Intercommunalités : le temps de la culture
Emmanuel Négrier
Philippe Teillet
Julien Préau
ISBN 978-2-9180-2100-1 : 23 €
Cet ouvrage fait suite à quelques autres, dont La lecture publique à l’heure intercommunale, publiée en 2004 sous la direction d’Emmanuel Négrier et d’Alain Faure, ainsi qu’à de nombreuses publications dont certaines ont été pilotées par le Deps, Département études, prospectives et statistiques du ministère de la Culture et de la Communication (en particulier : Intercommunalité culturelle : un état des lieux, 2008).
On sait que, dès l’origine, l’Observatoire des politiques culturelles (OPC) a eu pour mission l’étude et l’évaluation des politiques culturelles publiques ; dans cet esprit, l’ouvrage proposé, bien qu’un peu ancien (septembre 2008), reste à analyser.
L’avantage de ce type de publication est que l’on peut comparer avec ce qui a été écrit quelques années auparavant, évaluer les progrès ou les reflux, tenter de mettre un peu d’ordre dans ce grand micmac ; car micmac il y a : à cet égard, le rappel des lois existantes, des compétences obligatoires ou optionnelles, des données chiffrées quant au nombre de structures intercommunales, qu’elles soient d’agglomération ou de simples communautés de communes, sont de la plus grande utilité pour tout conservateur, élève, en poste, voire en retraite.
Si l’ouvrage traite, au-delà de la seule lecture publique, de la culture, un premier constat s’impose néanmoins : la lecture publique et l’intercommunalité, pour ce qui nous touche et nous émeut au premier chef, c’est tout sauf un orchestre militaire. Chacun y va de sa petite musique ; les uns n’ont transféré que la médiathèque centrale (La Rochelle), d’autres que la compétence, laissant aux communes un certain nombre d’équipements tout en prévoyant un schéma de développement communautaire de la lecture (Strasbourg), d’autres encore imaginent un système mixte qui fait les joies des analystes (Rennes). L’esprit cartésien qui nous habite s’en trouve un peu perturbé, mais cette complexité en forme de patchwork permet de laisser aux élus des marges et des initiatives, dont on peut quand même se demander si elles ne finissent pas par coûter fort cher.
Déboires et novlangue
L’ouvrage traite de Rennes, de Montbéliard, de Plaine commune, entre autres, et revient sur le cas de Clermont-Ferrand, qui fut tellement emblématique que l’auteur l’avait baptisé, pour son article de 2004 (dans La lecture publique à l’heure intercommunale) : « Le discours de la méthode clermontoise ». Il avait alors semblé séduit par la volonté et la méthode qui avaient conduit la communauté d’agglomération à se doter (enfin) d’un réseau de lecture publique, articulé – car c’était le cas –, à partir d’une bibliothèque centrale restant à construire ; dont on sait qu’elle devait être communautaire et universitaire. Las, les déboires sont passés par ici. Une mission d’inspection, dirigée par le doyen de l’Inspection générale des bibliothèques, diligentée pour tenter de dénouer ce qui peut s’apparenter à une crise à la fois de pilotage entre les deux tutelles et de stratégie à plus long terme, n’a pas permis de régler le délitement des relations entre l’État (préfet, Drac et universités), la communauté d’agglomération et le département (dans une moindre mesure). Dès lors, le diagnostic, l’analyse posés par Philippe Teillet perdent de leur pertinence. Ne pas mentionner ces points de divergence, comme l’a si bien montré Anne-Marie Bertrand (« décider, légitimer, construire ») sur un plan général, et la mission d’inspection sur ce cas particulier (ni même la citer) laissent à cet exercice un côté un peu vain, agrémenté de formules qui usent les élus tellement elles ont servi : « Les aléas financiers sont ainsi vus comme étant positifs : ils servent à la pédagogie du projet » ou bien encore : « La culture a été identifiée comme un levier de développement, à travers trois volets : le rayonnement, le lien social, les résidences d’artistes. » Voilà qui ne mange pas de pain. Reste que la structure intercommunale demeure, mais amputée d’une part très importante de son essence même : la construction d’une bibliothèque centrale, tête de réseau.
L’ensemble de cette publication (dont les autres monographies sont en ligne sur le site de l’Observatoire) souffre un peu de cette novlangue, de ce vocabulaire un peu abscons et sans doute convenu : « garder la ligne, renouer le pacte », « second souffle et vieux démons » ou encore, à propos de Rennes : « Le couple global/sectoriel pâtit de l’absence de médiateurs puissants et de médiation convaincante. Dans une telle situation, les médiateurs du référentiel culturel ne peuvent réaliser l’opération de transcodage. » Il manque aussi des estimations financières de ce que tout cela coûte. Et c’est un peu dommage car, répétons-le, dans ce domaine, beaucoup reste, non pas à écrire, mais à analyser.