« Pourquoi la bibliothèque ? »
Synthèse d’une année d’études de publics à la bibliothèque de Sciences Po Paris
La mission Marketing de la bibliothèque de Sciences Po Paris a mené en 2014-2015 un nombre varié d’enquêtes, d’études et d’observations. Cette synthèse, centrée sur les usages et la perception des bibliothèques des 27 et 30 rue Saint-Guillaume, présente les grands résultats de ces travaux, illustrés des verbatims collectés en focus groups ou en commentaires d’enquêtes.
Ont été menées au cours de cette dernière année universitaire :
- 1 enquête Libqual+ (1 407 réponses) ;
- 2 semaines-tests de la consultation (novembre 2014 et février 2015) ;
- 1 enquête d’observation « Sweeping the library » (2 407 observations sur 9 mois) ;
- 2 enquêtes-minute sur Internet sur l’extension des horaires à 23 heures (1 428 et 1 429 réponses) ;
- 1 focus group auprès des étudiants en master sur les collections ;
- 1 enquête par questionnaire piloté dans le cadre d’un projet tutoré (100 réponses).
Que nous disent les enquêtes des usages de nos lecteurs en matière de collections et d’espaces ? Cette synthèse présente les grands enseignements que l’on peut tirer de l’interrogation et de l’observation des usagers de la bibliothèque de Sciences Po Paris, qui font écho aux publications récentes décrivant les usages en bibliothèque universitaire et l’évolution des pratiques des étudiants en Europe ou en Amérique du Nord. À Sciences Po Paris, comme dans d’autres bibliothèques universitaires, les étudiants « rentabilisent » leur temps de façon à faire face le plus efficacement possible aux exigences pédagogiques dans un contexte de très forte pression du calendrier universitaire. Formés sans doute à la recherche documentaire au travers de l’usage intensif des moteurs de recherche type Google, les étudiants issus des générations que l’on a pu qualifier de « digital natives » privilégient l’obtention immédiate, facile et en plein texte de la documentation recherchée. Conséquence directe ou indirecte de cette pratique, les collections imprimées sont de plus en plus délaissées au profit des ressources numériques pour leur facilité d’accès (n’importe où, n’importe quand), la possibilité qu’elles offrent d’être sauvegardées localement, et sans doute, l’intérêt que peut présenter un feuilletage rapide grâce à l’outil de recherche en texte intégral, de la copie et de la sauvegarde d’extraits du contenu 1
Ces dernières remarques sont des extrapolations qu’il nous reste à vérifier au travers d’enquêtes à venir.
« La bibliothèque est indissociable […] de ses collections, ses espaces, ses publics et son ambiance : c’est un tout qui fait sens, quand bien même l’usage des collections et ressources est pour certains assez limité, voire inexistant. » 2
Christophe EVANS. « Actualités et inactualités des bibliothèques au XXIe siècle », Le Débat. 2012, vol. 3 no 170, p. 63-69. En ligne : https://doi.org/10.3917/deba.170.0063 [consulté le 6 mars 2015].
Les étudiants de master de Sciences Po Paris rencontrés lors du focus group organisé en avril 2015 ont déclaré que l’ambiance studieuse de la bibliothèque était un élément déterminant dans leur fréquentation (plus que les livres) : ce qu’ils cherchent avant tout, c’est « un endroit calme pour travailler ».
