Quand art et sciences se rencontrent : le projet « Dessins naturalistes » à la bibliothèque de l’université Reims Champagne-Ardenne
La bibliothèque universitaire (BU) de l’université de Reims Champagne-Ardenne (URCA) a présenté son projet de service pour la période 2024-2028 détaillant son plan d’action pour l’évolution de ses activités à moyen terme, notamment dans le domaine de l’action culturelle. Parmi les objectifs exposés : la participation au groupe de travail transversal en vue de l’obtention de la labélisation « Science avec et pour la société » (SAPS) par l’université, mais aussi le développement de la co-construction avec les usagers d’une action culturelle répondant au mieux à leurs besoins et envies.
Cet article présentera un exemple de projet mené à la bibliothèque répondant à cette philosophie. Bien que préexistant à la version actuelle du projet de service, il en incarne parfaitement les caractéristiques et constitue aujourd’hui une réussite concrète, parmi d’autres formats réguliers proposés par la bibliothèque, tout en continuant d’évoluer au fil des ans.

Figure 1. Concours 2024
Crédit Clémence Dumont
Historique du projet et évolution
Le projet « Dessins naturalistes » initié par Séverine Paris, enseignante-chercheuse de l’URCA, se tient à la BU Sciences et Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives) sur le campus Moulin de la Housse, depuis 2016. Le projet est né à la suite d’un dessin réalisé par une étudiante lors d’une séance de travaux pratiques (TP) assuré par Séverine Paris. Regrettant que cette compétence ne puisse être valorisée par l’étudiante sur son CV, l’enseignante a alors eu l’idée d’un concours de dessins naturalistes, permettant aux lauréats de faire montre de leur talent et, selon ses termes, « de leur ouvrir des portes » dans des domaines comme le journalisme scientifique, par exemple.
D’abord réservé aux adultes, avec une vingtaine de participants la première année, le concours a été ouvert également aux enfants deux ans plus tard, en 2018. Cette même année 2018 a marqué un tournant dans l’ambition du projet, puisque la BU a proposé, en parallèle du concours, une exposition dans un style « cabinet de curiosités », mêlant des documents de ses fonds à des spécimens naturalistes issus des collections du laboratoire SEBIO (Stress Environnementaux et BIOsurveillance des milieux aquatiques). Cette exposition/manifestation a rencontré un franc succès auprès des publics de la BU et généré un intérêt supplémentaire pour le projet. Afin de valoriser les lauréats, Séverine Paris a créé un site dédié au projet, régulièrement alimenté.
Le projet a suscité en 2019 pas moins de 115 participations, parmi lesquelles des élèves avec leur classe. Ce succès d’une ampleur inattendue a amené à resserrer le règlement, en adoptant notamment des critères d’exposition plus stricts et un quota de dessins pour les classes, afin d’assurer un niveau qualitatif suffisant.
Après une pause contrainte due au Covid, le projet a été relancé en 2023 avec une cinquantaine de participants, enfants et adultes confondus, avec un peu plus du double de dessins proposés.
Édition 2024
Ce projet s’est ainsi développé et enrichi au fil des ans pour arriver en 2024 à une proposition ambitieuse impliquant la bibliothèque municipale de Reims et renforçant sa dimension grand public. L’exposition sur le dessin naturaliste a été largement remaniée, en incluant de nombreuses planches issues de bases iconographiques, françaises et étrangères, illustrant les différentes sections de l’exposition. Elle a été présentée d’abord à la médiathèque Jean-Falala puis à la bibliothèque universitaire Sciences et Staps sur le campus Moulin de la Housse.
Nouveauté de cette année : six ateliers de dessin, mêlant sciences et art, ont eu lieu dans les bibliothèques (municipale et universitaire), animés par Séverine Paris et par des illustrateurs spécialisés. L’objectif de ces séances était de sensibiliser les participants à la biodiversité et à la beauté de la nature, mais aussi de leur montrer que cette activité était accessible à tous, tant au niveau des compétences que du budget nécessaire pour se procurer le matériel. La progression s’est ainsi faite de manière naturelle, tant en termes de connaissances scientifiques que de techniques artistiques, le résultat dépassant largement les attentes initiales. Ces ateliers ont aussi pu permettre aux participants de travailler sur les œuvres présentées par la suite au concours.
L’installation et surtout la mise en cadre des œuvres de l’exposition et du concours ont demandé un travail important de la part de l’ensemble de l’équipe de la BU Moulin de la Housse, notamment de collègues généralement non impliqués dans l’action culturelle et qui assurent un renfort précieux sur cette période. Ce projet est devenu au fur et à mesure un temps fort de l’année de la bibliothèque, nécessitant de longs mois de préparation, jusqu’à la dernière ligne droite en janvier et février.

