bibliothèques universitaires (BU) détiennent des fonds multilingues. Ainsi, presque 40 % des fonds de référence labellisés CollEx (Collections d’Excellence) sont des collections d’études aréales. Faute de compétences idoines pour les entretenir, ces collections ne sont ni étudiées, ni alimentées, ni même parfois visibles dans les catalogues 15

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Pour se donner une idée de l’ampleur des fonds concernés, il suffit de citer les chiffres avancés par Dienaba Dia pour le signalement des fonds arabes : une recherche dans le Sudoc signale 81 113 notices en caractères arabes, tandis que son enquête auprès des établissements documentaires révèle la présence de 250 000 documents en caractères arabes, soit trois fois plus que le nombre affiché par le Sudoc. Source : Dienaba DIA, Signalement et valorisation des textes (religieux) en arabe : la coopération au service d’une meilleure (re)connaissance de ces fonds, mémoire d’étude DCB sous la direction de Philippe Martin, Villeurbanne, Enssib, mars 2020, p. 21. En ligne : https://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/69595-signalement-et-valorisation-des-textes-religieux-en-arabe-la-cooperation-au-service-d-une-meilleure-reconnaissance-de-ces-fonds.pdf

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Pour les missions techniques enfin, la maîtrise des langues étrangères est un outil indispensable. Le signalement et l’indexation de langues non latines, par exemple, demande des développements techniques couplés à une expertise linguistique, ainsi que le souligne une enquête de l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (Abes) 16

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Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (Abes), Enquête « Usages et pratiques du catalogage multi-écritures » : Bilan février 2019, synthèse complète. En ligne : https://fil.abes.fr/wp-content/uploads/2019/02/2019_enquete_usages_et_pratiques_du_catalogage_multi_ecritures_pour_diffusion.pdf

. Parmi les établissements ayant répondu, 82 % des établissements répondants déclarent ne pas disposer des compétences linguistiques nécessaires à la gestion de ces collections. De manière générale, l’évolution des bibliothèques vers le numérique exige de plus en plus d’aptitudes en informatique documentaire, dont la documentation est très majoritairement en anglais.

De ce rapide panorama, il ressort que les compétences LVE des bibliothécaires sont une porte d’entrée vers des facultés scientifiques et techniques et communicationnelles essentielles à la continuité de nos missions dans un contexte mondialisé. Reste à établir les moyens pour les intégrer aux réflexions sur les métiers.

Pour une approche plurilingue des métiers des bibliothèques

Les personnels des bibliothèques sont loin d’être monolingues : parce que les LVE font partie des critères de sélection de certains concours, qu’elles sont parfois demandées lors des recrutements, ou par sérendipité. Toutefois l’absence de réflexion concertée sur le sujet conduit à un transfert de responsabilité vers les établissements, voire les personnels eux-mêmes, pour assurer la présence de ces compétences dans les équipes. Cesser de compter sur les effets d’opportunité, sur les compétences fortuitement présentes dans nos métiers, implique de penser les bibliothèques comme un espace multilingue, avec des personnels formés et équipés.

En cela, quelques préconisations et exemples vertueux peuvent être éclairants, sans s’aveugler pour autant sur les freins liés aux contraintes budgétaires, à une culture professionnelle essentiellement monolingue et à la prédominance de la lingua franca qu’est l’anglais.

Établir un cadre pour ces compétences en bibliothèque

Créer un socle professionnel commun autour des langues étrangères, voilà la première condition pour ancrer nos bibliothèques dans un monde multilingue. Si on a vu que ces compétences peuvent concerner tous les aspects du métier, il convient de définir les degrés de maîtrise attendus selon le domaine et le niveau de responsabilité. Les bibliothécaires n’ont pas vocation à être des linguistes, mais intégrer les LVE dans leur domaine d’expertise suppose une granularité de maîtrise et de langues concernées différente, entre un responsable de collection qui doit disposer d’une certaine légitimité dans son domaine, les profils techniques montant en compétence au travers de la documentation et les échanges en anglais, et des agent·es d’accueil capables de communiquer dans des langues véhiculaires 17

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Pour une proposition d’objectifs de compétences en langues étrangères par domaine d’application, voir : Inès Carme, Quelle place pour les compétences en langues étrangères chez les professionnel·le·s des bibliothèques ?, mémoire d’étude DCB sous la direction d’Anna Svenbro, Villeurbanne, Enssib, mars 2023, Annexe 6, p. 115-118. En ligne : https://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/71164-quelle-place-pour-les-competences-en-langues-etrangeres-chez-les-professionnel-le-s-des-bibliotheques.pdf

. En complément, constituer un répertoire de référent·es sur le territoire, à l’image de celui de la Transition bibliographique 18 permettrait de faciliter l’identification de personnes ressources, qu’il s’agisse de cataloguer un ouvrage persan ou de rédiger une brochure d’accueil en ukrainien. Ce dispositif peut tout aussi bien être décliné à l’échelle des établissements, comme pour le SCD de Paris 8, qui propose aux agent·es d’indiquer dans l’annuaire interne leurs compétences LVE, ce qui a conduit entre autres à la création de badges individuels figurant les langues parlées dans la BU.