« Du coup, c’est moins les livres que l’espace de travail, le fait qu’autour, les gens travaillent, qui est important. C’est l’ambiance. Les livres, ça peut arriver quand j’en ai besoin. Mais je ne viens pas pour ça. Je viens vraiment pour trouver un endroit calme pour travailler. » 3
« Le fait qu’autour, les gens travaillent » est un argument très fort qui est souvent cité dans les enquêtes qualitatives menées auprès des publics étudiants des bibliothèques. Ainsi dans l’étude qui avait été faite par Corentin Roquebert auprès des lycéens qui venaient travailler en Haut-de-jardin à la BnF, on lisait : « Globalement, les lycéens déclarent aimer la BnF parce qu’ils y trouvent avant tout un “espace de travail” avec une “ambiance de travail”, “sans distraction” : on retrouve alors bien les analyses classiques de la bibliothèque comme lieu contraint. C’est ce registre qui est le plus souvent invoqué pour expliquer le fait de venir réviser dans ce type d’espace plutôt que chez soi : “Bah… chez moi il y a plein de trucs qui vont faire en sorte que je vais arrêter de travailler. La télé, l’ordi, les jeux vidéo, tout ça quoi… Ici, les conditions sont optimales.” La bibliothèque offre donc un cadre de travail efficace pour lutter contre les “tentations” – autre mot souvent employé par les lycéens, qui s’incarnent dans tout ce qui est numérique – ici la télévision, l’ordinateur ou les jeux vidéo, mais également plus spécifiquement Facebook ou le téléphone portable. Ces deux dernières activités peuvent être pratiquées au sein de la bibliothèque, mais celle-ci, en tant que “lieu culturel ordonné et réglé” 4
, permet aux lycéens de s’imposer une discipline, de se conformer à ce qu’ils perçoivent comme les normes en vigueur dans la bibliothèque. » 5Corentin ROQUEBERT, Les lycéens, le bac et la BnF : enquête sur les usagers lycéens à la Bibliothèque nationale de France, septembre 2012. En ligne : https://www.bnf.fr/sites/default/files/2018-11/enquete_lyceens_bac_bnf.pdf [consulté le 6 mars 2015].
« Espaces de connexion, les bibliothèques contemporaines sont donc également appréciées pour les possibilités de déconnexion qu’elles autorisent. » 6
Il est important de garder en mémoire qu’une part non négligeable d’étudiants a besoin de s’isoler pour travailler. La bibliothèque est appréciée aussi pour son règlement.
« I hope the library can be more quiet during both the regular opening hours and the extended opening hours so that we can actually profit from staying in the library to study. Sometimes the library is too noisy but nobody is regulating and thus it is so hard to concentrate even when i am in the library. » « Library also needs more enforcement of rules. People speak too loud, no library etiquette. » 7
[« J’espère que la bibliothèque sera plus calme pendant les heures d’ouverture normales et les heures d’ouverture prolongées afin que nous puissions profiter de la bibliothèque pour étudier. Parfois, la bibliothèque est trop bruyante mais personne ne réglemente et il est donc difficile de se concentrer même lorsque je suis dans la bibliothèque. » « La bibliothèque a également besoin d’une meilleure application des règles. Les gens parlent trop fort, pas de règles en bibliothèque. »]Dans ces conditions, les camarades bruyants, ceux qui « squattent » les places des heures en laissant leurs affaires sont vivement critiqués. Les commentaires évoquant les « places fantômes » sont toujours présents, quel que soit le sujet de l’enquête.
« Pas assez de places assises à la bibliothèque. Pas assez d’endroits qui permettent de travailler en groupe. Trop peu de discipline : personnes qui discutent, qui laissent leurs affaires pour réserver des places pendant plusieurs heures parfois… » 8
« La disponibilité des places occupées abusivement par des papiers et non par des personnes en journée est un casse-tête pour tout élève. Ne serait-il pas possible d’installer un chronomètre par exemple de 20 min sur les ordinateurs qui se mettent en veille et autoriser à déplacer les affaires de la personne occupant l’espace abusivement. » 9
Ce que l’on recherche avant tout est un lieu contraint dont l’ambiance feutrée incite au travail : « Pourquoi je viens à la bibliothèque ? C’est plutôt pour travailler, parce que j’ai plus d’inhibition que chez moi, donc je ne peux pas faire n’importe quoi. » 10
C’est également un enseignement de la récente enquête d’observation des usages, « Sweeping the library », menée au cours du premier semestre 2014 : 66 % des 2 400 étudiants observés étaient engagés dans des activités scolaires/académiques. Les 375 étudiants engagés dans une activité « privée/ludique » plus souvent que le reste de la population téléphonaient (42/375), dormaient (21/375), avaient un smartphone (45/375), étaient dans le sas d’entrée, dans les escaliers ou encore dans les fauteuils rouges du 27 rue Saint-Guillaume, consultaient Facebook (88/375) ou YouTube (14/375).
