La fête de la science à la bibliothèque universitaire

Quelques lignes directrices pour construire une politique d’action culturelle en BU

Magali Thiebaut

La bibliothèque universitaire (BU) de CY Cergy Paris Université est organisée en un réseau de dix sites (cinq sur le bassin cergyssois, cinq plus excentrés) et, depuis 2021, en services transversaux : politique documentaire, signalement, accueil, formation, communication… et action culturelle. Cette organisation pose un certain nombre de questions, sans doute bien connues des bibliothèques universitaires structurées de la même façon, auxquelles s’ajoutent les problématiques propres à l’action culturelle en BU, principalement la difficulté à impliquer les étudiants dans les actions proposées.

Par ailleurs, depuis deux ans, la BU de CY Cergy Paris Université participe à la Fête de la science, manifestation annuelle nationale pilotée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et organisée à l’université par la direction de la recherche. Durant dix jours, les chercheurs de l’université participent sur divers lieux et dans divers formats à la valorisation de leurs recherches, mais surtout au dialogue entre science et société et à la réflexion citoyenne commune sur notre monde présent et futur. Ils sont présents à la BU sur une journée ainsi qu’environ 300 lycéens.

Réfléchir à l’inscription de la BU dans cet événement nous permet à la fois de mieux saisir les facteurs de réussite d’une action culturelle et d’identifier des éléments de définition, dans l’objectif d’une structuration et d’une professionnalisation du service.

Une réflexion préalable sur le cadre et les objectifs de l’action culturelle en BU, en lien avec les missions officielles listées par le code de l’éducation, semble nécessaire. Qu’est-ce que l’action culturelle à la BU, et que voulons-nous en faire ? Pour rappel, les BU sont censées « participer, à l’intention des utilisateurs (...) aux activités d’animation culturelle, scientifique et technique de l’université, ou des établissements contractants ». Plusieurs propositions existent conjointement à la BU de Cergy Paris Université, visant différents objectifs :

  • Certaines permettent de participer à l’animation de la vie étudiante. Ainsi, en plus des temps conviviaux de fin d’année ou de l’accueil « boissons chaudes » dans certaines BU pendant les périodes de partiels, les agents des différents sites proposent fréquemment des affichages participatifs ou des ateliers (en lien avec les loisirs créatifs pour une BU Inspé 1
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    Institut national supérieur du professorat et de l’éducation.

    par exemple). Autant de propositions qui permettent de créer une ambiance « accueillante » et chaleureuse dans les bibliothèques, et de provoquer ou de renforcer les liens entre bibliothécaires et étudiants grâce aux échanges spontanés qui naissent de ces dispositifs. Ces propositions sont gérées à l’échelle des sites et sont appréciées des étudiants.
  • D’autres actions participent de la vie culturelle de l’établissement : plusieurs propositions sont montées en lien avec la direction de la culture, pour la co-organisation d’événements (par exemple, en 2024, fresques participatives sur les murs et vitres des BU avec une artiste et des étudiants) ou pour l’accueil de certaines expositions. La participation indépendante de la BU à certains événements culturels nationaux peut aussi s’inscrire dans ce cadre : propositions variées pour le Printemps des poètes ou participation au Prix du roman des étudiants France Culture-Télérama notamment.
  • Enfin, et peut-être surtout en ce qui concerne cet article, plusieurs propositions sont l’occasion de valoriser la recherche à l’université. Dans les BU, cela peut consister en la mise en avant de collections acquises, la mise en place de mini-conférences de doctorants, ou l’organisation ou la participation à des événements d’ampleur liant science et société. La BU a par exemple participé en 2022, 2023 et 2024 à la Nuit des étoiles d’hiver, pilotée par l’Association française d’astronomie.

Malgré cette diversité de propositions, des difficultés persistent, en particulier le sentiment chez les collègues chargés de l’action culturelle d’investir beaucoup de temps et d’énergie pour un nombre réduit de participants ou de retours.

Il nous semble qu’analyser la Fête de la science et ses caractéristiques nous permet de mieux discerner ce qui peut constituer une politique d’action culturelle réussie 2

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Nous ne reviendrons plus ici sur les événements conviviaux et organisés par chaque BU de manière individuelle.

, et ainsi dessiner des axes structurants pour l’organisation du service.

La première dimension est évidemment le fait de traiter d’enjeux scientifiques, quelle que soit la discipline, et plus particulièrement de travailler à la mise en relation entre ces savoirs et les usagers. Cela rejoint de manière logique l’activité de médiation entendue au sens large qu’exercent les BU : accompagnement sur l’usage de la BU et de ses services, mise à disposition et signalement de collections de tous types, formations aux compétences informationnelles et à la science ouverte.

Lors de la Fête de la science à la BU, deux étages sont réorganisés pour accueillir une quinzaine de stands. Plusieurs mois en amont et jusqu’à l’événement, la responsable de l’action culturelle de la BU et la direction de la recherche de l’université travaillent conjointement pour établir une liste de participants-animateurs, les contacter, recueillir leurs besoins et coordonner leur venue et installation à la BU. Les partenaires récurrents sont principalement plusieurs laboratoires et chercheurs de l’université qui ont alors l’occasion de faire de la médiation auprès de jeunes publics avec des propositions pratiques et ludiques (fabrication de déodorant solide, atelier sur l’érosion, planétarium mobile). Interviennent également des associations du territoire dont les objectifs pédagogiques et de diffusion de la culture scientifique correspondent à l’esprit de la manifestation, et qui permettent d’enrichir la programmation.

