Nouvelles perspectives en littérature jeunesse
Hommage à Denise Dupont-Escarpit
Éd. universitaires de Dijon, collection « Sociétés », 2016, 230 p.
ISBN 978-2-36441-197-5 : 18 €
Un an après la mort de Denise Escarpit, est publié Nouvelles perspectives en littérature jeunesse, hommage à cette figure qui a marqué la littérature de jeunesse, à son travail ainsi qu’à sa personnalité militante et curieuse.
Célèbre dans le domaine pour être la première universitaire en France à avoir étudié ce corpus, elle est également connue, entre autres, pour avoir créé en 1997 le Centre Ressources aquitain sur le livre d’enfance et de jeunesse (CRALEJ) à Bordeaux – qui depuis cette année 2017 est devenu le Centre Denise-Escarpit –, ainsi que la revue Nous voulons lire ! en 1972, aujourd’hui NVL. De plus, elle fut la présidente de l’Association internationale IRSCL (International Research Society for Children’s Literature) de 1981 à 1985, ce qui la confortera dans sa volonté de favoriser les échanges transfrontaliers des connaissances sur le sujet. Enfin, elle reçoit en 1995 le prix Grimm international, décerné par l’Institut international de littérature d’enfance et de jeunesse d’Osaka (IRSCL).
Contrairement à ce à quoi on pourrait s’attendre, il ne s’agit pas ici d’une autobiographie ou d’un simple hommage. Nous découvrons, par petites touches, un panorama de la littérature d’enfance et de jeunesse des années 1970-1990, des courants de pensée qui en ont influencé la vision et les critiques, ainsi que les nouvelles œuvres qui sont apparues et qui ont marqué son histoire. Ce qui peut parfois surprendre, c’est l’extraordinaire actualité des propos et des réflexions qui résonnent encore de nos jours, comme les questions de censure, de la critique des œuvres, etc.
L’ouvrage se divise en deux parties. La première, dans laquelle j’inclus l’avant-propos, nous propose à travers des souvenirs de rencontres avec Denise Dupont-Escarpit, de lectures ou encore des souvenirs propres aux auteurs, un aperçu de l’histoire de la littérature de jeunesse dans les années 1960-1990. Chaque chapitre, écrit à chaque fois par un auteur différent, peut être lu indépendamment. Tous racontent, à leur manière, ce qui les a marqués dans l’histoire du livre de jeunesse de ces années, ce sur quoi, pour eux, il est important de mettre l’accent.
Dans la seconde partie de ce livre, nous avons accès à quelques textes de Denise Dupont-Escarpit. Cela nous donne un aperçu de son écriture et une impression nouvelle de la personnalité de cette femme, dont la passion et l’engagement se ressentent jusque dans ses écrits. Nous avons alors des exemples concrets de ses recherches et travaux, présentés de manière chronologique. Certains textes sont difficiles à se procurer, c’est donc une aubaine ici de pouvoir y accéder. De plus, après avoir lu autant d’anecdotes sur Denis Dupont-Escarpit, c’est avec plaisir que l’on découvre (ou redécouvre) ses propres textes.
Parfois les propos peuvent s’avérer être un peu redondants dans les témoignages, ce qui n’est pas surprenant car chaque texte est indépendant. Cela pourra amener le lecteur à butiner plutôt qu’à lire ce livre d’un bout à l’autre. L’écriture est fluide, les textes agréables, et petit à petit se dessine une histoire de la littérature de jeunesse de ces années et de l’effervescence réflexive portée par des passionnés par le sujet, luttant contre les discriminations et pour une nouvelle diversité, prônant une qualité des publications destinées à un jeune public.
Les auteurs viennent de différents milieux, même si toujours attachés au monde du livre. Nous avons par exemple Claudine Charamnac Stupar, dont la place ici est une évidence car présidente de l’association NVL-CRALEJ, ou encore des universitaires tels que Jean Perrot ou Daniel Raichvarg, et enfin l’éditeur Alain Serres, directeur des éditions Rue du monde, éditions auxquelles Denise Dupont-Escarpit porta beaucoup d’affection.
De grands thèmes de la littérature de jeunesse sont ici abordés. Nous trouverons un bref historique des créations pour la jeunesse (structures, maisons d’éditions, titres classiques), ainsi que la question de l’identification du jeune lecteur à ses lectures. Une définition de ce qu’est un album et les réflexions dont il a été le sujet, comme ses enjeux et la question du rapport à l’image, sont également abordés. La mise en contexte de ces réflexions est importante car le lecteur peut ainsi saisir le caractère novateur des questions qui se posaient alors dans le domaine de la recherche.
Les albums ne sont pas les seuls à être traités, les romans et documentaires font également le sujet de quelques pages, ou encore les poèmes destinés à un jeune public.
Un des sujets que je souhaiterais mettre en avant est la place des médiateurs et le choix des livres proposés aux enfants 1. Ce sujet est bien sûr toujours d’actualité et amène le lecteur à réfléchir à ses propres choix de textes et à son rôle de prescripteur, la notion de sélection étant ici accolée à la notion de censure.
Enfin, un des sujets les plus chers à Denise Dupont-Escarpit est sans doute la question de la traduction des textes destinés à la jeunesse et leur adaptation, comme nous pouvons le découvrir lors des témoignages mais aussi dans ses articles.
Dans trois témoignages, l’accent est mis sur l’impact que Denise Dupont-Escarpit a pu avoir, et a toujours, sur la recherche en littérature de jeunesse à l’étranger. Ainsi nous avons un aperçu de son influence au Québec, au Canada francophone, au Brésil ou encore, pays où son influence est plus que notoire, en Grèce. Il est intéressant de situer son travail dans la recherche internationale et d’avoir une idée, bien que vague, des avancées de la recherche sur la littérature de jeunesse dans d’autres pays.
Lors de la lecture des témoignages, le lecteur pourrait être amené à se demander : et Denise, dans tout ça ? En effet, certains témoignages éludent parfois la question et en parlent très brièvement. C’est alors qu’arrive le témoignage d’Edmir Perotti, universitaire brésilien, qui nous livre un texte personnel et touchant de ses rencontres et heures passées avec cette pionnière de la recherche sur la littérature d’enfance et de jeunesse. Le ton est juste, il ne dévoile pas trop mais juste assez pour nous montrer une Denise humaine, engagée et ouverte à autrui.
En sus d’une histoire de la littérature de jeunesse et d’un hommage à Denise Dupont Escarpit, ce livre peut être également vu comme une immense bibliographie. En effet, chaque auteur cite de nombreux textes qui l’ont marqué ou ont eu une importance pour lui (textes universitaires, articles, mais aussi albums pour la jeunesse, romans, etc.). Ce sont ainsi autant de portes ouvertes et de conseils de lecture qui se profilent tout au long de la lecture de Nouvelles perspectives en littérature jeunesse. Même si ces documents ne sont pas des plus récents, ils ne cessent d’avoir un certain intérêt soit pour assouvir une soif de curiosité, soit parce que certains sujets et questions posées sont toujours d’actualité.