Le sport à l’Université de Lille : documentation spécialisée et médiation scientifique
La création progressive de la bibliothèque spécialisée STAPS
À l’image de nombre d’établissements spécialisés dans l’enseignement supérieur, la Faculté des sciences du sport et de l’éducation physique de l’Université de Lille possède sa propre bibliothèque. Sa reconnaissance officielle n’est intervenue qu’à une période récente, comme « bibliothèque associée », synonyme d’une institutionnalisation universitaire. C’est selon la même logique, dans ce contexte d’évolution, qu’intervient le recrutement d’un personnel de métier pour rompre avec un certain dilettantisme professionnel.
Il existait jusque-là une sorte de centre de documentation dont l’histoire se confond avec celle des Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS), laquelle remonte à l’entre-deux-guerres, avec la création des premières unités d’enseignement et de recherche (UER) sous la forme d’instituts universitaires. L’Institut régional de l’éducation physique de Lille 1
Centre de formation pédagogique français créé en 1927 et rattaché aux facultés de médecine afin de former les futurs enseignants d’éducation physique du système pédagogique français.
La bibliothèque de la Faculté des sciences du sport et de l’éducation physique, petite structure, ressemblait à un centre de documentation, avec des collections en accès indirect et, pour une partie d’entre elles, signalées dans le logiciel documentaire Alexandrie. Elle a été gérée pendant plus de quarante ans par des enseignants sans réelles qualifications dans le domaine documentaire.
La mention de « responsabilité » la plus ancienne identifiée – dans les archives de la bibliothèque – remonte à celle de Michel Lequarré 2
Michel Lequarré (1944-2022) responsable du centre de documentation de la Faculté des sports de Lille de 1976 à 2005.
La revue Héraclès, créée en 1946, milite pour le développement de l’éducation physique et des sports et leur intégration à l’école.
Monsieur Lequarré recevait régulièrement des copies de thèses et mémoires confiés par l’INSEP, lequel a légué ensuite ce fonds au centre de documentation. C’est en grande partie grâce à lui que ce centre de documentation a pu se développer et se moderniser au fil des années, avant de devenir la bibliothèque universitaire (BU) que l’on connaît aujourd’hui. Dès le début des années 2000, il exprimait déjà son souhait d’ajouter une extension à la bibliothèque ; mais ce n’est qu’en 2013-2014, à la suite de son élection, que le doyen Guillaume Penel affirma sa volonté de voir évoluer ce centre en une véritable BU.
Ce centre de documentation qui devient « bibliothèque STAPS », dite Martine-Gauquelin 4
Martine Gauquelin (1955-1994), agrégée d’éducation physique et sportive, titulaire d’une maîtrise de philosophie. Membre du CELRAS (1979-1994), élue à l’UFR-STAPS de l’Université de Lille-2 (en 1984).
Si les collections sur le sport sont majoritairement ultérieures aux deux conflits mondiaux, la BU STAPS détient aussi un fonds d’ouvrages plus que centenaires qu’elle souhaite valoriser.
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Figure 1. É.-J. Marey, La machine animale, locomotion terrestre et aérienne, Bibliothèque scientifique internationale, 1886
Le sport : une collection patrimoniale à signaler et à valoriser grâce à la numérisation
Depuis maintenant un demi-siècle, les différentes institutions encadrant les pratiques des bibliothèques tentent d’apporter des solutions et des moyens aux structures désireuses de mettre en place des actions patrimoniales (plan de conservation, catalogue rétrospectif, etc.). La participation en 2022 de la BU STAPS à l’appel à projets de l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (ABES) pour le signalement de son fonds patrimonial en est un parfait exemple.
Ce projet a soulevé la question de la mise en valeur d’un fonds patrimonial, champ de préoccupation dont, semble-t-il, la BU STAPS était tenue historiquement à l’écart. Cette réflexion fut l’occasion de s’interroger sur les lois en vigueur et sur les pratiques de la communauté des bibliothécaires en matière de patrimonialisation 5
Il s’agit en soi de sélectionner les documents selon les critères consacrés : « anciens », « rares » et « précieux ». Ces critères ne sont pas toujours si évidents à appliquer ; ils n’ont pour ainsi dire pas de pertinence sans contextualisation de la collection en question. Cette contextualisation qui relève de la démarche d’évaluation d’une collection est une étape cruciale lorsqu’on entreprend de la valoriser.
