Cultural Cleansing in Iraq. Why Museums Were Looted, Libraries Burned and Academics Murdered

par Sheza Moledina

Raymond W Baker

Shereen T Ismael

Tareq Y Ismael

Londres, New York, Pluto Press, 2010, 298 p.
ISBN 978-0-7453-2812-6 : £ 19,99/34,95 $

Pourquoi les musées ont-ils été pillés, les bibliothèques brûlées et les universitaires assassinés ?

Cet ouvrage collectif, auquel ont contribué des universitaires irakiens et internationaux, vise à évaluer, sur la base de la documentation disponible, le niveau vertigineux de dévastation culturelle auquel est tombé l’Irak depuis 2003, et à documenter la campagne d’élimination physique dont sont victimes les intellectuels et universitaires irakiens depuis cette période.

Les auteurs analysent une par une toutes les facettes d’une politique manifestement délibérée de « nettoyage culturel » (cultural cleansing), menée méthodiquement depuis l’invasion de l’Irak par l’occupant et les autorités qu’il a mises en place. Par là même, ils éclairent l’abîme qui sépare la version officielle des événements relayée par les grands médias et la réalité qu’observent sur le terrain ceux qui continuent à travailler, malgré les risques, à la préservation du peu qui reste de l’immense patrimoine culturel irakien. Documents à l’appui, ils démontrent que ce ne sont ni des bavures, ni des maladresses qui ont entraîné en Irak des conséquences aussi désastreuses, mais un véritable projet politique, sciemment mis en place par les forces d’occupation et leurs collaborateurs, avec pour objectif le démantèlement des structures les plus fondamentales de l’État (state destruction) et pour conséquence un processus de de-development (un processus de régression) qui ne cesse de s’étendre et de s’enraciner. En plus de la catastrophe humanitaire et sanitaire qu’ont engendrée l’invasion de 2003, l’occupation et les dix années d’embargo et de bombardements qui les ont précédées, le patrimoine irakien a lui aussi subi de plein fouet les conséquences de la guerre. Sites archéologiques, musées, bibliothèques, archives, architecture traditionnelle, système éducatif, système de santé : tout a été détruit, pillé, mis à sac.

Un état des lieux sans concession

L’Irak, berceau des civilisations occidentales et orientales, est désormais en ruine. Des milliers de pages de son histoire plus de cinq fois millénaire sont arrachées et détruites, sa mémoire collective disparaît inexorablement, dans une indifférence quasi générale. Ce que les Irakiens sont en train de perdre dans cet épouvantable processus, c’est tout ce qui fait le ciment et l’identité culturelle d’une nation, toute la spécificité, la richesse et la diversité de sa culture, et toute sa capacité de résistance – ce qui selon les auteurs semble précisément être le but visé. Enfin, l’ouvrage met également en évidence le danger permanent auquel sont actuellement exposés les intellectuels irakiens : universitaires, médecins, spécialistes, enseignants, chercheurs, techniciens, etc. Menacés de mort, victimes d’enlèvements, de tortures et d’une campagne d’assassinats systématiques, ils sont de plus en plus nombreux à tenter de fuir le pays coûte que coûte. Or, cette catégorie de la population est précisément la plus indispensable à toute perspective de reconstruction de l’Irak.

État des lieux sans concession de ce qu’est réellement la situation de l’Irak après sept ans de guerre, cet ouvrage informe mais aussi révolte. Il documente rigoureusement ce que non seulement les Irakiens mais aussi le monde entier ont perdu à jamais dans cette guerre, du fait de ses auteurs et de leurs objectifs.