Histoire en bibliothèque
Paris, Éditions du Cercle de la librairie, 2009, 254 p., 24 cm
Coll. Bibliothèques
ISBN 978-2-7654-0970-0 : 40 €
L’histoire a toujours entretenu des relations « historiquement » – osons-nous dire – riches et variées avec les bibliothèques. Mais quelle place occupe précisément l’histoire comme discipline scientifique dans les bibliothèques, et quels types de médiation requiert-elle ? Devant l’avènement de la conservation partagée, de la multiplication des fonds historiques, des fonds régionaux et locaux, des innombrables projets de numérisation des collections patrimoniales et surtout de l’engouement du public pour l’histoire et la mémoire, un tel ouvrage était attendu par la profession.
L’ambition de cet ouvrage collectif dirigé par Valérie Tesnière, inspectrice générale des bibliothèques, en collaboration avec quinze coauteurs (en majorité universitaires et professionnels des bibliothèques, spécialistes chacun dans son domaine d’intervention) est d’apporter des éléments de réflexion sur la place des fonds de sources primaires en histoire ancienne et contemporaine dans les bibliothèques de lecture publique et de donner des repères sur les collections, souvent difficiles à identifier en termes de contenus et de localisation, du fait de leur éclatement. Ce que l’ouvrage entend par « documents sources » doit être distingué des collections patrimoniales, mais aussi des collections d’histoire à caractère culturel ou didactique.
Il s’adresse en priorité aux professionnels des bibliothèques, pour leur permettre de donner du sens à la constitution et à la médiation d’un fonds d’histoire vis-à-vis des attentes du public – en mal de repères concernant les sources d’histoire – et, pour les bibliothèques qui possèdent un fonds de sources d’histoire, leur permettre de l’enrichir, le valoriser et le rendre plus visible en exploitant les pistes méthodologiques proposées. Il peut être aussi un outil fort utile aux historiens pour comprendre les mécanismes d’organisation et de signalement des collections des sources d’histoire en bibliothèque.
L’ouvrage est structuré autour de trois parties : une première partie sur la constitution d’un fonds d’histoire et la production éditoriale en la matière ; une deuxième partie sur le contenu des collections et sources conservées par les bibliothèques ; enfin, une dernière partie plus pratique consacrée aux outils de recherche.
Une partie préliminaire s’attache à faire la genèse de l’évolution des différents paradigmes de l’étude scientifique de l’histoire en France et ce, à travers les principales problématiques qui ont préoccupé les historiens depuis le XIXe siècle. Ce chapitre est complété par un répertoire des principaux instituts fédératifs de recherche consacrés à l’histoire en France. Chaque institut est présenté à travers ses objectifs, statuts et missions, ses coordonnées et rattachements administratifs et scientifiques, ainsi que ses éventuelles activités documentaires et éditoriales.
La première partie s’attache à proposer des critères pour la constitution et l’enrichissement d’un fonds d’histoire en bibliothèque, afin de le faire évoluer vers un fonds de recherche. Le premier chapitre offre des pistes méthodologiques pour la sélection, la valorisation et la médiation du fonds. Le deuxième chapitre, remarquable travail de recherche et d’analyse, s’applique à évaluer statistiquement la production éditoriale française en histoire et à analyser les mécanismes de l’économie de l’édition du secteur, pour permettre aux professionnels des bibliothèques d’estimer l’étendue de l’offre éditoriale en la matière.
La deuxième partie est centrée sur les fonds de sources d’histoire dans les bibliothèques. Un premier chapitre est consacré aux archives, où les fonds de sources primaires abondent, sans éléments de concertation avec les bibliothèques, créant ainsi un éparpillement des collections et une réelle difficulté de repérage des sources pour le public. Le deuxième chapitre recense les principales collections de sources primaires pour les chercheurs en histoire conservées dans les bibliothèques françaises, en commençant par la Bibliothèque nationale de France et la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (en encadré). Il est ensuite question des fonds d’histoire thématiques, comme histoire de l’art (à travers l’Institut national d’histoire de l’art), histoire des sciences, ou encore histoire politique, sociale et économique (par l’exemple du Codhos, Collectif des centres de documentation en histoire ouvrière et sociale). Le troisième chapitre dresse un panorama des fonds d’histoire locale et régionale, qu’ils soient manuscrits, imprimés ou encore iconographiques. Très complet et concret, ce chapitre nous renseigne sur de multiples points, comme les contours d’un fonds local ou régional, sa constitution, son exploitation et sa communication, ou encore sur les principes de la coopération et de la valorisation. Le quatrième chapitre, enfin, est consacré aux ressources photographiques et audiovisuelles utiles à l’étude historique. Ce thème est abordé d’un point de vue pratique, par la présentation des ressources les plus importantes dans le domaine historique, et la manière de les exploiter et de constituer un fonds de documents iconographiques et audiovisuels de ressources d’histoire en bibliothèque.
La troisième partie propose un répertoire pratique d’outils de référence pour l’identification de ressources : bibliographies, bases de données, ressources en ligne ou encore revues d’histoire. L’ouvrage constitue un travail d’équipe absolument remarquable de précision et de rigueur, autant dans le contenu que dans l’organisation générale. V. Tesnière, en véritable chef d’orchestre, a choisi avec beaucoup de soin les différents contributeurs. Elle a surtout su parfaitement articuler et structurer les contenus de chaque contribution, pour donner une indéniable cohérence à l’ensemble de l’ouvrage. À la lecture, on oublierait presque que c’est un ouvrage collectif.
Pour conclure, on peut reprocher à l’ouvrage le parti pris, dès le départ, de traitement de l’histoire en bibliothèque uniquement à travers le prisme des sources d’histoire, au détriment peut-être d’autres formes de collections notamment patrimoniales, ou de vulgarisation. Mais il est vrai que la littérature professionnelle ne manque pas de références pour ce type de collections en bibliothèque. Histoire en bibliothèque est en quelque sorte le « chaînon manquant » dans cette littérature professionnelle.