La bibliothèque est avant tout un lieu d’étude, de révision, d’apprentissage (un « learning centre ») : 84,5 % étaient installés pour travailler seuls ; 35,8 % étaient en train de lire ; 33 % utilisaient un ordinateur pour consulter des ressources ; 19,8 % prenaient des notes ; 19,2 % rédigeaient une note ou un document. Bien entendu, ces activités académiques pouvaient être pratiquées en même temps qu’ils utilisaient leur smartphone sans téléphoner (8,8 %), ou consultaient des ressources non scolaires sur Internet (Facebook : 6 % des lecteurs observés). Cette génération est le plus souvent « en régime de polyactivité et de sociabilité importante » 11
. 93 % des étudiants observés étaient engagés dans une activité non bruyante ; moins d’un tiers (31,7 %) n’avait pas d’ordinateur devant eux.Plus la bibliothèque est saturée, plus les usagers occupent l’ensemble des espaces et du mobilier offerts. Par défaut, et en premier choix, ils utilisent les tables collectives et individuelles. Le mobilier plus confortable n’est largement utilisé qu’aux moments de saturation. Hors des périodes d’affluence, l’usage des mobiliers confortables reste minoritaire et réservé aux activités de loisirs.
C’est donc un usage très convenu des espaces que font les étudiants observés dans les bibliothèques des 27 et 30 rue Saint-Guillaume, respectant, dans l’énorme majorité des cas, la norme du silence imposée par la pression des camarades installés pour travailler.
Accès facile aux « facilities »
Lorsqu’on a interrogé les étudiants de Sciences Po 12
sur les raisons de leur fréquentation, c’est d’abord l’usage des locaux (93 % des étudiants du CU – Collège universitaire – et 75,4 % des masters déclarent venir au moins une fois par semaine pour « travailler au calme, sans forcément consulter d’ouvrages ») et des équipements mis à leur disposition (77,4 % des CU et 61,4 % des masters disent venir au moins une fois par semaine pour utiliser les imprimantes ; 61 et 56 % pour utiliser les ordinateurs de la bibliothèque) qui sont cités (figure 1).Figure 1. Raisons de la fréquentation de la bibliothèque par les étudiants
L’usage des collections électroniques et imprimées ne vient qu’ensuite par ordre de fréquence : 4 à 5 étudiants sur 10 utilisent au moins une fois par semaine les ressources électroniques (sur place ou à la maison : particulièrement pour les masters) ; quand 1,5 à 3 empruntent ; et 2 à 3 consultent sur place.
Cette hiérarchie des usages se retrouve dans l’expression des besoins qui a été collectée au travers de l’enquête Libqual+ menée en avril 2014 ayant permis de collecter 1 400 réponses. Alors qu’ils étaient invités à exprimer non seulement leur satisfaction, mais aussi leur niveau d’attente (niveau minimum attendu et niveau idéal désiré) sur un certain nombre de services, ce sont les questions relatives aux locaux et aux « facilities » qui obtiennent, globalement, le niveau d’attente le plus haut – devancé, soulignons-le, par la disponibilité depuis chez soi des ressources électroniques (pour les masters et doctorants) –, puis les ressources imprimées, et enfin les questions relatives au personnel et à la formation qui arrivent en queue des attentes (figure 2).
Figure 2. Classement des réponses Libqual+ 2014 pour les sous-populations des 1er et 2e cycles
Gérer au mieux le peu de temps dont ils disposent pour… répondre aux exigences académiques… et donc trouver une place à tout prix
Le titre résume ce que nous ont indiqué les étudiants de masters rencontrés au cours d’un focus group. La pression des travaux à rendre est telle que l’impératif, lorsque l’on vient en bibliothèque, est de rentabiliser son temps. Le fait que la bibliothèque soit souvent saturée – ce qui génère une perte de temps à trouver une place – est un réel souci.