Le second point est la dimension partenariale et universitaire du projet, permettant à la BU d’être reconnue au sein de son environnement comme un acteur crédible et de faire de la manifestation un événement réussi dont les organisateurs peuvent être fiers.

Le partenariat le plus évident est celui tissé avec la direction de la recherche, continuation d’autres activités de la bibliothèque 3

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Le service d’appui à la recherche de la BU est en effet en lien avec la direction de la recherche sur divers sujets, comme les formations à la science ouverte ou aux plans de gestion de données.

. Mais d’autres services de l’université, a priori moins liés aux questions de vulgarisation scientifique, ont aussi répondu présent : c’est le cas des personnels de la direction de l’orientation et de l’insertion professionnelle (DOIP) et du service de santé étudiante (SSE). Une présence précieuse et justifiée car elle permet, d’une part, aux lycéens de mieux appréhender ce nouveau monde qu’est l’enseignement supérieur et de discuter des possibilités qui s’offrent à eux 4
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La présence de la DOIP est un argument important que les enseignants peuvent valoriser auprès de leur établissement pour appuyer leur demande de déplacement.

, et d’autre part, elle participe de l’interconnaissance des acteurs universitaires : il est important pour un accueil de qualité pour nos usagers que les agents sachent aiguiller si besoin les questionnements vers les services compétents. Une manifestation de ce type est ainsi l’occasion de se rencontrer dans un contexte convivial pour dépasser des visions parfois faussées des activités des autres services 5
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Une rencontre plus formelle est organisée notamment au moment de la réunion plénière annuelle de la BU, à laquelle participent la DOIP et le SSE. D’autres liens existent : le service formation intervient par exemple au sein du dispositif « Projet professionnel » de la DOIP.

et de visibiliser l’action de la BU.

De manière générale, ne pas travailler indépendamment des autres acteurs permet d’éviter certains écueils. D’abord, un travail conjoint est fréquemment synonyme d’une participation plus importante à l’événement conçu. Concrètement, proposer une exposition de manière autonome ou prévoir un projet avec un enseignant n’aura pas le même impact. Ensuite, il existe à l’université et ailleurs des acteurs dont le cœur de métier est l’organisation d’événements culturels : la direction de la culture en premier lieu, et plus largement les musées, certains services d’institutions scientifiques… Le positionnement de la BU, pour être complémentaire de l’action de ces acteurs, devrait être de constituer un lieu d’accueil et de mise en valeur, d’avoir un rôle de mise en lien entre des usagers et des propositions.

Enfin, le troisième point est l’ouverture sur les acteurs et populations du territoire. Il s’agit d’une question importante sur le réseau cergyssois. En effet, toutes les BU à l’exception d’une sont intégrées dans des bâtiments universitaires et donc peu, voire pas accessibles au grand public. La BU des Cerclades est au contraire située en plein centre-ville de Cergy, et de fait plus ouverte vers l’extérieur, mais du même coup confrontée à d’autres problématiques qui, associées au contexte Vigipirate 6

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Le plan Vigipirate est un des outils du dispositif français de lutte contre le terrorisme. Il se situe dans le champ de la vigilance, de la prévention et de la protection.

, ont conduit à l’installation d’un portique d’accès : toute entrée pour les personnes ne faisant pas partie de l’enseignement supérieur est conditionnée par une inscription payante. Bien que plusieurs visites, de lycéens notamment, aient lieu durant l’année, la BU n’est jamais aussi ouverte que pour la Fête de la science : dix classes de lycéens de Cergy et du Val-d’Oise sont accueillies pour la journée, et le projet pour 2024 est d’accueillir quatre classes d’élémentaire supplémentaires. S’y ajoutent bien sûr les associations du territoire. L’ouverture n’est certes pas totale, mais les actions culturelles sont autant d’occasions de faire un pas vers les acteurs locaux, de porter le discours scientifique et de valoriser les réflexions universitaires au-delà de la communauté CY, et de compter dans le territoire.

Si la manifestation a pour l’instant lieu uniquement avec la BU des Cerclades, elle rassemble des agents volontaires de plusieurs sites, et une des perspectives pour les années futures serait de mettre en œuvre des variations adaptées à d’autres sites pour diffuser la dynamique au réseau.

Ainsi, la question de l’action culturelle concerne autant les sites individuellement que le réseau. Le choix a été fait de désigner un référent action culturelle par site qui propose des animations, en lien avec son responsable. La coordination des propositions et la définition d’une programmation se font ensuite via un groupe de travail et la réunion des responsables de site. Enfin, pour garantir la transversalité et dégager du temps pour piloter des manifestations de plus grande ampleur (Fête de la science notamment), la responsabilité de l’action culturelle est confiée à une bibliothécaire, également responsable du service d’appui à la recherche. Cela permet d’expliciter l’orientation de l’action culturelle vers des actions de valorisation de la recherche.

Si cette organisation reste à consolider, voire à réajuster, toujours est-il que la question de l’action culturelle dépasse les agents impliqués directement dans son organisation. Il dépend des personnes et instances décisionnaires qu’elle devienne un axe stratégique. Une prise en compte lors de la construction des fiches de poste, des demandes de financement et des aménagements ou réaménagements d’espaces sera nécessaire si l’objectif est d’en faire un facteur structurant de l’organisation.