Les alternatives. Écologie, économie sociale et solidaire : l’avenir du livre ?
Les alternatives. Écologie, économie sociale et solidaire : l’avenir du livre ?
La Plaine Saint-Denis, Double ponctuation et Alliance des éditeurs indépendants, 2021
Collection « Bibliodiversité, les mutations du livre et de l’écrit »
ISBN 978-2-490855-10-0
Cet ouvrage collectif paru en 2021 dans la collection « Bibliodiversité, les mutations du livre et de l’écrit » questionne l’avenir de « l’industrie livre » au regard des objectifs de développement durable tels qu’ils ont été définis depuis les années 1970 au sein des grandes instances internationales, et notamment l’Organisation des Nations unies (ONU).
Un des premiers enseignements de ce volume est que la corrélation entre impact environnemental, inégalités sociales et industrie du livre n’a commencé à émerger que tardivement chez les acteurs du secteur et auprès du grand public.
Comme le précise en introduction Étienne Galliand, qui dirige les Éditions Double ponctuation : « Ce déni était dû, peut-être, à la dimension immatérielle et symbolique du livre – considéré avant tout comme un contenu, et pas assez comme un objet –, qui aurait freiné la prise de conscience. » S’il semble par exemple évident pour chacun que la destruction des forêts primaires est un crime écologique majeur, il est moins bien assimilé que 40 % de la production forestière mondiale est destinée à la fabrication de papier et de carton.
Corinne Fleury, fondatrice de la maison d’édition l’Atelier des nomades (France/Maurice) donne un repère, qui a le mérite de rassembler autour d’un phénomène populaire : en 1997, J.K. Rowling crée Harry Potter. Dans les années qui suivirent, plus de 500 millions d’exemplaires (des 7 tomes) seront vendus dans le monde, en faisant « la série la plus plébiscitée du XXIe siècle ». Ce succès industriel sera accompagné d’une prise de conscience écologique dans les années 2000 : « L’industrie du livre entame alors un lent réveil. » Il convient de noter l’antériorité des mouvements militants altermondialistes dans le monde de l’édition au début des années 1990 (exemple de David Murray et des éditions Écosociété fondées en 1992 au Québec).
Dans ce sillon, les principes d’écologie, d’économie sociale et solidaire commencent alors à se diffuser plus largement au sein de l’industrie du livre et à être déclinés dans l’ensemble des maillons qui composent le cycle de vie de cet « objet » : édition, impression, diffusion, distribution, recyclage.
Loin du greenwashing qui a trop souvent cours, l’ouvrage détaille au travers de témoignages de professionnels situés à différents degrés de la « chaîne du livre » des méthodes, des modalités d’organisation, des engagements concrets et fiables en faveur d’une transformation profonde de la logique surproductive, énergivore, répétitive et univoque, qui animait l’industrie du livre jusque dans les années 1990-2000.
Le simple consommateur de livres, imprégné des concepts de responsabilité sociale et environnementale aujourd’hui présents dans l’ensemble des discours, qu’ils proviennent des organisations publiques ou privées, retrouvera dans ce volume une déclinaison à l’échelle précise de l’industrie du livre, des problématiques et du langage (champ lexical du développement durable) avec lequel il est (en théorie) familiarisé.
Pour les professionnels des bibliothèques, cet ouvrage pourra être considéré comme complémentaire aux nombreuses études et initiatives dont ils ont déjà connaissance et qui contribuent au quotidien à enrichir l’approche et l’évolution de leur métier (études et rapports de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, de la commission Bibliothèques vertes de l’Association des bibliothécaires de France, des ministères de tutelle notamment). Il ajoutera à leur perception une certaine diversité, parfois des points de vue plus politiques ou militants, ainsi qu’une perspective historique contemporaine et des éléments d’internationalisation.
Enfin, pour reprendre la distinction évoquée par Étienne Galliand entre le fond et la forme du livre, le contenu et l’objet livre, il pourrait être intéressant de soulever la question suivante : l’articulation de l’objet livre avec les concepts du développement durable a-t-elle des répercussions sur les contenus publiés ? Si oui, comment penser cet impact que l’on pourrait qualifier de culturel ou cognitif ?