La bibliothèque, lieu de formation ?

9es Rencontres Formist

Agnès de Saxcé

De nombreux professionnels ont répondu à l’appel de l’Enssib (École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques) qui organisait les 9es Rencontres Formist le 18 juin dernier sur le thème « La bibliothèque, lieu de formation ? ».

La place de la formation

En introduction, Anne-Marie Bertrand, directrice de l’Enssib, posait la question de la place institutionnelle de la formation dans les bibliothèques à l’heure où la Sous-direction des bibliothèques et de l’information scientifique se transforme en « Mission de l’information scientifique et technique et des réseaux documentaires », dont les contours restent à préciser. Aujourd’hui, la formation franchit une nouvelle étape après avoir traversé plusieurs phases : les années 1980 avec la création des Urfist (unités régionales de formation à l’information scientifique et technique) ; puis la généralisation de la formation des usagers au cours de la décennie suivante ; et la multiplication des acteurs et des outils au début du XXIe siècle. Paradoxalement, et faisant écho au thème du récent congrès de l’Association des bibliothécaires de France « Des bibliothèques à vivre : usages, espaces, architectures », la bibliothèque réaffirme sa légitimité comme « lieu » de formation et de rencontres dans un monde où le virtuel prend le pas sur le matériel.

En retraçant l’histoire de Formist (Formation à l’information scientifique et technique), Élisabeth Noël, responsable du service Diffusion des savoirs à l’Enssib, identifie aussi plusieurs étapes. Créé en 1999, le service s’est adapté aux besoins des usagers et aux évolutions technologiques pour mener à bien sa mission : aider les formateurs en mutualisant les ressources pédagogiques. Formist proposait un dispositif hétérogène évolutif alliant un site, un outil collaboratif en ligne pour le partage des supports de cours, un forum de discussion, une coopération avec les autres acteurs de la formation, des journées d’étude et la publication d’ouvrages de référence. Dix ans plus tard, Formist poursuit ses actions à destination des formateurs à la maîtrise de l’information : les ressources disponibles en ligne sont mieux référencées par les moteurs de recherche ; les partenariats s’élargissent à l’international (participation à la base InfoLit Global gérée par la section Maîtrise de l’information de l’Ifla) ; et le rôle éditorial se renforce.

Les lieux de transmission

Dans sa thèse intitulée « Interaction sociale et expérience d’apprentissage en formation hybride  1 », Nathalie Deschryver, technologue de l’éducation à l’IFeL – Institut de recherche en formation à distance et eLearning – (en Suisse), analyse les perceptions des dispositifs de formation en présentiel et en distanciel. Où apprend-t-on le mieux ? La formation à distance semble nécessiter davantage d’efforts. La maîtrise de l’outil technologique et de la virtualité du lieu par l’apprenant et le formateur est essentielle. Certains apprenants éprouvent un sentiment d’isolement, d’autres s’autorisent une plus grande liberté d’expression considérant l’écran comme une protection. Pour décrypter l’implicite et pallier la dimension affective réduite par ce mode d’apprentissage, il faut « scénariser » la formation et prévoir des temps d’interaction. Dans les deux cas, les objectifs seront définis, les ressources pédagogiques de qualité et les interactions accompagnées d’échanges.

En présentant l’aménagement de deux salles de formation dans l’enceinte de la bibliothèque centrale de l’université Paris-Diderot, installée dans les Grands Moulins parisiens récemment rénovés, Arlette Paillez-Katz (directrice du SCD Paris-7), réaffirme la mission et les compétences pédagogiques de la bibliothèque, qui s’inscrivent par ailleurs dans les statuts et les objectifs contractuels de l’établissement. Les deux salles forment un espace pédagogique cohérent avec la salle de référence mitoyenne où sont rassemblés les outils de recherche bibliographique. Elles accueillent des formations institutionnelles intégrées aux cours, bien suivies par les étudiants, et des formations « à la carte » en accès libre, mais à la fréquentation décevante.

Du lieu vers l’espace

Pierre-Philippe Bugnard  2, historien de l’éducation à l’université de Fribourg, s’interroge sur le rapport entre le lieu et la transmission des savoirs à travers le temps. L’acquisition des connaissances est d’abord orale, faisant de l’apprenant un « écoutant ». Il travaille en groupe, en récitant, en psalmodiant, accompagnant ses litanies de mouvements répétés du corps. Apparaît ensuite le mode image et le lieu devient primordial. Les vitraux des cathédrales gothiques ne sont-ils pas une bible illustrée ? Puis, la galaxie Gutenberg, par le truchement du livre, transforme le lieu d’apprentissage et induit un nouveau rapport à la connaissance. Enfin, l’ordinateur bouleverse l’espace en réduisant la distance entre les documents et le chercheur et en accélérant le temps de transfert des informations.

Pour clore la journée, Graham Bulpitt, directeur des bibliothèques de l’université de Kingston (Grande-Bretagne) a présenté le concept des « learning centers ». Situé au cœur de l’université, le « learning center » est un centre de ressources ouvert 24 h/24, conçu pour mieux répondre aux besoins d’une nouvelle génération d’étudiants jugés plus consommateurs et plus autonomes. L’éventail des services est large : des collections axées sur les ressources électroniques et multimédias, une offre de formation continue en ligne (e-learning), un service d’orientation et de soutien scolaires, des expositions, un café éducatif, une crèche, etc.

Pour garantir la réussite de cette bibliothèque reconfigurée, les personnels ont suivi une formation soutenue afin d’acquérir de nouvelles compétences et faire face au changement de culture. Faut-il repenser l’aménagement de nos bibliothèques de manière à « organiser les espaces des bibliothèques autour des espaces d’apprentissage plutôt qu’autour des collections », comme le suggère G. Bulpitt ?