« La priorité reste d’ouvrir plus de places entre midi et 18 h. Impossible d’en trouver une la plupart du temps, obligation d’aller travailler dans une autre BU (perte de temps) ou dans un café. Il serait au moins intéressant d’indiquer s’il y a des salles disponibles pour travailler. » 13
« Le manque de place permanent de la bibliothèque est un réel handicap à toute étude. La perte de temps pour trouver une place est énorme, il y a parfois besoin de parcourir tous les étages de la bibliothèque plus de trois fois avant de trouver enfin une place. Sans place assise et un bureau, comment travailler correctement ? » 14
Quoi lire, comment lire ?
Dans ces conditions, comment organiser ses lectures, activité par essence chronophage ? « On ne peut pas tout lire. Ou alors, on survole. À tel point qu’il y a des professeurs qui nous disent : faites des rondes de fiches. » 15
« On a trop de cours pour trop de lectures. On a trois lectures par cours, et 7-8 cours par semaine. » 16 L’évolution récente du prêt (figure 3) répond donc à plusieurs facteurs : tendance à la baisse générale de la lecture d’imprimés dans l’univers académique ; tendance à la réduction du calendrier scolaire et pression plus forte sur les étudiants à Sciences Po.Figure 3. Évolution des prêts (volumétrie totale) et du nombre de prêts par lecteur (2009-2014).
« Concernant les bibliographies, souvent la bibliographie du cours qu’on a au début, avec le syllabus, c’est une bibliographie dans laquelle on va peut-être acheter un ouvrage si c’est un cours important. Le reste, on le regardera à peine, et on le regardera uniquement quand on aura à faire un exposé. » 17
Les étudiants nous ont dit travailler à la dernière minute sur la préparation d’un exposé, d’un paper, car c’est tout le temps dont ils disposent ; la minute précédente (si l’on peut dire), ils avaient un autre travail à rendre. De ce fait, leur lecture des ouvrages est très superficielle ou fragmentaire : « Je préférerais avoir beaucoup plus de livres en magasin, je pense, pour pouvoir les prendre. Peut-être que ce n’est pas évident de les prendre pour un mois. Il y a très peu de cas où les gens travaillent vraiment un mois sur un livre. Il faut être réaliste concernant la fréquence des travaux à Science Po. Quand je dois faire cinq dissertations par semaine, je ne vais pas passer 25 jours pour faire une dissertation ! Il y a des moments, c’est la veille, et des moments, c’est deux semaines avant, ça dépend du sujet. Peut-être que vous disposez aussi des statistiques de fréquence de consultation des livres. Il y a des livres magasin que je prends. L’accueil de la bibliothèque me dit : c’est pour un mois ? Dans ma tête, je me dis : j’espère que je n’aurai pas besoin d’un mois. » 18
Pour ce qui concerne la consultation sur place des ouvrages en accès, elle est largement tributaire de la place disponible à proximité des collections : « La consultation sur place, c’est aussi des habitudes qu’on prend. On prend l’habitude de ne pas pouvoir consulter sur place parce qu’on sait qu’il ne va pas y avoir de place. » 19
Ce problème entre certainement en ligne de compte dans la baisse de la consultation sur place mesurée dans les dernières semaines-tests (ST) de la consultation (en bleu sur la figure 4). Les collections en accès direct (L3) arrivent à maintenir leur volume de prêts quand la consultation sur place mesurée lors des semaines-tests s’effondre…Figure 4. Évolution de la consultation sur place rapportée à un indice 100 en 2011, ainsi que du prêt des ouvrages en libre accès (L3) et de l’ensemble des prêts mesurés lors des semaines-tests.
Le volume de la consultation correspondait en 2011 à 44 % du prêt total (quand 10 documents sont empruntés dans toute la bibliothèque, 4 sont consultés en salle dans le même temps ; c’était 7 les années précédentes). En 2013, on passe à 5, puis à 2,8 (plancher) pour remonter à 3,90 livres consultés pour 10 empruntés. Dans le même temps, le volume des prêts pendant la semaine-test est passé de 6 552 à 4 586 (et de 2 872 à 2 500 pour les seuls ouvrages empruntables de l’accès direct).
Il faut donc autant (sinon plus) penser les collections en accès direct pour le prêt que pour la consultation ou bien mettre plus de collections susceptibles d’être consultées en accès direct (manuels) pour redescendre en magasin celles qui sont plus souvent empruntées.
