Bilan du congrès 2021 de l’Association des bibliothécaires de France

Entretien avec Hélène Brochard

Véronique Heurtematte

Jeudi 17 juin, l’Association des bibliothécaires de France (ABF) inaugurait son 66e congrès le jour même où le président de la République, Emmanuel Macron, déclarait la lecture grande cause nationale. De bons auspices pour cette édition réalisée entièrement en distanciel. Bilan de l’expérience avec Hélène Brochard, responsable de la commission Vie de l’Association de l’ABF, qui coordonnait l’organisation du congrès.

BBF : L’ABF a opté pour un congrès 2021 entièrement à distance. Pourquoi ce choix ?

Hélène Brochard : Après avoir été contraints l’année dernière de reporter le congrès, prévu à Dunkerque, de juin à octobre puis de l’annuler, nous avons très vite décidé de retenir pour l’édition 2021 un format entièrement en ligne. On s’est dit que, même si la situation sanitaire s’améliorait en France, ce serait compliqué pour les intervenants étrangers de venir et que les professionnels français, eux, seraient sans doute très mobilisés dans leurs établissements par la reprise, pas forcément disponibles pour se déplacer pendant plusieurs jours sur un congrès. Nous avons aussi fait le choix d’un congrès entièrement gratuit et ouvert à tous, adhérents et non adhérents, en nous disant que cela pourrait attirer des nouveaux venus, donner l’occasion à des professionnels qui n’ont jamais assisté aux congrès de l’ABF d’y participer cette année sous cette forme plus accessible.

BBF : Quel premier bilan tirez-vous ?

Hélène Brochard : Nous avons eu 350 connexions par session jeudi et vendredi, et 120 samedi matin. Mais le nombre de personnes touchées est sans doute plus important car nous savons que des bibliothèques utilisaient une connexion unique pour des visionnages collectifs de leurs équipes. L’analyse des formulaires d’inscription en ligne, la seule formalité nécessaire pour assister aux sessions, dans lesquels les participants déclaraient s’ils étaient adhérents ou non de l’ABF, devrait nous permettre d’évaluer la part de nouveaux venus. Nous avons aussi beaucoup de demandes pour l’accès aux sessions en replay. Ce sera possible dans les jours à venir car nous avons fait le choix de recourir à un prestataire professionnel pour avoir des vidéos de meilleure qualité que si nous avions fait de la visio basique, et pouvoir offrir ce service de replay. Le thème du congrès étant l’inclusion, nous avions aussi à cœur de rendre le congrès très accessible. Toutes les vidéos étaient accompagnées de vélotypie, cette méthode de saisie de texte utilisée pour le sous-titrage destiné aux personnes malentendantes.

BBF : Cette expérience va-t-elle changer la manière d’organiser les congrès à l’avenir ?

Hélène Brochard : Certainement. Le premier bilan que nous avons fait samedi a mis en évidence qu’une formule hybride, associant distanciel et présentiel, est à retenir. Cela nous a permis d’avoir des intervenants étrangers qui ne se seraient pas déplacés, même en temps normal.

Ce format a impliqué une nouvelle dynamique dans les tables rondes. Plutôt que des exposés de 20 minutes qui se succèdent, les modérateurs ont animé les échanges de manière très interactive entre les participants. Il y a eu aussi plus de questions de la part des auditeurs, car la prise de parole est plus facile dans l’anonymat que lorsqu’il faut parler au micro devant une salle remplie.

BBF : Quels sont les temps forts que vous retenez de cette édition ?

Hélène Brochard : La session du samedi matin, consacrée à un retour sur un an de crise sanitaire, a été très dense et riche d’enseignement. Même si nous sommes revenus sur la difficulté de l’expérience, la frustration que les bibliothèques ne soient toujours pas assimilées à des établissements culturels et aient souffert d’un déficit de visibilité médiatique, nous avons plutôt mis en avant les points positifs, en particulier la nécessité de montrer la place que les bibliothèques peuvent jouer dans la société. L’expérience de la crise sanitaire a également montré la force du travail de l’interassociation, qui a monté le site de ressources biblio-covid.fr.

BBF : Le président de la République a déclaré la lecture grande cause nationale le jour même où s’ouvrait le congrès de l’ABF. Que pensez-vous de cette initiative ?

Hélène Brochard : Sur le principe, c’est une bonne chose mais on n’a pas encore le programme, donc on attend de voir. Comme pour la Nuit de la lecture, il faudra trouver un point d’équilibre entre la nécessité de défendre la place des bibliothèques dans cette cause-là et rappeler que les bibliothèques, ce n’est pas seulement le livre et la lecture. J’ai déjà noté un point de vigilance sur ce qui a été annoncé, c’est la mention faite à la place des associations. Si nous avons incontestablement besoin des partenaires associatifs, je défends l’idée que le travail autour de la lecture relève des professionnels et ne peut reposer que sur le monde associatif. Le domaine de la lecture en prison et à l’hôpital, par exemple, est largement investi par les associations alors que c’est une mission qui dépend des bibliothèques.

BBF : La ministre de la Culture a annoncé pour le 30 novembre les Assises de la formation, 3e volet du Plan bibliothèque du ministère initialement prévues en 2020. L’ABF a-t-elle participé à l’élaboration de cette journée ?

Hélène Brochard : Oui, nous avons travaillé sur un document partagé entre les différents interlocuteurs sur cette question et nous avons pu exprimer ce qu’il nous semble important à défendre. Nous demandons notamment que le concours de catégorie B, accessible à partir de Bac + 2, soit ouvert aux candidats issus de toutes les filières disciplinaires. Actuellement, l’accès est limité aux diplômés de certaines filières, littéraires notamment, ce qui est incompréhensible. Cela ne correspond pas à la réalité des métiers aujourd’hui. Alors que le numérique est censé être désormais une mission importante des bibliothèques, nous avons du mal à recruter des professionnels sur des profils de poste en lien avec l’informatique ou le numérique.

BBF : Que pouvez-vous nous dire du congrès 2022 ?

Hélène Brochard : Il se tiendra à Metz du 2 au 4 juin et sera consacré au thème « Les bibliothèques, service indispensable ? ». Une question qui reste importante et qu’on a vue apparaître en filigrane de tout ce qui s’est passé au cours de l’année écoulée.

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