Lire, voir, entendre : la réception des objets médiatiques

par Joëlle Garcia
Sous la direction de Pascale Goetschel, François Jost et Myriam Tsikounas
Paris, Publications de la Sorbonne, 2010, 400 p., 24 cm
Coll. Histoire contemporaine
ISBN 978-2-85944-648-2 : 35 €

Rédiger la courte recension d’une somme aussi foisonnante d’études sur la réception des objets médiatiques est un exercice difficile. À la fois bilan historiographique et outil de réflexion interdisciplinaire, cet ouvrage est né d’un colloque sur « La réception des objets médiatiques, XIXe XXe siècles », organisé, en 2008, par le Centre de recherches en histoire du XIXe siècle et le Centre d’histoire sociale du XXe siècle de l’université de Paris 1, et le Centre d’études sur les images et les sons médiatiques de l’université de Paris 3. Les « objets médiatiques » y sont définis au sens le plus large : il s’agit non seulement des produits des médias contemporains mais aussi des productions culturelles ou artistiques, écrits, images et sons.

Une approche résolument pluridisciplinaire

Les questions autour de la réception des productions médiatiques se sont multipliées, depuis la féconde réflexion de Hans Robert Jauss en 1967 jusqu’à notre société contemporaine, où l’adoption régulière et rapide de nouveautés technologiques bouleverse notre appréhension des textes, des images et des sons. Les sciences de l’information et de la communication, l’histoire culturelle et la sociologie se nourrissent de réflexions fondamentales sur l’impact des messages émis par les productions culturelles de notre société médiatique.

Les analyses portent sur les XIXe et XXe siècles, lorsque se développent les cultures médiatiques. L’ouvrage est structuré selon trois grandes questions : « les discours de la réception », « les usages et appropriations » et « la spirale production/réception ». Chacune fait l’objet d’une synthèse qui met en perspective réflexions théoriques et études de cas pour développer des pistes de réflexion transversales.

L’originalité du colloque est, en effet, son approche résolument pluridisciplinaire, mettant à contribution toutes les sciences humaines et sociales. Une cinquantaine d’historiens, philosophes, sociologues, anthropologues, créateurs, médiateurs, apportent leur contribution sur les objets traditionnellement privilégiés par les études sur la réception : la littérature, la presse, le spectacle vivant, le cinéma, la télévision, l’internet ou la mémoire d’événements historiques, mais également sur la médecine légale, la peinture, la photographie, le contrôle de la publicité, la culture rock, ou les messages de prévention de la sécurité routière.

Une boîte à outils pour penser la réception

Cette diversité des champs étudiés est synthétisée et problématisée par des analyses transversales qui structurent l’ouvrage selon une approche très pédagogique. C’est par une interrogation sur la question même de la réception qu’il s’ouvre, ce qui offre au lecteur une base critique solide pour s’interroger avec les différents auteurs. Les différentes contributions montrent l’intérêt de croiser tous les angles de vue et outils qu’offrent les différentes disciplines du savoir. Les approches sont transculturelles et transfrontalières, confrontant, de façon très féconde, l’évolution des catégorisations et des interprétations des objets médiatiques selon les cultures, les milieux sociaux et les époques. Le rôle des professionnels de la médiation et de la réception dans la structuration de la réception est très justement souligné. Un espace de réflexion, original et stimulant, est spécifiquement consacré au son et à la musique, qui ont été jusqu’à présent beaucoup moins étudiés en tant qu’objets médiatiques. La dernière partie de l’ouvrage ouvre des pistes de réflexion sur la complexité des relations dynamiques qui lient les différentes composantes de la réception. Une bibliographie de référence conclut le volume.

Cet ouvrage apporte des éléments de réflexion fondamentaux sur l’étude des conditions sociales et culturelles de la réception, sur la mutation des systèmes médiatiques et leur appréhension, sur le rôle des imaginaires sociaux et sur la relativité de la définition des objets médiatiques comme des publics. La tentative d’appréhension globale de ces questions et la pluridisciplinarité à l’œuvre dans cette démarche rendent la lecture de ce volume indispensable au chercheur qui se penche sur cet aspect fondamental de la recherche.