Encyclopaedia Universalis
Paris, Éd. Encyclopædia Universalis, 2008.
30 vol., 32616 p., 30 cm
ISBN 978-2-8522-9551-3
Prix de souscription : 2 196 € (anciens souscripteurs), 3 660 € (nouveaux souscripteurs),
2 928 € (prix de lancement)
(Britannica-Universalis, 9 rue Antoine Chantin, 75685 Paris Cedex 14, Tél. 00 800 0000 2002, site web : http://www.universalis.fr)
« Les encyclopédies, c’est fini », titre Livres Hebdo dans son numéro 773 du 17 avril 2009. Qui, à première vue, ne souscrirait à ce constat ? En effet, les grandes encyclopédies papier en plusieurs volumes ont presque disparu du marché, le temps est déjà loin où particuliers et bibliothèques avaient le choix (cornélien, souvent) entre plusieurs références concurrentes, Larousse, Universalis, Quillet, sans compter les dictionnaires encyclopédiques comme les grands Robert 1 ou les séries à feuillets mobiles. Et pourtant, ce titre est inexact, il est même, disons-le sans intention de blesser notre éminent confrère, complètement faux, à force de raccourci.
D’une part, l’entreprise encyclopédique, assurément une des plus nobles qui soient, et des plus enthousiasmantes pour un bibliothécaire, est plus vivante que jamais. (Qu’on veuille bien nous pardonner cette banalité, ce repentir nous dispensera d’ailleurs de donner plus de détails pour justifier cette assertion, ils ne feraient qu’aggraver notre cas.) L’entreprise doit bien sûr l’essentiel de cet extraordinaire surcroît de vitalité à la magie d’internet, ce qui n’est pas un mince paradoxe. Les potentialités du réseau mondial, et plus encore, depuis quelques années, les facilités offertes par les outils coopératifs et le web 2.0, ont ainsi généré une nouvelle offre, celle des encyclopédies participatives. Tout le monde sait le succès d’initiatives comme Wikipédia. Et si le marché de l’encyclopédie traditionnelle connaît, en effet, une baisse spectaculaire dans sa version papier, ce marché s’est en partie déporté, précisément, vers l’offre en ligne. Les grands éditeurs spécialisés proposent tous, désormais, des sites donnant accès à l’ensemble de leurs contenus encyclopédiques, avec des modèles économiques variables, du gratuit au payant, et dans toute la gamme des propositions intermédiaires. Aussi n’est-il nullement absurde de prétendre que la satisfaction du besoin de savoir encyclopédique est plus largement et plus aisément satisfaite aujourd’hui qu’hier, et souvent à de meilleures conditions. On pourrait même glisser dans ce paysage idyllique – parlons pour notre chapelle – les bibliothèques numériques en ligne et leurs perspectives quasi illimitées. En revanche, et on se doute bien que c’est ce que voulait dire le titre de Livres Hebdo, le marché des encyclopédies sur papier fond au même rythme que la banquise, et cette fonte-là ne fera sans doute pas remonter le niveau de la mer du savoir. Jusqu’aux dictionnaires en un volume, qui souffrent de cette durable mévente. La perspective prochaine du développement commercial des lecteurs (ou liseuses) électroniques, ne va sans doute rien arranger.
Un pari
Dans ce paysage dévasté, Encyclopædia Universalis n’en lance pas moins sa nouvelle édition papier, après avoir, avec succès, publié une édition spéciale pour les jeunes, Universalis Junior 2. (La Britannica, maison mère de l’éditeur français aujourd’hui, l’avait précédée en 2007, édition mise à jour au début de cette année.) C’est la sixième en quarante ans. La première, en 1968, comptait 20 volumes, la deuxième 23, la cinquième, il y a sept ans, 28. La dame se porte bien, car elle a encore grossi 3 : elle fait maintenant 30 volumes. Faisons brièvement le tour de cette personne majestueuse.
La structure est en grande partie inchangée : 5 volumes de Thésaurus, index alphabétique général incluant les corrélats et renvois divers, ainsi que les notices des sujets « d’ordre mineur », dans lesquels on trouve notamment beaucoup de notices biographiques. 24 volumes de Corpus, soit le cœur de l’encyclopédie elle-même, avec plus de 40 000 articles et dossiers thématiques. Enfin, entièrement conçu pour cette édition, le Forum en un volume, qui fait le point sur l’histoire immédiate, les débats de civilisation et l’état de la planète.
La fraîcheur de cette nouvelle édition se remarque vite : le nombre d’articles partiellement ou entièrement réécrits est manifestement important. Plus frappante encore est l’abondance de nouvelles entrées. Quant à l’iconographie, elle semble elle aussi avoir été revue de fond en comble.
La mise en page et la présentation des articles ont conservé les mêmes qualités qui avaient, sans doute, frappé jadis les premiers souscripteurs, à peine rentrés de manifs : clarté et lisibilité, avec un parti pris de sobriété, voire de réserve graphique, qui constituent la signature de l’Universalis depuis l’origine. On ne peut que savoir gré à l’éditeur d’avoir, contre les vents et marées des modes graphiques, conservé cette image (ce beau Times par exemple, ou ce papier au ton ivoire), quitte à paraître hors du temps, voire démodé. Mais c’est le charme exquis des vieilles dames, non ? et il croît avec leur âge, pur miracle.
Ce qui frappe enfin, et j’en aurai fini avec les compliments, c’est la qualité de restitution des images, tout particulièrement les photographies. C’est sans nul doute la rançon des progrès techniques accumulés ces dernières années autant en photographie qu’en impression et, certes, la remarque pourrait s’appliquer à n’importe quel beau livre, voire à n’importe quelle collection de poche illustrée en couleurs. Mais cette qualité, sur l’ensemble des cahiers hors-texte que nous avons pu voir, n’en reste pas moins frappante.
Je ne ferai pas l’injure aux lecteurs du BBF, dans une recension aussi brève, de leur infliger un avis personnel quant à la qualité des contenus : tous les spécialistes se sont exprimés depuis longtemps sur l’Universalis et, sans vouloir remettre sur le tapis la querelle entre les tenants des encyclopédies savantes traditionnelles, labellisées et garanties, et les militants de l’entreprise du savoir partagé libre, gratuit et auto-validé, je gage que la valeur accordée par les professionnels des bibliothèques à l’Universalis reste très forte. La seule question qui se pose aux bibliothécaires est donc bien celle-ci : faut-il, en 2009, dans une bibliothèque publique, acheter une encyclopédie sur papier ?
Je pourrais répondre, ce serait facile : si les bibliothèques ne le font pas, qui le fera ? (En réalité, les particuliers le font, la preuve, il s’en vend !)
Ou, au contraire : pourquoi cette dépense inutile, quand tout est sur internet, ou quand l’encyclopédie est disponible pour beaucoup moins cher en version électronique sur les postes publics 4 ?
Je pourrais, oui, mais je ne suis pas à votre place. Je me mettrais plus volontiers à celle du lecteur qui veut consulter une encyclopédie. Je choisirais le papier. Internet, merci, je l’ai déjà chez moi.