La répartition des collections par salle révèle une très forte augmentation des consultations aux 1er et 2e étages du 27 rue Saint-Guillaume au détriment des collections du 30, particulièrement en 3003. « Du coup, je fais ma vie à la bibliothèque. Mais je ne suis jamais à côté des collections qui m’intéressent. La plupart du temps, si j’ai besoin de quelque chose, je vais l’emprunter et ensuite, je vais travailler où je trouve de la place. » 20
Les dernières semaines-tests (qui sont conduites au moins une fois par an) ont montré que les consultations se resserrent sur certains domaines, sur des collections plus récentes : depuis la semaine-test de 2011, on constate un rajeunissement de l’âge moyen des collections consultées qui, en moyenne, passe de 10 ans à 7 ans lors de la dernière observation 21
Consultation proportionnellement plus forte d’ouvrages de moins de 2 ans en 2702, 2704 et 3003. Consultation proportionnellement plus forte d’ouvrages de 5 à 10 ans en 2700 et 2703. Les collections les plus anciennes sont plus souvent consultées en 3002 et 2705.
La commodité est un facteur crucial dans la manière de rechercher l’information
Comme il était écrit dans un rapport récent de l’OCLC 22
Lynn Silipigni CONNAWAY and Timothy J. DICKEY. The Digital Information Seeker : Report of Findings from Selected OCLC, RIN, and JISC User Behavior Projects. Février 2010. En ligne : https://www.oclc.org/research/publications/2010/digital-information-seeker.html
Ce constat trouve un écho dans ce que nous ont témoigné les étudiants de master avec lesquels nous avons pu discuter : « Je privilégie l’accès en ligne plutôt. Je préfère lire sur papier, mais en ligne, ça m’assure de savoir où il est. Du coup, une fois chez moi, je peux le retrouver facilement. » « Les articles de périodiques, je vais plutôt les regarder en ligne parce que c’est plus simple à annoter. » « En droit, généralement, quand j’ai besoin d’un article en ligne, c’est plutôt pour ma formation commune. » 23
À ce choix pour le « en ligne », pour des critères d’efficacité, de facilité d’annotation, de localisation depuis n’importe quel ordinateur, s’ajoute le fait que de nombreux enseignants mettent à disposition de leurs étudiants des chapitres scannés qui correspondent à leur enseignement. « La moitié de mes professeurs a mis le support bibliographique sur le Moodle, ou ils nous envoient ça directement par mail. Des scans la plupart du temps. » 24
L’évolution de l’usage des ressources électroniques et de la consultation des ebooks doit être affinée. Confirmant l’observation du point précédent, l’enquête Libqual+ menée depuis 2009 a permis de mesurer (sur une base déclarative auprès d’environ 1 500 répondants pour chacune des trois éditions) la baisse de la consultation quotidienne des ressources sur place (dans la bibliothèque) par les étudiants du Collège universitaire (passant de 34 % d’usage quotidien en 2009 à 22 % en 2014, pour 661 déclarants), ainsi que la baisse de la consultation hebdomadaire (baisse de 57 à 52 %), pour une consultation mensuelle en hausse (de 7 à 16 %). Ceux qui déclarent ne les consulter que quelques fois par an passent de 2 à 9 % ! Pour la population des masters et doctorants, la baisse est comparable pour la consultation quotidienne, passant de 30 % puis de 36 à 25 % lors de la dernière enquête de 2014 (647 déclarants).
Dans le même temps, les déclarations relatives à la fréquence de consultation par Internet des ressources de la bibliothèque augmentent dans les deux catégories de sous-populations, passant de 21 à 34 % chez les étudiants du Collège universitaire en cinq ans et de 31 à 36 % chez les étudiants en master et doctorat.
Retenons donc que les répondants du Collège universitaire étaient, en 2009, 91 % à déclarer consulter sur place les ressources de la bibliothèque au moins une fois par semaine, ils ne sont plus que 74 % en 2014. Pour les masters et doctorants, on est passé de 83 à 75 %.
