L'élaboration du droit communautaire et ses effets juridiques

Valérie Pavy

Le droit européen est intrinsèquement lié au fonctionnement de l’Union européenne (UE). Le traité de Lisbonne, adopté le 13 décembre 2007 et entré en vigueur le 1er décembre 2009, ne change pas fondamentalement le fonctionnement du triangle institutionnel (Parlement européen, Conseil de l’Union européenne et Commission européenne), mais il influe sur le processus de décision en faisant de la codécision la procédure législative ordinaire  1.

En vertu de son monopole d’initiative législative, la Commission présente une proposition au Parlement et au Conseil. Selon le principe de subsidiarité, elle propose une action au niveau européen uniquement lorsqu’elle juge qu’un problème ne peut être résolu plus efficacement par une action nationale, régionale ou locale. 46 directions générales rédigent les propositions législatives adoptées par le collège des commissaires. Les textes sont élaborés sur la base de consultations des experts, groupes de travail, organisations pouvant être intéressées et ministères des États membres.

La procédure de codécision peut ensuite comporter jusqu’à quatre étapes : trois lectures et l’intervention d’un comité de conciliation, en cas de désaccord  2. Il est impossible pour une institution de passer outre la position de l’autre. Désormais, Conseil et Parlement se partagent le pouvoir législatif dans une quarantaine de domaines.

Les séances des dix formations du Conseil sont préparées par deux Comités des représentants permanents (les Coreper), qui s’appuient eux-mêmes sur le travail de plus de 150 comités et groupes de travail. Les sessions du Conseil sont publiques lorsqu’elles concernent des délibérations et votes d’actes législatifs. Selon le domaine abordé, trois modes de scrutin sont prévus : la majorité simple, la majorité qualifiée et l’unanimité. Le traité de Lisbonne prévoit un système de double majorité pour les domaines relevant de la majorité qualifiée à partir de 2014.

Dans l’élaboration et l’application des normes qu’elle crée, l’Union européenne dispose de différents instruments juridiques. Les dispositions du traité, source de droit primaire, lient les états. Elles peuvent être à effet direct complet, à applicabilité directe restreinte (invocables par les particuliers uniquement contre l’État) ou dépourvues d’effet direct.

Parmi les actes issus du droit communautaire dérivé, sont distingués les instruments dits de hard law (règlements, directives et décisions), car contraignants, et les instruments de soft law, qui ne créent pas d’obligation juridique. Il existe une certaine réticence à recourir au règlement, car il est directement applicable dans les droits nationaux. Au contraire, la directive ne produit pas d’effet juridique direct, car elle doit être transposée dans l’ordre juridique national, dans un délai qu’elle prévoit. La directive lie tout État membre quant au résultat à atteindre, mais lui laisse compétence concernant la forme et les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir  3. Elle crée des droits aux particuliers mais pas d’obligations : l’effet contraignant ne s’applique qu’aux États membres. La décision, acte de portée individuelle  4, vise spécifiquement le destinataire, qui se voit imposer une obligation juridique.

Il n’existe aucune hiérarchie entre les instruments de soft law. Résolutions, déclarations, accords, recommandations, délibérations, conclusions, codes de conduite et positions communes expriment la position des institutions sur un problème donné. Avis, lignes directrices et communications émanant de la Commission fournissent aux opérateurs économiques les indications nécessaires à leur action. Ils peuvent aussi servir aux interprétations jurisprudentielles des arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE). Souvent, la Commission catalyse les démarches des administrations nationales ou groupes d’intérêt par la préparation de Livres verts (regroupant les propositions de pistes d’actions) ou de Livres blancs (regroupant les orientations pour une action communautaire précise). Ces Livres verts et blancs, ainsi que les rapports, communications, programmes de travail et plans d’action constituent les actes préparatoires de la Commission. Le Parlement exprime aussi son point de vue par des rapports sur des points d’actualité et des résolutions. Le traité de Lisbonne ouvre désormais un droit d’initiative pour les citoyens, leur permettant de demander à la Commission de présenter de nouvelles propositions, à la condition que la demande ait recueilli un million de signatures.

En France, le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) exerce un rôle en amont de la prise de décision, en diffusant les informations en provenance des institutions de l’Union. Il arbitre les positions des ministères pour déterminer la position française. En aval, il vérifie l’application nationale du droit communautaire. Il intervient également en cas de procédure d’infraction au droit communautaire à l’encontre de la France et en cas de contentieux devant la CJCE.

L’élaboration et l’application du droit communautaire sont donc particulièrement complexes. Les principes qui le régissent, applicabilité directe et primauté, sont susceptibles de le faire entrer en conflit avec des normes nationales. Le Conseil d’État interdit d’adopter des actes contraires au droit communautaire  5 et tout acte contraire au droit communautaire doit être abrogé  6 De plus, à travers la procédure de recours en manquement  7, la Commission exerce un contrôle de l’application du droit communautaire.