Historiquement, le fonds de la BU STAPS s’est constitué au fur et à mesure des acquisitions et en grande partie grâce aux dons d’enseignants partant à la retraite. Il a majoritairement trait à l’histoire des sciences de l’éducation physique et sportive.
Bien que s’agissant d’une disciplinaire universitaire relativement récente avec la création du DEUG 6
STAPS en 1975, les premiers travaux significatifs – consacrés à l’exercice corporel – remontent à la deuxième moitié du XIXe siècle. L’entrée de l’éducation physique comme matière scolaire obligatoire en 1882 favorise la production plus conséquente d’écrits savants, aujourd’hui considérés comme des ouvrages anciens et de référence. C’est le cas des premières éditions des précurseurs de l’histoire des sciences du sport, Francisco Amorós (1770-1848) de l’École normale de gymnastique de Joinville (créée en 1852), Georges Hébert (1875-1957) de l’École des fusiliers marins de Lorient, ou encore Georges Demenÿ (1850-1917), préparateur au Collège de France puis au Cours supérieur de l’éducation physique.Autre indicateur, la rareté, qui correspond à la présence ou non d’un document au sein des bibliothèques d’un territoire. Pour le mesurer, un premier indice est de vérifier si celui-ci est présent dans le catalogue de la Bibliothèque nationale de France (BnF). Si le document n’y est pas signalé, il s’agit déjà d’un potentiel gage de rareté. Elle peut être confirmée par son absence dans le catalogue du Système universitaire de documentation (Sudoc). Quand il est présent dans ce catalogue, il faut encore vérifier combien de bibliothèques le possèdent mais aussi sa disponibilité dans une BU située sur le territoire local ou dans une bibliothèque de la région. Comme chacun sait, les lacunes de signalement dans les catalogues des bibliothèques restent un frein à l’évaluation exhaustive d’une collection.
Enfin, concernant le critère de préciosité des documents, il n’a pas été pris en compte. Pour déterminer la préciosité du document sur un critère vénal, il eût été nécessaire de faire intervenir un professionnel pour évaluer les différents matériaux du livre et leurs valeurs.
Ce fonds patrimonial enfin sélectionné et signalé depuis l’an dernier, restait la question de sa valorisation qui fait l’objet de réflexions depuis 2019.
En 2019, la BnF lance un Programme de numérisation en sport 7
. S’il n’a pas été possible à la BU STAPS de répondre à l’époque à cet appel, le projet se relance sous le double effet du signalement rétrospectif et de la naissance de LillOnum 8, la bibliothèque numérique patrimoniale de l’Université de Lille. Une réunion est organisée au printemps 2023 entre le personnel de la BU STAPS, l’équipe LillOnum et Joris Vincent, enseignant-chercheur en STAPS à l’université, fin connaisseur des fonds documentaires de STAPS et qui avait déjà participé à la réflexion en 2019.
Figure 2. LillOnum
© SCD - Université de Lille
Grâce à la liste complète du fonds patrimonial, l’équipe LillOnum opère une sélection des ouvrages selon trois critères principaux : les documents doivent être libres de droits, être complets et ne pas être déjà accessibles sur Gallica ou Google Books. À l’hiver 2024, une sélection d’une quarantaine d’ouvrages est validée par les parties prenantes. La numérisation est assurée en avril-mai par l’Atelier de numérisation et de reproduction des thèses (ANRT) 9
. L’équipe LillOnum entame alors son marathon (JO oblige !) pour mettre en ligne les documents numérisés et créer leurs notices électroniques. Pari réussi : la collection Sport 10 est lancée le 21 juin 2024 et vient enrichir Gallica par voie de moissonnage. Le même jour, l’Agence régionale Livre et lecture lance son exposition virtuelle « À fond(s) ! » 11 sur la bibliothèque patrimoniale L’Armarium 12. Les initiatives de communication croisées à l’échelle des Hauts-de-France (affiches, articles, réseaux sociaux…) s’en sont trouvées grandement facilitées.La prise en compte des complémentarités de contenus comme de compétences dès la genèse des projets, la volonté de profiter de temporalités conjointes s’est avérée particulièrement importante, avec une mise en place conduite en un an côté Université de Lille.