Mieux prendre en compte les LVE au moment du recrutement

Si elles sont mieux identifiées, ces compétences peuvent aussi être intégrées plus systématiquement au bagage des bibliothécaires : cela permettrait de pérenniser la présence de personnel qualifié, attendu que l’apprentissage d’une langue est un investissement difficile à imposer sans y mettre les moyens. En cela, les cadres sont particulièrement concerné·es : il serait alors pertinent de proposer une véritable diversité des langues, en adéquation avec celle des publics et des collections, aux concours de bibliothécaire et conservateur·ice. C’est ce que Philippe Marcerou, alors coordinateur de l’épreuve de langues des conservateur·ices, appelait de ses vœux dans un rapport à la ministre de l’ESR en 2009 19

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Dans: Inspection générale des bibliothèques, Benoît Lecoq, Profils de carrière des directeurs de bibliothèque, Rapport à Madame la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche no 2009-019, novembre 2009. En ligne : https://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/48084-les-profils-de-carriere-des-directeurs-de-bibliotheque.pdf

. De fait, une voie de ce concours était réservée aux spécialistes de langues jusqu’en 1991.

Au-delà du recrutement des fonctionnaires, l’ouverture des bibliothèques à des profils plurilingues peut également se faire de manière ciblée, que ce soit par le biais de stagiaires, moniteur·ices, ou de chercheur·es. Cela aurait l’avantage de faire découvrir les métiers des bibliothèques à ces profils. À la BU Fenouillères d’Aix-Marseille, par exemple, des étudiant·es en langue recrutés pour traiter des dons de linguistes ont ensuite pu passer les concours et être titularisé·es.

Développer une offre de formation adaptée

Afin d’assurer la continuité de cette prise en compte des LVE dans la profession, il importe de créer les conditions pour que les personnels des bibliothèques puissent monter en compétence dans ces domaines. Appliquer des compétences linguistiques à des problématiques métier demande une offre de formation ciblée, adaptée aux domaines bibliothéconomiques. Celle-ci pourrait se décliner à l’échelle du territoire, via les Centres régionaux de formation aux carrières des bibliothèques (CRFCB) en profitant des possibilités numériques pour mutualiser une partie de cette offre, ou bien à l’échelle de l’établissement, via les plans de formation. Les BU de l’Université Savoie-Mont Blanc, par exemple, ont fait des LVE une trajectoire structurante de leur plan de formation depuis 2019, s’inscrivant ainsi dans la politique internationale de l’université 20

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Source : Bibliothèques universitaires de l’Université Savoie Mont Blanc, Rapport d’activité 2021. En ligne : https://www.univ-smb.fr/bu/wp-content/uploads/sites/38/2022/07/2021_ra-complet_version-juin.pdf. Par la suite, les BU ont continué à faire des compétences linguistiques un axe fort de leur plan de formation, avec la création d’un groupe de travail spécifique et une continuité de l’offre de formation en langues pour le personnel.

. L’accompagnement des établissements est déterminant : trop souvent ces formations sont le résultat d’initiatives individuelles, et sont faites sur le temps personnel des agent·es. Permettre aux bibliothécaires de penser leur métier dans une autre langue est aussi un moyen efficace d’encourager la participation à des réseaux de professionnel·les internationaux.

Favoriser la coopération à tous niveaux

La mise en commun, à tous niveaux, des LVE appliquées aux enjeux des bibliothèques, peut non seulement se révéler un atout pour répondre à la pénurie des compétences linguistiques, mais aussi contribuer à rendre plus visibles les réalisations des bibliothécaires français. Une politique de partage de compétences linguistiques, c’est justement ce qu’ont mis en place le SCD de l’Université de Strasbourg (Unistra) et la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg dans le projet de bibliothèque des langues orientales. La présence d’une mission ou d’un groupe « relations internationales » avec un budget dédié au sein d’une bibliothèque favorise l’intégration de cette dimension dans l’établissement, qui peut prendre en compte : la participation aux rendez-vous internationaux, la réponse à des appels à projets européens, ou les échanges de bonnes pratiques via des programmes comme Staff Weeks d’Erasmus+.

Ce qui est en jeu, c’est enfin la crédibilité des bibliothécaires français sur le plan international : si nos publications professionnelles, comme en témoigne ce numéro, font la part belle aux éclairages internationaux, pourquoi ne pas investir en retour le champ des publications professionnelles étrangères ?

Conclusion

À l’heure où le monde de l’information est bouleversé par les développements tous azimuts de l’intelligence artificielle, il est légitime de se demander s’il est bien pertinent de plaider pour l’intégration des langues étrangères dans les compétences des bibliothécaires : ne parlera-t-on pas tout·es bientôt une langue universelle par l’intermédiaire des logiciels de traduction automatique ? Si ces outils peuvent jouer un rôle de facilitateurs, ils ne sauraient se substituer aux compétences humaines de médiation qui, aujourd’hui plus que jamais, doivent rester au cœur de nos métiers.