Dans le même temps, les répondants du collège universitaire étaient, en 2009, 80 % à déclarer consulter via Internet les ressources de la bibliothèque au moins une fois par semaine, ils sont 84 % en 2014. Pour les masters et doctorants, on est passé de 82 à 84 %. La consultation des ressources de la bibliothèque, qui se faisait d’abord sur place en 2009, se fait d’abord via Internet en 2014.
Conclusion
Ces différentes études nous poussent à conclure que les étudiants doivent pouvoir évoluer d’un usage très studieux et silencieux à un espace de travail en groupe permettant de créer des communautés d’apprenants à un usage ludique et bruyant : un lieu de sociabilité. La bibliothèque devrait permettre de distinguer ces zones.
Cependant, la priorité des étudiants à Sciences Po, ce sont les places de travail dans le contexte d’une très forte pression académique sur un nombre réduit de semaines.
Le travail sur les collections, leur offre, leur valorisation, l’équilibre entre collections imprimées et collections électroniques, doit être approfondi et évalué dans la durée, en fonction des publics, et de l’évolution des parcours pédagogiques, ce qui rend la tâche très ardue.
Les étudiants continuent à trouver un intérêt majeur à la fréquentation de leur bibliothèque universitaire comme l’écrit, à l’issue d’une étude, Heather V. Cunningham : « The continuing preferences of students for library space can be examined in the light of a hierarchy of needs made up of layers of access and linkages, of uses and activities, of sociability, and of comfort and image. A space which combines attributes from all four levels is an ideal learning space. » 25
Heather V. CUNNINGHAM et Susanne TABUR. « Learning space attributes : reflections on academic library design and its use », Journal of Learning Spaces. 2012, vol. 1 no 2. En ligne : http://libjournal.uncg.edu/index.php/jls/article/view/392 [consulté le 6 mars 2015].
L’article évoque la « désirabilité » de la bibliothèque pour les étudiants dans la mesure où elle réunit les caractéristiques suivantes : le socle de l’attractivité est d’abord la situation de la bibliothèque au cœur du campus 26
« The most basic characteristic is access and linkages at the bottom of the pyramid. Once this attribute meets the primary pragmatic needs of students, they will then look to see if the space also meets their ascending needs of varied learning and social activities. » [« La caractéristique la plus fondamentale est l’accès et les liens au bas de la pyramide. Une fois que cet attribut répond aux besoins pragmatiques primaires des étudiants, ils regarderont ensuite si l’espace répond également à leurs besoins ascendants d’apprentissage varié et d’activités sociales »]. Ibid.
Méthodologie
• Enquête « Sweeping the library » : enquête d’observation de 2 400 étudiants menées dans les bibliothèques du 30 et 27 rue Saint-Guillaume de février à septembre 2014.
• Semaines-tests de la consultation : menées à la bibliothèque de Sciences Po en une semaine-test lors des années 2007, 2009, 2011, 2013, 2014 et du 9 au 14 février 2015, portant sur l’ensemble des documents imprimés consultés en salle de lecture.
• Focus group : groupe de discussion réunissant 7 étudiants de master, en avril 2015, débattant d’un guide d’entretien organisé autour de la thématique des collections.
• « Projet tutoré » : enquête réalisée par 5 étudiants de la licence professionnelle « Métiers du livre : documentation et bibliothèques » de l’IUT Paris Descartes auprès de 100 étudiants rencontrés dans le Petit hall, en mai 2015, portant sur les questions de l’usage de la bibliothèque et de ses collections.
• Enquête Libqual+ : enquête pilotée par l’ARL, menée à Sciences Po en 2009, 2011 et 2014. La dernière édition menée en avril 2014 a recueilli 1 487 réponses valides : 84,6 % ont répondu en français (et 229 en anglais) ; 88 % des répondants sont étudiants ; 81 % des répondants fréquentent les bibliothèques du campus parisien ; 713 commentaires (48 % des répondants).
• Enquêtes-minute sur les horaires : enquêtes menées à quatre reprises lors de l’élargissement des horaires de la bibliothèque portant sur l’usage et l’appréciation de cette mesure. Décembre 2013 : 553 réponses ; avril 2014 : 840 réponses ; décembre 2014 : 1 428 réponses ; avril 2015 : 1 429 réponses.