Figure 2. Affiche du concours 2024
Crédit Séverine Paris
L’édition de cette année a été un grand succès, les ateliers ayant même refusé du monde, avec des retours très positifs des participants. Le concours a donné lieu à 93 œuvres au total, de grande qualité, de toute la France, mais aussi de Belgique et de Suisse. Le « vote du public » a également largement mobilisé les usagers de la bibliothèque. L’édition s’est conclue par une cérémonie de remise des prix organisée à la BU, en présence des organisateurs, des membres du jury et de nombreux participants. Cette soirée a aussi été l’occasion pour nous d’échanger avec les différents acteurs et de mesurer la dimension communautaire formée autour du dessin naturaliste.
Une des caractéristiques singulières de ce projet tient dans sa dimension intergénérationnelle. En effet, de nombreux enfants souhaitant participer aux ateliers ou au concours finissent par attirer leurs parents, qui se laissent finalement prendre au jeu et manient à leur tour crayons et pinceaux pour soumettre une œuvre. Ainsi cette année, le plus jeune participant avait seulement 4 ans, et on trouvait des actifs, des retraités, des étudiants, des enfants.
Évaluation
L’évaluation de l’édition 2024 a été l’occasion de faire un bilan du point de vue de chacun des acteurs impliqués, mais aussi d’évoquer un certain nombre de pistes d’amélioration pour l’année prochaine. Côté BU, des points d’améliorations ont déjà été listés, parmi lesquels :
- une meilleure valorisation des œuvres, notamment celles primées lors du concours en ligne sur le portail de la BU, en complément du site de Séverine Paris. Cette évolution répondrait à une volonté de mettre en avant la richesse de l’activité de la bibliothèque et de ses partenaires, de faire la promotion de ce projet récurrent, et de garder trace de nos activités pour les faire perdurer au-delà des temps d’expositions physiques. Cette trace permettrait également à la bibliothèque de pouvoir mieux rendre compte, et ainsi de justifier et de légitimer son activité, l’action culturelle restant une activité encore trop méconnue de nos publics, et même de la communauté universitaire dans son ensemble ;
- une participation accrue de personnes régulières et talentueuses aux ateliers, afin de faire profiter à tous de leurs techniques et connaissances. Les ateliers et le concours ont permis de former une petite communauté de passionnés favorisant l’émulation et la créativité. Au-delà du fait d’accroître le nombre d’ateliers proposés sur l’année et de répondre à un besoin exprimé à la fois par les participants et par des personnes n’ayant pu s’inscrire faute de place, ces nouveaux intervenants pourront apporter une plus grande variété artistique et une sensibilité nouvelle. Cette participation ferait en outre passer un cap supplémentaire dans la co-construction avec les usagers, point important du projet de service de la bibliothèque ;
- la labélisation SAPS de l’université permettrait de mettre davantage en lumière ce projet trop peu connu, y compris dans l’université, alors même qu’il correspond pleinement aux enjeux de cette politique publique, et de poursuivre son développement, notamment grâce à une visibilité accrue au niveau national.

Figure 3. Concours 2024
Crédit Marine Poncelet
Conclusion
Ce projet est ainsi une formidable opportunité d’attirer de nouveaux publics à la bibliothèque, de créer des liens forts et pérennes avec les chercheurs et de rayonner au-delà de nos murs, tout en permettant à des personnes talentueuses de valoriser leurs compétences, d’enrichir leurs connaissances, et ainsi de renforcer l’identité du projet.
Nous espérons multiplier les projets portés en partenariat avec des enseignants et des étudiants de l’URCA, et construire notre offre d’action culturelle autour de ce type d’initiative à l’avenir. D’autres projets collaboratifs sont déjà menés au sein de nos bibliothèques, mais restent encore trop largement des initiatives isolées d’enseignants et/ou d’étudiants et n’atteignent pas encore ce niveau de co-construction. Nous comptons nous appuyer sur cette expérience et les retours qui nous sont faits pour développer d’autres projets similaires.
Nous pensons que cette identité permettra de donner davantage de sens à l’action culturelle en impliquant plus largement les publics, mais aussi nos équipes dans les bibliothèques, et d’être davantage reconnus au sein de l’université ainsi que dans la communauté locale afin d’être identifiés comme partenaire de projets ultérieurs.
L’auteur souhaite remercier Séverine Paris, enseignante-chercheuse à l’URCA au sein du laboratoire SEBIO, pour avoir donné son accord pour la rédaction de cet article et son aide lors de son écriture, ainsi que l’ensemble de l’équipe de la bibliothèque universitaire Moulin de la Housse et plus particulièrement Thémis Acrivopoulos, Catherine Jean, Claire Lévêque et Sylvie Rolland, largement impliquées dans la réussite de ce projet.
Les dessins du concours 2024 et des années précédentes peuvent être retrouvés ici : https://dessinnaturalistereims.wordpress.com/