« Va y avoir du sport ! Ce que nous apprend la recherche », thématique de la nouvelle saison Xperium
À l’heure où la recherche est questionnée sur ses fondements et ses attendus, LILLIAD 13
« LILLIAD Learning Center Innovation (ou LILLIAD) est le learning center (forum des savoirs) à caractère scientifique de l’Université de Lille, axé sur l’innovation et inauguré en 2016 au sein du campus de la Cité scientifique » (source : Wikipédia).
Concept inédit présentant la recherche en train de se faire dans les laboratoires de l’Université de Lille, Xperium est l’un des trois pôles d’activités de LILLIAD Learning Center Innovation, avec le pôle bibliothèque et le pôle événementiel. Site : https://lilliad.univ-lille.fr/xperium
La saison 5 (octobre 2023 – juillet 2024) est ainsi consacrée au sport et à son lien avec, pour et dans la société : sport santé, sport plaisir, sport citoyen… 15
Sur ses huit espaces de découvertes, on montre la recherche « en train de se faire », à l’aide de démonstrations et expériences pédagogiques, interactives, étonnantes, sportives aussi. Elles ont pour objectif d’expliquer progressivement les principes fondamentaux de la recherche, d’en montrer les résultats et les applications réalisées ou potentielles. On peut ainsi découvrir les t-shirts connectés avec des circuits brodés directement dans le textile et l’usage de l’intelligence artificielle (IA) pour améliorer la nage, « sentir » quelles odeurs peuvent accroître la motivation à s’engager dans une pratique sportive, apprendre à gérer le diabète avant, pendant et après son activité, analyser le déficit de pratique féminine dans les quartiers prioritaires, prévenir les commotions cérébrales chez les sportifs, appréhender les ressorts juridiques de l’e-sport, ou repérer les éléments qui donnent les chances d’être actif toute la vie et de préserver sa santé. Et bien sûr on fait du sport ! Sur un mur d’escalade pour mesurer la consommation d’énergie, ou en effectuant des tests de forme.
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Figure 3. Xperium
© SCD - Université de Lille
Mais ce qui fait l’originalité d’Xperium depuis sa création en février 2014, c’est l’incarnation de ces recherches, grâce à la médiation des acteurs de la recherche eux-mêmes, principalement de jeunes doctorants qui initient le dialogue direct avec le public pour parler de leur sujet de recherche.
Xperium, à son échelle mais avec ambition, crée ainsi les conditions pour une réflexion sur les processus de recherche, sur le caractère unique et universel de la démarche scientifique qui permet à la recherche d’avancer, aux chercheurs d’avoir cette inspiration qui fait progresser la connaissance et la société. C’est tout le sens de la présence d’Xperium au sein d’une bibliothèque universitaire comme LILLIAD.
Le public, venu de toute la région, ne s’y trompe pas : cette première année de la saison connaît un record de fréquentation, la plus forte en dix ans avec plus de 3 800 visiteurs, dont 63 % sont des lycéens et collégiens.
À côté de cet espace de partage des savoirs « en construction », Xperium a créé trois dispositifs incitant à bouger plus et à mettre en avant le rôle du sport pour une meilleure vie en société : le « Challenge Xperium : lycéens et étudiants ensemble pour innover » 16
, à destination des élèves de lycées de l’académie de Lille et des étudiants de l’Université de Lille ; « Bouge-toi Hugo ! la pratique sportive à Kaléidopolis » 17, jeu « phygital » permettant une visite découverte ludique à travers les stands d’Xperium et ainsi une sensibilisation « décalée » aux thématiques des espaces « recherche » ; « Bougez ! Cherchez ! » 18La découverte du campus en bougeant ou en marchant : https://bougez-cherchez.univ-lille.fr/accueil
La saison et les trois dispositifs qui y sont adossés ont été décidés dès 2022, soit bien avant d’avoir connaissance de la désignation de l’année 2024 comme Grande cause nationale pour le sport. Les sujets présentés sont en étroite résonance avec les objectifs de santé et d’inclusion de cette dernière. Venir à Xperium c’est être sensibilisé à ces enjeux.
Et déjà nous sommes projetés vers la saison 6, consacrée aux transitions sous toutes les formes, avec de nouvelles idées et projets. Xperium va offrir une vraie mise en valeur à de nouveaux laboratoires, leurs chercheurs et leurs partenaires, et permettra, comme depuis dix ans, la dissémination de leur savoir auprès de la société.