Favoriser la réussite des étudiants
Villeurbanne, Presses de l’Enssib, 2009, 151 p., 21 cm
Coll. La boîte à outils ; 17
ISBN 978-2-9102-2772-2 : 22 €
Mieux qu’un manuel, cet ouvrage, sous la direction de Carine El Bekri-Dinoird de l’université de Reims Champagne-Ardenne, rassemble les contributions de professionnels de bibliothèques d’universités de taille et d’offre de formation fort différentes (Lyon-1, Reims, Angers) ainsi que d’universités étrangères : Cassel en Allemagne, ou la City University de New York.
Il réussit à démontrer au cours des trois parties – les « Innovations pédagogiques », la « Politique documentaire », la « Vie étudiante » – que, pour peu que les universités s’y intéressent, la bibliothèque a un rôle majeur à jouer pour favoriser la réussite des étudiants dans leurs études, notamment les plus jeunes étudiants et/ou les moins avertis face au travail universitaire.
Bien sûr, l’idée n’est pas nouvelle, dans la lignée des travaux d’Alain Coulon et de Bernard Lahire, et plus récemment des objectifs fixés dès 2007 par la ministre Valérie Pécresse de réduire le taux d’échec à l’université, et que 50 % d’une classe d’âge atteigne le niveau licence.
Pour les « Innovations pédagogiques » sont présentés plusieurs travaux renvoyant aux questions de formation méthodologique des étudiants, notamment les formations documentaires.
Présenté par Amélie Morin-Fontaine, le projet Iridoc (Initiation à la recherche d’information et à la documentation), mis en œuvre par Lyon-1, est un didactitiel qui permet à travers des parcours scénarisés de former les étudiants à la méthodologie du travail universitaire. Après quatre années de fonctionnement, le bilan est plutôt positif quant au nombre d’étudiants formés (5 200) et à l’intégration à Spiral, la plate-forme pédagogique de l’université. Il est mitigé sur la méthode de scénarisation qui alourdit inutilement le processus d’apprentissage alors même que les étudiants de la génération Google ont intégré les usages d’internet.
Pour l’université de Reims, Odile Dubois relate le processus d’orientation active des étudiants primo-entrants auquel la bibliothèque est associée. Élaboré avec les enseignants du secondaire, ce processus d’orientation s’appuie essentiellement sur la maîtrise de la langue écrite et parlée. Bien que plus conventionnel, il s’agit d’un exemple réussi, et reconnu par les enseignants de l’université, de l’intégration des formations documentaires dans l’enseignement de la méthodologie du travail universitaire.
Développer une attitude positive à l’égard de la documentation
D’autres professionnels comme Yves Goubatian (Paris-11) ou Françoise Dailland (Paris-Descartes) ont participé au C2i (certificat informatique et internet) afin de développer les compétences documentaires des étudiants à travers les wikis et autres outils du web 2.0, ce qui – paradoxe – a augmenté la fréquentation physique de la bibliothèque et celle de son site web.
Apprendre à apprendre plutôt qu’enseigner, tel est le credo de la bibliothèque de Cassel (Allemagne), présentée par Adeline Rege. Les formations d’usagers se déclinent sur le principe du « curriculum » américain, le bibliothécaire n’étant que le modérateur de séances documentaires, dont l’objectif n’est pas que l’étudiant cherche l’information dont il a besoin de manière professionnelle, mais développe une attitude positive à l’égard de la documentation.
On appréciera la présence d’encadrés explicitant les méthodes pédagogiques sur les questions documentaires à résoudre, qui rendent plus vivants les divers exposés et qui permettent au lecteur d’en appréhender la variété.Favoriser la réussite des étudiants à l’université n’est pas qu’une question de formation méthodologique.
Pour la bibliothèque, il s’agit de conduire une « Politique documentaire » active et notamment, comme l’indique Lucile Pellerin de la Vergne, de conduire une politique d’acquisition cohérente, où « les manuels sont le cœur de la collection », destinée aux étudiants et qui s’appuie sur le plan de développement des collections et une charte documentaire où la réussite des étudiants est un des objectifs écrits de la politique documentaire.
Ce que confirme l’exemple des bibliothèques des universités allemandes (Adeline Rege), à la fois autonomes et placées sous l’autorité du « Land », et qui ont donc développé des coopérations interrégionales ainsi qu’un système de classification par type de bibliothèque – « universelle » (suprarégionale), de premier niveau (la plupart des BU), numérique, virtuelle –, où les accès sont privilégiés aux acquisitions, mais qui tout de même acquièrent en moyenne 32 000 ouvrages par an quand les BU françaises en acquièrent 7 400, en moyenne toujours. Les pratiques de prêt sont aussi fort différentes, puisque les bibliothèques allemandes ne le limitent généralement pas, ou, sinon, permettent d’emprunter cinquante documents à la fois.
Dans la troisième partie, consacrée à la « Vie étudiante », Stephanie Walker présente l’exemple américain de la bibliothèque du Brooklyn College de la CUNY (City University of New York) qui, avec 231 000 étudiants en formation initiale et tout autant en formation continue, place la bibliothèque au cœur des actions d’enseignement. Ce qui se décline en moyens (super équipement en informatique et multimédia), en espaces différenciés dont certains sont ouverts 24 h/24 avec du personnel professionnel jusqu’à 23 heures, et en services adaptés aux usages des jeunes étudiants : MySpace, chat, qui se conjuguent par un travail coopératif avec les services de la scolarité et les associations étudiantes.
Des programmes de lecture communautaire ?
Là encore, nous avons beaucoup à apprendre des universités américaines et de leurs bibliothèques qui favorisent la lecture étudiante par des « Common readings », programme de lecture communautaire qui vise avant tout à favoriser les processus d’échanges et de débats d’idées, de développement de l’argumentation écrite et orale, et permet, in fine, l’intégration des étudiants à l’université (143 nationalités différentes à LaGuardia Community College). Anecdotique ? Pas tant que cela, puisque 130 universités américaines le pratiquent et l’inscrivent dans leur projet d’établissement. Ce qu’il faudrait méditer.
On est très loin de l’exemple français cité par Georges Perrin, où l’emploi étudiant se met en place avec timidité, où le déficit en surface de bibliothèque (la préconisation de 1 m2 par étudiant du rapport Miquel de 1985 n’est toujours pas appliquée), et où les horaires d’ouverture hebdomadaires, 58 heures environ, restent en deçà des 64 heures et demie des bibliothèques européennes.
Saluons l’ouverture apportée par l’université d’Angers (Olivier Tacheau), qui s’inscrit depuis quinze ans dans un véritable programme d’action culturelle en y consacrant des moyens humains (un chargé de mission spécialiste) et financiers : 1 % du budget de la bibliothèque.
Comme le souligne dans sa conclusion Carine El Bekri-Dinoird, « les bibliothèques ont un rôle légitime dans l’aide à la réussite des étudiants malgré les évolutions technologiques et le changement des habitudes de travail ».
En fin d’ouvrage, on appréciera la liste des abréviations, le glossaire et la bibliographie qui accompagnent les différentes contributions de cet excellent ouvrage dont la variété comme la richesse donnent à penser.